LE 9ÈME ART
JACQUES FAIZANT 1918 - 2006
Dessinateur satirique français
Alliant causticité du trait et pertinence du mot, ses dessins politiques ont paru dans le Figaro (de 1967 à 2005 [à la « une » jusqu'en 1999]) et dans le Point (à partir de 1973). Parmi quelque 50 000 dessins, les plus célèbres sont ceux de sa Marianne coiffée d'un bonnet phrygien, de ses Vieilles Dames aux maris à barbichette et de son chat philosophe.
Dessinateur de presse à la une du Figaro de 1967 à 1999 (puis dans les pages intérieures, jusqu'en 2005), Jacques Faizant a marqué tout un pan de l'actualité politique française de son trait humoristique.
C'est à Laroquebrou, dans le Cantal, qu'il naît le 30 octobre 1918. Sa famille s'installe ensuite dans les Pyrénées-Atlantiques. Jacques Faizant fréquente un établissement anglais de Biarritz, qu'il quitte en 1929 lorsqu'il devient, après la mort de son père, pupille de la nation. Élève de l'École pratique de commerce et d'industrie hôtelière de la Côte d'Azur à Nice, en 1932, il découvre les palaces qui donneront matière à un roman autobiographique, « Allez vous rhabiller ! » (1953). De retour à Biarritz, en 1938, il apprend à piloter, puis effectue son service militaire dans l'armée de l'air en Corse. Démobilisé en 1941, il rejoint Marseille, où il exploite ses talents de parolier et de chanteur (il est admis à la S.A.C.E.M. en 1943). Tenté alors par le dessin animé, il réalise « Les Aventures de Kapok l'esquimau et de son ours Oscar » (1943), avec l'équipe Arcady.
Dès l'âge de quatorze ans, Faizant a vendu son premier dessin à Benjamin, hebdomadaire pour la jeunesse. Mais c'est dans Dimanche illustré, en 1942, et dans la Revue de l'écran, l'année suivante, qu'il fait ses véritables débuts. À la même période, il réalise des histoires en images pour Le Petit Canard, supplément pour enfants de Bonjour Dimanche. Dans les années 1950, Faizant signe des publicités pour Shell, Badoit, Frigidaire ou Prénatal, et des couvertures de livres pour les éditions Calmann-Lévy ou Pierre Horay. Il publie plusieurs romans, dont « Rue Panse-Bougre » (1957), qui lui vaut le grand prix de l'humour. Paraissent également « Ni d'Ève ni d'Adam » (1954), « Au lapin d'Austerlitz » (1962), « Albina et la bicyclette » (1968), « Oublie-moi Mandoline » (1973), « Albina roule en tête » (1977), parmi d'autres ouvrages dont des pièces de théâtre, au cours des années 1980. Grand amateur de cyclotourisme, Faizant donne des dessins des premiers Tours de France après guerre, puis des chroniques quotidiennes pour Paris-Presse.
Depuis son entrée en scène dans Carrefour, le 17 août 1945, le dessinateur collabore à plus de cent journaux, dont Noir et Blanc (1945-1961), Bonjour Dimanche (1946-1949) et La Presse (1946-1957), France Dimanche (1948-1976) et La Vie catholique illustrée (1948-1986), Paris-Presse (1952-1967), puis Jours de France (1958-1990). Il crée un univers primesautier, peuplé de marins en goguette et de vagabonds philosophes confrontés à des gendarmes désarmants, dans La Presse dès novembre 1947, puis à Noir et Blanc en 1948, et à France Dimanche en 1950. Ses histoires en quelques images imposent le jeune couple « Adam et Ève (et Caïn) », imaginé en 1948 pour France Dimanche, dont les aventures dureront quatorze ans. Et en 1956 apparaissent les inoubliables vieilles dames, perchées sur des jambes filiformes, pour Paris-Presse, puis Paris-Match.
La silhouette et la personnalité du général de Gaulle jouent ensuite un rôle déterminant, comme en témoigne le dessin paru le 1er septembre 1960 dans Paris-Presse, qui demeurera célèbre. S'adressant à une Marianne en bonnet phrygien, porteuse des médiocres résultats des athlètes français aux jeux Olympiques de Rome, le général, en survêtement, vitupère : « Dans ce pays, si je ne fais pas tout moi-même !... » À la mort de de Gaulle, le 10 novembre 1970, Faizant dessine une petite Marianne pleurant appuyée sur le tronc d'un chêne abattu – image qui restera pour son émotion contenue.
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Jacques Faizant, né le 30 octobre 1918 à Laroquebrou et décédé le 14 janvier 2006 à Suresnes est un dessinateur de presse français, célèbre éditorialiste du Figaro, collaborateur de divers supports de presse tels que Carrefour, La Vie catholique, Bonjour dimanche, La Voix du Nord, Le Dauphiné libéré, Les Dernières Nouvelles d'Alsace, Jours de France, Paris Match, Le Point... Son fils Michel est dessinateur de presse sous le pseudonyme de Chimulus.
Il effectue sa scolarité à Biarritz avant d'intégrer l'école hôtelière de Nice. Il travaille six ans dans l'hôtellerie avant de se lancer dans le dessin animé et le dessin d'humour. Il publie son premier dessin en 1942 dans le journal Dimanche illustré mais sa carrière ne démarre vraiment qu'à la Libération. En 1956, Marcel Dassault lui commande quelques dessins au lavis pour l'hebdomadaire Jours de France. À partir du 1er septembre 1960, il devient dessinateur politique dans Le Figaro dont son trait ne tarde pas à devenir un des emblèmes. Quarante ans plus tard (29 novembre 1999), il est relégué aux pages intérieures du journal, puis est définitivement écarté du quotidien le 3 octobre 2005 à l'occasion d'un changement de formule et format. « [Il] avait du mal à dessiner parce qu'il était fatigué et malade […] C'est à ce moment qu'on a décidé d'un commun accord de mettre un terme à sa collaboration, ce qui pour nous était une perte immense » (Yves Thréard, directeur adjoint de la rédaction, cité par le Nouvel Observateur en ligne).
Le Figaro lui a rendu hommage du 19 au 30 décembre 2005 en publiant chaque jour un de ses dessins emblématiques, et le 31 décembre, dix-sept dessinateurs issus de tous les horizons de la presse française lui avaient rendu hommage, toujours dans le Figaro. Dans son édition du 14 décembre 2005, l'hebdomadaire Charlie Hebdo consacre deux pages à Jacques Faizant, des hommages, nettement plus grinçants, lui sont rendus par Luz, Tignous, Sattouf, etc., sous le titre : « Jacques Faizant prend sa retraite, les dessinateurs de Charlie postulent au Figaro ». En 1988, Jacques Faizant et Georges Wolinski avaient publié un album de dessins commun : Tous présidents !.
Il est décédé au matin du samedi 14 janvier 2006, à l'hôpital Foch de Suresnes. Sa tombe se trouve au cimetière ancien de Rueil-Malmaison. Babelio.
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Jacques Faizant, dessinateur de presse
Il est mort à l'hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-Seine). Il était âgé de 87 ans. Journaliste au "Figaro", il fut l'un des dessinateurs de presse les plus connus de la Ve République.
Né le 30 octobre 1918 à Laroquebrou (Cantal), Jacques Faizant n'avait a priori pas de disposition pour le dessin, encore moins pour le dessin politique : il rêvait d'être comédien ou chanteur, a-t-il souvent confié. Durant son enfance au Pays basque dans une famille modeste — son père est menuisier-ébéniste —, il crayonnait "comme tous les enfants".
Le jeune Jacques Faizant publie toutefois son premier dessin en 1932, à l'occasion d'un concours ouvert aux moins de 15 ans par le journal Benjamin, alors dirigé par Jean Nohain. "Je me suis décarcassé et j'aimais principalement le dessin humoristique. J'ai peu à peu trouvé mon style. C'est une gymnastique qui se travaille", précisera ensuite celui qui deviendra l'un des dessinateurs de presse les plus connus de la Ve République.
Après des études en école hôtelière, à Nice, et après avoir tâté de divers emplois — réceptionniste dans des hôtels de Biarritz et Barcelone, gérant d'un dépôt de légumes —, Jacques Faizant, qui traverse les débuts de la seconde guerre mondiale en Gironde et en Corse (il caricature ses camarades de régiment et leur vend parfois ses dessins), doit à nouveau à Jean Nohain de publier sa première planche de dessins, les aventures d'un certain Colonel Broum dans son magazine Bonjour Dimanche.
"DE GAULLE M'INSPIRE..."
Le jeune Auvergnat "monte" ensuite à Paris et place ses dessins d'humour, en 1945, à Carrefour, à La Vie catholique illustrée, puis à France Dimanche où il publie sa première série humoristique, « Adam, Eve et Caïn ».
Elle le fait vite connaître, mais il considère bientôt comme un pensum l'obligation de dessiner les tribulations de ce trio. Il fait de la radio, écrit pour le théâtre. C'est alors qu'entre en scène l'industriel Marcel Dassault — père de Serge Dassault, actuel propriétaire du Figaro. Il lui propose, en 1956, de signer une double page dans son "hebdomadaire des jours heureux", Jours de France. Jacques Faizant y crée divers personnages (Les Marins, Les Chats, Les Vagabonds) avant d'imaginer « Les Vieilles Dames » pour un autre hebdomadaire qui sollicite sa collaboration, Paris Match. Tous ces personnages seront les protagonistes de ses dessins politiques du Figaro, quelques années plus tard.
Entre-temps, le général de Gaulle revient au pouvoir. Jacques Faizant, qui multiplie les dessins de presse (pour Marie-Claire, pour Candide), est un dessinateur reconnu : il a reçu le Grand Prix de l'humour en 1958, des expositions lui sont consacrées. Il ne cache ni ses convictions politiques de droite ni son admiration pour l'homme du 18-Juin. "Tout le monde sait que je suis de droite, en tout cas que je ne suis pas de gauche. C'est comme ça !", aime-t-il lancer. "De Gaulle m'inspire...", se plaît-il à dire également.
C'est le futur premier président de la Ve République qui fera entrer Jacques Faizant sur la scène du dessin de presse politique. Jacques Faizant s'amuse à le dessiner, après les Jeux olympiques de l'été 1960, catastrophiques pour la France, et soumet son œuvre à Pierre Charpy, rédacteur en chef de Paris-Presse et gaulliste. Ce dernier s'enthousiasme et le convainc de travailler pour lui. Le dessinateur politique Jacques Faizant est né. Pourtant, celui qui revendiquera toujours le statut de "journaliste plutôt qu'artiste" travaille déjà pour Le Figaro. L'un des journalistes du quotidien, avec qui il fait du vélo — c'est un amoureux de la "petite reine" et aussi un fervent de judo — l'y a fait entrer à l'automne 1959, mais pour y croquer des dessins des "grands" de ce monde, en pages intérieures.
La consécration du dessinateur politique vient en 1967, quand Jacques Faizant succède à la "une" du Figaro à Sennep, parti à la retraite. Il "colle" parfaitement à l'idéologie du Figaro, anticommuniste, hostile à la gauche et rétif aux syndicats, comme lui.
Son premier dessin à la "une" est publié le1er septembre 1967 ; il met en scène, outre le Général, Valéry Giscard d'Estaing, Georges Pompidou et Michel Debré, son cochon-tirelire sous le bras. Alternant avec ses Vieilles Dames et leur mari à barbichette très IIIe République, sa Marianne éternellement coiffée d'un bonnet phrygien, son chat philosophe, ses marins et ses vagabonds, le personnel politique de la Ve République va défiler à la "une" du Figaro, croquée par le trait elliptique de Jacques Faizant.
S'il ne ménage pas la gauche, il est aussi capable d'impertinence avec la droite. Georges Pompidou lui reprochera "de le dessiner toujours petit et gros", François Mitterrand regrettera "qu'il ne soit pas de gauche" et se plaindra emphatiquement "de chacun de ses traits qui s'enfoncent dans sa chair", tandis que le général de Gaulle l'admonestera d'un ambigu : "Vous ne m'avez pas manqué !".
Jusqu'en 1999, année où un changement de maquette le reléguera progressivement dans les pages intérieures, Jacques Faizant livrera ses dessins de "une", chaque jour aux alentours de 18 heures. Le chauffeur de Robert Hersant, quand celui-ci était propriétaire du quotidien, venait chercher le dessin du jour à l'atelier de Rueil-Malmaison où le journaliste dessinateur travaillait, entouré de ses quelque 200 pipes, de dizaines de crayons et de papiers, radio et télévision perpétuellement allumées.
Plus tard, il passera au fax, qu'il fera fonctionner jusqu'à ce que l'encre fasse défaut et oblige à noircir les dessins envoyés... Car, en plus du Figaro, il dessine depuis 1973 pour Le Point, peaufine ses albums de dessins publiés au rythme d'un par an depuis 1967, écrit une dizaine de romans et des autobiographies (Allez vous rhabiller, L'Humour au quotidien) et met au point des expositions de ses œuvres.
PLUS DE 50 000 DESSINS
La nouvelle formule du Figaro, lancée début octobre 2005, avait évincé Jacques Faizant et précédé de quelques semaines son départ à la retraite, alors qu'il était déjà affecté par la maladie. Il laisse plus de 50 000 dessins, dont la majorité ont été réalisés pour Le Figaro et dont certains sont déjà entrés dans la légende du dessin de presse (la mort du général de Gaulle, symbolisée par une Marianne pleurant un chêne abattu, par exemple). Des croquis qui racontent une France d'antan, celle des vieux messieurs en cravate et des vieilles dames à talons aiguilles, du Schmilblick de Guy Lux et de Brigitte Bardot, de l'Union de la gauche et du Concorde.
Le président de la République, Jacques Chirac, a salué la mémoire « d’un ami cher, observateur éclairé de la vie politique nous la Ve République qui incarnait le meilleur de l’esprit français fait d’élégance, de gentillesse, de pertinence et d’intelligence ». Le ministre de la culture et de la communication, Renaud Donnedieu de Vabres, a rendu hommage à « un témoin critique et doucement ironique des travers de notre vie sociale, souvent mordant, jamais méchant ». Quant à Georges Wolinski, président du 33e Festival de la BD d’Angoulême, a salué en Jacques Faizant ‘un brave homme qui a marqué l’époque et fairt quelques dessins inoubliables ». Yves-Marie Labé.
VOUTCH
1958, Paris
Voutch passe son enfance et son adolescence dans les Vosges. C'est durant cette période qu'il découvrira dans la bibliothèque de ses parents « Les Chefs-D'œuvre Du Sourire » (Anthologie Planète). Son premier contact avec le dessin d'humour se fait au travers de Chas Adams, Peter Arno, Chaval, Chon Day, Folon, André François, Gourmelin, ... Après son baccalauréat, il s'inscrit au concours des Beaux-Arts de Metz, se trompe d'une semaine dans les dates, et ne le passe donc jamais. À la suite d'un malentendu, il devient créatif dans une agence de publicité, où il restera quinze ans, et, en 1989, vice-champion d'Europe de boomerang.
Il se lance dans le dessin humoristique en 1995 et publie rapidement ses premiers dessins dans Lui, Télérama, Lire, Le Point, Playboy, Psychologies Magazine et Madame Figaro.
En 1997, il publie son premier recueil de dessins d'humour « Tout s'arrange, même mal », très vite épuisé, et un album pour enfants « Le roi de la grande savane » (Prix Chrétien de Troyes 1997).
Il a publié près d'une dizaine d'albums au cherche midi éditeur. Lisez.
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Au cours de son enfance et pendant toute son adolescence, Voutch vit littéralement dans la bibliothèque parentale. Il y découvre des grands noms du dessin comme Peter Arno, Sempé, Wolinski et bien d'autres encore. Après son bac, il veut s'inscrire à l’Ecole des beaux-arts de Metz mais laisse passer la date du concours d'entrée. Pourtant, grâce à un malentendu, il parvient à obtenir un poste de créateur artistique dans une agence de pub. Il y restera 15 ans. En 1995, Voutch se lance dans le monde du dessin humoristique. Son talent est aussitôt reconnu : il dessine dans Lui, Télérama, Lire, Le Point, Psychologie, et jettera même son dévolu du côté de Playboy. La plupart du temps, Voutch aime mettre en scène des médecins, souvent cyniques, des couples perdus dans leur vie commune et des petits vieux pas forcément attachants. Le dessinateur leur fait affronter un monde qui les dépasse, voire qui les rend fous, pris dans les évolutions galopantes de la technologie, de la génétique et des médias. En 1996, il publie son premier recueil de dessins 'Tout s'arrange, même mal' ainsi qu'un livre pour enfant, 'Le Roi de la grande savane'. Deux ans plus tard, il récidive avec 'Le Grand Tourbillon de la vie' puis en 1999, avec 'Le Pire n'est même pas certain'. A partir de 2000, les publications s’enchaîneront au rythme régulier d’un album tous les deux ans, émaillées par des sorties, plus rares et moins connues, d’albums pour enfants. En 2006, les éditions du Cherche-Midi publient un nouveau recueil ‘Le Futur ne recule jamais’, immédiatement encensé par la critique. Voutch, comme Sempé, Kiraz ou Wolinski, est désormais un auteur incontournable dans le monde du dessin humoristique. Figaroscope.
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Ses débuts : « La bonne idée a été de réunir mes premiers dessins dans un livre pour m’en servir de dossier », explique-t-il. « Tout s’arrange, même mal », un petit livre de 48 pages, tiré à 1000 exemplaires, s’avéra très efficace pour convaincre les rédactions et les éditeurs. « En fait, le livre reste une forme un peu magique : quand on fait un livre, on obtient tout de suite un statut d’auteur. Quand on est débutant, ça aide. »
L’expérience fut pourtant financièrement désastreuse. « C’était presque n’importe quoi », plaisante- t-il, mais à peine. « Chaque vente me réjouissait, mais en même temps, me faisait perdre pas mal d’argent. » L’ouvrage a pourtant été réédité et a fini par se vendre à quelques milliers d’exemplaires, ce qui lui a permis de devenir économiquement rentable.
À regarder des dessins de Voutch, les amateurs savent que Sempé n’est pas bien loin. « C’est vrai, il m’a pas mal influencé. En découvrant son travail, assez jeune, j’ai eu un choc. Il m’a démontré qu’il était possible de parler de la société, en sortant des thèmes rebattus de l’Almanach Vermot : les blagues sur les belles-mères, les maris machos, les amants cachés dans l’armoire ou les îles désertes... »
La lumière est venue, pour lui comme pour moi, des dessinateurs du New Yorker — un célèbre hebdomadaire américain. « Ils avaient fait du dessin d’humour un miroir de la société, très drôle et très pertinent. Sempé s’en est nourri, et moi après lui : en fait, nous sommes allés boire à la même source. »
Chez Voutch, le décor compte beaucoup : « En fait, j’ai compris grâce à Sempé que le décor pouvait en dire long sur les personnages. Finalement, il y a deux façons de raconter un décor : soit on se contente de l’évoquer, soit on le raconte complètement. Le bureau du Président de la République ? Trois dorures vaguement esquissées, et hop, on y est déjà ! Le dessiner complètement, c’est beaucoup plus de boulot ! Mais c’est aussi plus de satisfaction, quand c’est terminé. Ça existe plus fortement. C’est plus tangible. Et ça donne surtout plus de poids à ce qu’on veut dire. Finalement, même si ça a été laborieux, ça vaut le coup », sourit-il.
Après vingt-cinq années de carrière, l’auteur regrette que le dessin d’humour soit toujours aussi marginal dans les médias. « En 97, il y en avait peu dans les magazines. Et aujourd’hui, encore moins. L’envie de publier des trucs drôles est toujours là, je pense. Mais l’humour, c’est assez casse-gueule et ne pas publier de dessins d’humour apparaît pour beaucoup comme la solution la moins risquée... Le truc paradoxal, dans tout ça, c’est que l’appétit des lecteurs, lui, n’a pas diminué. Je le vois bien sur les réseaux sociaux, quand je partage un dessin. Je suis souvent surpris de l’ampleur des réactions, parfois très enthousiastes. »
Mais si le dessin d’humour en séduit certains, il ne plaira jamais à tout le monde. « Un dessin d’humour, c’est un rébus, entre le texte et le visuel, que certains refusent par peur de ne pas être capables de le déchiffrer, de le comprendre. C’est une gymnastique de l’esprit, presque un défi lancé aux lecteurs. Certaines personnes ne voient pas du tout l’intérêt de rentrer dans ce petit jeu et préfèrent s’abstenir. »
La liberté d’expression. « Deux affaires récentes m’ont inquiété : la démission de Xavier Gorce, après la publication de son dessin sur le thème de l’inceste. Le débat a immédiatement dévié sur le droit à dessiner sur ce sujet. »
L’autre, c’est la couverture de Siné Mensuel, avec un Macron au nez crochu réalisé par Jean Solé, et taxé d’antisémitisme, par un BHL très en verve. « Donc, on peut encore faire des caricatures (Monsieur le Comte est trop bon !), mais à condition qu’il n’y ait pas de nez crochus. Bon, très bien, mais alors que va faire le dessinateur quand la personne à représenter aura le nez un peu crochu ou vaguement crochu ? Il va dessiner un nez plat ? Droit ? Retroussé ? En patate ? Au mépris de toute ressemblance ? Voilà où nous mène ce concert de protestations. Les censeurs de tous poils avancent leurs pions, au mépris de la liberté d’expression. Il est clair que les lobbys communautaires ou religieux sont en train de prendre les commandes », s’inquiète le dessinateur.
« Une société de puritains hypocrites, à l’américaine : si c’est cela qu’ils veulent, ces communautaristes, les humoristes vont devoir naviguer à vue entre les tabous et les interdits et je leur souhaite bien du plaisir ! Bye bye, Desproges, bye bye, Coluche, bye bye, Reiser ! Place à l’humour réglementé ! »
En se plongeant dans le monde des Fables, au moins le risque de provocation s’amenuise. Fan de La Fontaine depuis ses années scolaires, le dessinateur n’imaginait pas pour autant s’en faire l’illustrateur. « Je n’aurais jamais osé me lancer dans ce boulot — totalement nouveau pour moi —, sans une proposition extérieure, émanant directement, en l’occurrence, de l’Éducation nationale. » Un coup de fil, une demande claire — illustrer les fables — et Voutch se retient in extremis de décliner poliment : « En y réfléchissant, c’était vraiment inrefusable. Pas d’autres choix que celui d’accepter le défi. »
En avant, donc, pour la relecture des 240 fables, toutes feuilletées, pour n’en retenir qu’une trentaine. « Je devais sélectionner des fables courtes pour une question de mise en page et j’ai choisi aussi les morales qui me plaisaient le plus. »
« Le gros piège, je l’ai vu tout de suite, c’était de vouloir ajouter de l’humour à l’humour » L’humoriste s’efface alors devant le fabuliste, pour l’accompagner et se mettre au service de ses textes. « Mon objectif était de rendre les fables séduisantes par l’image pour que les enfants aient envie de les lire. Ça m’a beaucoup motivé : C’est même plus qu’une postérité littéraire : les morales de La Fontaine font partie de la langue française actuelle, tout simplement », reconnaît-il. Nicolas Gary.
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Installé à Clisson, le dessinateur Voutch croque les « joies » du monde moderne et son absurdité
« Une seconde, Richard ! » Au rayon boucherie d’un supermarché, une femme derrière son caddie interrompt son compagnon qui vient de saisir une barquette.
« Avons-nous suffisamment mesuré toutes les implications personnelles, familiales, économiques, géopolitiques et environnementales, sous-jacentes à court, moyen et long terme à l’achat de ces 18 merguez en promo ? »
Voutch ne s’embarrasse pas d’autant d’« implications » en nous emmenant, avec ses « petits coups de canif sans importance » comme il le disait dans une interview passée, dans de telles scènes imaginaires et loufoques.
Ce qui compte pour un dessinateur de son registre, c’est évidemment de « faire rigoler. Y a pas à tortiller du cul, c’est le premier truc qu’on demande. Un dessin d’humour très intelligent qui ne fait pas rire, c’est raté. »
D’intelligence, ses dessins n’en manquent sûrement pas. Dans son dernier ouvrage « Les joies du monde moderne », où l’on retrouve nos amateurs de merguez, il s’amuse notamment avec les nouveaux codes d’une société bouleversée par les nouvelles technologies.
Un monde « de plus en plus absurde » et bourré de « nouvelles contradictions » qu’il caricature sans détour depuis des années, explorant aussi les champs de la vie amoureuse ou du travail.
Ce nouvel ouvrage n’en est pas tout à fait un. Il s’agit plutôt d’une compilation thématique de dessins passés — un ouvrage du même nom est sorti en 2011 — sur lesquels il a retravaillé.
Certains datent d’il y a plus de dix ans, mais restent actuels. Ou virent même parfois à l’anticipation, à l’instar de cette scène près d’un point d’eau où une dame, son chien en laisse, réprimande un homme de son âge, la pipe au bec : « C’est un lac non fumeur ! » Ce dessin a 15 ans. Décalé à l’époque, il ne l’est plus vraiment, car certaines municipalités ont, depuis, pris des mesures en ce sens dans les espaces verts.
Voilà ce qui le différencie du dessinateur de presse, dont le travail, collé à l’actualité chaude, « va vieillir dans les 12 heures qui suivent ». Voutch pense depuis ses débuts à cette distinction sur le rapport au temps.Ce n’est pas du tout le même métier. C’est pour ça que j’ai préféré le dessin d’humour.
Il considère que ce genre « n’est pas provocateur. C’est une façon de prendre les gens intelligemment, pas dans l’agressivité, mais plutôt dans la séduction, le raisonnement. On fait passer le message sans avoir l’air d’y toucher. Le dessin d’humour a une profondeur. »
Plus jeune, Olivier Vouktchevitch, de son vrai nom, abonné au célèbre magazine du New Yorker, a grandi au contact des coups de crayon de géants américains du domaine, comme Charles Addams. Mais il lui a fallu attendre quelques années avant de s’adonner à sa passion d’enfance. Notre homme s’est d’abord « égaré » dans le monde de la publicité pendant plus de quinze ans.
Directeur artistique, il est lassé du métier et finit, à l’âge de 37 ans, par être viré, ou « libéré », de sa boîte avant de se tourner vers le dessin d’humour en 1995.
Ses inspirations l’amènent à collaborer avec de nombreux magazines du pays : Lui, Télérama, Lire, Le Point, Playboy, Psychologies et Madame Figaro. Il s’installe ainsi durablement sur la scène française du dessin.
Ses originaux à la gouache, sur lesquels il garde les droits pour les reproduire ? Ils se vendent à plusieurs milliers d’euros. Il y a quelques années, il a quitté Paris pour rejoindre Clisson (en Loire-Atlantique), incognito. Voutch pense que « les gens se foutent » de voir son visage sur une photo, il préfère que ses dessins parlent à sa place.
Après 25 ans de carrière, le sexagénaire travaille sur d’autres projets sur lesquels il préfère ne pas s’étendre. « Je n’ai pas d’angoisse par rapport à la retraite, je sais que ça continuera. » Peu importe ce que cela « implique ». Rédaction Clisson.
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Il y a trente ans, le dessinateur Voutch décidait de quitter le monde de la publicité pour se consacrer à la noble tâche de faire marrer ses contemporains. Depuis, ses silhouettes longilignes, cadres supérieurs dépressifs et grandes bourgeoises pincées, nous renvoient le reflet ravageur et hilarant de nos absurdités contemporaines. Cette réédition améliorée d'un album déjà paru en 2012 est consacrée à l'un de ses sujets de prédilection : le couple, ou plus précisément le vieux couple, ses manies grotesques, ses agacements réciproques, sa folie intrinsèque et, tout de même, aussi, son possible amour au long cours. Vous êtes en « vieux couple » ? Jetez-vous sur cette merveille ! Car, que vous soyez du genre – insupportable – à vous roucouler du « mon cœur » en public ou que vous ayez pris l'option « zéro contact tactile » depuis 1982, les couples aberrants de Voutch vont, on vous le garantit, évoquer quelque chose de votre histoire commune et vous faire hurler de rire. « Marcel, si tu m'aimes encore... », dit ainsi cette petite dame aux cheveux blanchis à son mari plongé dans la lecture de son journal, « remue le gros orteil » ! Violaine de Montclos
« Ouragan sur le couple », de Voutch (Le Cherche Midi, 72 p., 22,80 €).
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Dans les bulles de Voutch, le pire fait rire
Le dessinateur Voutch, installé à Clisson (Loire-Atlantique), jongle avec humour sur les travers de notre société. S’y ajoute une pinte de cynisme dans un album délicieusement délirant où il affirme que « le pire n’est même pas certain ».
Olivier Vouktchevitch ne rit pas beaucoup au cours de ses interviews. Aussi discret à la ville que ses dessins sont savoureusement drôles. Sous la main de l’auteur, qui n’appartient pas à l’espèce des extravertis, naissent à la gouache de curieux personnages, épais comme des sandwiches SNCF. Et des longs nez. Nous ! Bienvenu dans cet univers de 64 pages où l’on croise un toubib cynique, un patient cinglé, un patron en hypoaffectivité ou une épouse revêche. Et l’on se demande impatiemment ce que Voutch va encore nous inventer à la prochaine page.
Tout juste sorti des presses, ce dernier album de Voutch, installé à Clisson (Loire-Atlantique) n’est pourtant pas une nouveauté : c’est une reprise de dessins d’humour publiés en 1999. « À l’époque, je travaillais beaucoup pour la presse, et par nécessité, je travaillais vite. Mes dessins étaient maladroits. [...] L’important était de livrer à l’heure, écrit-il en préface. J’ai eu envie de rénover cet album d’en redessiner chaque image avec mes moyens d’aujourd’hui. » Chemin faisant, « j’ai supprimé quelques dessins qui avaient mal supporté toutes ces années et les ai remplacés par d’autres tirés de mes archives, datant à peu près de la même époque. » L’album né aux portes du second millénaire n’a pas pris une ride. Est-ce à dire que les travers de la société eux non plus n’ont pas changé ?
Rentrer dans les bulles de Voutch, ça chatouille très vite de l’intérieur. « Ça fait du bien », lui a confié un fan, comme si le Dr Voutch arrivait à point nommé pour tirer le suc humoristique de nos vies pas toujours rigolotes. Surtout pas du comique troupier, mais de bonnes vraies bouffées de rire profond. Pas la belle-mère dans le placard ou la pantalonnade graveleuse. Pas l’artillerie lourde ou le gros rouge qui tache. Mais plutôt la distillerie qui délivre, au goutte-à-goutte, du bonheur coloré, simple et presque cruel. Ce nouvel album de Voutch, « Le pire n’est même pas certain », c’est comme si l’on titillait un truc pas avouable qui sommeille en nous. Voutch nous y a croqués sans circonstance atténuante.
« J’avais fait de la pub pendant plus de quinze ans. Directeur artistique, j’en avais marre. À 37 ans, j’ai été viré (« libéré »), pas très à l’aise avec le marketing, raconte Voutch. J’adorais les dessins d’humour, je me suis dit : pourquoi ne pas faire ce que j’aime ? »
Laborieux, méticuleux, Voutch a d’abord ramé pour trouver son style. Très vite, un ami lui a conseillé la couleur. Voutch a choisi de travailler la gouache, avec de petits pinceaux qui lui ont imposé ces profils filiformes, aux couleurs influencées par les Parisiennes de Kiraz dans Jour de France (trimestriel).
Son humour, lui, a poussé dans le terreau de Sempé et Plantu. Lorsqu’il a débarqué avec son carton à dessin chez Madame Figaro et au Point, ça a plu très vite. « Il y avait très peu de dessins d’humour dans la presse magazine. » Télérama, Psychologies magazines, Lui, Play-Boy. « Des fois, c’était pour illustrer des thèmes de société où il n’y avait pas de photo, comme “l’effet placebo”. »
Sociologue de nos lubies et fantasmes, Voutch excelle dans l’humour décalé, comme avec ce charcutier cinéphile croqué page 57, qui explique benoîtement à sa vendeuse : « Vous savez, ma petite Florence, dans la charcuterie, c’est exactement comme dans le cinéma : ça couche énormément. » Entre vitriol, et tendresse, c’est tout Voutch ça ! Éric DEGRANDMAISON
Le pire n’est même pas certain, 64 pages, Le Cherche Midi, 23 €.
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Né le 12 février 1958 à Courbevoie, Voutch, de son vrai nom Olivier Vouktchevitch, passe son enfance dans l'Est de la France jusqu'à sa majorité. En 1976, le baccalauréat en poche, il quiIe ses hauteurs natales pour la capitale. Il s'inscrit au concours des Beaux-Arts de Metz, mais se trompe d'une semaine dans les dates d'examen... La même année, il manque le concours des Art Décoratifs de Paris, pour avoir prêté son réveil à un voisin la veille. Son père l'inscrit alors dans une école de dessin publicitaire, nommée "l'Initiative"dans le 19ème à Paris. Il y a apprend le métier de maquettiste publicitaire. Il commence dans un petit studio de publicité et se retrouve très vite directeur artistique dans une grande agence de publicité.
Après de nombreuses années dans des agences de publicité, il se fait licencié. Il décide donc de commercialiser des boomerangs en plastique moulé, sans grand succès...
Il se lance dans le dessin humoristique en 1995, alors même que ses amis lui disent qu'il n'a aucune chance, et publie ses premiers dessins dans les magazines Lui, Télérama, Lire, Le Point, Playboy, Psychologies et Madame Figaro. En 1997, il publie son premier recueil de dessins d'humour « Tout s'arrange, même mal », et un album pour enfants « Le roi de la grande savane » (pour lequel il reçoit le Prix Chrétien de Troyes).
Dans un style très proche de celui de de Sempé, Voutch commence ses dessins par l'idée et trouve ensuite l'illustration à la gouache. On reconnaît sa pâte à travers ses personnages au nez épais et au corps en longueur, situés dans de grands décors dont ils ne sont pas nécessairement l'élément central. Il en découle une impression de vacuité et même d'écrasement qui n'est pas s'en faire écho aux sentiments de solitude ou de petitesse éprouvés par les personnages...
Je suis pas du tout intéressé par le stylisme. J'ai compris, mais surtout en regardant les dessins de Sempé, qu'on pouvait raconter un personnage par le décor beaucoup plus facilement que par son style et ses vêtements.
Voutch adore travailler les couleurs. Il les considèrent comme fonctionnelles :
La couleur, elle induit quelque chose. Elle parle. (...) Je cherche toujours une couleur qui raconte un peu déjà ce que je vais dire. La couleur fait gagner du temps car elle permet de comprendre où l'on est.
En 2019, Voutch a participé à l’opération “Un livre pour les vacances” organisé pour la troisième année consécutive par le gouvernement. Les écoliers de CM2 ont reçu un recueil des Fables de La Fontaine afin de les accompagner durant leurs vacances d’été. C’est le dessinateur Voutch qui a illustré vingt-six fables du livre.
« De surprise en surprise » est son 9ème album de dessins d’humour publié au Cherche Midi éditeur. Voutch y épingle avec humour tous les tics et les tocs de notre époque. C. Vanhoenacker et J. Arnaud
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Rencontre avec le dessinateur Voutch
Connaissez-vous Voutch ? Ce dessinateur d’humour me fait mourir de rire ; Il dessine dans de nombreux magazines français comme Psychologies Magazine. Il a accepté de me parler de son métier, de comment il crée ses dessins d'humour. Voici l'interview :
Qu’est-ce qui vous fait le plus rire dans la vie ?
Voutch : Ce sont les idiots ! Ceux qui génèrent les situations absurdes. J’aime l’absurde ; le seul qui a vraiment réussi à faire aimer l’absurde aux français, c’est Raymond Devos. Il arrivait à entraîner les gens sur des territoires où ils ne seraient pas allés naturellement, par le jeu de mot.
Riez-vous toujours de vos dessins ?
V : Ça m’arrive de rire, mais c’est plutôt une jubilation, au tout début, quand je trouve l’idée. Je ris en imaginant ce que je vais faire, mais après, quand je suis parti dans le travail, je ne ris plus.
Quand je fais mes dessins, je travaille tellement dessus qu’au bout d’un moment, ça me dégoûte, d’ailleurs je sais qu’un dessin est terminé quand je ne peux plus le voir.
« Tout l’art de l’artiste, c’est de donner l’impression que c’est fait très spontanément, rapidement. »
V : En fait, c’est très laborieux : je dessine toutes les zones du dessin. Le dessous de l’étagère en haut à gauche, que personne ne va regarder, je le dessine. Il faut que ce soit là, le faire pour que ça ne gêne pas la perception globale du dessin. Si les trucs pas importants ne sont pas là, ça perturbe l’œil.
Ce qu’il faut savoir, c’est que dans un dessin, le lecteur va considérer qu’un dessin est bien s’il n’a pas fourni un effort très important. Il faut lui simplifier le boulot par l’ambiance, la composition, les couleurs. Ça ne doit pas être un travail, c’est une devinette. Quand il a trouvé la solution au problème, il rigole parce qu’il est super content. C’est compliqué de faire une image qui soit simple à comprendre. C’est une discipline, il ne faut pas que l’œil s’égare, il faut qu’il aille là où on veut qu’il aille. Si l’idée est mal faite, ça va poser un problème au lecteur et il va tourner la page très énervé. Il déteste ça.
Avez-vous un premier public auquel vous montrez vos dessins avant de les envoyer ?
V : Non, c’est moi-même, depuis le temps, je me fais confiance, je suis toujours à la bourre. Je travaille sur plusieurs jours, la gouache, c’est long.
Je demande un avis extérieur pour les idées, car on peut se tromper complètement. Est-ce que mon dessin rend l’idée et la rend suffisamment vite ?
Vos dessins sont-ils toujours acceptés tels quels par vos clients ?
V : Oui, toujours, je leur fais valider un rough avant, et ils prennent le dessin tel qu’il est. Les retouches à la gouache sont difficiles, longues. Mon statut d’auteur me protège. Dès le début il faut montrer les dents. Il y a tout un travail d’intimidation pour aller chercher ce statut. Il est plus facile à obtenir pour un dessinateur d’humour que pour un illustrateur. Il est par essence un auteur.
Vous vous définissez plus comme dessinateur d’humour que comme illustrateur ?
V : Oui, comme dessinateur d’humour et pas du tout comme illustrateur. L’illustration est pour moi une façon complètement anecdotique de faire du beau. Je ne veux pas faire du beau, moi, ça ne m’intéresse pas. Pour moi, le dessin est le véhicule d’une idée. Ce sont les idées qui font la différence. Par exemple en presse, ils savent très bien qu’ils ne vont pas trouver les idées. Pour une illustration, s’il y a un problème de stylisme, ils se sentent compétents, mais quand il s’agit d’un dessin qui transmet une idée, là ils ne savent plus. Ils ont choisi un dessinateur parce que globalement ils aiment bien ce qu’il fait, après c’est à lui de faire son travail, s’il se plante ça le regarde. Bien sûr, s’il se plante 3 fois de suite, ça remettra en cause sa collaboration avec le client.
Etes-vous un boute-en-train dans la vie ?
V : Ce n’est pas la réputation des humoristes en général ! Je pense à Chaval, qui était extrêmement déprimé. Il y a beaucoup d’humoristes qui se suicident. Ce sont des personnes souvent à 2 facettes. Souvent très pessimistes dans la vie. Moi, je suis un peu dans un entre-deux. Quand je travaille, c’est studieux.
Ça m’a fait rire quand j’ai entendu un acteur américain dire : « j’adore la peinture, ça me détend ». J’ai éclaté de rire, la peinture, ça fait tout sauf détendre !
Comment vous viennent vos idées ?
V : Tout le monde connaît la réponse, mas elle n’est pas sexy : pour trouver une idée : on la cherche ! Mais ça ne fait pas rêver !. Les gens aimeraient que ce soit magique. Il faut se mettre au travail, avec sa feuille blanche, sa concentration.
Comment vos idées deviennent des dessins ?
V : Je cherche des idées de façon orientée déjà. Je cherche la mécanique de l’idée, et après seulement je fais le dessin, la mise en scène. Au départ, j’ai juste une idée qui fonctionne, je fais un petit crobard, mais la plupart du temps, ce sont uniquement des mots. Sempé, par exemple, ne fait pas comme moi ; parfois il fait un dessin, puis il attend que l’idée vienne du dessin. Moi, je trouve l’idée d’abord, puis je fais le dessin.
Auriez-vous pu faire un autre métier ?
V : J’en ai fait un : j’ai travaillé dans la publicité. Je gagnais ma vie à chercher des idées aussi. J’ai toujours gagné ma vie en cherchant des idées, enfin, en en trouvant. De ce point de vue-là, c’est le même métier. Là, je viens de faire un dessin qui se passe dans une boutique de tatoueur, et je me suis dit, tiens, j’aurais fait un très bon tatoueur !
Merci Voutch ! Solène Debiès.
HERGÉ
Georges Rémi
1907 - 1983
Créateur de bandes dessinées
S'il n'a pas inventé la bande dessinée, Hergé a donné à ce genre longtemps méprisé ses lettres de noblesse. Avec les aventures de Tintin, il a réalisé un chef-d'œuvre qui repose sur un équilibre parfait entre dialogue et action, réalisme et caricature, comique et suspense, spontanéité et exactitude.
UN PIONNIER DE LA BANDE DESSINÉE
Sous le pseudonyme d'Hergé – d'après ses initiales R. G. –, Georges Remi publie ses premiers dessins dans le Boy-Scout belge et crée en 1926 une histoire en vignettes légendées, Totor, CP des Hannetons, première ébauche de Tintin. Entré en 1925 au journal le XXe Siècle, il devient rédacteur et dessinateur en chef du supplément jeunesse, le Petit Vingtième, où paraît en feuilleton, à partir du 10 janvier 1929, la première aventure du reporter Tintin et de son chien Milou : Tintin au pays des Soviets. Ce récit d'inspiration anticommuniste, improvisé au fil des planches, sera plus tard renié par son auteur, qui refusera toujours de l'intégrer à la série. L'album, paru en 1930, connaît un succès immédiat.
Hergé poursuit avec Tintin au Congo (1931), Tintin en Amérique (1932) et les Cigares du pharaon (1934). À partir du Lotus bleu (1936), il affine son style graphique, se documente plus minutieusement, élabore des scénarios plus construits. Se succèdent l'Oreille cassée (1937), l'Île noire (1938), le Sceptre d'Ottokar (1939), albums d'une grande richesse graphique et narrative. Parallèlement, sa verve fantaisiste s'épanouit dans d'autres bandes dessinées : Jo, Zette et Jocko, Popol et Virginie et Quick et Flupke (qu'il dessine et publie dès 1930).
L'ÉPOPÉE TINTIN
La Seconde Guerre mondiale interrompt la publication de Tintin au pays de l'or noir. Rapidement démobilisé, Hergé fait paraître sous forme de brefs feuilletons quotidiens dans le Soir, dirigé par l'occupant allemand, le Crabe aux pinces d'or (1941). C'est dans cette histoire qu'apparaît pour la première fois le personnage du capitaine Haddock.
Avec l'Étoile mystérieuse (1942), le format définitif des albums est fixé : soixante-deux pages en couleurs. Pour s'y fondre, les volumes antérieurs seront entièrement redessinés par Hergé avec l'aide d'autres dessinateurs, dont Edgar Pierre Jacobs et Bob De Moor. La série s'étoffe avec le Secret de la Licorne (1943) et le Trésor de Rackham le Rouge (1944), où entre en scène le professeur Tournesol.
La Libération interrompt la publication des 7 Boules de cristal. Hergé est arrêté et privé du droit de publier, jusqu'à ce qu'un ancien résistant devenu éditeur, Raymond Leblanc (né en 1915), lui propose de créer en 1946 l'hebdomadaire Tintin, qui relance sa carrière. En 1950, il fonde les Studios Hergé, s'entourant d'une équipe qui lui permet de parachever son travail.
Les aventures continuent avec le Temple du Soleil (1949), la reprise de Tintin au pays de l'or noir (1950), puis le diptyque Objectif Lune (1953) et On a marché sur la Lune (1954), qui donne une vision plausible du voyage lunaire, quinze ans avant l'expédition américaine d'Apollo 11. Suivent les albums de la maturité, parfois considérés comme le sommet de son œuvre : l'Affaire Tournesol (1956), Coke en stock (1958), Tintin au Tibet (1960) et les Bijoux de la Castafiore (1963). Après Vol 714 pour Sydney (1968) et Tintin et les Picaros (1976), Hergé tombe malade en 1980. Lorsqu'il meurt trois ans plus tard, il laisse inachevé Tintin et l'Alph-Art, dont les brouillons seront publiés en 1986.
LA RICHESSE D'UNE ŒUVRE
Traduites en 45 langues, vendues à 150 millions d'albums dans le monde, les aventures de Tintin ont suscité de multiples vocations et enchanté des générations de lecteurs « de 7 à 77 ans », selon le slogan du journal Tintin.
Héros infaillible, sans aspérité, Tintin est, dans sa perfection même, un personnage presque abstrait. Mais il s'est progressivement entouré d'une galerie de caractères contrastés qui forment une savoureuse comédie humaine. Ses aventures, souvent en résonance avec l'actualité, témoignent des bouleversements du XXe siècle : colonialisme, impérialisme japonais, révolutions latino-américaines, montée des totalitarismes, guerre froide, tensions au Moyen-Orient, mais aussi essor de la technique et de la communication.
Fortement influencée par les valeurs du scoutisme (courage, fidélité, défense des plus faibles), la vision « hergéenne » du monde n'a cessé de se nuancer et de s'enrichir. Elle révèle en définitive un imaginaire inquiet, hanté par la violence et le mystère, qui transparaît particulièrement dans les scènes de rêve. Les multiples interprétations qu'elle a suscitées attestent le caractère inépuisable de cette œuvre singulière, toujours soutenue par un trait d'une vivacité extraordinaire.
LE MAÎTRE DE LA LIGNE CLAIRE
Le style graphique d'Hergé a évolué tout au long de son œuvre. Il subit d'abord l'influence de grands illustrateurs (Christophe, Benjamin Rabier), puis celle des pionniers français (Alain Saint-Ogan) et américains (Rudolph Dirks, George McManus) de la bande dessinée. En 1934, son ami Tchang Tchong-Jen (1907-1998) l'initia aux techniques de la peinture chinoise et l'orienta vers une simplification de son dessin. Plus tard, sa collaboration avec Edgar Pierre Jacobs le conduisit vers plus de réalisme, notamment dans le traitement des décors.
Comme dessinateur, Hergé procédait par étapes : d'abord il cherchait, dans le bouillonnement du crayonné, le trait juste. Ensuite, l'étape du calque permettait, selon sa propre expression, de « refroidir » le dessin, pour ne garder qu'une seule ligne, tracée en boucle, d'une épaisseur toujours égale. Enfin, les couleurs étaient disposées en aplat, soulignant encore le trait. Ce style, tout entier dévolu à la lisibilité du récit, fit école sous l'expression – inventée en 1977 par le dessinateur néerlandais Joost Swarte – de klare lijn : ligne claire. Encyclopédie Larousse.
Un jour de 1973, il ne le sait pas encore, mais Philippe Goddin prend une décision qui chamboulera le cours de sa vie. Ce professeur de dessin belge écrit à Hergé pour lui dire son admiration. Quelques mois après, il est reçu par le dessinateur dans ses studios, à Bruxelles. «Hergé était quelqu’un d’extrêmement aimable, de très ouvert et accueillant. Déjà qu’il avait le souci de répondre personnellement à son courrier», se remémore-t-il, empli de nostalgie.
Après la disparition de son compatriote, Philippe Goddin publiera une impressionnante série d’ouvrages sur Hergé, œuvrera pendant dix ans à la Fondation Hergé et présidera la plus importante association tintinophile (Les Amis de Hergé). Georges Remi, de son vrai nom, continue de vivre avec son héros, Tintin, à travers 260 millions d’albums vendus dans le monde à ce jour dans une centaine de traductions, plus de 600 livres qui lui ont été consacrés et de nombreuses adaptations au cinéma et à la télévision. Preuve que Tintin n’a pas pris une ride et que le pionnier de la bande dessinée francophone a laissé dans ce monde une trace indélébile auprès de générations hantées par les aventures de Tintin. Mais qui était véritablement Georges Remi et comment est-il devenu une référence indétrônable dans le milieu de la BD européenne?
Totor le petit scout
Enfant de la classe moyenne, il naît à Etterbeek en 1907 dans une famille catholique de droite. À l’école, dans ses cahiers, il griffonne des costumes marins, des avions, des petits soldats. «Hergé était un excellent élève. Passionné d’histoire et de littérature, il lisait énormément Walter Scott, Robert Louis Stevenson et Alexandre Dumas», raconte Bob Garcia, auteur de Hergé, les ultimes secrets, publié à la fin de l’hiver 2022 par les Editions du Rocher à l’occasion du 40e anniversaire de la mort du dessinateur. De Buster Keaton à Harry Langdon en passant par Charlie Chaplin, une passion dévorante pour le cinéma muet forge l’esprit du jeune garçon, qui passe ses vacances en camp scout.
Repéré par la revue Le Boy-scout belge, l’adolescent y publie ses premiers cartoons. «Dessiner des caricatures de ses camarades était une façon de se faire la main et de raconter des histoires pour amuser ses amis scouts», précise Bob Garcia. Hergé crée une préfiguration de Tintin du nom de Totor, un scout qu’il met en scène dans des aventures truffées de gags visuels inspirés par le slapstick et le cinéma burlesque. Le dessinateur a-t-il vraiment vécu «une enfance grise», comme il l’aurait curieusement dit?
Difficile d’y croire, quand au micro de France Inter, en 1979, il raconte que «le scoutisme a été une école de camaraderie, d’amitié, de fidélité à la parole donnée, d’amour de la nature et du camping, de générosité. Ça m’a permis de sortir de ma famille, de prendre contact avec des amis, de voir le monde, de voyager un peu.» Certes, sa mère a souffert de dépressions, «mais ça n’a jamais noirci son enfance. C’était un gamin des rues, entouré de beaucoup d’amis et qui a eu une enfance heureuse», affirme Bob Garcia.
«Une farce sans lendemain»
Son bac en poche, Hergé est intégré au service abonnement du Vingtième siècle, un quotidien catholique réactionnaire d’extrême droite. Une opportunité se dessine lorsque l’abbé Norbert Wallez, le rédacteur en chef, envisage de créer un supplément de BD dédié aux enfants, Le Petit Vingtième. Hergé est le candidat idéal. De son crayon jaillit alors le personnage Tintin, inspiré par Palle Huld, un très jeune globe-trotteur danois, culotte de golf et casquette vissée sur la tête. Sur commande de Wallez, le dessinateur envoie son reporter chez les Soviets en 1929, puis au Congo trois ans plus tard. La raison? Raconter les méfaits de l’URSS communiste et «casser du Soviétique», précise Bob Gracia. Même si Hergé aurait préféré envoyer son héros en Amérique et dessiner des aventures avec des Indiens et des cow-boys, ce qu’il fera librement dans son troisième album.
Pour créer son héros, le jeune auteur s’est contenté de «faire un cercle et une petite mèche pour donner un accent. Comme ça, j’étais certain qu’on reconnaîtrait ce personnage de dessin en dessin», dira-t-il. Ignorance de son talent ou fausse modestie, il affirmait être à ses débuts un piètre dessinateur. «Une coquetterie d’artiste, selon Philippe Goddin. Il aimait raconter aux journalistes des choses qui interloquaient. Dès le début, ses illustrations réalisées pour Le Petit Vingtième étaient très maîtrisées.»
Ce que Hergé considérait «comme une farce sans lendemain pour amuser des amis» rencontre vite un succès fou. Ses albums se vendent comme des petits pains. Le cinquième, Le Lotus bleu, très populaire en Chine, restera pour lui l’un des plus marquants, notamment à travers le personnage de Tchang, que lui inspire sa rencontre avec l’artiste Tchang Tchong-jen, qui deviendra un ami proche. Cet étudiant en beaux-arts lui raconte les massacres et la guerre qui déchirent son pays. «Influencé par la presse, Hergé avait peut-être un a priori sur les Chinois. Mais Tchang lui a ouvert les yeux sur les victimes chinoises de l’invasion de la Mandchourie par les Japonais, et il a dès lors pris leur défense», explique Bob Garcia.
Signe que le Belge s’ouvre petit à petit à l’altérité, son héros évolue dans le bon sens. «Au début, Tintin est un fier-à-bras bourré de préjugés. Dans Le Lotus bleu, sans attendre l’influence de son ami Tchang, il commence à s’intéresser aux autres et à leur venir en aide, éclaire Philippe Goddin. Si Tintin devient tolérant, c’est aussi parce que son créateur le devient aussi. Au début, Tintin était probablement le reflet d’un Hergé mal informé et influencé par les idées extrémistes du Vingtième Siècle. Après, il s’est libéré de tout ça et a enrichi Tintin de ce qu’il devenait.»
Les musées pour voyager
Au fil de ses mésaventures, le sérieux du héros courageux, loyal et bagarreur s’adoucit. «Dans les premières BD, Tintin est dessiné à la manière de Buster Keaton, sans jamais sourire. Petit à petit, Hergé lui donne un visage un peu plus expressif et l’accompagne d’autres personnages», détaille Bob Garcia. C’est bel et bien dans les amis du héros que réside le génie de Hergé, qui se reconnaît d’ailleurs dans tout son univers de caricatures. «Je n’ai sûrement pas le même caractère que Tintin, mais il est certain qu’en le dessinant, j’ai dessiné une part de moi-même, avouera-t-il. La part héroïque. J’aurais voulu être un petit héros, mais je n’y suis jamais arrivé. Mais il y a aussi une part de moi dans les autres personnages.» Exemples: le côté étourdi et surmené du professeur Tournesol, le côté bon vivant et parfois colérique du capitaine Haddock ou le côté gaffeur et balourd des Dupond-Dupont.
Inventer et raconter les aventures de Tintin aura été pour Hergé une forme d’éducation. A travers les découvertes par son héros d’autres pays et cultures, le jeune homme naïf qu’il était a grandi en se libérant des idées préconçues absorbées pendant sa jeunesse. Comme si, en plus d’être un tremplin pour sa carrière, Le Vingtième siècle lui avait permis de s’améliorer. Mais c’est surtout après la guerre, avec le journal Tintin, que son héros a connu une notoriété fabuleuse. «Il a construit toute son œuvre en observant les autres et en s’intéressant à la psychologie des gens. Il n’était pas du tout prétentieux par rapport à sa notoriété», souligne François Rivière, coauteur de Hergé intime (2016).
Dans ses studios encombrés d’objets issus des aventures de Tintin, le dessinateur perfectionniste travaille d’arrache-pied. «Ma page est parfois percée, à force de revenir sur mon travail», disait ce grand théoricien de la ligne claire, qui consacre ses journées à dessiner, à se documenter sur les pays et à visiter les musées bruxellois pour voyager. «Hergé se définissait comme une éponge, rappelle Bob Garcia. Il se nourrissait d’absolument tout ce qui l’entourait et qui pouvait enrichir son univers: le dessin, la littérature, le cinéma, les livres illustrés, les magazines d’actualité, les affiches publicitaires mais aussi les rencontres, de Tchang au peintre Jacques Van Melkebeke en passant par le zoologue Bernard Heuvelmans. Pour la saga lunaire, il a épluché de nombreux livres et revues scientifiques telles que Science & Vie, ou le magazine Collier’s, jusqu’à se constituer une bibliothèque. Il s’est aussi inspiré de la BD américaine de promotion du film « Destination Moon », d’Irving Pichel.»
Six planches par semaine
«Il découpait des articles et des images avant de classer minutieusement sa considérable documentation. Ce qui lui servait de gage de crédibilité vu qu’il ne voyagera que très tard», complète Philippe Goddin. Sa femme, Germaine, le seconde dans ses tâches – elle trace des cases et noircit des zones – à un moment où la masse de travail est devenue monstrueuse. «Avec Quick et Flupke et Jo, Zette et Jocko en plus de Tintin, cela lui faisait six planches à dessiner chaque semaine», précise Philippe Goddin. De simple gagne-pain au début, Tintin est devenu incroyablement envahissant. Jusqu’à ce que le personnage occulte son créateur, devenu forçat. Hergé se dessinera à son bureau, prisonnier d’un boulet au pied. Avec au-dessus de lui, un Tintin, les yeux froncés, un martinet à la main. «Dans ses courriers, il a écrit qu’à la fin il a détesté Tintin, dit Bob Garcia. Il avait trop de pression à faire vivre ce personnage qui monopolisait sa vie.»
Reste que les aventures du reporter ont traversé les époques et séduisent encore aujourd’hui les écrivains et les cinéastes, à l’image de Steven Spielberg. Peu avant de s’éteindre en 1983 avec son héros et un album inachevé (Tintin et l’Alph-Art), Hergé avouera être «étonné que ce petit personnage qui avait été conçu comme un jeu sans lendemain ait passé entre vents et marées et vécu pendant cinquante ans». Et bien plus encore.
Accusations de racisme et de collaboration
En découvrant Tintin en URSS, au Congo ou encore Chine, les lecteurs ont pu se questionner sur le caractère politique des aventures du héros à la houppette. Hergé assurait en 1971 que «Tintin ne peut pas être une histoire lourde et politique avec des prises de position. Ça doit rester une histoire distrayante, amusante et avec un arrière-fond de vérité.» Avant de nuancer quelques années plus tard: «Au début, Tintin a pris position contre les bolcheviks. Dans Le Lotus bleu, il a pris position contre l’agression japonaise. Après ça, il s’est petit à petit détaché de la politique et est resté un observateur amusé, un peu sceptique de tout ce qui se passe autour de lui.»
Pourtant, on accusera Hergé d’avoir été raciste, notamment à travers Tintin au Congo. Accusations dont il s’est sereinement défendu: «Je reflétais ma propre naïveté à l’époque. Je ne connaissais pas le Congo. Les coloniaux rapportaient que les Noirs étaient des naïfs, des paresseux, des voleurs. Mais je n’ai montré que leur côté naïf, je n’ai pas voulu montrer le reste.» Il faut imaginer que Hergé, loin des idées qu’on lui attribue, élabore Tintin au Congo dans un contexte lourd, celui d’un journal d’extrême droite à une époque marquée par une abominable propagande colonialiste.
«Pas naïf, mais opportuniste»
«Non seulement Hergé n’est pas raciste, mais il est très fier des Noirs du Congo et des qualités des habitants de leur colonie. Quant aux Noirs d’Amérique, il prend systématiquement leur défense, notamment par rapport à la ségrégation qui sévit aux Etats-Unis. Il en est complètement offusqué», insiste Bob Garcia, qui a épluché près de 10 000 pages du Petit Vingtième. Sans oublier l’antiracisme de Hergé déduit de l’amitié entre Tintin et Chang. Après la Seconde Guerre mondiale, le célèbre dessinateur prendra aussi de plein fouet des accusations de collaboration pour avoir travaillé durant la guerre pour le quotidien Le Soir, alors sous contrôle de l’occupant. Il en sera profondément affecté.
«Il n’a pas été naïf, mais extrêmement opportuniste. Il quitte Le Petit Vingtième, qui met la clé sous la porte, pour accepter une proposition de collaborer avec Le Soir, qui a un tirage bien plus important. N’étant pas engagé politiquement, c’est une occasion rêvée pour lui de continuer à se faire connaître», défend Bob Garcia. «Il a certes poursuivi dans ce journal Les Aventures de Tintin, complète Philippe Goddin, mais il n’a jamais collaboré.» Pauline Ducousso.
GERDA MULLER 1926
Illustratrice et auteur de livres pour enfants
À l’âge de 7 ans, elle était acclamée par ses camarades de classe pour les aventures de son petit teckel, qu’elle dessinait en séries au crayon noir. « Ils m’en réclamaient chaque jour de nouvelles ! Le succès de mes bandes dessinées me permettait d’avoir un contact avec les autres. J’étais tellement timide et mauvaise élève... » Et dans la lune, avec ça ! Combien de fois, petite fille, elle a pédalé dans les environs d’Amsterdam, pour revenir à pied chez elle, et se demander le lendemain matin où était passée sa bicyclette... La petite Gerda et ses trois frères et sœur ont feuilleté avec délices les livres de Beatrix Potter, et « plein d’autres histoires d’oursons anglais ».
Quand elle repense à cette époque, la même vision lui revient en tête : le jardin sauvage et fantaisiste planté par son père, mort l’année de ses 11 ans, en 1937. Elle s’y enfuyait souvent pour se ressourcer et observer de près la nature, dont ses albums jeunesse tardifs, comme Mon arbre et Ça pousse comment ?. « Je ne suis pas une battante. Dans ma vie, j’ai toujours pratiqué la fuite. Quand une situation ne me convient pas, je me sauve. Mais finalement, la fuite est une forme de combat, non ? » s’interroge-t-elle aujourd’hui.
Fuir une mère « toxique », qui jette des objets à la tête des voisins, et fait « en sorte que tout le monde se sente toujours coupable de quelque chose ». Gerda avoue lui devoir tout de même la découverte de la peinture hollandaise et l’apprentissage de la musique, joyeusement pratiquée par toute la famille. Fuir le trauma de la famine endurée pendant la Seconde Guerre mondiale, où elle ne mange que des betteraves pour animaux et n’a pas le cœur à dessiner, sauf quelques croquis d’enfants tirant des fagots de bois dans la neige, pour garder la mémoire de cette époque inimaginable. Fuir les Arts-Déco d’Amsterdam, quand l’établissement a la lubie de consacrer la dernière année d’études à la publicité, après avoir eu le temps de mettre sous ses yeux éblouis cinq albums du Père Castor, signés par le grand illustrateur russe Rojankovsky. Fuir, jusqu’à l’exil définitif pour la France.
En 1948, elle se rend à Paris pour la première fois et travaille pendant 6 mois à l'atelier de l'affichiste Paul Colin. À 23 ans, un matin de 1949, Gerda « décide de faire une croix sur la Hollande » en descendant du train de nuit, gare du Nord à Paris, un vélo pour tout bagage. Elle vivra dans une chambre de bonne, de pain, de pommes de terre et de margarine Astra, avec trois sous gagnés comme livreuse. Dans la joie et la bonne humeur parce que, chez elle, la simplicité a toujours été à l’honneur. Un legs de son pays natal, où le mépris de classe est nettement moins en vogue qu’en France : « À Paris, tout me choquait. Le comportement des gens qui avaient de l’argent envers ceux qui n’en avaient pas. L’existence d’escaliers spéciaux pour que les bonnes ne croisent pas leurs patrons dans l’ascenseur. Malgré cela, pour rien au monde je ne serais rentrée en Hollande ! » Huit ans de psychanalyse lui permettront de comprendre qu’elle avait besoin de se dégager de l’emprise de sa mère. « Instinctivement, dès l’âge de 14 ans, j’ai su que je gagnerais ma vie en dessinant pour les enfants. Je crois que les adultes me décevaient pas mal. »
Elle rencontre l’éditeur Paul Faucher (1898-1967), fondateur de la collection de littérature enfantine du Père Castor, et ce sera le début d’une longue collaboration qui commence avec "La Bonne journée" qui paraît en 1951 et "Marlaguette" en 1952. Elle a aussi illustré "Les Bons amis" et "Les Trois petits cochons" de Paul François (pseudonyme de Paul Faucher).
Un travail rigoureux commence, dans un contexte de contraintes éditoriales déjà lourdes, dans un atelier où les conseils s’échangent avec plaisir. De nombreux croquis sont souvent nécessaires. Entre 1951 et 1967, elle illustre 43 livres pour les ateliers du Père Castor. Gagner sa vie en dessinant pour les enfants, voilà qui est vite dit. Les éditions du Père Castor n’ont pas l’habitude de desserrer les cordons de la bourse. Gerda Muller signera souvent de son seul prénom, sans jamais réussir à joindre les deux bouts.
Dans son souvenir, elle ne touchait que 1 % du prix des ventes d’albums, et encore, seulement après cinquante mille exemplaires vendus. « Si vous écrivez que c’était proche de zéro, vous serez proche de la vérité, déplore-t-elle aujourd’hui. Personne ne pouvait vivre avec cela, vous comprenez ? » Encore moins une mère célibataire de deux enfants, comme c’était son cas. Elle se mord encore les doigts d’avoir naïvement signé à ses débuts un contrat abracadabrant, stipulant que ses illustrations originales appartenaient à son éditeur. Le Père Castor les garde entassées dans un hangar de la banlieue parisienne qui finit par brûler à la fin des années 1960. L’œuvre entière de Gerda Muller s’envole en fumée, à l’exception des planches du Violon enchanté, alors chez l’imprimeur.
Si elle n’a pas peur d’écorner le mythe du Père Castor, c’est qu’elle garde aussi des bons souvenirs de cette période phare de sa création. Les méthodes de travail lui enseignent la rigueur et l’attention aux tout-petits. Chaque semaine, la direction fait monter les enfants par petits groupes, dans l’atelier de fabrication des albums. Silencieusement tapie dans un coin, une pédagogue note leurs réactions face aux planches des ouvrages en préparation. Les illustrateurs ne sont jamais conviés à ces cérémonies secrètes. « On me rendait ensuite mes dessins, et la pauvre Gerda devait tout refaire en fonction de leurs commentaires ! » s’amuse-t-elle aujourd’hui, admirative, toutefois, de l’infaillible acuité des petits observateurs : « Un enfant voit tout. »
Dans les années 1970, l’illustratrice a trouvé un gagne-pain tombé du ciel. Les éditions Belin lui « sauvent la vie » en lui proposant de dessiner les images d’une méthode d’apprentissage de la lecture, Lisons, Lisette, qui assureront ses arrières pendant plusieurs décennies. Dans les années 1980, elle illustre la série des Turlutins d'Anne-Marie Chapouton.
Gerda Muller travaille pour des livres de classe édités par Belin, pour Gautier-Languereau chez qui elle illustre des contes qu’elle apprécie, ceux de Grimm ("Les Musiciens de la ville de Brême"), d’Andersen, de Marie Tenaille, d’après Goethe ("L’Apprenti sorcier"), pour Bayard, avec l éditeur allemand Ravensburger, pour l’École des loisirs.
Les techniques utilisées sont diverses : plume (encre noire ou sépia) et aquarelle pour les sujets qui exigent la précision du trait et permettent de montrer beaucoup de détails, la gouache, combinée avec des crayons de couleurs, la peinture à l’huile, la lithographie, le goût plus récent pour le pastel sec...
Les animaux qu’elle a préféré dessiner ? Les lapins pour la texture de leur fourrure, et la construction de leur tête. Les ours, qu’elle peint d’abord grossièrement à la gouache, avant de retracer leurs poils au crayon par-dessus. Surtout pas les chats, petits sacs d’os toujours en train de bouger, trop difficile ! « Les croquis de bêtes et d’enfants, c’est ce que j’ai fait de mieux. J’aime travailler avec des petits bâtons carrés ou des crayons ordinaires, il faut que ce soit crayeux, et que je puisse estomper avec mes doigts. »
L’autre jour, elle a cueilli quelques herbes sauvages devant sa maison de retraite, pour dessiner un bouquet. Mais c’est devenu rare, ses épaules et ses bras ne suivent plus. Elle qui aimait tant danser et qui connaissait des dizaines de chansons folkloriques, regrette de ne plus pouvoir se déplacer qu’en Cadillac, le surnom qu’elle donne à son déambulateur. Ses sorties sont devenues rares, alors Gerda Muller consulte quotidiennement la météo pour savoir d’où vient le vent, histoire de « garder un contact avec la nature ». Elle a légué ses archives à la BNF, et doit donc faire un saut dans son atelier parisien, pour ranger quelques cartons. « Après, je voudrais bien partir. » Pas fuir. S’en aller le cœur tranquille. En laissant des images si réconfortantes à ceux qui restent.
Gerda Muller a écrit aussi elle même certains ouvrages comme "La Fête des fruits", "Ça pousse comment ?" ou "Mon Arbre" publiés à L'École des loisirs.
Elle a obtenu la mention Prix critique en herbe de la Foire du livre de jeunesse de Bologne en 1976 pour "Nours et Pluche, les petits koalas" réalisé avec Marie Tenaille. Elle a illustré 130 livres.
CHEN UEN
Le dessinateur Chen Uen, de son vrai nom Chen Jin-wen, premier auteur taiwanais de bandes dessinées à avoir vu ses œuvres publiées au Japon et à Hongkong, est décédé le 26 mars 2017 des suites d’une crise cardiaque. La ministre de la Culture, Cheng Li-chiun, a rendu hommage à un artiste au style innovant, ayant inspiré la nouvelle génération d’illustrateurs et élargi les horizons des lecteurs taiwanais de mangas.
La carrière de dessinateur de Chen Uen est lancée en 1984 par la publication de sa première BD, La panthère noire belliqueuse, dans la revue China Times Weekly. Porté par la critique, il publie ensuite Le dieu du combat ainsi que Légendes des assassins, BD qu’il illustre à l’encre de Chine et dont le scénario est basé sur le chapitre « Biographies des assassins » des Mémoires historiques de l’historien chinois Sima Qian. Son style, minutieux et osé, repose sur la maîtrise de la peinture à l’encre de Chine et de l’illustration occidentale. Ses créations sont d’un esprit chevaleresque, héroïque, généreux et tendre.
En 1990, il publie au Japon un manga qui fait immédiatement sensation, Légendes des héros de la dynastie des Zhou de l’Est, qui dépeint un chapitre de l’histoire de Chine allant de 770 à 221 av. J.-C. L’année suivante, il se voit décerner le prix du manga d’excellence par l’Association des mangakas japonais.
En 2000, Chen Uen collabore avec l’éditeur hongkongais Jade Dynasty pour créer une série basée sur les histoires popularisées par l’émission télévisée de marionnettes à gaines Pili. En 2012, il fait partie de la délégation taiwanaise au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, et ses albums sont bientôt traduits en allemand et en thaïlandais. « Que les histoires soient modernes ou traditionnelles, mes albums sont personnels », confiera-t-il à ActuaBD…
PHIIP
Phiip est un pseudonyme. Philippe Simon, né à Lyon en 1968, exerce le métier d'ingénieur des travaux publics de l'État; il est un temps employé par la Communauté urbaine de Lille.
Phiip crée Lapin en février 2001, petit personnage de roman photo qui donne son nom au portail Lapin la même année. Cette série quotidienne (ou presque) est diffusée sur internet, via le site lapin.org et dans une newslettre quotidienne.
Phiip est également le traducteur de webcomics comme Ninja blanc, Elflor, Les Céréales du dimanche matin et d'autres séries (comme xkcd, Red Meat, Dr Fun. Bigger than Cheeses…)
Phiip est par ailleurs le fondateur de la maison d'édition lapin spécialisée en humour absurde et en publication de webcomics. Cette création se fait à l'occasion de la publication de son premier ouvrage, compilation des premiers épisodes de Lapin, en novembre 2005. Il publie l'année suivante le petit livre des citations idiotes qui est en fait la compilation des fausses citations que Phiip diffuse à ses lecteurs dans sa newslettre quotidienne. Son activité d'éditeur se développe en 2008 à partir de la collection idioties.
Amateur de webcomics, il les diffuse des publications papier comme celle de Romantically Apocalyptic sorti en livre cartonné de 288 pages, Pour la Science, Perry Bible Fellowship, Oglaf, La Nostalgie de Dieu, Big et d'autres aux Éditions Lapin.
Il devient éditeur à temps plein en 2014 et déménage à Villeurbanne. Il y poursuit la publication de ses lapins de bureau avec L'église du management ultime, Bureauman Begins et Gang of Managers. En faisant du live sketching lors d'une conférence, il rencontre Isabelle Collet avec laquelle il écrit et publie l'année suivante Seximsme Man contre le Seximsme, un livre engagé contre le sexisme dans les milieux scientifiques et dans le monde des mathématiques en particulier. (Wikipédia)
MARC DUBUISSON
Marc Dubuisson est un auteur de bande dessinée et dessinateur de presse belge né en 1983, résidant à Bruxelles.
Il est notamment l'auteur de la série Ab absurdo publiée aux Éditions Lapin ainsi que de plusieurs albums de la collection Pataquès aux éditions Delcourt dont Amour, Jihad et RTT.
Marc Dubuisson est aussi l’auteur de La Nostalgie de Dieu, titre adapté au théâtre à Paris dans une pièce qui a fêté dernièrement ses 300 représentations, et aussi de Charles Charles profession Président, qu’il a scénarisé (Delcourt).
Dans un style minimaliste, il publie également des strips hebdomadaires pour la rubrique Marc Dubuisson croque l’actu sur le site d’information belge 7sur7.be et dessine également pour le journal Les Échos.
https://www.bedetheque.com/auteur-17739-BD-Dubuisson-Marc.html
https://www.babelio.com/auteur/Marc-Dubuisson/64318
http://marcdubuisson.com/perso/
MILO MANARA
Maurillo "Milo" Manara est un auteur italien de bande dessinée, né à Luson , le 12/09/1945.
Quatrième d'une famille de six enfants, Milo Manara grandit dans une petite ville italienne proche de la frontière autrichienne. C'est la découverte chez le sculpteur espagnol Berrocal de Barbarella (Jean-Claude Forest), et de Jodelle (Guy Peellaert) qui lui font découvrir la bande dessinée, en 1967. Ses premières planches professionnelles — des récits érotiques — datent de 1968, époque à laquelle elles lui permettent de financer ses études d'architecture à Venise. Il abandonne son métier d'assistant de sculpteur et publie Genius, pour les éditions Vanio. Viennent ensuite les aventures de Jolanda, femme pirate.
En 1974, il réalise une adaptation du Décaméron de Boccace. En 1976, Le Singe, son premier récit ambitieux, paraît dans Alter-Linus puis dans Charlie Mensuel. À la même période, il dessine plusieurs épisodes de l’Histoire de France en bandes dessinées et de La Découverte du monde en bandes dessinées aux éditions Larousse. En 1978 sort L’Homme des neiges et, la même année, Les Aventures de Giuseppe Bergman dans (À suivre).
En 1983, sa carrière prend une nouvelle direction avec Le Déclic qui fait instantanément de lui un des maîtres de la bande dessinée érotique.
En 1987, Hugo Pratt devient son scénariste pour Un été indien, expérience qu'ils rééditeront sept ans plus tard avec El Gaucho.
Entre-temps, l’œuvre de Federico Fellini, autre « maître d’aventure » de Milo Manara, a inspiré une autre collaboration avec la mise en image du Voyage à Tulum (1984), qui se poursuivra en 1992 avec Le Voyage de G. Mastorna.
Aujourd'hui, Milo Manara continue une production régulière d'histoires érotiques aux éditions Albin Michel (rééditées par Drugstore) mais il participe également à des projets plus originaux, comme l'illustration de portfolios divers ou encore la série Borgia avec le scénariste Alejandro Jodorowsky.
En 2016, Manara est lauréat du Grand Prix Saint-Michel pour l'ensemble de son œuvre. (Source Babelio)
https://casemate.fr/casemate-n121-janvier-2019/
https://www.glenat.com/auteurs/milo-manara
https://fr.wikipedia.org/wiki/Milo_Manara
https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-culture/les-nouvelles-heroines-de-manara
https://www.lepoint.fr/culture/dans-la-peau-du-caravage-21-04-2015-1923127_3.php
BLACK BUTLER
Black Butler est un shōnen manga de Yana Toboso. Il est prépublié depuis septembre 2006 dans le magazine Monthly GFantasy appartenant à l'éditeur japonais Square Enix, et est compilé en plusieurs tomes. La version française est éditée par Kana.
À la suite du succès du manga, une adaptation en série télévisée d'animation produite par le studio A- 1 Pictures a été diffusée sur la chaîne TBS au Japon. (Source Wikipédia)
Ciel Phantomhive est l’héritier d’une grande famille de la noblesse anglaise. C’est sur les épaules de ce jeune garçon d’une grande beauté, très intelligent et mature pour son âge, que repose l’empire familial commercialisant entre autres des jouets et des friandises.
Ciel fait également partie des « chiens de garde de la reine », ces membres de la gentry travaillant pour le gouvernement en vue d’éradiquer le crime du pays. Ce qui ne manquera pas de le placer dans des situations plutôt périlleuses.
Ciel vit seul dans un grand manoir. Enfin, seul, pas vraiment, puisque Sebastian, son majordome, toujours en livrée noire, impeccablement stylé dirige la maison, accompagne Ciel partout et lui sert en quelque sorte de garde du corps. Sebastian doit également s’occuper de May Linn, la femme de chambre et de Finnian, le jardinier, tous deux plutôt loufoques. En matière d’érudition, d’éducation, d’art culinaire, rien à redire, Sebastian est parfait. Mais il ne faut pas se fier à ses belles manières car des gangsters menaçant la vie de son jeune maître ont entre autres découvert à leurs dépends, sa vraie nature... Ciel aurait-il signé un pacte avec le Diable...?!
https://www.kana.fr/produit/black-butler/
HUGO PRATT
Dans cette famille atypique, la grand-mère est elle aussi une figure qui revêt un rôle de première importance : c’était elle qui l’emmenait au cinéma voir des films d’aventures et qui, une fois à la maison, lui disait : « Hugo, maintenant dessine ce que tu as vu », et, comme récompense, venaient ensuite le chocolat chaud et les biscuits, avec ses amies, ses tantes, un autre univers féminin hétérogène.
Sa mère Evelina avait la passion des cartes, en particulier des Tarots dans lesquels elle lisait l’avenir pour amis et clients, qui ne manquaient pas, si bien que cela devint un genre de travail.
Mais il n’y avait pas que les cartes et le cinéma dans l’éducation d’Hugo, il y avait aussi l’opéra, au point qu’à sept ans, sa tante, comédienne de théâtre, l’emmenait à La Fenice pour écouter et voir « L’anneau des Nibelungen » de Wagner, lui faisant découvrir le monde des divinités germaniques, tout en lui racontant les mythes juifs et la Cabale.
Les cartes, les Tarots, le cinéma, l’opéra, les réunions de femmes, le monde fantastique et mythologique, l’environnement liquide et changeant de Venise sont particulièrement présents dans toute l’œuvre d’Hugo Pratt.
Alors imaginez ce qui se passe quand ce même petit garçon, à 10 ans, est envoyé en Afrique où son père est officier dans l’armée coloniale italienne en Abyssinie, l’actuelle Éthiopie.
De 1937 à 1943, en pleine adolescence, Hugo Pratt découvre l’Afrique, le fascisme, la guerre, les uniformes de multiples armées, les premières jeunes filles, aussi bien blanches et de son âge que les splendides et sveltes femmes somaliennes et éthiopiennes. Il se lie d’amitié avec les soldats anglais et les troupes locales, découvre le désert, le silence, le hurlement des hyènes, les premières amours et il perd son père. Lequel, lorsqu’il est sur le point d’être arrêté par les soldats anglais qui l’emmèneront dans un camp de prisonniers d’où il ne reviendra jamais, accomplit un unique et dernier geste pour son fils : il demande aux militaires de repasser par chez lui, il prend un livre qu’il offre à son fil. Ce livre, c’est “L’île au trésor” de Stevenson. Et puis ces quelques mots: “Tu verras qu’un jour toi aussi tu trouveras ton île au trésor”.
De retour à Venise, une fois la guerre terminée, que pouvait-il arriver au jeune Hugo Pratt, passionné de dessin et au vécu chargé d’images et d’histoires à raconter?
Fonder avec un groupe d’amis une revue fleurant bon sa passion pour les grands dessinateurs de Comics américains, en premier lieu Milton Caniff. Et c’est bien ce qui finit par se passer, avec la naissance de l’ « As de pique », qui prend son nom du fantomatique justicier en collant jaune. Mais outre écrire des histoires, vivre sur les toits de Venise, dessiner, rire, boire, et jouer de la musique avec des amis sur les nouveaux rythmes américains de l’après-guerre, que manquait-il à quelqu’un dans son genre?
Eh bien oui, voyager.
Qu’à cela ne tienne. A 22 ans, avec ses amis du “Groupe de Venise”, Pratt part pour l’Argentine.
C’est la période des fêtes, des asados sur le barbecue aux bords des piscines, du rugby, du tango, du billard, des amours de jeunesse, de ses enfants Lucas et Marina, mais surtout d’une rencontre professionnelle, celle d’Hector Oesterheld, écrivain socialement engagé, grand scénariste argentin. Ce sont les années de « Sgt Kirk », le renégat qui devient ami des Indiens, d’ « Ernie Pike », le reporter de guerre, et de « Ticonderoga », la grande histoire sur les Indiens d’Amérique.
A ce stade, ce jeune homme venu de Venise qui, dès l’enfance, dessinait les Indiens et jouait près de chez lui sur le Campo San Giovanni e Paolo à tirer des flèches sur ses amis habillés en cow-boys, écrit une histoire toute à lui qu’il appelle « Wheeling », un poème sur le monde de la frontière de l’Amérique du Nord, s’y glissant même en prenant dans certaines vignettes les traits du renégat Simon Girty, une façon de souligner encore sa passion pour les histoires et le monde des Indiens.
Mais à cette période-là, il y a aussi le jazz, l’amitié avec Dizzy Gillespie et la connaissance de la grande littérature sud-américaine de Borges à Lugones, Arlt, et Dos Passos qu’il rencontre lors d’un voyage au Brésil, et puis aussi les autres voyages : Patagonie, Chili, Caraïbes, Guatemala.
En 1963, la crise économique paralyse l’Argentine et Pratt doit rentrer en Italie (il reviendra à plusieurs reprises en Argentine dans le courant des années 60 et aura deux autres enfants, Silvina et Jonas). Il trouve du travail pour les revues à épisodes, les mythes illustrés du « Corriere dei Piccoli », et puis viennent la frustration, le manque de la vision libre et des espaces infinis de l’Argentine, mais ensuite, le virage, une autre rencontre importante, celle de Florenzo Ivaldi, entrepreneur génois qui donne carte blanche à l’imagination et à la plume d’Hugo Pratt. C’est alors que naît la revue “Sgt Kirk” et que débute le moment clé de l’œuvre d’Hugo Pratt, la création en 1967 du personnage qui allait lui apporter la reconnaissance: Corto Maltese
Quand un dessinateur tel qu’Hugo Pratt, qui a vécu la vie de film que nous avons déroulée, avec toutes les expériences qu’il a accumulées, est laissé libre, à quarante ans, de créer ce qu’il veut, sans penser aux contrats, sans stratégies éditoriales, alors cela aboutit à la naissance d’un chef-d’ œuvre : « La ballade de la mer salée », la bande dessinée qui a obtenu pour la première fois dans l’histoire des Comics l’appellation de « Littérature dessinée ». Et voilà que son marin devient un personnage culte non seulement pour ceux qui aiment les océans, les palmiers et les corsaires, mais surtout pour tous ceux qui aiment la liberté.
Et avec Corto c’est le début de la notoriété, c’est l’installation à Paris, l’hebdomadaire PIF : Corto devient un héros sériel de cette revue qui se vend à des millions d’exemplaires ; en 25 ans, on compte plus de 29 histoires qui conduisent le marin pratiquement à travers le monde entier, entre mers, déserts, steppes et jungles, et son créateur n’est pas en reste, de l’Afrique au Canada, d’Apia à l’île de Pâques pour se limiter aux principaux points cardinaux. Au cours de ces années, il n’y a pas que les histoires de Corto, il y a aussi les « Scorpions du désert » et « Jesuit Joe » pour continuer à ne parler que de Sud et de Nord, et puis il y a « St. Exupéry » qui vole une dernière fois dans les cieux et « Mü », la dernière histoire de Corto, celle qui fera s’envoler l’univers fantastique de Pratt vers le magnifique non-lieu d’un continent disparu. Comme son auteur qui en 1995 disparaît en Suisse, où il avait choisi de vivre depuis 1984.
Mais Pratt n’a jamais vraiment disparu, parce qu’il continue à alimenter rêves et histoires. Il suffit de regarder ses aquarelles dans les plus importants musées du monde, il suffit de lire l’une de ses premières histoires pour mieux comprendre les dernières, il suffit d’effleurer les noirs des puissants coups de pinceau à l’encre de chine pour percevoir sa poésie, ou entreprendre un voyage en suivant l’un des improbables itinéraires de Corto. Hugo Pratt ne sera pas dans l’une de ces îles, mais il y aura un petit bout de ce trésor qu’il a voulu disséminer de-ci de-là entre ses signes, ses rêves et ses nuages.
Marco Steiner (cortomaltese.com)
ENKI BILAL
Enki Bilal, de son vrai nom Enes Bilanović, est un réalisateur, dessinateur et scénariste de bande dessinée.
Né à Belgrade, Serbie , le 7 octobre 1951 d'un père bosniaque et d'une mère tchèque, il arrive à Paris en 1960 avec sa famille, qui sera naturalisée sept ans plus tard.
Il entame de brèves études aux Beaux-Arts puis publie en 1972 sa première histoire, "Le Bol maudit", dans le journal "Pilote".
En 1975 paraît son premier album, "La Croisière des oubliés", sur un scénario de Pierre Christin, suivi en 1979 des "Phalanges de l'Ordre Noir", avec le même scénariste. En 1980, Bilal publie sa première série personnelle, dans "Pilote": "La Foire aux immortels". La seconde partie: "La Femme piège", est éditée en album en 1986.
Entre 1980 et 1982, Enki Bilal collabore avec Alain Resnais, pour qui il signe l'affiche du film "Mon oncle d'Amérique" puis dessine sur verre une partie des décors de "La Vie est un roman". Il travaille aussi avec Jean-Jacques Annaud sur "Le Nom de la Rose" en 1985.
En janvier 1987, Bilal obtient le Grand Prix du 14ème Salon international de la bande dessinée d'Angoulême.
En 1989 sort le premier film de Bilal, "Bunker Palace Hôtel", avec notamment Jean-Louis Trintignant et Carole Bouquet.
Les Humanoïdes associés rééditent l'ensemble des œuvres de Bilal, publiées auparavant aux éditions Dargaud, en 1990 : "Mémoires d'outre-espace", "La Croisière des oubliés", "Le Vaisseau de pierre", "Les Phalanges de l'Ordre noir", "Partie de chasse", ainsi que "Cœurs sanglants et autres faits divers".
La même année il dessine les décors et costumes d'"O.P.A. Mia", un opéra de Denis Levaillant, pour le Festival d'Avignon. Ses œuvres sont exposées en novembre 1991 à la Grande Halle de La Villette (Opéra bulle), puis en 1992 à La Défense (Transit), et en 2013 au musée des Arts et Métiers (Mécanhumanimal) et au Louvre (les fantômes du Louvre).
En 1992, il obtient le prix Palmarès du meilleur livre de l'année du Magazine Lire pour "La Trilogie Nikopol, Tome 3 : Froid Équateur".
Entre 1998 et 2007, il publie la tétralogie du "Monstre". En 2011, il publie l'album "Julia et Roem" ainsi qu'un livre d'entretiens sur sa vie et son œuvre, "Ciels d'orage". En 2019, sort le second tome de sa nouvelle série, "Bug", annoncée par lui-même comme une suite de cinq volumes. Source : http://www.enkibilal.com/
FRANK MARGERIN
Né à Paris le 09/01/1952, Frank Margerin est un auteur de bande dessinée.
En 1968, il s’inscrit à l'École des arts appliqués pour en ressortir en 1974 avec un diplôme de laqueur et de dessinateur textile. C’est vers le dessin humoristique qu'il tend à se diriger. Accessoirement, il forme avec son condisciple Denis Sire le groupe Los Crados, qui deviendra plus tard le fameux Dennis Twist. Margerin rencontre quelques agences de pub qui trouvent son style assez marrant et l'encouragent à se tourner plutôt vers la BD, avant de se voir offrir un travail par Jean-Pierre Dionnet, le rédacteur en chef de Métal Hurlant. En 1978, prenant le relais de Philippe Poncet de la Grave, il dessine quelques vignettes et bandes dessinées pour le chewing-gum Malabar, pendant un an. Il réalise ses premières véritables planches et invente pour la première fois un scénario : ce sera « Simone et Léon ». Sa participation au magazine durera jusqu’au dernier numéro, en 1987. Ce seront les magazines de charme « Lui » et « Playboy » qui publient ses premières illustrations.
En 1982 Frank crée « Albert et Mauricette », dont les strips paraissent dans le supplément hebdomadaire du Matin de Paris. Et très vite on retrouve des dessins de Frank partout : il mutliplie les pochettes de vinyles, affiches de films, concerts, festivals, illustrations publicitaires, etc. Son graphisme est omniprésent, sa « patte » devenue incontournable marque l'époque. Les années suivantes, il collabore aux éphémères revues Rigolo (le mensuel humoristique des Humanos), Zéro, Zoulou... Il dessine dans les pages de ce dernier les reportages de Skoup et Max Flash, sur un scénario de Phil Casoar. Et très vite on retrouve des dessins de Frank partout : il multiplie les pochettes de vinyles, affiches de films, concerts, festivals, illustrations publicitaires, etc.
Mais de cette prolixité l'histoire retiendra avant tout son personnage-fétiche, Lucien (série débutée en 1979 dans « Métal hurlant »), la banane la plus célèbre de la bédé, rockeur rigolard emblématique des années 80.
En 1989, Margerin s'est fait un nom et de nombreux amis bédéastes: il supervise aux Humanos une collection d'albums collectifs, Frank Margerin présente, dans lesquels on retrouve pêle-mêle jeunes talents et vieux compagnons de route. Citons parmi (beaucoup) d'autres Dodo et Ben Radis, Jano, Tramber, Charlie Schlingo, JC Denis, Vuillemin, Avril, Petit-Roulet, Serge Clerc, Florence Cestac, Farid Boudjellal, Mezzo et Pirus, Joan, Dupuy et Berberian, Lewis Trondheim, Stanislas, Killofer, David B... Jingle, petite société française de production de films, propose à l’auteur de créer une série d’animation avec Lucien. Craignant de voir son personnage dénaturé à l’écran, Margerin crée un personnage spécialement pour cette série, Manu. « Les Aventures de l'insupportable Manu » sont diffusées sur la 5 puis sur Antenne 2, avant de devenir trois albums de vraie BD aux Humanoïdes Associés (1990-1994).
En 1992, Margerin est couronné Grand Prix de la ville d'Angoulême, dont il devient automatiquement président l'année suivante. Un crû dont on se souvient encore avec un vague mal de tête.
1998 : Sortie de Ricky chez les Ricains, un projet quasi-mythique, le voyage longtemps reporté de la bande à Lucien aux États-Unis, terre des Cadillac, du Rockn'roll et du hamburger mou. La même année, Frank Margerin présente... Frank Margerin : un album qui recense de nombreuses illustrations et autant de dessins inédits.
En 2000, parution de Week-end Motard, le tome 8 des aventures de Lucien. Retour aux sources pour Lucien et sa bande qui partent en virée à moto, destination...les 24 heures du Mans!
2002 : Naissance du personnage de Momo le coursier, chez Albin Michel. En 2004, Lucien a 25 ans.. et ça se fête!! 2006 : En novembre, une nouvelle série « Shirley et Dino », inspirée par le couple d'humoristes.
En novembre 2009 sort un nouvel album de Margerin, « Lucien, père et fils ». En septembre 2011 « La bande à Lucien », onzième album de la série, sort chez « Fluide Glacial ». Il démarre en 2012, en tant que dessinateur et coloriste, une nouvelle série intitulée « Je veux une Harley », sur des scenarios de Marc Cuadrado, chez Fluide Glacial. Le 5eme tome est sorti le 16 juin 2017 chez Dargaud.
son site : http://margerinf.free.fr/ Source : www.bedetheque.com et Humanoïdes Associés
https://www.ligneclaire.info/frank-margerin-toute-la-france-dessine-100840.html
https://www.lanouvellerepublique.fr/vienne/frank-margerin-et-lucien-inseparables-a-poitiers
https://www.facebook.com/groups/margerin.tofs/
https://www.ladepeche.fr/article/2013/04/21/1610728-frank-margerin-en-preambule-de-gruissan.html
Claire Bretécher
Auteur - Scénario - Dessin - Couleurs
Née le 17 avril 1940 à Nantes et précocement terrassée par l'ennui, Claire Bretécher se lance très vite dans la bande dessinée, pour s'occuper.
Au début des années 1960, après avoir laissé tomber les Beaux-Arts parce que la bande dessinée y est persona non grata, elle enseigne le dessin pendant neuf mois, puis elle livre des illustrations dans différents journaux du groupe Bayard.
En 1963, elle rencontre René Goscinny qui l'invite à dessiner son « Facteur Rhésus », bouleversante épopée d'un héros postal, dans « L’Os à moelle ». « J’ai été flattée de cette proposition, et puis je n'étais pas en position de refuser... Il me faisait dessiner des trucs que je ne savais pas dessiner : un ravalement d'immeuble, par exemple. Je suis nulle pour dessiner un ravalement d'immeuble ! D'ailleurs, il n'a pas été content du tout du résultat et il ne me l'a pas envoyé dire, avec courtoisie, comme toujours. Après, il m'a commandé des illustrations pour « Pilote ». »
En attendant, Bretécher collabore au journal « Tintin » en 1965 et 1966, puis, en 1968, crée la série « Baratine et Molgaga » dans le mensuel « Record » (Bayard Presse).
De 1967 à 1971, « Spirou » l'accueille, d'abord pour quelques courts récits, lesquels laissent ensuite la place aux « Gnangnan », aux « Naufragés » (texte de Raoul Cauvin), ainsi qu'à l'éphémère « Robin des foies » (texte d'Yvan Delporte). En 1977, Claire refait une brève apparition dans le magazine – plus précisément dans son sup‐ plément « Le Trombone illustré » – pour y raconter les mésaventures de Fernand l'orphelin (texte d'Yvan Delporte).
En 1969, elle commence, dans « Pilote », les aventures de Cellulite (princesse plus ou moins médiévale et féministe avant l'heure) et ses futures « Salades de saison ». Elle y dessine également plusieurs bandes d'actualité.
En 1972, elle participe à la création de « L’Écho des savanes », avec ses amis Gotlib et Mandryka. Préfigurant ses inoubliables « Frustrés », ses histoires se font plus acides.
En 1973, elle est sollicitée par la presse « chic » : « Le Sauvage », pour lequel elle dessine « Le Bolot occidental », et « Le Nouvel Observateur », où elle livre une planche hebdomadaire, bientôt intitulée « La Page des Frustrés ».
C'est également à cette époque qu'elle décide de se lancer dans l'auto-édition — aventure passionnante et épuisante. Le premier album des Frustrés paraît en 1975. Après « La Vie passionnée de Thérèse d'Avila » (1980, réédité en 2007 chez Dargaud), elle édite en 1988 le premier album des aventures d'Agrippine (superbe prototype de l'ado); sept autres suivront. Le tout débouche sur une série de 26 dessins animés de vingt-six minutes, produits par Ellipse Animation et diffusés sur Canal+ à partir du mois de novembre 2001. Le huitième album d'Agrippine, intitulé « Agrippine déconfite » (Dargaud), sort en 2009.
En dehors de la bande dessinée, Claire Bretécher pratique (avec grand talent) l'art de la peinture, en témoignent les portraits hypersensibles de ses proches (ou les autoportraits) tirés de ses carnets intimes et repris dans les albums « Portraits » (Denöel, 1983), « Moments de lassitude » (Hyphen, 1999) et « Portraits sentimentaux » (La Martinière, 2004).
Au fil de ses histoires, Claire Bretécher s'impose comme la plus grande « humoriste-sociologue » du 9e art. Faussement simpliste, son graphisme nerveux et précis soutient parfaitement son propos, lucide et sans concession — surtout quand sa cible est friquée, nombriliste et désabusée — mais plein de tendresse pour certaines femmes et à peu près tous les enfants...
Claire Bretécher est décédée le 11 février 2020. (Dargaud)
https://www.franceculture.fr/personne-claire-bretecher
https://www.franceinter.fr/livres/claire-bretecher-une-femme-libre-en-bd
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