LES THÈMES

Après une période où la réalité n’apparaît plus du tout dans le tableau, ou seulement par de brèves notations qui échappent le plus souvent au regard, Gabriel Godard va retrouver à partir de 1969 l’utilisation de thèmes. Laveuses, repasseuses, commerçantes des marchés, paysannes aux champs effectuant la cueillette des fruits ou le ramassage du bois, femmes de Tunisie, de Provence ou d’Anjou figurent sur la toile dans leur comportement anonyme et humble, sans qu’aucun de leurs traits ne soit évoqué. Dans leur attitude statique, figée, on retrouve un peu de l’immobilité rigide des personnages campagnards que Louis Le Nain peignait trois siècles plus tôt. Au retour d’un voyage au Sénégal en 1976, viennent s’ajouter à ces silhouettes, les hautes statures de femmes africaines. Ce réel toutefois, reste ramené à l’impression colorée qui joue avec de larges surfaces géométriques souvent de tonalité pâle. Le linge mis à sécher dans ses compositions de laveuses, les taches des robes des femmes sur les marchés, les fûts des arbres dans les paysages sont les éléments d’une sorte de trompe-l’œil qui ne laissent du sujet principal et de ses détails qu’une perception fragmentaire.

À ces thèmes qui donnent naissance à des œuvres graves d’une grande beauté auxquelles des rouges vigoureux confèrent parfois chaleur et contraste viennent tantôt s’ajouter des intérieurs d’atelier. Le champ s’élargit avec des fenêtres ouvertes sur un jardin, sur une plage ou sur des agglomérats de rochers. Des paysages marins sont aussi l’occasion de faire jaillir des ciels auxquels la lente inflexion des nuages et la densité des bleus donnent une puissance lyrique. Des panoramas de neige complètent un peu plus tard cet univers raffiné et serein que grâce à la Galerie Vanuxem de Niort, un certain nombre d’amateurs de la région découvriront alors. Connu aux États-Unis, Gabriel Godard n’a pas encore trouvé en effet dans l’Ouest de la France où il a choisi de se fixer, le renom qu’il a acquis à Paris et outre Atlantique.