Roberte JOURDON. 2013
Gabriel Godard a offert, jeudi, à la Ville, l’une de ses toiles peintes en 1998. « Il y a trente ans, j’avais exposé au palais des congrès », se souvient l’artiste-peintre contemporain.
Cet été, Gabriel Godard était à nouveau présent avec ses créations lors de l’exposition L’écume des jours. « Je suis né entouré de grandes toiles et imbibé de la peinture. J’ai commencé par la peinture classique », puis il s’est dirigé vers le figuratif et l’abstrait. « Ma peinture est devenue comme une écriture particulière. D’ailleurs, dans le fond, c’est un alphabet Godard. J’aime les gens généreux, alors cela me fait plaisir d’offrir cette toile sans nom à la ville. »
Gabriel Godard en a profité pour remettre deux exemplaires du livre tout juste sorti qui lui est consacré, une monographie de l’historienne critique d’art Lydia Harambourg. 2019.
« BARBARIE D’HIER ET D’AUJOURD’HUI » : DEVOIR DE MÉMOIRE ET DE SAVOIR
La ville organise une nouvelle action de prévention « Barbarie d’hier, barbarie d’aujourd’hui : le devoir de mémoire, le devoir de savoir... » pour sensibiliser le public et les scolaires aux valeurs citoyennes. Cette opération se traduit notamment par l’exposition « Miroir » de Gabriel Godard à la Chapelle des Ursulines du 8 octobre au 4 décembre 2016.
Chaque jour, près de 5 000 scolaires fréquentent les écoles, collèges et lycées d’Ancenis-Saint-Géréon. Une particularité pour la ville qui poursuit, depuis plusieurs années, son travail de citoyenneté organisé avec les établissements scolaires. « La ville d’Ancenis-Saint-Géréon est précurseur dans son projet visant à prévenir la radicalisation. C’est l’une des seules villes de la région à s’y être engagée, en lien étroit avec les établissements scolaires et les services de la préfecture de Loire-Atlantique. La Préfecture a d’ailleurs intégré la compétence
« prévention de la radicalisation » dans le champ d’action du CLSPD. Des partenariats sont signés avec l’Association des Maires de France pour mettre en œuvre notre nouvelle action de prévention » note Nabil Zeroual, conseiller municipal et représentant de la ville pour porter ce projet.
Le parallèle entre hier et aujourd’hui
Depuis plusieurs mois, la France vit avec la menace terroriste. Soixante-dix ans après la libération de l’Europe, les images semblaient appartenir au passé mais des atrocités sous formes différentes reviennent aujourd’hui. Les mêmes bruits de bottes, les mêmes crimes odieux resurgissent pour rappeler combien l’idéologie peut être parfois meurtrière. Elle n’a alors ni nationalité, ni lois, ni langue, mais frappe toujours avec le même sang-froid les populations innocentes.
Pour contribuer aux devoirs de mémoire et d’information, la mairie propose ainsi une action de sensibilisation aux valeurs citoyennes en direction de la population et des établissements scolaires. Durant l’année scolaire, de nombreux rendez-vous vont être organisés pour promouvoir et partager les acquis républicains de la libération.
La culture : témoin de l’histoire et vecteur de prévention
Le témoignage pictural de Gabriel Godard résonne et renvoie aux conflits d’aujourd’hui. L’exposition « Miroir », ce sont des expressions, des couleurs, des dimensions, une écriture figurative et abstraite en cinq actes sur la barbarie humaine et l’une des pages les plus sombres de notre histoire. L’œuvre majeure de cette exposition est la fresque réalisée sur le massacre d’Oradour-sur-Glane en 1944. Gabriel Godard n’a que onze ans à cette époque et pourtant la dérive barbare des hommes marque sa vie. 2016.
« Oradour reflète tous les conflits du monde »
Gabriel Godard livre un témoignage pictural du massacre d'Oradour-sur- Glane. L'exposition Miroir s'inscrit dans une action de prévention sur la radicalisation de la Ville d'Ancenis.
Entretien
Gabriel Godard, artiste peintre à Vair-sur-Loire, Saint-Herblon. Vous avez peint une oeuvre monumentale, une trilogie figurative et une toile abstraite, sur le massacre d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) du 10 juin 1944. Ce souvenir vous hantait ?
Avec ma peinture, je livre mon témoignage. J'ai vécu la période de la guerre, l'occupation allemande, dans la Sarthe, à Segrie. Quand les troupes américaines sont arrivées en France, des jeunes du village se sont pris pour des résistants et ont mis le feu à un fourgon contenant de la poudre à canon. Le lendemain un Allemand disait « on va brûler le village ». Quelques jours après, l'histoire d'Oradour nous parvenait. J'avais 11 ans à l'époque. L'émotion ne m'a jamais quitté.
L'art vous a servi d'exutoire...
Peindre ses toiles m'a libéré d'une sorte de possession de ces images imaginaires. Je vivais avec des personnages condamnés à mort. Comment peut-on infliger des choses aussi abominables à des humains ? J'avais envie de clamer mon horreur. C'était une nécessité organique et intellectuelle.
Mais il vous a fallu de nombreuses années pour l'écrire sur la toile...
Je peins depuis l'âge de 17 ans. À 29 ans, j'ai senti le besoin de faire une grande toile et immédiatement j'ai peint Oradour. Envoyée à New York, elle a été offerte à la cathédrale Saint- Patrick. Plus tard, j'ai eu envie de parler d'Oradour. Les années ont passé... À 77 ans, je me suis senti mûr. Le grand format s'est imposé, des toiles de 9 m sur plus de 3 m. Il fallait recevoir ça à la figure. J'en ai fait une, puis deux... Finalement quatre. Un triptyque figuratif (Le supplice, L'Épouvante et La Mort) qui devrait être considéré comme une seule toile. Il me fallait des personnages pour exprimer l'écroulement, la douleur. La dernière, abstraite, est la symbolique de l'ensemble. Toutes en rouge, noir et gris. Il ne fallait pas que ça chante comme une musique sympathique.
Une page sombre de l'histoire qui reflète selon vous les conflits d'aujourd'hui...
Oui. Car les horreurs se perpétuent. Depuis, la tuerie n'a pas cessé. Ce qui me surprend c'est que c'est l'espèce humaine qui veut ça. Cela part de quelqu'un qui veut prendre la direction d'un groupe. Il y a toujours un prétexte : l'argent, la religion... Et des gens désoeuvrés qui suivent. Oradour reflète tous les conflits du monde, évoque sa folie.
Une cinquième toile vient parachever votre oeuvre monumentale. Elle semble cette fois empreinte d'espoir. À qui s'adresse ce message ?
À la jeunesse ! Il m'a fallu quatre ans pour écrire le massacre. La cinquième toile, c'est le retour à la vie avec l'eau, le ciel... Tout peut repartir. C'est pour cela que je l'ai appelé La Sève.
Vous avez nommé cette exposition « Miroir », pour quelle raison ?
Je ne savais pas ce qui allait se passer devant la page blanche qu'est la toile vierge. Mais je savais que le résultat serait l'interprétation de mon état d'esprit de l'époque. Cela peut intriguer, heurter celui qui reçoit ce témoignage de l'histoire. Cela lui fait mettre le doigt sur lui-même. La peinture est donc à la fois mon reflet et le sien.
Karine COUGOULAT. 2016.
Gabriel Godard, artiste peintre local, nous livre un témoignage pictural du massacre d'Oradour-sur-Glane avec son exposition "Miroir". 2016.
Des artistes offrent gratuitement des œuvres à la Ville
La Ville enrichit sa collection grâce à la générosité d’artistes qui ont une histoire particulière avec la Commune, dans la lignée historique du Groupe de Saint Jean de Monts.
Tisser des relations avec les artistes fait partie de l’ADN de la Ville. Déjà, entre 1890 et 1930, le désormais fameux groupe de Saint-Jean-de-Monts portait son attention sur notre territoire. Depuis les années 70, la Ville a voulu préserver cette proximité et ce patrimoine par l’achat de nouvelles oeuvres. Ainsi, près de 150 pièces constituent aujourd’hui la collection communale : des photos, des sculptures, des aquarelles et des peintures.
Gabriel Godard et Saint-Jean-de-Monts
Cette tradition se perpétue aujourd’hui avec Gabriel Godard qui définit lui même son art comme de «La peinture abstraite avec une fibre de figuration. Je ne joue pas avec les formes. Elles expriment quelque chose. »
Après la Lorraine, la Tunisie et la Bretagne, Godard arrive en Vendée après la guerre. Profondément marqué par les évènements d’Oradour-sur-Glane : «J’ai ressenti le besoin d’un grand atelier pour exprimer ce que je contenais. La peinture permet d’exprimer ce qu’il y a en nous. Et finalement une seule toile ne fut pas suffisante pour exprimer ce que j’avais ressenti. »
L’histoire avec Saint-Jean-de-Monts commence en 1990 avec une exposition de ses peintures à Odysséa. La ville lui avait alors acheté une toile et l’artiste en avait offert une en retour. « J’avais été invité par la Commune en tant qu’invité d’honneur. C’était généreux de leur part. Cela m’avait touché. »
Puis, au cours de l’exposition L’écume des jours, durant l’été 2019, Gabriel Godard se tenait à côté d'Auguste Lepère, Charles Milcendeau et autres artistes historiques dans un espace réservé.
Lors du décrochage des œuvres, M. Godard a offert une toile afin de remercier la Ville. « J’ai voulu couronner cette exposition avec ce don parce que, selon moi, la démarche de la Ville de constituer une collection artistique est unique dans la région. C’est une démarche intelligente. La commune est très sensible à l’art. Personnellement, lorsque je donne, c’est que je ressens le besoin de le faire. J’ai le besoin de me nourrir d’amitiés. »
Alors que plusieurs de ses œuvres sont acquises par l’État Français pour différents musées, dont le Centre Georges Pompidou ou le Musée d’Art Moderne de Paris, la Commune de Saint-Jean-de-Monts a elle aussi l’honneur d’avoir plusieurs peintures de l’artiste dans sa collection. 2019
Gabriel Godard offre sa Composition
à la ville de Pornic
La toile Composition de Gabriel Godard s'ajoute à la trentaine d'oeuvres offertes par des artistes peintres et/ou sculpteurs à la ville de Pornic. Initiée par Bénédicte Gheerbrandt, passionnée d'art et organisatrice d'expositions hautes gammes durant plusieurs années à la Maison du Chapitre à Sainte-Marie-sur-Mer, la collection de la ville de Pornic s'étoffe donc d'une nouvelle oeuvre qui en sera « la pièce majeure » affirme Bénédicte Gheerbrandt.
Peintre de renommée internationale, Gabriel Godard a vécu dans la cité balnéaire de 1965 à 1978. « On ne peut pas avoir vécu dans un lieu tel que cette jolie ville sans avoir succombé aux charmes de son climat, de sa lumière et de ce dialogue ininterrompu et mystérieux noué entre l'océan et le ciel », confie l'artiste.
Cet autodidacte, né le 28 avril 1933 à Delouze, en Lorraine, commence à peindre en 1950. D'abord figuratif, il ne considère bientôt plus le sujet que comme un prétexte à la composition. Il devient abstrait à partir de 1986. Nombre de ses toiles sont acquises par l'Etat pour le Musée d'art moderne de Paris. Il exécute des cartons pour des tapisseries réalisées à Angers et Aubusson.
Il avait déjà offert une première peinture à la commune de Saint-Herblon, près d'Ancenis, où il vit. « Il me vint à l'esprit d'offrir une toile à chacun des endroits où j'ai eu le plaisir de vivre, ainsi pensais-je évidemment à Pornic, qui, dès lors, devient la deuxième étape de cette remontée dans le temps », exprime le peintre.
Les œuvres de Gabriel Godard, artiste libre, inclassable, « il ne faut pas simplement les regarder, dit Bénédicte Gherbrandt. Il faut les voir ». Pour cela, assis (e) au milieu de la chapelle de l'Hôpital, chacun (e) pourra entrer en communion avec la peinture abstraite et profonde de cet artiste Lorrain durant l'exposition de quelques-unes de ses toiles jusqu'au 17 juin. « Quand je commence à peindre, je ne sais pas ce que je vais peindre, la seule chose que je sais, c'est que j'ai envie de peindre. Comme une sécrétion naturelle, je sens la nécessité de ma peinture, des formes s'imposent, inattendues, je ne fais qu'assister à la naissance d'une chose », dit encore Gabriel Godard.
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