MUSIQUE CONTEMPORAINE

RACHID TAHA

1958 - 2018

Chanteur, Musicien


Carte de Séjour, groupe français formé à Lyon en 1982 par Mohamed Amini (guitare), Moktar Amini (basse) et Rachid Taha (chant).


Né dans la chaleur des banlieues et les avatars du racisme ordinaire, inventeur du langage Rhorho, mélange d’arabe et de français, Carte de Séjour connaît son heure de gloire, en 1986, avec une reprise très orientale du fameux Douce France de Charles Trenet. Les musiciens distribueront même avec ce dernier et Jack Lang le disque dans les couloirs de l’Assemblée nationale en plein débat sur le Code de nationalité. La carrière de Carte de Séjour se termine en 1989, après un maxi et deux albums. L’Hexagone n’était pas encore prêt pour cette ébauche de raï. Larousse.

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Déboulant sur la scène rock française des années 1980 avec une reprise d'un célèbre titre de Charles Trenet, Douce France, dont il livre une version à l'ironie mordante, Rachid Taha a incarné pendant plus de 30 ans une musique métissée et euphorisante. Affirmant son identité d'enfant de l'immigration avec une énergie punk, il est resté rebelle à tous les déterminismes, déjouant les assignations. Libre penseur, le rockeur a tenu une place essentielle dans la vie musicale et politique française.

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La trajectoire hors-norme de Rachid Taha, souffle rock sur un pont entre musiques occidentales et orientales, est retracée dans un documentaire. 

"C'est le dernier des punks", disait de lui Patti Smith. Un bel hommage pour cet artiste unique qui a bouleversé le paysage musical français. Auteur d'une version en arabe de Rock the casbah (Rock el casbah), tube de The Clash, l'artiste disparu le 12 septembre 2018 fut adoubé par les géants de la planète pop/rock. Comme on le voit dans Rachid Taha, rockeur sans frontières de Thierry Guedj à découvrir. 

Quand il chante ce morceau à Londres en 2005 dans un concert contre la guerre en Irak, Taha est accompagné à la guitare par Mick Jones (guitariste et co-leader des Clash) et aux claviers par Brian Eno, génie qui collabora notamment avec David Bowie. "Je suis très content de l'aura internationale de Rachid montrée dans le documentaire", commente Alain Lahana, producteur de concerts qui travailla avec Taha. Et, ce, alors que le show-biz l'enferme en France dans les cases "musiques du monde" et "arabe de service", comme on entend pester l'intéressé, arrivé à 10 ans en Alsace en provenance d'Algérie, dans le documentaire. 

On voit dans le film des images peu connues dans les coulisses, comme cette tournée en Algérie qui lui avait permis de revenir dans son village natal de Sig. "Quand j'ai monté la tournée en Algérie, où il était catalogué comme trouble-fête, pour le faire jouer, je suis passé par la Commission européenne... Pour faire jouer un mec qui avait un passeport algérien !", dévoile Alain Lahana. 

La dimension politique de Taha est bien retranscrite dans le documentaire. Et pas seulement pour sa version de Douce France de Charles Trenet avec son premier groupe Carte de séjour ou sa chanson Voilà voilà dénonçant la résurgence de l'extrême droite en France. 

On le voit, visionnaire, au début des années 1990, mettre en garde contre une France fracturée, avec des "rentre chez toi" lancés à des personnes issues de l'immigration et nées dans l'Hexagone. 

"C'est important que son message soit porté", a insisté cette semaine Hakim Hamadouche, fidèle musicien de Taha, après la projection à la Sacem, un des partenaires du documentaire. Avec la disparition de Taha, l'horizon musical s'est aussi rétréci. En 1993, sa version de Ya rayah (écrite en 1973 par l'Algérien Dahmane El Harrachi) faisait rayonner une chanson en arabe sur les radios grand public. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, regrette son fils Lyès (producteur sous l'alias Clyde P) dans le documentaire. France Info.

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Né en 1958 en Algérie, à Oran, Rachid Taha débarque en France en famille à l’âge de 10 ans.Après un passage dans les Vosges, la famille s'installe en Alsace, où Rachid Taha suit les cours dans une institution religieuse. Dès le début des années 80, Rachid Taha quitte le cocon familial pour faire plusieurs petits métiers, avant d'entrer comme ouvrier dans une usine lyonnaise. En 1982, Rachid, au chant, Mohammed, guitariste et Moktar bassiste sortent un maxi 45 tours de quatre titres sous le nom de Carte de Séjour. Le succès est limité mais un an après suit leur premier album, Rhoromanie, enregistré par Steve Hillage, ex du groupe Gong. Le véritable succès de Carte de Séjour arrive seulement en 1986 avec la reprise de Charles Trenet, Douce France. L'album s'appelle Deux et Demi

L'aventure de Carte de Séjour touche à sa fin en 1989. Rachid Taha part alors pour les États Unis où il commence à travailler sur une maquette avec Don Was, du groupe Was not Was. Si l'expérience de Los Angeles ne donne rien, d'autres projets de Rachid Taha aboutissent en 1991 avec Barbès. Ce premier album solo, boudé par les radios, ne fait pas d'éclat. 

En 1993 sort un deuxième album simplement intitulé Rachid Taha. Sur cet album produit par Steve Hillage, le titre Voilà Voilà connaît un succès auprès des DJ britanniques. 

C'est encore Steve Hillage qui se retrouve aux commandes de Olé Olé, album sorti en 1995. Enregistré à Londres, ce disque, est un judicieux mélanges de sonorités techno, house et traditionnelles. 

Un an après la parution du double cd compilation Carte Blanche, sort Diwan, album de reprise d'artistes orientaux (Chaabi de Dahmane, El Harrachi, Mohamed El Anka ou encore Farid El Atrache). À la suite de cette sortie, Rachid Taha prend la route en 1998, traverse la France, et chante dans de nombreux festival à travers le monde. En septembre, il est à Bercy à Paris avec Khaled et Faudel pour 1, 2, 3 soleils. 

Toujours entre musique électronique, rock, et traditions, Rachid Taha sort en 2000 Made in Medina et enchaine l'année suivant sur un album concert, Rachid Taha Live

En 2004 sort Tékitoi. Enregistré entre Londres, Paris et l'Egypte, cet album puise dans les influences de ces lieux. Un disque où l'on trouve Christian Olivier des Têtes Raides et Brian Eno, ainsi que la reprise de Rock the casbah des Clash

Diwan 2, septième album de Rachid Taha sort en 2006. Cet album se veut la continuité du premier volume paru 8 ans plus tôt, hommage aux auteurs-compositeurs arabes des années 50 et 60, on retrouve comme en 2000, Dahmane El-Harrachi, pour 2 compositions, des classiques égyptiens et de tradition oranaise. On trouve aussi sur Diwan 2, deux compositions de Taha

Rachid Taha est mort dans la nuit de mardi à mercredi 12 septembre 2018 d'une crise cardiaque dans son sommeil, à son domicile parisien. alerterouge.

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Thierry Guedj signe un portrait au plus juste de cet autodidacte qui a exporté sa musique dans le monde entier. 

Rachid Taha est le célèbre interprète du tube « Ya Rayah », adaptation au succès international d’une chanson de Dahmane El Harrachi, maître algérien de la musique chaâbi. Mais il est aussi et surtout un chanteur engagé et un libre-penseur qui a marqué la scène rock française pendant plusieurs décennies. Dans un film nourri d’archives originales et d’entretiens de proches, le documentariste Thierry Guedj, qui a déjà signé les portraits de Prince et de Claude Nougaro, revient sur son parcours atypique. Débarqué de son Algérie natale à Sainte-Marie-aux-Mines, en Alsace, ce fils d’ouvrier découvre la littérature à l’adolescence, en faisant du porte-à-porte pour vendre des livres. 

Quelques années plus tard, alors qu’il travaille à l’usine Therm’x de Rillieux-la-Pape, dans la banlieue lyonnaise, il rencontre les frères Amini. Ensemble, ils fondent Carte de Séjour, un groupe de rock aux influences métissées. Boycottée par les radios car jugée trop arabisante, leur musique, qui parle aux jeunes des quartiers populaires, s’impose dans les circuits underground et les réseaux associatifs. Jusqu’à ce qu’une reprise un brin ironique de « Douce France » de Charles Trenet ne les fasse connaître du grand public, dans un pays où exclusion et violences racistes explosent. De la grande Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983 à l’énergie black-blanc-beur de la Coupe du Monde 1998 (époque où le raï explose), Rachid Taha va produire la bande originale d’une France aux prises avec la montée du FN. 

Et devenir une icône pour la jeunesse issue de l’immigration. Mais des pentes de la Croix-Rousse au boulevard Barbès, puis à Londres où il s’associe avec le producteur Steve Hillage (il en résultera six albums dans lesquels il n’hésite pas à aller fureter du côté de la musique électro), l’artiste refusera toujours d’être enfermé dans le rôle de porte-parole d’une communauté, préférant aller faire résonner ses morceaux aux quatre coins du monde pour y trouver la reconnaissance qu’il mérite en tant que musicien. Hélène Riffaudeau.

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Le documentaire « Rachid Taha, un rockeur sans frontières » revient sur le parcours du chanteur algérien. Il met sur le devant de la scène son histoire, son esprit de résistance et sa quête permanente d’un son qui abolit les frontières. Loin des assignations.  

« Les Anglais ont parfaitement compris que s’il y avait un rockeur en France, ce n’était pas Johnny Hallyday, c’était Rachid Taha. Et ils s’y connaissent ! ». Celui qui ne craint pas de mettre ainsi les pieds dans le plat, c’est le compositeur et musicien Rodolphe Burger, ami de Rachid Taha

De ce dernier pourtant, nombreux sont ceux qui n’ont en tête que les morceaux entonnés par le trio « 1, 2, 3 Soleil » (avec Khaled et Faudel), qui avaient inondé les ondes à la fin des années 90 et fait déferler une vague Raï sur la France. Ou bien la reprise de Douce France par son groupe Carte de Séjour dans les années 80.
La discographie, l’histoire et la personnalité de l’artiste disparu en septembre 2018 méritaient donc un vrai portrait. C’est ce à quoi s’attache le documentaire «
Rachid Taha, rockeur sans frontières ».

D’une enfance marquée notamment par le déracinement de l’Algérie natale, au succès international, en passant par les débuts avec Carte de Séjour, le documentaire pèche par une écriture convenue. Mais grâce à de nombreuses images d’archives, dont certaines intimes, et de magnifiques témoignages de tout son entourage, il rend hommage à la personnalité lumineuse et engagée de Rachid Taha. Il raconte comment sa collaboration avec le producteur anglais Steve Hillage a donné naissance à un son singulier qui abolissait les frontières. Et rappelle que « Ya Rayah » est la première chanson en langue arabe ayant fait danser toute la planète 

Le documentaire met en lumière l’érudition de l’ancien vendeur de livres en porte-à-porte, qui avait fait des mots sa meilleure arme. Il rappelle son refus d’être assigné à une origine et retrace son combat contre le racisme... Ses désillusions aussi.
On y retrouve un
Rachid Taha alliant rage, rébellion, humour et grâce bouleversante. Un rockeur, et même un punk, dont la devise aurait pu être Liberté, Résistance et Amour. Aline Gérard.

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Ce 18 septembre 2020, Rachid Taha aurait eu 62 ans. L'occasion de revenir sur la carrière du chanteur, mais également sur son décès, survenu six jours avant son anniversaire... 

Figure du rock des années 1980, Rachid Taha est mort à 59 ans. Dans la nuit du 11 au 12 septembre 2018, soit quelques jours avant son soixantième anniversaire, le chanteur s'est éteint dans son sommeil des suites d'une crise cardiaque. Dans les colonnes du Parisien, l'ami et producteur de la star, Michel Levy, avait confié plus tard que ce dernier était souffrant : "Il avait une maladie génétique et la dernière fois que l'on s'est vus, il m'avait dit qu'il aimerait bien en parler un jour à la télé, dans une émission de santé." Cependant, il n'avait pas souhaité en dire plus sur le mal qui le rongeait : "Je n'ai pas osé lui demander de quoi il s'agissait vraiment. Il était très discret sur le sujet." 

Si Rachid Taha a résidé durant la majorité de sa vie en France, son enterrement a eu lieu là où il est né, en Algérie. Inhumé au cimetière Sidi Benziane à Sig, son cercueil avait alors été suivi par plusieurs anonymes venus lui rendre hommage. Dans une vidéo publiée par l'AFP, la famille de l'artiste avait fait part de son chagrin. Sa mère, Aïcha confiait alors : "J'ai crié : 'Mon fils n'était pas malade, il n'était pas malade.'" De son côté, sa sœur, Khaira révélait : "C'était un frère affectueux, on s'aimait beaucoup. On était très proches lui et moi." Enfin, sa veuve, Véronique, avait fait part de son émotion face aux nombreuses personnes qui s'étaient déplacés pour l'enterrement de l'homme qu'elle aimait : "Je retrouve la même fraternité, l'accueil, le cœur grand ouvert. Je suis très touchée par ça. Et surtout par l'accueil que lui fait son pays aujourd'hui." 

Dans un entretien accordé à El Watan, le chanteur avait souhaité alerter et sensibiliser les gens quant à la maladie d'Arnold-Chiari. Il expliquait alors : "J'en ai marre que les gens me prennent pour quelqu'un de 'bourré' sur scène. Alors que ce sont les symptômes de la maladie d'Arnold Chiari. Je titube, car je perds l'équilibre. Je vacille. Cela génère un dérèglement dans le corps. (...) L'incontinence, un calvaire, la constipation et bien sûr le déséquilibre (...) C'est une maladie où l'on peut perdre la vue." C'est à l'âge de 27 ans que Rachid Taha avait découvert sa maladie. Selon lui, ce syndrome venait de la consanguinité : "Mes grand- mères étaient sœurs. Elles portaient le même nom. Elles avaient le même père et la même mère. Et mon père s'est marié avec sa cousine. [...] Arrêtez de vous marier entre vous !" Lola Leger.

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Au milieu des années 1980, pour le musicien franco-algérien Rachid Taha, l’important est de rappeler que la culture est affaire de mélanges. 

"Même si je m’appelle Rachid Taha, je peux aussi bien faire du rock’n’roll que de la techno. La culture, elle est universelle. Mon but c’est ça." Voilà ce qu'en 2001, après la sortie de son album hommage à la musique algérienne, "Diwan", le musicien Rachid Taha répète. Comme il le fait de plateaux télé en studios radio depuis des années. 

L'histoire de son engagement musical commence à la fin des années 1970 à Lyon, avec son groupe "Carte de Séjour". En 1985, place de la Concorde à Paris, face à une extrême droite en pleine expansion, la formation musicale reprend ironiquement la chanson de Charles Trenet, Douce France

Rachid Taha commentait ce choix en 1987 pour FR3 Rennes : "On aimerait bien qu’on pose la question à Charles Trenet : pourquoi cette chanson a été écrite en 1943 ? C’est quelque chose de très important pour nous en fait. On l’a reprise parce qu’il y avait certains discours d’hommes politiques... Charles Trenet je pense qu'il avait un peu la même vision vis-à-vis des Allemands que nous vis-à-vis de certains discours xénophobes en France." 

D’abord chanté lors du concert géant de la Concorde organisé par SOS Racisme, mais peu diffusé ensuite par les radios, le morceau est finalement distribué à l’Assemblée nationale. 

Rachid Taha explique ce geste lors de la même interview : "On a entendu les députés pleurer qu’ils n’avaient jamais le temps de faire quoi que ce soit. Alors on s’est dit, on va leur rendre service, on va faire les coursiers, et on leur a envoyé le disque comme ça, gratuitement." 

Déjà pour le chanteur franco-algérien, l’important est de rappeler que la culture est affaire de mélanges : "Je suis étonné par les médias. Hier par exemple, je regardais une émission de télévision où il parlait de flamenco. Pendant deux heures ils me parlaient de flamenco. Il n'y a aucun moment où ils ont parlé de l'influence des Arabes dans le flamenco ou en Andalousie. Moi, j'étais sidéré. La seule façon de combattre le racisme et la xénophobie, c'est de remettre la mémoire en place." 

Quelques années plus tard, en 1994, pour une émission de la télévision nationale, le musicien poursuit : "La musique a toujours été world, c'est-à-dire que si elle n'était pas mondiale, je ne crois pas qu'il y aurait de la musique. Comme je viens aussi d'Oran, c'est une ville qui était espagnole, pas mal de temps, arabe, française, turque et donc je puise un peu des ressources là dedans." 

Arrivé en France à 10 ans, Rachid Taha introduit la langue arabe dans le rock, qu'il chante dans une urgence punk. Il mêle les deux langues, chante dans un arabe non pas littéraire, mais celui qui est parlé autour de lui, une langue hybride, qui fonctionne dans sa musique grâce à son rythme et ses sonorités. Il souligne, en 1994 : "La langue arabe, elle va très bien avec ce que je fais moi, même plus que la langue française parfois." 

Auto désigné "Soufi anarchiste", défendant avec humour un "Coran alternatif", Taha ne mâche pas ses mots pour dénoncer les hypocrisies françaises à la télévision nationale : "Je crois que ceux qui subissent toujours les contrecoups de ce qui se passe, ce sont toujours les minorités. On les montre toujours du doigt. Enfin, je pense qu'on est un peu le laboratoire, on est un peu les singes de la politique française. J'ai vécu assez longtemps à Lyon, pendant une douzaine d'années, où on avait fait créer pas mal de choses au niveau associatif, etc. Et on s'est rendu compte que la situation ne s'est pas améliorée. À la limite, elle s'est détériorée. Il y a une émergence maintenant de la culture, pas 'beur', mais la culture 'arabo-française', c'est le terme que je préfère, qui fait que c'est une richesse pour la France comme il y a toujours eu un apport de l'immigration qui a fait que la France est riche culturellement et qui est enviée à l'étranger. Donc continuons comme ça. C'est par la culture qu'on arrivera à quelque chose de toute manière." 

À l’été 1996, il reprend Ya Rayah, ce chaabi de l'exil d’El Harrachi, que Taha popularise dans le monde entier en enfiévrant les pistes de danse. Nourrie d'influences rock, new wave, orientales, littéraires, électro... sa discographie raconte aussi un devoir de mémoire, envers les Clash, comme envers les poètes maghrébins. Au "retour aux sources", Rachid Taha préfère le "recours aux sources". Rachid Taha, en 2001 : "Pour moi, le passé est le passé. Je me sers du passé pour voir un peu mieux l'avenir et vivre le présent. Donc c'était un retour aux sources d'ailleurs certainement prochainement je referais un Diwân 2. C'était une manière à moi de faire connaître, d'exprimer mes envies. Et puis, en même temps, de faire connaître un peu ma discothèque aux gens qui ont une espèce d'image, des clichés sur la musique nord-africaine ou arabe. On dit Raï, chaâbi, etc. alors qu'il y a plein plein de choses. Parce qu’une fois de plus, dans les pays arabes, en Algérie, il n'y a pas que du gaz et du pétrole, et il n'y a pas que des barbus. Il y a de la culture aussi et beaucoup." Camille Renard.

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Né en Algérie, grandi dans l’est de la France, puis à Lyon, cet électron libre musical, rencontré en 2007 pour un portrait, se doublait d’un observateur engagé.  

Veste noire, pantalon de cuir, chemise satinée, lunettes fumées et pilosité luxuriante tignasse, barbe, torse , les quelques minutes de retard sont balayées par une arrivée pleine de panache, que valide le taulier d'un sonore «Monsieur Rachid Taha !». Avec son présentoir garni de Charlie Hebdo, Libé et le Parisien, le Melting Potes, «café littéraire», est un écrin de lecture, préservé du tumulte environnant, aux Lilas. Plus vraiment Paris, pas tout à fait la banlieue. Le chanteur habite à côté. Dehors, le soleil trépigne en attendant le printemps. Dedans aussi, ça s'ébroue : «Couché tard, j'étais chez Frédéric Taddeï hier soir, sur France 3.» Sujet : «Peut-on détester l'Amérique ?» Réponse : «Non. Nous sommes tous responsables de ce qui se passe en Irak. Et puis, l'Amérique, ça n'est pas que George Bush, mais aussi les Noirs, les chicanos, la soul, David Lynch, Orson Welles, Elvis Presley...» Sandwich merguez, cigarettes (légères) à la chaîne, Coca puis champagne, il émane du personnage une virilité sensuelle, dénuée d'ostentation. 

Aussi unanimement respecté par ses pairs que réfractaire aux classifications rock, world, chanson, electro, Rachid Taha est partout chez lui. Musicien algérien qui n'a entrepris que récemment des démarches pour obtenir la nationalité française, il se définit comme un «exilé heureux». Dix ans d'enfance au bled, entre un frère aîné mort prématurément, sans qu'il l'ait connu, et une soeur cadette : «Le fils préféré, celui qu'il ne faut pas perdre, qu'on promène et qu'on montre aux copains.» Fierté réciproque, quand il raconte l'abnégation paternelle au moment de prendre son baluchon pour aller chercher du travail, de l'autre côté de la Méditerranée. Mais déracinement et cicatrices condamnées à rester. «Sans tomber dans le cliché de l'exil, il faut savoir que l'immigration reste une douleur, source d'instabilité fondée sur le mythe familial du retour», disait-il en 2000. Il confirme... et optimise : «Comparé à ceux qui sont arrivés à l'âge adulte ou qui sont nés en France, je crois avoir une énergie différente, peut-être due à l'impression d'avoir grandi et mûri plus vite... Comme si, chez moi, la douleur était devenue une forme de privilège, car source de créativité. Si j'étais resté là-bas, rien ne dit même que j'aurais fait de la musique.» 

De 1989 à 2006, Rachid Taha ne mettra pas les pieds en Algérie ; longue brouille mâtinée de rancoeur vis-à-vis de ce «pays des fantasmes et des mirages» qui, «avec toutes ses potentialités, ses richesses, n'a pas su garder son peuple». A dix-sept ans d'intervalle, il retrouve Sig, la ville de ses premiers pas, presque comme il l'a laissée, «le même portail, avec la même couleur, seul le cinéma avait disparu». Sorti cet automne, Diwan 2, le nouvel album de Rachid Taha, remporte un succès mérité. C'est une collection appropriée d'airs du pays, parfois profondément enfouis, que le chanteur a fait remonter à la surface : Ecoute-moi camarade, Kifache Rah, Gana El Hawa... On y entend clairement une certaine souffrance, tapie sous la frivolité. Et vice versa. 

Quand il part, malgré lui, à la conquête de l'Est, Rachid Taha possède encore cette faculté d'adaptation propre aux enfants. Sainte-Marie-aux-Mines, en Alsace, n'est pas réputée pour abriter une colonie de petits basanés, mais bien jouer au foot peut se révéler, à cet âge, un facteur déterminant d'intégration. L'histoire se répète à Lépanges-sur-Vologne (futur cadre d'un des faits divers les plus médiatisés du XXe siècle), où la famille continue d'esquiver les affres du chômage. On envoie l'élève «turbulent» se calmer chez les bonnes soeurs. Quitte à devoir apprendre un métier, va pour la comptabilité. Mais c'est surtout cette inextinguible «curiosité d'aller vers les autres» qui n'en finit plus de faire son chemin. 

Vendeur de livres au porte-à-porte, il croise en deux ans toutes les mentalités, tous les profils, les préjugés, les accents. En retient quelques préceptes empiriques, comme «le racisme est avant tout basé sur la connerie, mais il faut savoir qu'on vivra perpétuellement avec et apprendre à se situer au-dessus». Ou : «Les parents vous nourrissent, mais ce sont les rencontres qui vous construisent.» 

À l'hallali du giscardisme, la société française a des démangeaisons qui, fatalement, ne demandent qu'à connaître leur juste traduction artistique. C'est à l'usine Thermix de Lyon que Rachid Taha rencontre les deux frères Amini. A peine formé, le trio brandit un nom qui claque : Carte de séjour. Quand il chante en français, sa reprise du Douce France de Charles Trenet relève du manifeste. En arabe, Zoubida, sur la condition des musulmanes et les mariages arrangés, ne cherche pas plus l'esquive. Dans les deux cas, certaines dents grincent, des dentiers aussi, mais pas toujours ceux qu'on croit : «Jacques Martin est le seul qui nous aura fait passer à la télé.» 

Carte de séjour secouera les années 80 jusqu'au jour de la chute du mur de Berlin, où le groupe donne précisément son ultime concert. Entre-temps, il y a eu l'essor des radios libres (Radio Bellevue, à Lyon, il en est, pardi !), l'engagement politique (Rock Against Peyrefitte, idem) et citoyen. En 1982, il ouvre une boîte de nuit à la Croix-Rousse, Au Refoulé, ainsi nommée car destinée à ceux qu'on ne laisse pas entrer dans les autres clubs de la ville. L'année d'après, c'est la Marche des beurs, entre Paris et Marseille. Qu'en reste-t-il ? Rachid Taha arbore ce sourire qu'il a si beau, puisque à la fois pudique et insolent, candide et orgueilleux : «Rien ! Julien Dray, conseiller de Ségolène Royal, Harlem Désir, élu je ne sais plus où, d'autres qui se sont casés à la télé... Merci, on a compris !» 

Une (très) intime de la fin des années 80 se souvient d'un «homme rock'n'roll, au sens assez destroy du terme. Un personnage gentil et très impliqué socialement, vraiment passionné de musique et qui essayait de faire son trou tout en gardant un jardin secret». Riche de mille espoirs, l'aventure lyonnaise s'achève aux prémices d'une carrière solo dont le nom du premier album dévoile le nouveau port d'attache : Barbès. C'est-à-dire Paris, au sens le plus insubordonné du terme. Donc raccord avec le parcours. 

Affranchi du négoce hormis le show 1, 2, 3 Soleils, en 1998, avec Khaled et Faudel , Rachid Taha assume une image «intello branchée», mouvance Pulp/Mondino/Agnès b. Voguant au large, il croise les pontes anglo-saxons, Brian Eno, Damon Albarn, Steve Hillage (comparse de longue date), entre l'Angleterre, l'Espagne, l'Irlande et le Mexique, où il a su se faire un nom. Passé la période «communautaire, avec pas mal de copines et plein de belles rencontres», ce père d'un fils de 21 ans vit depuis deux ans aux Lilas en compagnie d'une chimiste rencontrée à Singapour. Il est aussi intarissable sur Jean Genet, Mohamed Choukri, John Ford et Derrida que sur le prix de la baguette «1 euro, tu te rends compte, alors qu'à côté, à Romainville, elle est encore à 70 centimes !» Quand il parle, il pose souvent une main sur le bras ou l'épaule de son interlocuteur. Le geste est naturel, machinal. Comme pour mieux faire passer le message, circuler la parole. Ouvrir les esprits. Gilles Renault.

18 septembre 1958 Naissance à Oran.
1977 Arrivée à Lyon.
1981 Formation du groupe Carte de séjour (dissous en 1989). 1985 Naissance de son fils, Lyes.
1991 Sortie de Barbès, premier album solo.
Octobre 2006 Sortie de Diwan 2, septième album solo.
22 mars 2007 Concert à Paris (Bataclan, complet), puis tournée. 

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Derrière l’énergie solaire de “Douce France” (en 1986) et de “Ya Rayah” (en 1993), la personnalité radieuse de Rachid Taha éclaire ce portrait poignant d’un artiste mort prématurément voilà exactement cinq ans. 

Rachid Taha aurait eu 65 ans cette année s’il n’avait appuyé sur la touche étoile le 12 septembre 2018. Les médias français lui ont assez modestement rendu hommage au moment de sa disparition. Seul Libération lui avait dédié sa une, mais le journal n’est jamais sorti en raison d’un mouvement social. 

Ce portrait poignant permet de retrouver l’énergie, le rock joyeux et universel, mais aussi les mots de Taha, cette tchatche légendaire, sincère et facétieuse, politique sans même le vouloir. Exemple : « On déguste à grandes lampées la soupe médiatique tiède et moi je débarque avec mon couscous brûlant... » Au-delà du récit biographique qui retrace l’arrivée en France à 10 ans dans un village d’Alsace, la création de Carte de Séjour à Lyon, la déflagration du titre Douce France en 1986, et plus tard l’envoûtement d’Ya Rayah, ce film d’une grande tendresse nous installe à ses côtés, comme assis à sa table, savourant son sens de la repartie et son appétit pour la vie. Ses amis — le musicien Rodolphe Burger, le comédien Toufik Baalache, et bien d’autres, soulignent le charisme du garçon né à Sig, en Algérie, éternel aventurier des sonorités qui avait conquis Robert Plant ou Brian Eno. Le film entremêle plutôt habilement son destin de musicien et celui de porte-voix de l’antiracisme dans une France qui cède de plus en plus à l’extrême droite. Mais Rachid Taha, bête noire des partisans des Le Pen, voulait avant tout être reconnu pour sa musique. Et peut-être en faire danser quelques-uns. Marie-Joëlle Gros.

MARK HOLLIS  1955 - 2019

Chanteur, Pianiste, Auteur-compositeur


Il s’était éclipsé, il y a vingt ans, du monde de l’industrie musicale, mais Mark Hollis était resté une source d’inspiration pour beaucoup. Autant grâce à l’efficacité de ses premiers tubes (It’s My Life, Such a Shame...), avec son groupe Talk Talk, que pour la façon dont il avait ensuite opéré un surprenant virage vers un idéal musical sans compromis.


Né le 4 janvier 1955 à Londres, dans le quartier de Tottenham, Mark Hollis suit brièvement une formation de psychologue pour enfants avant de céder, en 1977, aux sirènes libératrices du punk rock, influencé par son frère aîné, Ed Hollis, manageur du groupe Eddie and the Hot Rods. Rencontré en 1998 par « Le Monde », Mark Hollis se souvenait : 

« Le punk a été le moment décisif de ma vie musicale. Soudain des gens proclamaient que tout le monde pouvait devenir musicien. Même si la plupart des groupes étaient très mauvais, une énergie formidable nous portait. » 

Son premier groupe, The Reaction, publie un single, I Can’t Resist, et compose un morceau dont le titre, Talk Talk Talk Talk, inspirera le nom de sa seconde formation, lancée en 1981 avec le bassiste Paul Webb, le batteur, Lee Harris, et le clavier, Simon Brenner. La hargne ébouriffée des débuts se nimbe de romantisme. Le mouvement punk mute en new wave. Fort des qualités de mélodiste de son chanteur, Talk Talk tend les bras à la pop des années 1980. Les Londoniens publient des premiers singles (Mirror Man, Talk Talk) et un premier album, The Party’s Over (1982), chez EMI, dans une veine proche des refrains synthétiques de Duran Duran, dont ils récupèrent l’un des réalisateurs artistiques, Colin Thurston

Simon Brenner quitte le groupe en 1983, sans être officiellement remplacé. Un autre musicien et compositeur, Tim Friese-Greene, s’associe pourtant dans l’ombre au destin de Talk Talk, dont il co-signera, avec Mark Hollis, la plupart des titres. En 1984, l’album It’s My Life leur acquiert une popularité internationale, grâce aux tubes « It’s My Life » et « Such a Shame », dont les synthétiseurs exubérants flirtent avec une affriolante mélancolie, amplifiée par le chant plaintif et légèrement nasal de Hollis. « Notre motivation, nous confiait le chanteur, était de gagner assez d’argent pour pouvoir continuer à enregistrer des disques. Le succès nous a permis de les réaliser enfin à notre façon. » 

La métamorphose s’amorce en 1986, avec leur troisième opus, The Colour of Spring. S’il est encore un succès commercial, porté par des singles comme « Life’s What You Make It » et « Living in Another World », l’album s’enrichit d’ambiances plus hypnotiques et d’arrangements plus audacieux. Les atours de la synth-pop sont définitivement abandonnés dans leur chef-d’œuvre, Spirit of Eden (1988). Dans ce quatrième chapitre, Talk Talk largue les amarres pour des paysages plus abstraits et diaphanes, dessinés à partir d’improvisations instrumentales demandées à un éventail de musiciens extérieurs (cordes, vents, cuivres...). Inspiré par le jazz ainsi que par des compositeurs du XXe siècle tels Messiaen, Stockhausen ou Ligeti, Hollis et Friese-Greene assemblent, montent et recomposent ses heures de bandes, jusqu’à obtenir six pièces qui se fondent à la suite l’une dans l’autre. 

Des partis pris peu commerciaux qui provoquent la grogne de leur maison de disques, EMI, jusqu’au conflit et la séparation. Signé par Polydor (et son étiquette « Verve »), Talk Talk prolonge ses expériences dans un dernier album, Laughing Stock (1991), marqué par le blues archaïque de Robert Johnson et le free jazz d’Ornette Coleman. Entre moments suspendus et explosion de violence, ces plages préfiguraient les futures explorations de Radiohead. Elles avaient aussi fasciné Alain Bashung, grand admirateur de Hollis, et influencé son album Chatterton (1994). 

Le voyage collectif s’arrêtera là. Suivi d’un trou de sept années avant que le chanteur revienne en solo, avec un disque éponyme, Mark Hollis (1998) poussant encore plus loin ses désirs d’épure et de jeu des silences. 

Avec minutie, le chanteur écrit tous les arrangements et des orchestrations vouées aux sonorités acoustiques, non amplifiées. « Une instrumentation tout acoustique permet d’atteindre plus facilement l’intemporalité, nous expliquait-il. Jouer à un aussi faible volume rend la musique idéalement fragile et vulnérable. » Dans ce magnifique et ultime album, la voix murmurante de Mark Hollis venait parfois se poser sur une bruine ravelienne, accompagnée d’un harmonica dissonant, de bassons pointillistes ou d’un swing fantomatique. Jusqu’à s’évanouir et s’effacer. Comme pour anticiper sa retraite musicale. Stéphane Davet

« Musicalement, c’était un génie. » Lorsqu’il a appris, ce lundi 25 février 2019, la disparition brutale de Mark Hollis à l’âge de 64 ans, son ancien complice bassiste au sein de Talk Talk, Paul Webb n’a pas lésiné sur les mots pour lui rendre hommage. À juste titre. Car il y a eu du génie dans l’œuvre de Mark Hollis. Peut-être pas dès ses débuts, mais plus tard, certainement. 

Notre premier contact avec lui remonte à octobre 1982. Un ami s’était rendu à Milton Keynes, en Angleterre, pour assister à un concert de... Genesis. Il en était revenu avec des étoiles dans les yeux et des propos dithyrambiques sur l’un des groupes vu en première partie : les dénommés Talk Talk, auteurs d’un premier album, The Party’s over, paru quelques mois auparavant. Tant d’enthousiasme méritait qu’on s’y intéresse. Chose faite quelques semaines plus tard lors de la venue du quartet à Paris pour un concert au Rose Bonbon. Et force fut d’admettre qu’il avait du répondant. Volontairement privé de guitariste, il déballait une new wave hyper tonique avec un batteur déchaîné, un claviériste doué, un bassiste-choriste très présent et, devant, survolté, un chanteur aux oreilles décollées qui semblait jouer sa vie : Mark Hollis. On était à l’époque en pleine vague néoromantique, et Talk Talk y était associé. Il faut dire qu’avec sa batterie électronique, ses synthés multicolores et sa basse truffée d’effets, le groupe affichait pas mal de points communs avec les leaders du mouvement, Ultravox ou Duran Duran

Cela ne ravit pas franchement les Londoniens qui vont se défaire de cette image dès It’s my life, un deuxième album (1984) musicalement plus proche de Roxy Music. Un disque où Mark Hollis affirme sa patte de songwriter sur « It’s my life » et « Such a shame », entre autres, qui deviendront des tubes un peu partout dans le monde sauf en... Grande-Bretagne. Mais ce succès n’est pas du goût de Hollis qui le trouve surfait. Son écriture va donc évoluer. Sur l’album suivant, The Colour of spring (1986), il oublie le format radio réglementaire des trois minutes pour se laisser aller à des compositions plus sophistiquées aux orchestrations riches. « Life’s what you make it » ou « Living in another world », avec Steve Winwood à l’orgue en invité, en sont de superbes témoignages. 

Mais Hollis demeure plus que jamais mal à l’aise avec son statut de musicien pop. Il décide d’arrêter les tournées pour se consacrer à sa famille et à une création qui se tourne vers le jazz et la musique contemporaine (Ligeti, Messiaen...). Après quatorze mois de studio en compagnie d’une pléiade d’instrumentistes, il livre un quatrième album (Spirit of Eden, 1988), où sa voix plaintive vogue sur de longues plages atmosphériques de six à huit minutes. Un disque pas vraiment du goût de son label, EMI, qui attendait de lui des compositions diffusables sur les radios commerciales. La publication par celui-ci d’une version écourtée de « I believe in you », titre phare de l’album, en single conduira à une rupture contractuelle. 

Talk Talk, sans le bassiste des débuts Paul Webb, démissionnaire, sera néanmoins accueilli par Polydor en 1991 pour Laughing Stock, ultime album considéré comme annonciateur du post-rock, où Mark Hollis prend encore davantage de liberté à travers des pièces musicales sous la double influence jazz et Debussy

Le musicien demeurera silencieux jusqu’en 1998 et un unique album solo sous son nom aux sonorités entre jazz, folk, Maurice Ravel et Robert Wyatt. Un dernier geste personnel avant de disparaître des radars de la musique et des radars tout court ce 25 février 2019, laissant la trace d’un artiste intègre qui ne voulut sacrifier ni son art ni sa famille sur l’autel de la célébrité. Respect ! Frédéric Péguillan.

Muet depuis vingt ans, le très influent leader du groupe pop anglais, auteur de hits foudroyants et d'albums magnifiques, vient de disparaitre pour de bon à l’âge de 64 ans. 

C'est bien la seule chose un peu drôle de cette histoire : la mort de Mark Hollis, voix et plume vénérée de Talk Talk, a été annoncée par le compte twitter de The The. Les deux groupes aux noms bégayants des années 80 possédaient il est vrai en commun d'avoir infiltré les hit-parades internationaux grâce à des pop songs synthétiques que l'on n'a jamais honte de refaire tourner, et que les Anglais conservent toujours sous la semelle pour les fins de karaokés. « It's My Life » et « Such a Shame », tous deux extraits du deuxième album de Talk Talk (1984) auront ainsi assuré une postérité nostalgique à cette formation de Londres, apparue à l'entrée des eighties et hâtivement associée à la vague néoromantique (Adam & The Ants, Spandau Ballet...) qui envahissait alors tant les cahiers des lycéennes que les couvertures de « The Face ». 

Avec ses oreilles de Dumbo et son physique d'étudiant en chimie, Mark Hollis n'a pas forcément les atouts requis à l'époque où l'apparence compte à l'égal de la musique. Mais ses chansons mises en relief par le producteur Tim Friese-Greene s'articulent parfaitement avec les humeurs sonores du moment, entre le Roxy Music d’Avalon et l'aube de Depeche Mode. Les deux premiers albums de Talk Talk ne disent pourtant pas grand-chose des splendeurs qui vont suivre, à pas feutrés, lorsque le groupe se métamorphose en l'une des plus hautes dignités de toute la musique anglaise, se situant souvent hors des clous de la pop, gagnant en liberté formelle ce qu'il perdait en visibilité commerciale. À l'image des papillons ou des oiseaux exotiques qui peuplent ses pochettes à partir de The Colour of Spring (1986, avec « Life's What You Make It » comme dernière balise pour les charts), Talk Talk choisit l'altitude apaisante d'une musique qui survole aussi bien le folk panthéiste des années 70 que le jazz improvisé contemporain, en bifurquant du côté de Penderecki ou Arvo Part. Au fil des disques, le temps comme l'espace se dilatent, creusant des silences de plus en plus profonds et des galeries inexplorées, au point de devenir la référence absolue en matière d'épiphanie contemplative pour les Sigur Ros, James Blake ou Nils Frahm d'aujourd'hui. En France, Murat vouera une obsession tenace pour Hollis, moins toutefois que Bashung, qui puisera dans les disques de Talk Talk la quiétude fiévreuse et l'imprudence fertile des combinaisons instrumentales sans limite (avec en appui le contrebassiste de Laughing Stock, Simon Edwards, sur Fantaisie Militaire).

Après avoir abandonné les pesanteurs de la scène comme Brian Wilson ou XTC avant lui, Mark Hollis (qui avait démarré timidement après le punk avec les furtifs The Reaction) fait de Talk Talk une entité en apesanteur, un orchestre à ciel ouvert où les musiciens de toutes obédiences déposent leurs offrandes et dont il dispose ensuite méticuleusement chaque mesure, chaque frottement infime, selon une science (voire une mystique) qui demeure toujours aussi énigmatique et fascinante des décennies plus tard. Et il ne fallait pas trop compter sur Hollis pour en éclaircir les mystères. Car l'homme qui vient de disparaître à l'âge de 64 ans était entré en retraite il y a plus de vingt ans. 

Après les deux derniers albums intensément riches de Talk Talk (Spirit of Eden en 1988 et Laughing Stock en 1991), il avait seulement laissé à nos émerveillements un disque solo, baptisé simplement Mark Hollis (1998), où son art de l'effacement et du silence qui vaut de l'or atteignaient leur point culminant. Depuis, on aura guetté en vain le moindre bruissement d'aile de la part de cet amateur de papillons, et hormis une pige discrète chez Unkle et la production de deux titres pour la chanteuse norvégienne Anja Garbarek (sur l'album Smiling and Waving en 2001), l'homme de Talk Talk restera désespérément muet. À la place, il aura fallu s'infliger une horrible reprise de « It's My Life » par No Doubt, ramenant toujours le souvenir de Talk Talk à ses débuts charmants mais collants. Ces derniers mois, pourtant, la rumeur courait d'un possible deuxième album, en même temps qu'une réédition du premier. À la place, et en attendant un hypothétique reliquat posthume, on se consolera avec le très beau Drift Code de Rustin Man, alias Paul Webb, bassiste originel de Talk Talk, sorti début février. Sur son compte Instagram, celui-ci réagissait ainsi à la mort de son ancien compagnon de groupe : «Musicalement, il était un génie et ce fut un honneur et un privilège pour moi d'avoir pu jouer avec lui. Je ne l'avais pas vu depuis plusieurs années, mais comme nombre de musiciens de notre génération j'ai été profondément influencé par ses idées musicales novatrices.» Comme de coutume, le génie non galvaudé de Mark Hollis devait, dans les jours suivants, être célébré plus bruyamment qu'il ne le fut de son vivant. Christophe Conte.

« That there, that’s not me - I go where I please » (« celui-là, ce n’est pas moi - je vais où cela me plaît »). C’est par ces mots que s’ouvre « How to Disappear Completely », 4ème morceau de l’album Kid A de Radiohead (2000), qui s’inscrit dans le prolongement de l’œuvre de Mark Hollis. Ce titre, qui traite de la difficile tension entre anonymat et célébrité, illustre parfaitement la trajectoire peu commune du leader de Talk Talk, disparu le 25 février 2019. 

Depuis son ultime album en 1998 jusqu’à l’annonce de sa mort, Mark Hollis est demeuré pour ainsi dire invisible. Son influence reste pourtant considérable. Rétrospectivement, son œuvre (5 albums réalisés entre 1982 et 1998) étonne par sa spontanéité, sa subtilité et sa perfection intrinsèque. Peter Gabriel, Depeche Mode, Steven Wilson, Richard Reed Parry (Arcade Fire), Max Richter, Marc Almond (Soft Cell), Simon Le Bon (Duran Duran), entre autres, lui ont rendu hommage. Roland Orzabal (Tears for Fears), déclare que Mark Hollis était « un Dieu parmi tant de mortels dans le monde musical des années 80 ». Pour Paul Webb, ancien bassiste de Talk Talk, Mark Hollis était, musicalement, « un génie, et c’était un honneur et un privilège d’avoir joué avec lui dans le groupe ». Lee Harris, batteur du groupe, offre un éclairage complémentaire : « Il était, bien sûr, un génie... Imposant des règles strictes pour la construction musicale, que peu de gens pouvaient comprendre à l’époque...Rien n’était sans danger, pas même sa voix...L’objectif était de créer " la nouveauté "... ». 

La personnalité complexe de Mark Hollis et l’évolution de son œuvre s’illustrent par une série de faits marquants, qui peuvent être résumés ainsi : 

Né en 1955, originaire de Londres, Mark Hollis suit des études de psychologie pour enfants à l’université du Sussex jusqu’en 1977. Il n’exercera jamais et se tourne alors vers la musique, en pleine furia punk. Paradoxalement, cette formation est révélatrice de ses centres d’intérêts, à mille lieues de l’effervescence de l’industrie musicale. Elle exercera sans doute une influence profonde sur la conduite de sa carrière et le sort de Talk Talk à la fin des années 80. 

Mark Hollis a un frère aîné, Ed, très actif sur la scène
britannique : il est le manager du groupe de punk-rock
Eddie and the Hot Rods, qui remporte un succès commercial certain à la fin des années 70. C’est Ed qui pousse Mark vers la musique. C’est son frère également qui l’introduira auprès des maisons de disques, Island d’abord, puis EMI, qui signe finalement Talk Talk au début des années 80 et distribuera tous les albums du groupe jusqu’à Spirit of Eden (1988). 

Ed meurt peu avant la sortie de cet album, emporté par son addiction à l’héroïne. Mark Hollis lui consacre d’ailleurs un titre de cet album, « I Believe in You ». 

Après ses études de psychologie, Mark Hollis fonde un premier groupe - punk ! - The Reaction. Le groupe sort un unique single « I can’t resist », en 1978. The Reaction produira également une première version de « Talk Talk » (« Talk Talk Talk Talk »), titre éponyme que l’on retrouvera dans une version synthétique totalement remaniée sur The Party’s Over (1982). 

Le premier album de Talk Talk (The Party’s Over) sort en 1982. Il s’inscrit résolument dans la mouvance Synth Pop, qui est alors à son apogée au Royaume-Uni et se réclame de l’héritage de Roxy Music (Brian Ferry et Brian Eno) et David Bowie. Mais Talk Talk n’est de loin pas précurseur : Duran Duran, Tears for Fears, Orchestral Manoeuvres in the Dark, The Buggles, Eurythmics, Depeche Mode, Gary Numan, Visage, Soft Cell... l’ont précédé et remportent un succès considérable. Certains, du reste, sont déjà actifs depuis la fin des années 70 (Devo, Ultravox, Japan, The Human League...). 

Talk Talk est alors comparé à Duran Duran. Il est vrai que les points communs sont nombreux : même maison de disques (EMI), même producteur (Colin Thurston, qui a produit les deux premiers albums de Duran Duran), même réalisateur pour leurs premiers clips (Russel Mulcahy). Certains titres de The Party’s Over (« Today », « Talk Talk » et « Another Word ») appartient manifestement à la même famille musicale. Le groupe pose dans les magazines pop pour ados dans les tenues néo-romantiques chères à Duran Duran (chemises blanches et cravates). Les deux groupes tournent également ensemble en 1981 et 1982. 

Mais au-delà des apparences, tout les sépare : Mark Hollis n’a certes pas le physique d’un Simon Le Bon. Ses textes traduisent des préoccupations existentielles et mystiques, à mille lieues des thèmes abordés par Duran Duran. Mark Hollis rejette du reste toute affiliation : « La musique de Duran Duran », dira-t-il à la presse, « c’est surtout basée sur la grosse caisse »... « cela n’a rien à voir avec nous ». 

Le premier album du groupe est résolument synthétique et s’illustre par l’absence de guitares et d’instruments acoustiques. 

Il ne s’agit pourtant pas d’un choix délibéré : Mark Hollis a en effet une relation ambigüe avec les synthétiseurs. Il affirmera ainsi que c’est uniquement par commodité que le groupe les a utilisés : « Ils sont juste une mesure économique », dira-il plus tard dans un interview au magazine Home and Recording Studio, « au-delà de cela, je déteste les synthétiseurs. Le seul aspect positif est qu’ils donnent accès à une large palette de sons, mais à part cela, ils sont plutôt mauvais - horribles même »... 

Sans surprise, Mark Hollis les abandonne définitivement avec The Colour of Spring (1986), déclarant à la presse « mettre à la poubelle tout ce côté synthétiseur »... 

Alors qu’avec l’album It’s My Life (1984), Talk Talk remporte un succès considérable en Europe et aux États-Unis, le groupe est curieusement boudé dans son pays d’origine. Le premier album du groupe y remporte un succès d’estime. Les singles « It’s my Life » et « Such a Shame » passent toutefois inaperçus. Il faudra attendre The Color of Spring en 1986 (disque d’or en Angleterre) avec le single « Life’s What you Make It » (qui entre dans le Top 20), puis la compilation Natural History en 1990, pour observer un réel engouement pour le groupe au Royaume-Uni. 

Paradoxalement, le groupe est considéré rétrospectivement comme étant l’un des plus influents sur la nouvelle scène britannique qui va émerger dans les années 90 (Radiohead, Massive Attack, Mogwai...). 

À partir d’It’s my Life, les clips de Talk Talk sont réalisés par Tim Pope, l’une des stars du genre à partir des années 80. Tim Pope a ainsi travaillé avec The Cure, The The, David Bowie, Style Council, Neil Young, Paul McCartney, The Pretenders, The Psychedelic Furs, Soft Cell, Wham, Siouxsie and the Banshees, Britney Spears, entre autres... 

Ami intime de Mark Hollis, Tim Pope le décrit comme une « personnalité extrême et très intéressante ». Il confesse pourtant à une radio suisse en 2018 ne pas avoir saisi immédiatement l’importance de sa musique : « Je pense que ses albums sont incroyables. Vraiment. J’ai assisté à leur création. Ils sont si beaux », ajoute-t- il. 

Un des plus grand succès du groupe, « Such a Shame » (1984), est inspiré par le roman subversif du psychologue George Cockroft, The Diceman (« L’homme-dé », écrit sous le pseudonyme de Luke Reinhart). Le roman raconte l’histoire d’un homme qui remet les choix de son existence au sort des dés. Mark Hollis, qui décrit le roman comme un « bon livre, quoi qu’immoral... », ira même jusqu’à s’inspirer des techniques utilisées par le héros, écrivant ainsi plus de dix fois les paroles de la chanson et tirant aux dés le choix final des mots. 

Les mêmes techniques seront utilisées pour la réalisation du clip par Tim Pope. Il met en scène six personnalités issues du roman, que Mark et Tim choisissent au hasard au moyen de feuilles de papier et qui sont illustrées notamment par les changements incessants de costumes de Mark Hollis

Les relations de Mark Hollis et Talk Talk avec leur maison de disque (EMI) sont ambigües. 

D’un naturel introverti et discret, Mark Hollis rejette les affres de la célébrité. La première version du clip de « It’s My Life », où l’on aperçoit un Mark Hollis empêché de chanter par une étrange forme animée, se veut une réaction au diktat du « Lip Syncing », qui impose aux artistes de mimer le chant sur les clips promotionnels. Sous les protestations d’EMI, une seconde version du clip est réalisée, mais le « Lip Syncing » est réalisé volontairement à contre-temps, marquant le premier épisode du bras de fer qui allait opposer Mark Hollis à sa maison de disques. 

Après le succès de l’album « It’s my Life » (1984), Talk Talk amorce un changement de style. La musique du groupe devient de plus en plus épurée et expérimentale. Ce tournant est annoncé avec « The Colour of Spring » (1986), qui abandonne les synthétiseurs au profit d’atmosphères plus acoustiques. Il se concrétisera pleinement avec « Spirit of Eden » (1988). Cet album divise la critique, qui le qualifie de « prétentieux », voire de « suicide commercial ». Q Magazine écrit : « c’est le genre de disque qui encourage l’expert en marketing à commettre un suicide ». L’album remporte du reste un succès mitigé. 

Ce virage est peu apprécié par EMI, qui n’apporte pas le soutien escompté au groupe. Le manager de Talk Talk tente alors de libérer le groupe du contrat avec sa maison de disque. S’ensuit des longs mois de litige et de procès, au cours desquels EMI traîne le groupe devant les tribunaux, estimant que « Spirit of Eden » ne peut pas être considéré comme un album au sens propre du terme, car son contenu n’est pas « commercialement satisfaisant ». EMI n’obtient toutefois pas gain de cause devant la justice. 

L’ultime album de Talk Talk, Laughing Stock (1991), est distribué par Verve, sous-label de Polydor particulièrement réputé et spécialisé dans les musiques plus expérimentales. 

En 1991, EMI sort une nouvelle compilation, History Revisited, sous la forme d’une série de remixes. Le groupe poursuit alors la maison de disques pour avoir commercialisé cet album sans son autorisation. Il obtient gain de cause : les copies restantes de l’album, qui s’est pourtant bien vendu, sont détruites et celui-ci ne sera pas réédité. 

Pour Mark Hollis, le silence est une composante essentielle de la musique. Ainsi, lorsqu’il est consulté par EMI en 2013 pour le choix des titres d’une nouvelle compilation de Talk Talk (« Natural Order »), il accorde presque autant d’importance aux silences entre les morceaux qu’aux chansons elles-mêmes. « Pour Mark », dira alors un exécutif d’EMI, « la manière dont les titres s’enchaînent a autant d’importance que le reste ». 

À tout le moins depuis The Colour of Spring, la musique de Talk Talk devient en conséquence de plus en plus réfléchie et aérée, l’espace occupant autant d’importance que le contenu. « Avant de jouer deux notes », déclare Mark Hollis, « il faut apprendre à jouer une note, et il ne faut pas jouer une note à moins d’avoir une bonne raison de le faire ». 

Le dernier titre de premier et unique album solo de Mark Hollis (intitulé sobrement Mark Hollis et sorti en 1998), s’achève du reste par un long silence de plus d’une minute, en conclusion de « New Jerusalem ». Le silence de « New Jerusalem » constitue un épilogue. La suite demeure un mystère... 

À l’aube du 21ème siècle, Mark Hollis se retire du monde de la musique, ne donne plus d’interview et finit par disparaître complètement. Le réalisateur, Tim Pope, ami intime de Mark Hollis, confesse en 2018 ne l’avoir plus revu depuis plusieurs années. « C’est comme s’il avait disparu », ajoute-t-il... 

Les raisons n’en seront jamais expliquées. Elles peuvent toutefois être devinées : il est notoire que Mark Hollis ne supporte guère le poids de la célébrité. On perçoit, au travers des pochettes d’albums (mettant en scène de manière récurrente animaux, papillons et oiseaux, dans des paysages arborés), que Mark Hollis s’épanouit davantage dans la contemplation de la nature que sur les scènes des grands festivals. 

Père de deux enfants, il insiste en interview sur l’importance d’être un bon parent. Sa situation familiale, certainement colorée par sa vocation initiale de psychologue pour enfants, entre en conflit avec la vie tumultueuse de l’artiste. Dès la naissance du premier enfant de Mark Hollis (1986), Talk Talk ne donne d’ailleurs plus de concerts. 

Mark Hollis ne resurgira que dans de rares occasions : il collabore ainsi sur le premier album d’Unkle, Psyence Fiction (1998), demandant toutefois que son nom soit retiré des crédits. Certaines rumeurs font état d’une collaboration avec Massive Attack, mais elles sont infondées. En 2012, un morceau de Mark Hollis, intitulé « ARB Section 1 », apparaît dans la série télévisée « Boss ». 

À part cela, rien ou presque, comme si ce silence prolongé constituait, en toute logique, la dernière étape de son œuvre, jusqu’à l’annonce de sa mort le 25 février 2019. 

Rétrospectivement, les derniers disques de Mark Hollis (Spirit of Eden, Laughing Stock et son album solo), d’un accès plus difficile, annoncent le mouvement post-rock. Ils exerceront une influence majeure sur la musique de Radiohead, Sigur Rós, Bjork, Mogwai, Elbow, mais également These New Puritains, dont l’album Field of Reeds (2013) s’inspire beaucoup des techniques d’improvisation expérimentales de Mark Hollis. Le leader du groupe, Jack Barnett, a du reste fait appel pour l’enregistrement à l’ingénieur du son de Mark Hollis et des derniers albums de Talk Talk, Phil Brown

Mark Hollis est aussi considéré comme l’un des précurseurs du Trip Hop. Dans un hommage posthume, Neil Davidge, producteur de Massive Attack, reconnaît ainsi l’influence de sa musique sur les albums Mezzanine et 100th Window. Enfin, et ce n’est certainement pas un hasard, Paul Webb, bassiste de Talk Talk, collaborera avec Beth Gibbons (Portishead), le temps d’un album, Out of Season, en 2002. 

La trajectoire de Mark Hollis n’est du reste pas sans rappeler celle du leader de Japan, David Sylvian. Précurseur de la synth pop dès la fin des années 70, Japan obtient la consécration avec l’album Ghost (1981) et constitue une influence majeure pour Talk Talk. Mais David Sylvian démantèle le groupe à son apogée et se lance dès 1984 dans une carrière solo marquée par une musique expérimentale essentiellement intimiste et acoustique (Brilliant Trees en 1984, Gone to Earth en 1986, Secrets of the Behive en 1987). David Sylvian collabore du reste avec Robert Fripp (King Crimson), mais également avec Holger Czukay, membre du très influent groupe allemand Can. Mark Hollis cite d’ailleurs leur album Tago Mago (1970) comme une référence incontournable. 

Au cours de sa courte carrière, Mark Hollis aura donc pris l’industrie musicale à rebrousse-poil, fuyant le succès commercial au profit d’une musique certes moins accessible, mais plus mystérieuse et en définitive, plus substantielle. Mais ce sont parfois les astres les plus lointains qui ont le plus à dire... Cédric Aegerter.

En fait Mark Hollis et ses camarades, comme beaucoup de musiciens de cette période reculée, le début des années quatre-vingt, ont signé un contrat avec une compagnie discographique grand public, EMI. 

EMI finançait et diffusait aussi les enregistrements du groupe Duran Duran. Partout dans le monde, à l’exception notable de la France, Duran Duran s’est imposé comme le groupe le plus populaire de ce courant néo-romantique. Au point d’ailleurs qu’aux Etats-Unis, où MTV diffusait abondamment leurs vidéos, on les avait présentés comme les nouveaux Beatles. Le Londonien Mark Hollis et ses camarades se sont trouvés pris dans un engrenage, ils n’ont pas eu le choix. Ils se rêvaient comme de nouveaux Doors, tandis que l’équipe de directeurs artistiques de EMI leur demandait simplement d’être un autre Duran Duran. Ils ont fait ce qu’on leur demandait. Ils se sont même très bien acquittés de leur tâche. Ils ont écrit et interprété des chansons pop sous la supervision du réalisateur artistique de Duran Duran. Mais jusqu’à un certain point. Ils n’avaient aucune envie de jouer le jeu jusqu’au bout. 

Déjà, sur les photos d’époque où l’on voit les musiciens vêtus à la dernière mode londonienne, ils ont carrément l’air de faire la gueule. Mark Hollis, qui n’avait pas du tout le physique avantageux de Simon Le Bon, le chanteur de Duran Duran, se fichait complètement de son apparence. Il lui arrivait, paraît-il, de monter sur scène en chaussettes. 

Pour la vidéo de leur tube, « It’s My Life », un réalisateur proche des musiciens avait fait un montage où l’on voyait courir des animaux sauvages, rhinocéros, antilopes, etc. Ce film était entrecoupé de brefs plans fixes où l’on voyait un Mark Hollis immobile, les lèvres scellées, avec ses oreilles décollées, engoncé dans un imperméable, l’air de s’ennuyer fermement, comme s’il attendait un autocar qui n’arrivait jamais. 

Alors, vous imaginez, ça n’a pas du tout été du goût de MTV, qui a exigé une autre vidéo. Pourquoi cette mauvaise volonté ? Eh bien Mark Hollis trouvait tout ce cirque dérisoire : ce succès lui paraissait aussi superficiel qu’immérité et la célébrité lui était indifférente. Il avait de toutes autres ambitions. Dès qu’il l’a pu, il a profité de la liberté que lui a offerte ce succès pour orienter sa musique dans une direction plus personnelle et ce dès l’enregistrement du troisième album de Talk Talk, The Colour of Spring, qu’on a découvert en 1986. Michka Assayas.

CHARLES AZNAVOUR  1924 - 2018

Chahnour Vaghinag Aznavourian


« J'ai la voix qui colle avec le genre de chansons que j'écris », reconnaît Charles Aznavour dans son autobiographie parue en 1970 (Aznavour par Aznavour, Fayard éditeur). Fils d'Arméniens ayant fui la Turquie, il a fait de cette voix parfois à la limite d'être brisée l'instrument d'un succès qui fut long à se dessiner, comme le rappelle l'une de ses chansons les plus emblématiques, Je m'voyais déjà (1960). 

Il commence dès l’âge de 9 ans sa carrière, en s’inscrivant à l’Ecole des enfants du spectacle et en prenant “Aznavour” comme nom de scène. Élevé dans le milieu des chanteurs et musiciens arméniens qui ont fait du café de son père leur point de ralliement, Charles Aznavour entre à son tour dans l'univers de la chanson comme parolier et forme, entre 1941 et 1950, un duo avec le compositeur Pierre Roche (1919-2001). 

Très vite, dès 1946, il est repéré par Edith Piaf, qu’il accompagne dans une tournée internationale jusqu’aux Etats-Unis. Il devient le protégé de la chanteuse, pour laquelle il écrit Jezebel et qu'il accompagnera au piano jusqu'en 1954. Il écrira aussi pour Juliette Gréco (Je hais les dimanches, 1953) et, tout au long de sa carrière, pour plusieurs chanteurs de générations différentes : Maurice Chevalier, Gilbert Bécaud, Mireille Mathieu... Cependant, malgré ses succès, on lui reproche son timbre et on lui déconseille de chanter. 

Invité à passer en vedette à l'Olympia en 1955, Charles Aznavour est dès lors sur la rampe de lancement qui le mènera en 1963 au Carnegie Hall de New York. 

Ce n’est véritablement qu’en 1956 que sa carrière décolle: un récital à Casablanca le propulse au rang de vedette. Dans la foulée, il joue Sur ma vie, son premier véritable succès populaire, à L’Olympia, puis interprète J’me voyais déjà à l’Alhambra, devant un public conquis. 

Ma jeunesse (1956), On ne sait jamais (1956), Tu t'laisses aller (1960), Il faut savoir (1961), les Comédiens (1962), puis la Mamma (1963), For me, formidable (1964), la Bohème (1966), Comme ils disent (1973) sont autant de titres qui, musicalement, associent aux parfums du jazz les sonorités d'Europe centrale, et qui, humainement, parlent autant des désarrois de l'existence que des beautés de la vie. 

Les années 1960 seront celles de tous les succès: il enchaîne les tubes (Hier encore, La Bohème, Emmenez-moi, Désormais...) En parallèle, il écrit deux des plus grandes succès de Johnny Hallyday (Retiens la nuit) et de Sylvie Vartan (La plus belle pour aller danser). Si la plupart de ses chansons abordent des sujets romantiques, l’amour et le temps qui passe, Aznavour prouve avec Comme ils disent, chanson sur l’homosexualité, qu’il sait aussi s’engager. Il confirme cette volonté dans les années 1980, durant lesquelles il apporte son soutien à l’Arménie, à travers sa fondation Aznavour pour l’Arménie

Au faîte de sa gloire de chanteur, Charles Aznavour continue à répandre la bonne parole de la chanson française à travers le monde, du Québec au Japon, en swinguant autant avec les mots qu'avec les sons, et en faisant de sa vie une perpétuelle source d'inspiration. Je n'ai pas vu le temps passer avoue-t-il dans son album de 1978, qui inaugure une nouvelle phase de sa vie, marquée par la sortie en 1998 de l'album symboliquement intitulé Jazznavour. Toujours immense, son implication en faveur de l'Arménie le conduit en 2008 à prendre la double nationalité franco-arménienne et, en 2009, à accepter d'être l'ambassadeur de ce pays en Suisse. 

Charles Aznavour est l'un des géants de la culture française. Il a joué dans plus de soixante films, a composé plus de mille chansons, chanté dans six langues différentes et a vendu plus de cent millions de disques à travers le monde. Larousse.

AMY WINEHOUSE


Née le 14 septembre 1983 à Londres, la chanteuse et auteur-compositrice-interprète Amy Winehouse, fan de jazz depuis son enfance, se met à dos ses professeurs de lycée car elle chante durant leurs cours… Dès 13 ans, elle foule les planches, suit des cours de théâtre à l'école d'art Sylvia Young, mais son caractère déjà bien affirmé la pousse vers la porte de sortie. Indisciplinée, elle est renvoyée au bout de deux ans. Elle finira sa scolarité en internat à la British School de Croydon.  En 2003, son premier album Frank reçoit une nomination pour le prix Mercury. En 2006, Amy connaît la consécration avec le second album Back to black qui remporte six nominations au Grammy Award ainsi que cinq prix dont Meilleure nouvelle artiste, Album de l’année et Chanson de l’année. Cet album fait partie des dix albums les mieux vendus au Royaume-Uni en 21e siècle. Suite de la prodigieuse ascension d’Amy Winehouse en 2007 avec sa victoire au British Award de la meilleure artiste féminine britannique. En 2008, elle reçoit pour la troisième fois le Prix Ivor Novello pour la chanson et la musique des textes de Love is a losing game.

La révélation soul Outre-Manche de l'année 2007. À seulement 24 ans, Amy Winehouse défraie la chronique et plane en haut des charts. Un succès non usurpé pour cette punky diva dotée d'un timbre de voix digne d'Aretha Franklin

Résurrection des chanteuses des mythiques studio Motown, Amy Jade Winehouse est née en Angleterre à Enfield, dans le nord de Londres, dans une famille ancrée dans la musique (sa grand-mère, Cynthia sortait avec le saxophoniste Ronnie Scott et son oncle est trompettiste). 

La success story est amorcée quand à 18 ans, Amy Winehouse décroche son premier contrat avec Island/Universal. En 2003 son premier opus Franck est certifié disque de platine, nominé au Mercury Music Prize, et séduit déjà de nombreux fans en Europe et aux Etats-Unis. L’album produit en majorité par Salaam Rémi est un savant mélange de jazz et de pop. Mais il faudra attendre la sortie en 2006 de Back to black ( moins jazzy, 10 titres "construits autour du motif pop classique de trois minutes »), pour qu'elle soit consacrée meilleure artistes féminine 2007 aux British Awards et qu'elle reçoive Le Prix Ivor Novello pour la meilleure chanson et la musique des textes en 2008. 

Malgré son triomphe, Amy Winehouse cultive son côté bad girl en affichant piercings et gros tatouages, elle a également attiré l'attention des médias pour son look, notamment sa coiffure, et a inspiré plusieurs designers de mode. Elle préfère même passer pour une idiote aux yeux des journalistes : « Je ne regarde pas les infos. Vous savez, je suis plutôt ignorante, pas très intelligente. Je suis juste musicienne ». (Libération 01/08/2007). Un jeu amusant pour Amy Winehouse qui fut un temps journaliste musicale dans une agence de presse people et que ses amis qualifient de brillante (bac avec mention).   

Plus délurée qu'une Joss Stone, moins superficielle qu'une Beyoncé, Amy Winehouse se rapproche de Billie Holiday avec qui elle partage le goût pour la boisson, les substances illicites, et les amours tumultueux. Sa douloureuse rupture passagère avec Blake Fielder - aujourd'hui son mari -, est d'ailleurs à l'origine de son 2ème album.  

Le 18 juin, Amy Winehouse a donné un concert à Belgrade, qui devait lancé une grande tournée d'été en Europe. Mais ce fut un désastre pour la chanteuse, arrivée sur scène complètement saoûle et huée par le public. Tous ses concerts ont été annulés suite à cette prestations. Amy rentre chez elle à Londres. C'est là qu'elle est retrouvée morte le samedi 23 juillet 2011. Fin 2011, les analyses indiquent qu'Amy Winehouse est morte à cause d'un sevrage trop brutal et d'une forte accoutumance à l'alcool. En décembre 2011sort également le premier album posthume de la star avec des reprises et des morceaux inédits. Amy Winehouse n'avait que 27 ans. Elle rejoint ainsi le fameux Club des 27, groupe d’artistes influents du rock ou du blues morts à 27 ans tels Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison ou Brian Jones.

Radio France, NRJ



NICOLAS PEYRAC

Difficile de démarrer une carrière sur les chapeaux de roue ! Après quelques tubes dans les années 70, Nicolas Peyrac a eu du mal à poursuivre sereinement un parcours nuageux tant au plan professionnel que personnel. Pourtant, Peyrac est un auteur-compositeur qui a marqué sa génération et certains de ses titres sont des classiques de la chanson française.


De son vrai nom Jean-Jacques Tazartez, Nicolas Peyrac naît le 6 octobre 1949 à Rennes. Avec ses frères, il est élevé en Bretagne par une famille de médecins. Quand ses parents divorcent au début des années 60, Nicolas s'envole pour New York avec sa mère. Il y réside environ une année avant de revenir vivre avec son père en Bretagne. Déjà très épris de chanson, il a commencé très tôt à écouter les grands classiques du patrimoine, de Léo Ferré à Jacques Brel. Il apprend seul la guitare et écrit quelques textes et poèmes comme tout adolescent un peu tourmenté. De plus, il découvre la musique anglo-saxonne qui enrichit son inspiration et sa culture musicale. Jeune homme, il semble de plus en plus évident que sa fibre artistique est fort sensible. Mais il cède cependant aux pressions familiales qui le mènent tout droit à la faculté de médecine. Il démarre donc des études parallèlement à ses premiers pas dans le milieu musical. Et ce n'est pas le musicien qui émerge en premier, mais le photographe. Autant doué pour l'art visuel (il pratique aussi la peinture) que pour la musique, il est l'auteur de pochettes de disques, entre autres pour Gilbert Bécaud

En 1971, il part vivre quelques temps avec sa mère, physiologiste en Afrique. Il continue ses études mais ses contacts dans le métier lui permettent de rencontrer en 72 Patrick Legrand, frère de Michel, et éditeur de musique. Nicolas lui présente quelques textes et a le plaisir quelques mois plus tard d'en entendre un chanté par Marie Laforêt. Le succès de ce 45 tours lui vaut un contrat immédiat avec Pathé-Marconi. Cette fois, c'est comme interprète que Nicolas démarre enfin dans la chanson. Mais ses deux premiers 45 tours sont des échecs. Sa maison de disques hésite à le garder quand, en 75, il sort "So far away from L.A.". Pathé-Marconi oublie alors toutes ses velléités de renvoi. En effet, ce titre rencontre une réussite publique et critique immédiate et par la même occasion, Peyrac devient une vedette du jour au lendemain.

Il abandonne ses études de médecine pourtant proches de leur terme (il est en 6ème année). Son succès lui prend tout son temps d'autant plus que le 45 tours suivant, "Et mon père" se transforme aussi vite en tube. Pour ce titre, la Sacem (Société des Auteurs Compositeurs) lui décerne l'Oscar de la chanson française en 75. En quelques mois, Nicolas Peyrac intègre le cercle des chanteurs les plus doués de sa génération. La réussite discographique entraîne une intense et immédiate activité scénique. En 76, Nicolas Peyrac passe au Théâtre de la Ville à Paris et tourne en première partie de Serge Lama. Mais son succès le mène jusqu'au Japon, destination presque obligée pour un artiste français qui réussit. Déjà auteur de deux albums, il en sort un troisième en 76 "Quand pleure la petite fille", puis un quatrième en 77, "Et la fête est finie". Quant à la scène, il ne la quitte guère. En 77, il tourne avec Marie-Paule Belle, et prend la route en vedette tout l'été. Mais en décembre, il monte trois semaines sur la prestigieuse scène de l'Olympia en première partie de Dalida mais il faudra attendre 79 avant qu'il n'y soit présenté en tête d'affiche. 77 est aussi l'année de deux nouveaux succès : "Je pars" et "le Vin me soûle".

Après la naissance de sa fille Amanda en 77, il perd sa mère en 1978. C'est à elle qu'il dédie son album "J't'aimais, j'ai pas changé". Ce décès marque un passage à vide pour l'artiste qui part alors quelques temps en Californie. C'est à cette occasion qu'il fait la connaissance du chanteur et auteur Will Jennings avec qui il travaillera plusieurs fois dans les années 80. Tournées, albums, l'activité artistique de Nicolas Peyrac continue de plus belle au début des années 80. Mais le succès ne suit pas forcément le même rythme. Le temps des tubes semble déjà être du passé. Il continue de tourner avec une escale parisienne à Bobino en 1981. Tous les ans, ses concerts le mènent aux antipodes : le Pacifique sud en 82, la Corée en 83, l'Afrique (Gabon, Burundi) en 84, Océan indien et Canada en 85. Il sort de la même façon quatre albums entre 80 et 85 : "Fait beau chez toi" (80), "Elle sortait d'un drôle de café" (82), "Flash back" (83, co-écrit à Los Angeles avec Will Jennings) et "Neuvième" en 84.

En dépit d'un emploi du temps fort rempli, Nicolas Peyrac ne se sent pas très bien dans son métier et dans sa vie personnelle. Ses textes sont chantés par les plus grands : "Je n'oublierai jamais" par Johnny Hallyday en 82 et "Les Eaux du Mékong" par Placido Domingo en 85. Mais sa propre carrière perd du terrain sur l'actualité musicale et sur l'intérêt du public. Il se replie alors sur lui-même. Il en profite pour cultiver ses autres passions. Dès 86, en vacances chez son ami Michel Berger, il démarre l'écriture d'un roman. Puis, il réalise un documentaire pour la télévision sur les sportifs de haut niveau. La fin des années 80 est vraiment difficile. Rupture sentimentale, difficultés professionnelles, Nicolas perd pied et sombre dans une dépression longue et douloureuse. Un album sort en 89, "J't'aimais trop, j't'aimais tellement", très empreint de ses problèmes les plus personnels ("J'l'aime quand elle s'en va", "Et tous ces matins sans elle"). On n'entend plus guère parler de Nicolas Peyrac pendant quelques années. De façon contradictoire, c'est le décès soudain de Michel Berger qui marque un tournant dans cette période difficile.

Profondément bouleversé par cette disparition qui survient en août 92, Nicolas réagit par une forte envie de se reprendre en main. Il se remet à écrire, voyage un temps à Cuba, et produit un nouvel album "Tempête sur Ouessant". Dès 90, il avait commencé à travailler sur ces nouveaux titres mais sans pouvoir en venir à bout. Entouré de musiciens et amis français (Sébastien Santa Maria, Philippe Chauveau) et américains (Bruce Gaitsch), cet album marque un retour de Nicolas sur le devant de la scène. Mais tout n'est pas si simple et il lui faut encore du temps pour se remettre sur pieds. En 93, aidé par son père, le chanteur décide d'émigrer au Québec. Il s'installe donc à Montréal où il retrouve un nouveau souffle et une nouvelle motivation. C'est là qu'il termine et publie son roman en 94 sous le titre "Qu'importe le boulevard où tu m'attends". Puis, chez son père en Bretagne, il écrit une grande partie d'un nouveau disque, "J'avance", qui voit le jour en 95.

Nicolas a une nouvelle compagne, Pascale, et reprend au Québec une intense activité scénique. On le voit lors des grands festivals (Festival d'Eté de Québec, Francofolies de Montréal) ou lors de tournées à travers la province. C'est un grand retour sur une scène parisienne et même française que Nicolas Peyrac effectue en 1996. En mai, il s'installe pour quelques jours au Casino de Paris entouré de 7 musiciens et d'une formation de 13 cordes. L'événement sort sous un album, "Puzzle", qui paraît l'année suivante. Neuf mois après le Casino, il retrouve aussi Bobino du 16 janvier au 1er février 97. Deux ans après "J'avance", des divergences artistiques éclatent entre le chanteur et sa maison de disques Une musique qui refuse de produire son album. Meurtri mais combatif, Nicolas retourne quand même aux studios du Bras d'or à Boulogne. Accompagné de ses plus proches fidèles, en travaillant sur de nouvelles chansons, ils décident de reprendre entièrement "Autrement", disque pourtant presque terminé. Malheureusement, Une musique persiste et signe : le CD ne sortira pas...du moins pas chez eux. Presque seul, sans contrat, un album fini en poche, le chanteur se résigne à publier "Autrement" sur un label indépendant. Petite structure oblige, malgré un succès critique indéniable, cet opus passe inaperçu aux yeux du public.

Nicolas Peyrac n'en perd pas sa plume pour autant. Pendant trois ans, très inspiré, il écrit texte sur texte et enregistre maquette sur maquette. En 2002, grâce à un ami, il rencontre Pierre Illias qui devient son manager. Celui-ci se révèle plus qu'efficace. En février de la même année, il signe un contrat pour quatre albums avec la major BMG. Il retourne alors en studio et une année plus tard, en mars 2003, arrive "Seulement l'amour", un disque simple, respirant la sérénité d'un auteur épanoui. L'interprète du tube "So far away" continue sa tournée en France. L'année 2005 voit la parution d'une compilation retraçant sa carrière, "Toujours une route", agrémenté de l'inédit "Ne me parlez pas de couleurs", une ode contre l'intolérance. "Vice versa", le 16e album studio du chanteur paraît en mai 2006, venant couronner trente ans de carrière. Avec des titres comme "Laisser glisser" sur le racisme, ou "Et je t'aimais déjà" dédié à sa fille Sarah, adoptée deux ans auparavant avec sa compagne, ce nouvel opus est accueilli chaleureusement par la critique. La même année Nicolas Peyrac publie son deuxième roman "J’ai su dès le premier jour que je la tuerais".

Après le décès de son père en 2006, le chanteur s'installe à nouveau en France et retrouve la Bretagne de son enfance et la maison familiale. Inspiré par ce retour aux sources, il enregistre en solitaire l'album "Case départ", qui paraît discrètement en 2009 et qui marque ses retrouvailles avec la guitare acoustique. Quelques mois plus tard, il publie son troisième roman, "Elsa". Puis l'année 2010 est consacrée à l'écriture de chansons, un travail d'inspiration récompensé en 2011 par la parution d'un double-album, cette fois signé chez Sony. Intitulé "Du Golden Gate à Monterey", le coffret comporte des nouveautés ainsi qu'un florilège d'anciennes compositions, toutes enregistrées en studio dans les conditions du live. Un documentaire tourné par Michel Jankielewicz accompagne l'album. Une tournée s'ensuit, avec un passage à l'Européen à Paris, le 30 janvier 2012.

Trois ans plus tard, Nicolas Peyrac se retrouve à nouveau sous le feu des projecteurs avec une double actualité. Longtemps réticent à l'idée d'un album de reprise de ses succès en duo, le chanteur se plie finalement à l'exercice en 2013. "Et nous voilà !" reprend quelques tubes et des perles oubliées, interprétées avec des artistes de tous horizons, de Bénabar à Carmen Maria Vega, en passant par Sanseverino ou Michaël Furnon (Mickey 3D). Au même moment, Nicolas livre ses mémoires dans le livre "So Far Away, Un certain 21 mars" paru aux éditions de L’Archipel. L'envie de se raconter s'est déclenchée un an auparavant lorsqu'il a appris qu'il était atteint d'une forme légère de leucémie. Le livre prend la forme d'un carnet de route, dans lequel il raconte son parcours et ses souvenirs. Il poursuit ses "Acoustiques improvisées" et se produit régulièrement sur les scènes françaises tout au long des années qui suivent alors que son lieu de résidence se situe en Bretagne. Seul en scène, dans cette formule qui lui sied au mieux selon ses dires, il égrène les chansons de presque 50 ans de carrière. En 2019, il participe en tant que chanteur, mais aussi compositeur, au projet "Les Siphonnés du bonheur", "un conte musical avec chanteurs adoucissants", aux côtés, entre autres, de Cali. (rfi musique)


Pierre Perret

auteur-compositeur-interprète


Pierre Perret est né en 1934 à Castelsarrasin dans le Tarn-et-Garonne. Après avoir suivi un enseignement au Conservatoire de Toulouse et obtenu un premier Prix au saxophone, Pierre Perret se lance dans la chanson en se produisant dans des cabarets parisiens, d’abord en accompagnant à la guitare puis en proposant ses propres textes. Il se fait remarquer et sort son premier disque en 1957 chez Barclay.

Il faut attendre 1966, pour que Pierre Perret connaisse un vrai succès populaire avec sa chanson "Les Jolies Colonies de vacances", puis en 1971, il chante "La Cage aux oiseaux" et en 1975, il est consacré avec "Le Zizi". Il écrit également des chansons sur des sujets de société comme le racisme avec "Lily" en 1977, le viol avec "Mon p'tit loup", ou encore la guerre du Golfe de 1992 avec "La Petite Kurde". En 1998, il écrit "La Bête est revenue" en réponse à la montée du Front National. Plus récemment, Pierre Perret a rendu hommage aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo avec "Humour, Liberté". En réaction au confinement du printemps 2020, il a composé et mis en ligne avec succès "Les Confinis", chanson qui critique avec humour la gestion de l'épidémie par la classe politique. (France Culture)

Pierre PERRET est né le 9 juillet 1934 à Castelsarrasin. Il est auteur-compositeur-interprète, résidant dans la commune de Nangis en Seine-et-Marne. Ses parents Maurice et Claudia tiennent un café, le Café du Pont (un film sera par ailleurs réalisé sur son histoire par Manuel POIRIER en 2009, peu convaincant selon l'intéressé), dans lequel il passera une grande partie de son enfance, apprenant par là même de nombreux argots et langages de métiers.

C'est à 14 ans que Pierre PERRET intègre le Conservatoire de musique de Toulouse et s’inscrit parallèlement au Conservatoire d’art dramatique. Il obtiendra à 19 ans un premier prix de saxophone, et commencera à jouer dans des bals et des fêtes familiales avec son premier orchestre de quatre musiciens.

De 1953 à 1956, Pierre PERRET est à l'armée. Il visite régulièrement l’écrivain Paul LÉAUTAUD jusqu’à la mort de celui-ci en 1956. Pierre PERRET fait également la connaissance de Georges Brassens qui l’encourage à écrire et composer, et fréquente de plus en plus le milieu de la chanson parisienne. En 1956, il accompagne à la guitare la jeune chanteuse Françoise MARIN dans le cabaret La Colombe. Il y dévoilera ses premières chansons. Michel VALETTE le patron des lieux lui propose alors de l'engager pour chanter, mais Pierre PERRET refuse dans un premier temps, trop timide. Finalement, c'est avec succès qu'il y fera ses débuts de chansonnier.


L'année suivante, alors qu'il habite avec Françoise MARIN, il est remarqué un soir par Boris VIAN, Jacques CANETTI et surtout Emile HEBEY, qui deviendra son agent. Présenté par ce dernier à Eddie BARCLAY, Pierre PERRET signe son premier contrat et enregistre "Moi j'attends Adèle", son premier 45 tours.

En 1958,
Pierre PERRET continue la tournée des cabarets parisiens et sillonne les routes de France et d’Afrique en première partie du groupe américain THE PLATTERS. C’est dans les bureaux de sa maison de disques, qu’il fera la connaissance de Simone MAZALTARIM qui deviendra son épouse et qu’il rebaptisera, des années plus tard, Rébecca.

En 1963, Pierre PERRET connaît son premier succès avec la chanson "Le Tord Boyaux". Il quitte Barclay pour Vogue, et Lucien MORISSE devient son nouvel agent artistique.

En 1966, la chanson "Les jolies colonies de vacances" est un grand tube populaire.
Pierre PERRET se produit pour la première fois à l'Olympia en novembre, enchaînant avec le succès de "Tonton Cristobal" l'année suivante.

Dès 1969,
Pierre PERRET décide de s’autoproduire en fondant les éditions Adèle. Puis il fait ses premiers pas au cinéma dans "Les étoiles de midi", suivi des "Patates".

Son plus gros succès sera "Le zizi", en 1975 (quatre ans après celui de "La cage aux oiseaux"). Puis viendront "Lily" en 1977, devenu un classique des chansons anti-racistes, ou "Mon p'tit loup" deux années plus tard. Pierre PERRET écrira également sur la famine ("Riz pilé"), l’écologie ("Vert de colère"), la guerre ("La petite Kurde"), le tabac ("Mourir du tabac"), l’avortement ("Elle attend son petit"), la vie des travailleurs ("Ma nouvelle adresse") ou la remontée du fascisme ("La bête est revenue").


Auteur jouant sur les mots et la musicalité de la langue française, Pierre PERRET ne dénigre pas pour autant l’argot, qu'il emploie à dessein dans de nombreux textes (il a notamment réécrit les fables de La Fontaine). L'interprète dans un style apparemment naïf, voire enfantin, avec candeur et humanisme pose nombre de questions pertinentes qu'il déclame avec un sourire malicieux.

En 2007, Pierre PERRET dévoile "Le plaisir des Dieux", un disque de chansons paillardes. Il interprète, et parfois réécrit, certaines de ces chansons, comme l’avait fait Georges Brassens.

En 2010 sortira son opus "La femme grillagée" qui là encore fera parler de lui par ses textes engagés sur le port du voile. "Je l'ai commencé bien avant que ce soit un sujet d'actualité et de polémique. Ça me semblait déjà tellement aberrant qu'à notre époque, on puisse accepter que des femmes fassent l'objet d'un tel avilissement, que je ne pouvais qu'écrire une chanson sur le sujet. Le risque aussi est qu'elle puisse être récupérée de toutes parts, notamment par le Front National comme un pamphlet anti-islam, ce qui n'est pas le cas. La banalisation des pensées d'extrême droite, de l'usage de la croix gammée et de l'histoire d'Hitler, me fout vraiment la trouille. J'avais déjà écrit "La bête est revenue" sur ce sujet il y a quelques années. Marine Le Pen est beaucoup moins extrémiste et plus fédératrice que son père. Elle n'en a pas les outrances ce qui est assez rassurant pour son électorat, qui finit par trouver qu'elle est assez raisonnable, et qu'on fond tout le monde pense un peu ce qu'elle dit. C'est donc beaucoup plus dangereux !" déclare alors Pierre PERRET au magazine "Platine".

Pierre PERRET évoque également au sein de ce disque, les thèmes des femmes battues ("Femmes battues") "On ne fait jamais rien contre le mec qui cogne. On l'avertit et on le somme de se calmer, c'est tout ! Après il ressort les mains dans les poches. Tant qu'il n'aura pas tuer quelqu'un, il ne sera pas puni. C'est la réalité, je n'invente rien", du sexe ("Le cul"), des enfants défavorisés dans les pays en guerre souffrant de famine ("Les enfants de là-bas"), de l'inconstance en amour ("Un jour ça va"), du plaisir féminin ("Clémentine"), ou des internautes frustrés derrière leur écran ("La mère des cons"). "Je vois de telles raclures de bidet dans les commentaires anonymes d'internautes sur tel ou tel sujet... Dans l'absolu, c'est pour moi la pire expression de la bassesse humaine. Comme je l'ai écrit, ils échangent entre eux la diarrhée de leur cerveau : je le pense fermement. Si la race des cons n'est jamais éteinte, c'est que la mère des cons est toujours enceinte. Le paradoxe c'est que le con croit que c'est les autres qui le sont. Si les enfants de pays occidentaux se penchaient sur le film qui se déroule en face, ils mesureraient déjà la chance qu'ils ont d'être vivants et en bonne santé, avec des parents qui les aiment. Au lieu de ne rien foutre à l'école ou de passer des heures devant leur écrans, ils réfléchiraient peut être un peu plus" poursuit-il.

Chanteur populaire et auteur reconnu, Pierre PERRET s'illustrera toute sa carrière par un répertoire hétéroclite composé tour à tour de chansons enfantines, comiques, grivoises, légères ou engagées, qui naviguent entre humour et tendresse. En marge de la chanson, il a publié de nombreux ouvrages sur la langue française, mais aussi plusieurs sur la gastronomie, son autre grande passion. (Melody TV)



Rencontre avec Marina Abramovic, l'interprète grandiose de la Callas à l'Opéra de Paris


Plus qu’aucun autre artiste, Marina Abramović a voué sa vie à l’art de la performance. À partir des années 70, cette pionnière née dans l’ex-Yougoslavie communiste a repoussé les limites de son corps et de son esprit lors de ses actions dangereuses ou extrêmement intenses. Inspirée par une autre immense héroïne, la diva Maria Callas, elle présentait début septembre, à l’Opéra de Paris, son tout premier opéra, fusionnant sa propre expérience au vécu extraordinaire de la chanteuse et menant une réflexion sur l’intrication étroite de la vie et la mort.

Propos recueillis par Delphine Roche - 13 SEPTEMBRE 2021 - NUMÉRO

Numéro : Marina, vous êtes souvent décrite comme la “marraine” [“godmother”] de l’art de la performance, et... Marina Abramovi: ... Je vous en supplie, n’utilisez pas ce mot. Je ne l’ai mentionné qu’une fois et je ne cesse de le regretter depuis. Je suis juste une pionnière de l’art de la performance. Quand les gens utilisent un mot comportant le nom de Dieu, je déteste cela. 

Vous vous êtes donc fait connaître, très tôt, à travers vos performances, mais vous vous êtes tournée plusieurs fois vers le théâtre. Avant cet opéra que vous présentez aujourd’hui, vous aviez cocréé, avec Bob Wilson, The Life of Marina Abramovic, ou encore une version du Boléro de Ravel, avec Sidi Larbi Cherkaoui, Damien Jalet et Riccardo Tisci. Quelle est votre relation au théâtre en tant que médium ?
Au début de ma carrière, je détestais le théâtre. Je trouvais que c’était trop artificiel : les gens assis dans le noir, et toutes ces répétitions vouées à créer quelque chose qui n’est pas vraiment vous. À l’époque, j’étais en train de me positionner en tant qu’artiste de performance, et, pour cela, naturellement, je devais officiellement détester tout le reste. Mais quand les années ont passé et que j’ai enfin été reconnue, j’ai pu me tourner vers d’autres médiums, et parmi eux, le théâtre m’a vraiment plu. J’ai porté à la scène six autobiographies, pas seulement la version que j’ai créée avec Bob Wilson. Avant lui, cinq autres metteurs en scène ont adapté ma biographie. Mais la version de Bob Wilson était, bien sûr, plus proche d’un opéra moderne. C’est fabuleux de mettre en scène, pour la première fois, mon propre opéra, 7 Deaths of Maria Callas, et d’y participer en tant qu’actrice. 

Quelle est la connexion entre vous et la Callas ? 

Cela a à voir avec mon enfance. À l’âge de 14 ans, je me trouvais dans la cuisine de ma grand-mère quand j’ai entendu la voix de la Callas à la radio. Je ne savais pas du tout qui elle était, mais j’ai commencé à pleurer. J’ai eu une réaction émotionnelle immédiate à sa voix. Puis le présentateur de radio a expliqué qu’il s’agissait d’une aria tirée d’un opéra interprété par la Callas. J’ai ensuite voulu savoir qui était cette femme. À l’époque, elle était au sommet de sa carrière, elle avait cette histoire d’amour avec Aristote Onassis, sa vie était pleine de glamour [l’armateur grec quittera Maria Callas pour épouser Jackie Kennedy, veuve du président américain, la laissant brisée de douleur]. Je ne l’ai jamais vue sur scène, mais je suis restée fascinée par elle. J’ai commencé des recherches sur sa vie, qui a été absolument tragique. Je me suis intéressée aux personnes qui l’ont entourée, sa femme de chambre, sa mère, ses amoureux. Elle était un mélange unique de vulnérabilité et de force, et il y avait de nombreuses similitudes entre nos vies. Elle a eu une mère très difficile à vivre, et c’est aussi mon cas. Elle est morte d’amour [après le décès d’Aristote Onassis en 1975, Maria Callas s’est coupée du monde, et est morte en 1977], et je suis presque morte d’amour. J’ai perdu l’appétit, je me suis vraiment effondrée. C’est mon travail qui m’a sauvée, contrairement à Maria Callas. J’avais donc envie de lui rendre hommage. 

Montaigne a dit que “philosopher, c’est apprendre à mourir”. Quel est votre rapport à la mort ?
J’y pense chaque jour. Il y a un proverbe soufi qui dit que la vie est un rêve et que mourir, c’est se réveiller. Il est important de penser à la mort pour pouvoir profiter de la vie à chaque moment. 

Mais peut-on vraiment apprendre à mourir ? Est-ce que vos performances les plus extrêmes d’un point de vue physique vous ont enseigné à mourir ?
Dans mon Manifesto, si je me souviens bien, je disais ceci : “Je veux mourir en pleine conscience, sans peur et sans regret. Je veux pouvoir accepter pleinement ce moment quand je le sentirai arriver.” Et c’est quelque chose qu’on apprend à faire tout au long de sa vie. 

Dans les opéras, la mort est très présente sous ses formes les plus violentes, le meurtre et le suicide. Comment avez-vous traité ces thèmes dans votre œuvre ? 

J’ai choisi sept morts violentes : par strangulation, en sautant dans le vide, brûlée vive, mourir d’un infarctus, de folie, d’irradiation... ce sont celles que Maria Callas a connues sur scène, à travers les rôles qu’elle a interprétés. À la fin, sa huitième mort arrive. Puis le spectateur entend sa voix à travers un gramophone, la célèbre aria Casta Diva [dans la Norma de Bellini], et le public est donc confronté à son fantôme : cette voix qui ne mourra jamais. Selon ce qu’on laisse derrière soi, la mort peut être absolue ou non. 

Est-ce pour laisser un héritage que vous avez créé votre Marina AbramoviInstitute ?
C’est très important de laisser un héritage. Pour ma part, j’ai fait émerger l’art de la performance dans le mainstream, en continuant à le pratiquer sans cesse, depuis cinquante ans, alors que d’autres artistes de mon époque ont rapidement abandonné ce médium. J’ai ensuite introduit la “reperformance”, le fait qu’on puisse performer à nouveau des pièces historiques pour leur donner une nouvelle vie. Puis j’ai inventé la méthode Abramovic, qui enseigne aux jeunes performeurs comment se connecter à eux-mêmes. Elle comporte notamment un procédé qui s’appelle “cleaning the house” [nettoyer la maison] pour apprendre la concentration et la volonté. Car l’art de la performance nécessite des efforts physiques importants. Puis j’ai introduit les performances de longue durée, qui peuvent se dérouler pendant huit heures, tous les jours, trois mois d’affilée, de façon à faire du musée une force de vie. Et à travers mon institut, effectivement, je m’assure que l’art de la performance ne meure jamais. 

Vous êtes aujourd’hui une véritable figure de culte, certains de vos fans vous considèrent comme une guide spirituelle ou une chamane. Comment percevez-vous cette sorte d’idolâtrie ?
Je ne me qualifierai jamais de chamane ou de guide spirituelle. Joseph Beuys se considérait comme un chaman et je ne ferai pas de commentaires à ce sujet, mais je pense que c’est tout de même incroyablement arrogant de s’attribuer un tel statut. Je suis une artiste, et mon travail développe une grande puissance émotionnelle. Un ami new- yorkais critique d’art me disait : “Je déteste ton travail parce que tu me fais pleurer.” Car les critiques aiment comprendre les choses de façon rationnelle, à travers leur intellect, or c’est impossible pour mes performances. Elles peuvent toucher l'homme de la rue aussi bien que le président des États- Unis, car leur réception est d’abord émotionnelle. Ensuite viennent le concept et éventuellement le message. L’émotion naît du fait que dans mon travail je donne 150 % de moi, et pas seulement 100 %, ce que tout un chacun peut très bien faire. C’est là que se crée la magie. 

Vous avez grandi dans l’Est communiste, vous êtes aujourd’hui une artiste célèbre en Occident, vous vous rendez en Inde chaque année pour méditer et vous détoxifier, et vous avez vécu avec une tribu aborigène. Que retirez-vous de ces différentes cultures ? 

Je suis née en ex-Yougoslavie. La culture des Balkans, je ne pourrai jamais la perdre, elle fait partie de moi. Ensuite, j’ai voulu que le vaste monde devienne mon studio, car je ne comprends pas comment un artiste peut aller chaque jour dans son studio, c’est comme un banquier qui va au travail tous les matins. Je suis une nomade moderne, et toutes mes idées viennent de la vie elle-même. J’ai fait plusieurs fois le tour du monde, et je me suis inspirée de différentes cultures : de l’Asie, mais aussi, par exemple, des chamans brésiliens. Les gens appartenant à ces cultures ont une relation très forte à leur corps et à leur esprit, que les Occidentaux n’ont plus du tout. Nous nous reposons sur les technologies, plutôt que sur nos intuitions. 

Était-il crucial, dans votre opéra, d’interpréter Maria Callas vous-même ?
Je mélange l’histoire de Maria Callas avec la mienne, et c’était très important. Quand je suis sur scène, à la fin, je regarde des photos d’Aristote Onassis ou d’autres souvenirs de la Callas. Mais en réalité, c’est ma propre enfance que je contemple, et mon mariage qui s’est brisé. Maria Callas a eu une vie très difficile, mais je pense que c’est nécessaire, pour avoir quelque chose à dire. Il est très facile de baisser les bras, mais ma devise est : si vous me dites non, c’est là que tout commence. 

Votre ami de longue date, Riccardo Tisci, a conçu les costumes de votre opéra. Est-il votre alter ego ?
Quand j’ai rencontré Riccardo, j’ai tout de suite vu qu’il était un vrai artiste, un original, pas un suiveur. J’ai eu la chance de participer à un de ses défilés mémorables, à New York, et j’ai compris que la mode est un domaine beaucoup plus stressant que l’art. J’aime vraiment Riccardo, et j’admire la façon dont il a rebondi de Givenchy à Burberry. Sur mon opéra, je lui ai laissé une liberté créative absolue. Il a eu l’idée de créer sept costumes de domestique, car la dernière personne qui se trouvait avec Maria Callas était sa femme de chambre Bruna, à qui elle a légué sa fortune. Il y a aussi cette scène où
Willem Dafoe est en robe dorée, alors que je porte un costume masculin – Riccardo est familier de ces jeux sur le genre. Je suis aussi très heureuse d’avoir collaboré avec Nabil Elderkin, un excellent réalisateur de clips musicaux. Je voulais que les films incorporés dans mon opéra ressemblent à des clips. Ils sont aussi bien présents dans le fond qu’au premier plan, je voulais créer des tableaux continus avec ces images filmiques et les décors. Je dois aussi absolument mentionner Marko Nikodijevic, qui a composé la musique, créant les transitions entre les sept arias tragiques chantées à son époque par Maria Callas. Et aussi Petter Skavlan, qui a écrit le livret avec moi. Les opéras durent généralement quatre heures, et ils sont très ennuyeux. Le mien dure une heure trente-six. Je voulais toucher aussi les nouvelles générations, qui suivent beaucoup mon travail, ce qui me rend toujours très fière. 

7 Deaths of Maria Callas, opéra mis en scène par Marina Abramovi


Comment Aretha Franklin est-elle devenue un symbole féministe ?  

Alors que Respect, le biopic musical retraçant la vie d'Aretha Franklin, est sorti en salle le 8 septembre, Numéro revient sur ce qui a fait de la chanteuse soul iconique un symbole féministe. 

Par Anna Venet - 10 SEPTEMBRE 2021 - NUMERO

Avec plus de soixante quinze millions de vinyles vendus, Aretha Franklin est la détentrice du record de ventes mondiales sur ce support. Si elle est majoritairement connue du grand public pour ses refrains entêtants et sa voix incroyable, celle que l’on surnomme aujourd’hui la reine de la soul est bien plus que ça. Tout au long de sa vie, la chanteuse originaire de Détroit (Etats-Unis) s’est également engagée pour de nombreuses causes, à l’instar du mouvement pour les droits civiques des Afro-américains (aux côtés de Martin Luther King) mais aussi de la lutte pour l’émancipation des femmes et l'engagement contre la domination masculine. C'est d’ailleurs le fil rouge du biopic musical retraçant la vie d'Aretha Franklin, réalisé par la Sud- africaine Liesl Tommy (Mrs Fletcher), sorti en salle le 8 septembre dernier. Intitulé Respect, le long-métrage raconte le parcours de l’artiste, de son enfance passée dans la chorale de l’église de son père à sa célébrité internationale, en passant par les démons qui l’ont hanté tout au long de sa vie. Pour incarner cette femme si singulière, c’est l’actrice et chanteuse R’n’B Jennifer Hudson qui a été choisie, il y a des années déjà, par Aretha Franklin elle-même. Comme cette dernière, l’artiste de trente-neuf ans a aussi fait ses premiers pas dans la musique en chantant du gospel dans l’église de son quartier, avant de connaître le succès. Dans le biopic, l’actrice interprète à la perfection la chanteuse soul iconique, reprenant même ses classiques de sa propre voix. Des chansons qui ont fait vibrer toute une génération et même au-delà, mais qui ont aussi porté de nombreuses causes. 


Si Aretha Franklin est aujourd’hui considérée comme un modèle qui a représenté non seulement le combat pour les droits des Afro-américains mais aussi pour l'égalité hommes-femmes, son enfance y est pour quelque chose. Respect, le biopic de Liesl Tommy, aborde notamment les nombreux démons de la chanteuse, ainsi que les traumatismes qui la suivront toute sa vie. Alors qu'elle n'a que six ans, la petite fille fait face à un premier déchirement : le divorce de ses parents. Elle vit donc majoritairement avec son père, pasteur baptiste, et reçoit une éducation stricte orientée vers la religion et le gospel. Quatre ans plus tard, la petite Aretha est confronté à un second traumatisme, sûrement celui qui la hantera jusqu’à sa mort : le décès de sa mère, pianiste et chanteuse de gospel, qu’elle voyait comme un véritable modèle de réussite. Malgré le chagrin, la jeune Aretha doit quand même participer aux tournées de la chorale de son père à travers les Etats-Unis, jusqu’à en devenir la soliste, à seulement onze ans. L’année d’après, alors qu’elle est dans sa chambre lors d’une fête organisée à la maison, le pire arrive. Un homme présent à la soirée, proche de sa famille, entre dans sa chambre et la viole. De cette agression résulte une première grossesse pour Aretha, alors qu’elle a tout juste douze ans. Avant même d'être adolescente, elle a déjà vécu un traumatisme qui la perturbera toute sa vie... mais aussi ce qui fera d’elle la chanteuse culte que l'on connaît aujourd'hui. 

Après avoir enregistré son premier disque à quatorze ans, elle enchaîne les albums sans véritablement connaître le succès, sous la houlette de son père autoritaire. Au même moment, Aretha rencontre Ted White, son premier amour avec qui elle se mariera. C’est cette relation, qui s’avère très vite toxique, conjuguée par de multiples abus sexuels et violences domestiques, qui poussera la jeune femme à s’émanciper de l’emprise masculine. En 1967, Aretha Franklin change de label, arrête de suivre ce que lui ordonne son père, et réalise alors son premier grand tube : I Never Loved A Man (The Way That I Love You). Dans ce titre, elle parle de son couple et de son amour pour son mari, tout en dénonçant ses actes. Alors que le morceau se classe rapidement en numéro un du classement rythm'n'blues, c’est le début d’une longue série de succès pour la chanteuse, qui canalise désormais sa douleur dans ses chansons et les utilise comme passerelle pour faire passer des messages. Si Chain of Fools, I Say a Little Prayer, Do Right Man, Do Right Woman ou encore Think sont tous devenus des hymnes féministes, c’est véritablement le titre Respect qui en est l’emblème. Dans le biopic, une scène raconte la création du morceau dont le nom du film est tiré : en pleine nuit, Aretha réveille ses deux sœurs pour réarranger le classique d’Otis Redding en y ajoutant le célèbre riff “re-re-re” et en y infusant son style soul légendaire. La chanteuse appelle, dans le titre, à l’égalité entre hommes et femmes et Respect devient la référence pour celles qui désirent s’émanciper du patriarcat. Plus tard, Aretha Franklin sera même la première femme à faire son entrée au Rock 'n' Roll Hall of Fame (plus connu comme le panthéon américain du rock), et sera aussi la première femme noire à faire la une du Time

Respect (2021) de Liesl Tommy, actuellement en salle. 


IVAN REBROFF

Hans Rolf Rippert dit Ivan Rebroff est un chanteur allemand né le 31 juillet 1931 à Berlin-Spandau et mort le 27 février 2008 à Francfort-sur-le-Main . D'origine russe selon ses dires , il a mené une carrière internationale basée sur un répertoire très varié : chansons traditionnelles russes, mais aussi chants religieux classiques ou orthodoxes, chants de Noël, variété française ou allemande, opéra, opérettes, chansons folkloriques de nombreux pays et de multiples airs connus. 

Il disposait d’un registre vocal remarquablement étendu (plus de quatre octaves), ce qui le fit entrer dans le Livre Guinness des records . Il chantait aussi bien en allemand qu'en russe, en français, en anglais, en afrikaans, en italien et en hébreu (il parlait d'ailleurs couramment les quatre premières de ces langues ainsi que le grec). 

Ivan Rebroff explique son passage à la « musique légère » par un « accident » : jouant le rôle de Jupiter dans Orphée aux Enfers à l’opéra de Munich, il se rompt malencontreusement le tendon d'Achille sur scène. Obligé d’interrompre les représentations, il se consacre à l’enregistrement de son premier disque, incluant les chansons russes Plaine, ma plaine et La Légende des douze brigands. Cette seconde chanson passe à la radio Europe 1 et le standard téléphonique est submergé d’appels d’auditeurs voulant connaître le nom du chanteur. Arrivé à Paris à la suite de cela, il se voit offrir en 1968 le rôle du laitier Tevje dans la comédie musicale Un violon sur le toit, où il interprétait entre autres Ah ! Si j’étais riche. Les représentations débutent en novembre 1969 au théâtre Marigny avec pour partenaire principale Maria Murano qui interprète Golde, sa femme. Il y en aura 653 à Paris, et, avec les tournées, 1476 au total selon son imprésario. Ce rôle apporte à Ivan Rebroff la célébrité, tant en France qu’en Allemagne, et est le point de départ de sa carrière internationale.


Ivan Rebroff est particulièrement célèbre auprès du grand public, pour son interprétation de chansons folkloriques russes. Sa reprise, en russe, de la chanson popularisée par Mary Hopkin Those Were the Days (à l’origine, une chanson russe), sous le titre Le Temps des fleurs, reprise également en français par Dalida, tient plusieurs semaines à la première place du hit-parade français en décembre 1968. 

Au cours de sa carrière, il obtient 49 disques d'or décernés dans des pays des cinq continents et notamment dans presque tous les pays européens ainsi qu'un disque de platine pour dix millions de disques vendus depuis 1975.

Rebroff disait de lui qu’il était « international » (sa patrie c’était la Terre) et qu’avec son répertoire il essayait de faire la connexion entre l’Est et l’Ouest. L'ancien chancelier d'Allemagne fédérale, Helmut Schmidt lui remet d'ailleurs en 1985 la croix de l'ordre du Mérite de la République fédérale d'Allemagne en remerciement de sa contribution au rapprochement des peuples. Début 1989, il est l'un des premiers artistes d’Europe de l'Ouest à se produire en public en ex-URSS sur invitation de Mikhaïl Gorbatchev. 

Du début de sa carrière jusqu'à l'an 2000, il a donné plus de 7 200 concerts en soliste devant plus de 5,8 millions de spectateurs, dont une période de deux ans, sept jours sur sept, sur les scènes françaises. 

En pleine forme à 70 ans passés, il entame début 2004 une tournée en Australie et Nouvelle-Zélande chantant dans douze concerts en quatorze jours. Il continue jusqu'à sa mort à se produire régulièrement à travers l'Europe, principalement dans des églises, et à être invité fréquemment dans des émissions télévisuelles allemandes. Ivan Rebroff affirmait en effet son profond attachement à la foi chrétienne. 

Il était domicilié dans l'île grecque de Skópelos dont il était « citoyen d'honneur » depuis 1991 et où il possédait une villa dans laquelle il allait se reposer entre les tournées. Mais il possédait aussi plusieurs résidences en Allemagne, dont l'une notamment près de Francfort, ainsi que des pieds-à-terre dans différents pays (en Provence, dans les régions de Saint-Pétersbourg ou de Lisbonne). L'artiste était connu pour son amour des animaux : sa maison d'édition Lisa portait le nom de la petite chienne qu'il avait recueillie sur une plage grecque. 


Ivan Rebroff avait prévu d'effectuer une tournée de décembre 2007 à juillet 2008 mais le chanteur est hospitalisé d'urgence à Vienne où il venait de donner un récital le 9 décembre 2007 à l'Église votive. Il meurt d'un arrêt cardiaque dans une clinique de Francfort (Allemagne) le 27 février 2008 à l'âge de 76 ans. 

Selon sa dernière volonté, il est incinéré et ses cendres sont dispersées en mer Égée, non loin de l'île de Skopelos. 

Quelques jours après sa mort, Horst Rippert, le pilote de la Luftwaffe ayant déclaré en mars 2008 avoir abattu l'avion d'Antoine de Saint-Exupéry, a affirmé dans la presse allemande qu'il était son seul frère, espérant hériter. (Wikipédia)


Alain Bashung

L'une des personnalités majeures du rock français, Alain Bashung (né Baschung) voit le jour à Paris, 1er décembre 1947 et décède d'un cancer du poumon le 14 mars 2009. Après des débuts longs et difficiles au milieu des années 1960 et une carrière de musicien de séances au cours de la décennie suivante, il enregistre son premier album Roman-Photos (1977), avec la collaboration du parolier Boris Bergman. Extrait de l'enregistrement suivant Roulette Russe (1979), le titre surréaliste « Gaby, oh ! Gaby » lui apporte son premier tube et ouvre une décennie fructueuse durant laquelle il s'impose comme l'une des voix les plus originales du rock français. Le succès de « Vertige de l'amour »(1980, extrait de Pizza) précède une collaboration suicidaire avec Serge Gainsbourg pour l'album Play Blessures (1982), écrit en commun. Après le style électronique de Figure Imposée (1983) et de « S.O.S. Amor » l'année suivante, il renoue avec Boris Bergman sur Passé le Rio Grande (1985) et son hit « L'Arrivée du Tour ». En 1989, l'album Novice voit l'apparition de Jean Fauque, qui devient son second parolier attitré sur Osez Josephine (avec le morceau-titre et « Madame Rêve », 1991), Chatterton (« Ma petite entreprise », 1994), puis Fantaisie Militaire (« La Nuit je mens », 1998) et L'Imprudence (2001), albums ambitieux aux arrangements sophistiqués. En 2002, Alain Bashung et son épouse Chloé Mons enregistrent Le Cantique des cantiques, suivi de La Ballade de Calimity Jane (2006), avec Rodolphe Burger. Sorti en 2008, l'album Bleu Pétrole réunit d'autres auteurs comme Gérard Manset, Raphaël, Gaétan Roussel, Arman Méliès et Joseph D'Anvers. Affaibli par la maladie, l'artiste entame une ultime tournée avant la cérémonie des Victoires de la musique de 2009 où il reçoit trois récompenses, portant son total au record de onze trophées. Il décède peu après, à l'âge de 61 ans. L'album en public Dimanches à l'Élysée paraît de façon posthume en 2009, suivi deux ans plus tard par son interprétation de l'album L'Homme à Tête de Chou de Serge Gainsbourg, destinée à un spectacle. En 2018 apparaît un nouvel enregistrement, En Amont, rassemblant des chansons enregistrées entre 2002 et 2008.



Claude Alain Baschung (avec un « c ») est né le 1er décembre 1947 à l'hôpital du Val-de-Grâce à Paris, dans le XIVème arrondissement. Un père absent et une mère bretonne ouvrière chez Renault qui ne parvient guère à finir les mois, et l'enfant Baschung est envoyé dans la ferme de sa grand-mère adoptive à Wingersheim, en Alsace, où il chante dans la chorale de l'église, apprend l'harmonica, et fait la découverte du rock 'n' roll à la radio : Elvis Presley, Little Richard, et Gene Vincent qu'il ira voir sur scène, tout comme Édith Piaf. Adolescent, il retrouve la capitale, hébergé chez une tante pendant des études commerciales (BTS de comptabilité).


Baschung tâte aussi de la guitare, et se joint bientôt à son premier groupe, les Dunces (les « cancres »), tendance country-folk, en 1965. Quand l'été arrive, la formation part vers les plages de Royan pour y jouer dans les bars et assister aux concerts des vedettes de passage dans les bases américaines. Un autre choc survient, celui du plaisir des mots joués par Boby Lapointe. C'est décidé, Baschung veut faire de la musique son métier.


Installé à Paris dans le quartier de Pigalle, le guitariste fait des rencontres : le folk-rocker Noël Deschamps avec qui il compose « Lola Hey », Claude Channes (le futur Challe des compilations Buddah Bar) pour qui il crée « Il est grand temps de faire... Boom ! » et Pussycat (« Moi je préfère ma poupée »). Repéré par un directeur artistique du label Philips, Baschung saisit l'opportunité d'enregistrer sous son nom un premier disque 45-tours E.P. dominé par la chanson « Pourquoi rêvez-vous des États-Unis ? » (7 octobre 1966) dans une veine anti-impérialiste : début cocasse quand on sait l'attirance du chanteur pour le Nouveau continent.


En juin 1967, il fait l'ouverture du premier festival pop français au Palais des Sports, avec à l'affiche les Troggs, Pretty Things, V.I.P.'s, et le power trio Cream. Jusqu'en 1973, Bashung (qui perd son « c » en 1968) se fait la main sur une flotille de 45-tours qui n'ont d'autre intérêt que la plume qui les signe, soit Pierre Delanoë, Boris Bergman (« La Paille aux cheveux », 1970) ou l'arrangeur Jean-Claude Vannier. Hippie, il adapte Cat Stevens (« Du feu dans les veines », 1971) ou crooner, interprète le tube à la mode « What's New Pussycat ? » (Tom Jones), ou s'essaie à l'italien (« Ho gli occhi chiusi »). Rien de bien passionnant, la coupe est pleine. Fini la variété, place à La Révolution Française ! Une double dose d'opéra rock dans lequel il joue Robespierre au Palais des Sports et chante trois chansons.



Plus rock 'n' roll, Bashung s'acoquine avec un Dick Rivers sur le retour, à la recherche d'un compositeur sachant produire ses albums : Rock 'N' Roll Machine, Rockin' Along et Rock And Roll Star (1972-74). Plus confidentiel, il enregistre sous pseudonyme David Bergen (« Je ne croirais plus jamais à l'amour », 1975) et avec le groupe Monkey Business (« Delta Queen » et « Tears Make Memories », 1976-77).


Contrairement à une idée répandue de traversée du désert, Alain Bashung s'active depuis bientôt dix ans sans connaître le moindre succès. Il est temps de changer d'air, et de contacter celui qui un jour lui écrivit un titre parmi d'autres, le Slave Boris Bergman. Auteur à succès pour les chanteuses yé-yé (Eva), confirmées (Dalida, Juliette Gréco) et le groupe psychédélique Aphrodite's Child (le hit « Rain and Tears », c'est lui), Bergman vient de réaliser le superbe album de Christophe, Le Samouraï (1976). Il se joint pour six chansons du premier album tant attendu par Alain Bashung, Romans Photos (1977), qui fait un flop malgré « C'est la faute à Dylan ».


Mais le chanteur déjà commence à se démarquer du pré carré rock et de la chanson. Sur scène, il lui arrive d'improviser un nouveau titre « Bijou bijou » pendant vingt minutes avant le passage de Little Bob Story. Il lui faut attendre deux ans pour sortir l'album suivant, le sombre Roulette Russe (1979, avec « Toujours sur la ligne blanche »). Le vrai déclic survient peu après avec un 45-tours inédit au texte surréaliste, « Gaby, oh ! Gaby » (n°1), qui se vend à près de deux millions d'exemplaires et obtient le prix Charles Trenet et celui de la SACEM. Le tandem Bashung-Bergman est alors tenu en exemple d'un possible renouvellement du texte dans la chanson rock, après Gainsbourg et Higelin.


Deux ans plus tard, c'est au tour de Pizza de livrer un nouveau tube, « Vertige de l'amour », qui se voit couronné des même récompenses. Au printemps 81, Bashung tourne sur scène (un Olympia le 3 juin) et sur plateau sous la direction de l'auteur et cinéaste espagnol Fernando Arrabal qui lui confie un rôle de Jésus-Christ punk dans Le Cimetière des voitures.



En 1982, à sa demande, Bashung rencontre Serge Gainsbourg, le maître aîné capable de l'accompagner dans ses derniers retranchements. Le résultat débouche sur Play Blessures, un album désespéré et jusqu'au-boutiste qui est encensé par la critique rock (qui lui a décerné l'an passé le Bus d'Acier), mais ne connaît aucun succès (en single, « C'est comment qu'on freine ? »). Figure Imposée, qui sort l'année suivante, a tout autant de mal à imposer la loufoquerie de « What's In A Bird ? » et sa composante électronique. Le succès revient avec le 45-tours isolé « S.O.S. Amor » en 1984.


La même année, Bashung est à l'affiche de Nestor Burma, détective, aux côtés de Michel Serrault et Jane Birkin, et tourne dans Le Quatrième pouvoir de Serge Leroy, dont il compose la musique. L'activité musicale reprend son chemin avec le titre « Touche pas à mon pote » (1985), chanté au bénéfice de l'association S.O.S. Racisme qui l'invite également dans le grand « concert des potes » du 15 juin, place de la Concorde à Paris. Son premier album live Live Tour '85 (en version simple puis double) évoque une tournée chaotique. Alain Bashung retrouve Boris Bergman en 1986 pour un album-clé, Passé le Rio Grande, inspiré par le mythe du rock 'n' roll (« Helvète Underground », « Douane Eddy »). Ce disque qui l'établit comme une personnalité majeure du rock français signale également son retour au sommet des ventes avec « L'Arrivée du tour », et lui vaut la Victoire de la musique du « Meilleur album de l'année ». Sa musique s'exporte au Canada ou en Egypte où Bashung se produit au détour d'une tournée en outremer. Il apparaît au cinéma dans le film Le Beauf, dont il crée la musique.


Les deux années suivantes sont consacrées à l'écriture du nouvel album Novice (1989) avec ses complices Boris Bergman et Jean Fauque, un ami qui obtient ses galons d'auteur. Malgré les singles « Pyromanes » et « Bombez ! », le disque se révèle trop novateur pour atteindre un succès massif, mais est approuvé par un public suffisamment nombreux et fidèle. En 1990, Bashung jouent dans les téléfilms Les Lendemains qui tuent (avec sa musique) et Jusqu'à ce que le jour se lève, ainsi que dans le long-métrage Rien que des mensonges, puis participe au concert organisé par SOS Racisme à Vincennes.



Le huitième album, Osez Joséphine (octobre 1991), est celui de tous les succès. Toujours truffé de textes à tiroirs signés Jean Fauque, il recèle une production ample qui s'adapte comme un gant au chant sinueux de l'interprète de « Volutes », « Madame rêve » et « Osez Josephine ». Bashung hérite de deux Victoires de la musique sur cinq nominations. A la fin de l'année 1992 sort un coffret rétrospectif de 9 CD, tandis que l'acteur est sollicité tour à tour dans L'Ombre du doute et Ma soeur chinoise.


En 1994, l'association avec Jean Fauque se poursuit avec l'album Chatterton, un album en demi-teinte aux invités prestigieux, les guitaristes Link Wray, Sonny Landreth, Marc Ribot et le trompettiste Stéphane Belmondo, qui contient le classique « Ma petite entreprise » et l'élégant « J'passe pour une caravane ». Une série de concerts parisiens à l'Olympia, au Zénith et au Bataclan, documentée dans le CD Confessions Publiques (1995), lui apporte les faveurs d'un public varié entre rock et chanson.


Bashung se fait plus rare, peaufinant les structures et les harmonies, soignant la sonorité de ses disques et étudiant avec minutie les textes de son auteur Jean Fauque, afin d'obtenir à chaque fois une œuvre puissante et cohérente. C'est le cas de l'envoûtante Fantaisie Militaire (janvier 1998), qui représente un grand pas en avant pour la chanson. Au-delà de la réception critique (acclamation) et publique (modérée) de son temps, l'album de « La nuit je mens » et « Sommes nous » garde son mystère et se détache de la production ambiante. Composé avec Rodolphe Burger (Kat Onoma), Jean-Marc Lederman (Front 242) et Les Valentins, il est couronné par la profession avec trois Victoires de la musique (catégories album, artiste et clip de Jacques Audiard). La même institution lui décernera par la suite le trophée du « Meilleur album des vingt dernières années ».


Le 2 juin 1999, Bashung et Burger sont sur scène dans le spectacle Samuel Hall, et participe l'année suivante à l'album Organique de Zend Avesta (Arnaud Rebotini). En 2000 sort également la compilation Climax avec un deuxième CD de titres rares ou inédits. Le 30 juin 2001, Bashung épouse l'artiste Chloé Mons, avec qui il composera Le Cantique des Cantiques (2002).


Pour L'Imprudence, paru en octobre 2002, Bashung s'entoure des fidèles Jean Fauque et Marc Ribot, auxquels s'ajoutent le chanteur Miossec, le guitariste brésilien Arto Lindsay, le duo électronique suisse Mobile In Motion et de nouveaux musiciens. L'album particulièrement complexe et austère remplace la dérision et l'humour des débuts par une atmosphère sombre et des textes plus personnels. A l'automne 2003, Bashung reprend la route pour la première fois depuis huit ans. La Tournée des Grands Espaces traverse tous les pays francophones, de la Belgique au Printemps de Bourges et de la Suisse au Canada, donnant lieu au double CD et DVD live du même nom.



À Paris, la Cité de la Musique l'invite pour une « Carte blanche » d'une semaine, du 23 au 30 juin, à établir sa propre programmation musicale constituée des chanteurs Christophe, Dominique A, Rodolphe Burger, Bonnie Prince Billy et des guitaristes Link Wray, Arto Lindsay et Sonny Landreth. Bashung est à nouveau à l'honneur les 13 et 14 avril 2007 pour l'ouverture de la nouvelle salle Pleyel, ouverte à la chanson.


Au mois de mars 2008, Alain Bashung sort Bleu Pétrole, un album qui rassemble de nouveaux collaborateurs, notamment Gérard Manset, co-signataire de trois titres dont « Vénus » et « Comme un Lego », et duquel est repris le classique « Il voyage en solitaire ». Autre personnalité importante du disque, le compositeur et producteur de Louise Attaque Gaétan Roussel, influe sur l'atmosphère country-rock de certains titres (« Résidents de la République »), et sur d'autres officient les jeunes compositeurs Arman Méliès et Joseph d'Anvers, ainsi que le producteur Mark Plati. Une tournée est lancée le même mois, dévoilant le nouveau visage d'un Bashung au crane rasé, atteint d'insuffisance respiratoire.


Malgré l'annulation de certaines dates pour raison de santé, la tournée est un grand succès. En février 2009, il est à nouveau honoré par trois Victoires de la musique dans les catégories meilleur interprète masculin, album de chanson et concert ou tournée. Son total personnel de onze trophées constitue un record pour celui que l'on nomme comme « le dernier des géants ». Le cancer du poumon qui le rongeait depuis plusieurs mois le terrasse le 14 mars 2009, à l'âge de 61 ans. Avec lui disparaît l'un des artistes majeurs du rock et de la chanson francophone.


En novembre 2009 sort l'album en public posthume Dimanches à L'Élysée. Au même moment, le chorégraphe Jean-Claude Gallotta met en scène à la MC2 de Grenoble le spectacle tiré de l'album L'Homme à Tête de Chou de Serge Gainsbourg, que devait interpréter Alain Bashung au milieu des danseurs. Dernier enregistrement du chanteur, l'album voit finalement le jour en novembre 2011. Un nouvel enregistrement, En Amont, paraît en novembre 2018 et rassemble onze chansons enregistrées entre 2002 et 2008, produites par Édith Fambuena et Chloé Mons.


Devenu un artiste majeur de la chanson et du rock français, Alain Bashung n'a cessé de se renouveler et de repousser les limites du genre en dix années de galère et trente de succès. A l'instar d'un Gainsbourg, il a démontré la compatibilité de textes audacieux et intelligents avec la réussite commerciale, sans jamais renoncer à sa grande qualité, nommée exigence. (Universal Music)



Initials S.G.

Il y a trente ans disparaissait Serge Gainsbourg. Inépuisable, sa musique demeure d’une ahurissante modernité


Un langage moderne mélangé à une finesse à l’ancienne. C’est ainsi, mardi dernier sur France Inter, que Charlotte Gainsbourg évoquait la musique de son père. Ce 2 mars, cela faisait trente ans que Serge avait été retrouvé mort, un mois avant son 63e anniversaire, au 5 bis, rue de Verneuil. Dans cet hôtel particulier devenu un mausolée pour sa famille et qui s’apprête à devenir un musée.


En ces temps de cancel culture, d’effacement de ce qui dérange, car c’est plus simple que de contextualiser, mais quel leurre, beaucoup se demandent comment serait aujourd’hui accueilli Gainsbourg, ce poète érotomane doublé d’un provocateur alcoolique. Franchement, est-ce important? Gainsbourg est mort il y a trois décennies, reste son œuvre, immense, inépuisable, sublime. Il faut écouter encore et encore ses 17 albums studio, s’immerger totalement dans ces chefs-d’œuvre absolus que sont Histoire de Melody Nelson et L’Homme à tête de chou, pour mesurer son génie mélodique. Personne n’a et n’aura jamais ce talent d’embrasser la musique dans sa totalité, de partir de la chanson et de sa formation classique pour frayer avec la pop, le rock, le jazz, le blues, le funk, le disco et le reggae… (Stéphane Gobbo, Le Temps, 5 mars 2021)



Lucien Ginsburg, dit Serge Gainsbourg, né le 2 avril 1928 à Paris et mort le 2 mars 1991 dans la même ville, est un auteur-compositeur-interprète français, également artiste peintre et scénariste, puis metteur en scène, écrivain, acteur et enfin cinéaste.

Apparu tardivement sur scène, au temps de la « chanson rive gauche » de la fin des années 1950, Serge Gainsbourg (1928-1991) a rattrapé le temps et devancé son époque à coups de refrains éternels, éclairs de poésie et provocations diverses qui ont fait de ce fils d'immigrés russes l'une des figures tutélaires de la vie artistique française. Le verbe cynique, l'élégance dandy, la poésie majeure et les coups de cafard de « Gainsbarre », noyé dans l'alcool et la cigarette, ont façonné la légende d'un auteur, compositeur et interprète dont l’œuvre et l'influence n'ont cessé de grandir après sa mort. Chanson, jazz, rythmes latins ou africains, rock yéyé ou psychédélique, reggae, funk, rap et musiques de films sont passés sous le filtre de sa plume moderne, qui a laissé de multiples classiques dont « Le Poinçonneur des Lilas » (1958), « La Javanaise » (1962), « Comic Strip » (1967), « Requiem pour un con » (1968), « Je t'aime moi non plus » (1969) et « Aux armes et caetera » (1979). Auteur d'albums ambitieux tels Histoire de Melody Nelson (1971) et L'Homme à Tête de Chou (1976), cet orfèvre de la mélodie a usé de son surplus de créativité - et de son pouvoir de séduction - pour des interprètes majoritairement féminines : Michèle Arnaud, Juliette Gréco, France GallPoupée de cire, poupée de son » et « Les Sucettes »), Brigitte BardotHarley Davidson »), Anna Karina, Catherine Deneuve, Isabelle Adjani, mais aussi Claude François, Serge Reggiani l'ont chanté, sans oublier les albums pour ses compagnes Jane Birkin et Bambou, ainsi que pour sa fille Charlotte Gainsbourg. En trois décennies d'activité, l'homme en jeans et Repetto à la barbe de trois jours a élevé la chanson en art et nourri sa postérité de mots et de musiques intemporels. 

Issu d'une famille d'émigrés juifs Russes installés à Paris en 1921, Lucien Ginsburg est élevé dans la religion des arts, en particulier la musique classique que son père, pianiste de music-hall, joue pendant des heures à la maison. Après la guerre, passée sous le signe de l'exil de la peur de ceux marqués par l'étoile jaune (la « yellow star » comme il l'appellera), il veut devenir peintre mais, par nécessité alimentaire et impulsion paternelle, se retrouve dans les cabarets comme guitariste-pianiste. 


En 1954, c'est le début des saisons d'été Chez Flavio au Touquet et des nuits au Milord l'Arsouille à Paris. Lucien Ginsburg dépose ses premiers titres à la SACEM à partir de 1957, ils le seront sous le nom de Serge Gainsbourg et commenceront à être interprétés par sa patronne Michèle Arnaud. 1958, le patron du Milord, Françis Claude, lui fait ses premiers pas sur scène. Repéré par le label Philips, il entre en studio et commence sa fructueuse association avec Alain Goraguer, déjà arrangeur de Boris Vian. C'est le premier succès avec « Le Poinçonneur des Lilas ». Il entre vraiment dans la profession, part en tournée avec Jacques Brel et, supporté par Boris Vian, rencontre Juliette Gréco. Débute une collaboration qui durera tout au long de cette période « rive gauche » dont le point d'orgue sera « La Javanaise » à l'automne 1962. 

Albums, tournées, se succèdent. Sur scène, son hyper-sensibilité morgue et son physique particulier provoquent souvent des réactions de rejet. En coulisse toutefois, il est déjà un explorateur assidu du continent féminin et en tirera ses meilleurs textes. Mais son style, littéraire, sombre et très appliqué, commence à dater, l'heure n'est plus aux cabarets. Gainsbourg donne dans l'avant-garde et le jazz sur l'album Confidentiel (1963), puis dans les rythmes exotiques sur Gainsbourg Percussions (1964). Le changement est là...mais le succès non. Celui-ci, quasiment prémédité, va venir de sa collaboration avec la chanteuse France Gall et « Poupée de cire, poupée de son » qui remporte le Concours de l'Eurovision en 1965. La projection que Gainsbourg fait de ses textes à double-sens sur l'image enfantine de France Gall crée le décalage, le sommet étant atteint avec « Les Sucettes » en 1966. 


Argent, nouveaux interprètes, nouvelle période, certainement la plus mature, intense et créative. C'est la pop et les comics, les Beatles dominent la planète et à la télé Serge multiplie ses apparitions, notamment dans le Sacha Show de Distel. Avec Michel Colombier, son nouvel arrangeur, Serge Gainsbourg va parfaitement être dans la pulsation de l'époque et chercher le son de la pop anglaise au cœur du Swinging London. On notera entre autres « Comic Strip » (1967) mixé par Georgio Gomelski, la B.O. du film Le Pacha, véritable beat samplé avant l'heure (1968), « Elisa » (1969). En 1968, un événement va bouleverser et transcender sa production : sa brève mais intense histoire d'amour avec Brigitte Bardot, star mondiale à l'époque. C'est la sortie de « Bonnie and Clyde », l'enregistrement de « Je t'aime moi non plus » juste avant leur rupture. (titre dont B.B. bloque la sortie par peur pour sa carrière) et enfin l'hommage baudelaurien et baroque de « Initials B.B. ». 

Suit sur le tournage de Slogan, l'autre rencontre : l'Anglaise Jane Birkin, très jeune mère déjà séparée de son premier mari John Barry, et dont Gainsbourg devient le Pygmalion. La sortie ré-enregistrée avec elle de « Je t'aime moi non plus » va faire à la fois un scandale et un tube mondial. En 1971 sort l'album avant-gardiste Histoire de Melody Nelson, fruit de sa collaboration avec Jean-Claude Vannier. Chef-d’œuvre baroque, symbolique, concentrant la pop la plus aboutie et les orchestrations classiques. Jusqu'à L'Homme à Tête de Chou en 1976, et à l'exception de Vu de l'Extérieur (1973), Gainsbourg explorera cette veine du concept-album, notamment avec règlement de compte provocateur avec ses années de guerre sur Rock Around the Bunker, album encore injustement évité aujourd'hui. Il enchaîne ensuite une série très alimentaire de tubes de l'été, de « L'ami caouette » (1975) à « Sea Sex and Sun » (1978). 


À nouveau en décalage avec l'air du temps (entre temps les punks ont débarqués), il réapparaît sur scène lors d'une collaboration avec le groupe Bijou, puis trouve une nouvelle veine qui va le faire à nouveau, et même plus que jamais auparavant, entrer en résonance avec son époque : le reggae. Il enregistre avec Robbie Shakespeare et Sly Dunbar à Kingston les albums Aux Armes et caetera (1979) puis Mauvaises Nouvelles des Étoiles (1981). Le succès est énorme, doublé de polémiques liées à sa reprise de l’hymne national « La Marseillaise », devenu « Aux armes et caetera ». 

Mais en 1980, Gainsbourg-Birkin c'est fini, et ces albums introduisent un nouveau personnage : Gainsbarre (« Ecce homo »), personnage auto-destructeur et vulgaire. Gainsbourg a trouvé son ultime carapace, sa sensibilité à fleur de peau sera dorénavant cachée sous les provocations médiatiques. Pour ses deux derniers albums, Love on the Beat (1984) et You're Under Arrest (1987), « Gainsbarre » saura encore bien utiliser les pointures funk, rock et rap du moment, mais la redite n'est pas loin. On se souviendra davantage de l'extraordinaire engouement de la jeunesse pour ses concerts, qui, du coup, pouvaient retrouver des sommets d'émotion, tant cet accueil le touchait. 

Serge Gainsbourg meurt le 2 mars 1991 d'un arrêt cardiaque à l'âge de 62 ans, « tué par Gainsbarre pour se venger de l'avoir créé » (Charles Trenet). Les collaborations réussies de son vivant sont innombrables. Les années 1990 verront son influence grandir encore, notamment dans le monde anglo-saxon. Son génie pour l'évocation d'émotions fugaces, sous-tendues par une maîtrise étonnante dans l'utilisation du meilleur des musiques populaires, font de lui un des phares de la chanson française du XXème siècle. 


Début 2010, le film Gainsbourg (Vie héroïque) réalisé par le dessinateur Joann Sfar met l'artiste à l'honneur sur grand écran. L'acteur principal qui a la lourde tâche d'incarner le héros, Eric Elmosnino, est entouré de Laetitia Casta (Brigitte Bardot), Lucy Gordon (Jane Birkin), Anna Mouglalis (Juliette Gréco) et Philippe Katerine (Boris Vian). Le film remporte trois trophées, dont celui du meilleur acteur, lors de la cérémonie des Césars le 25 février 2011. Au même moment, le vingtième anniversaire de la disparition de l'homme à tête de chou (et à la barbe de trois jours) est célébré en grandes pompes avec la découverte de la version originale de « Comme un boomerang » (1975) et la parution d'une troisième Intégrale en 20 CD et 284 titres dont 14 inédits. (Universal Music)


TONTON DAVID


Ray David Grammont, dit Tonton David, est un chanteur français de reggae et de ragga/dancehall, né le 12 octobre 1967 à La Réunion et mort le 16 février 2021 à Nancy. Il est principalement connu pour des tubes comme Sûr et certain ou Chacun sa route. 

Très tôt après sa naissance, ses parents émigrent pour de brefs séjours en Gambie, puis au Sénégal avant d'arriver dans le 15e arrondissement de Paris et la banlieue nord. Son père est le musicien Ray Grammont. À 14 ans, il quitte sa famille et galère quelque temps avant de découvrir le raggamuffin lors d'un voyage en Angleterre en 1987. Il s'installe ensuite à Champigny-sur-Marne avec sa femme et ses deux enfants, puis à Metz.

Il prend le micro pour la première fois fin janvier 1989 dans le bar Mistral Gagnant de Saint-Étienne, au cours d'un concert du Massilia Sound System. Il participe à la fin des années 1980 au Sound System High Fight International qui regroupait à l'époque d'autres artistes comme Nuttea. Il contribue alors au développement du reggae et devient un des pionniers du dancehall français grâce à son titre Peuples du monde, présent sur la compilation Rapattitude produite par Virgin en 1990, qui se vend à 100 000 exemplaires. Ce tube est notamment parodié par Les Inconnus

Sa chanson Sûr et certain, sortie sur l'album Allez leur dire, est un gros succès avec 350 000 exemplaires vendus, et lui vaut une nomination aux Victoires de la musique. Suivent d'autres grands succès tels que son Chacun sa route (chanson thème du film Un Indien dans la ville où il collabore pour l'album avec Manu Katché et Geoffrey Oryema). L'album Récidiviste connaît aussi un certain succès notamment grâce aux singles Pour tout le monde pareil et son duo avec Cheb Mami Fugitif. Tonton David participe au Printemps de Bourges en avril 1996 pour les vingt ans du festival. 

À la sortie de son album Viens, il entame une tournée en France au printemps 2000.
En 2002, son ancienne maison de disques Virgin sort un album best of.
En 2005, il collabore avec Demon One et Dry sur leur album La Vie de Rêve sur le titre Gagne. Victime d'un accident vasculaire cérébral en gare de Metz le 14 février 2021, il est transféré à l'hôpital de Nancy, où il meurt le 16 février 2021. Ses obsèques ont lieu le 25 février à Valenton (Val-de-Marne), suivies de l'inhumation dans l'intimité  de la famille et des proches à Champigny-sur-Marne. (Wikipédia)

Albums

1990 : Le blues des racailles

1994 : Allez leur dire

1995 : Récidiviste

1999 : Faut qu’a s’arrête

2002 : Best Of

2005 : Babelou, La Gagne

2006 : Livret de famille

2006 : Il marche seul

2009 : Ma gouille



THE MOODY BLUES

Comme pour un groupe des années 60 tel que Procol Harum et une poignée d'autres, les Moody Blues ne sont reconnus que pour une seule chanson à succès, occultant ainsi non seulement leur carrière discographique entière, mais tout un pan de l'histoire de la rock music dans la mémoire collective. Le tube mondial « Nights In White Satin » est en effet un « slow » ultra célèbre qui a ému la planète début 1968. Après des débuts dans la mouvance encombrée du rhythm 'n' blues de la pop anglaise, les musiciens aujourd'hui sexagénaires ont rapidement évolué vers des pièces ambitieuses, très élaborées, posant ainsi les bases du rock progressif avant l'heure (dénommé art rock à l'époque). Gros vendeur d'albums en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis jusque dans les années 80 (Days Of Future Passed en 1968, Every Good Boy Deserves Favour en 71, Seventh Sojourn en 72, ou Long Distance Voyager en 1981), le groupe est l'une des plus anciennes formations de la première vague britannique des années 60 toujours en activité, malgré quelques changements de personnel au cours de sa carrière. 


Presque tous originaires de Birmingham en Angleterre, la première version des « Moody Blues (nom emprunté à un thème de Duke Ellington et à celui de la bière locale Mitchell & Butler) en mai 1964 est composée pour les plus anciens de vétérans de la scène de la ville : Denny Laine (chant & guitare), Graham Edge (batterie), Ray Thomas (harmonica, Oûte, saxophone & chant), Clint Warwick (basse & chant) et leur aîné Mike Pinder (chant & claviers). Leur premier manager est Tony Secunda, une figure du rock britannique qui deviendra célèbre en ruinant les Move et en propulsant Marc Bolan au sommet, qui leur obtient un contrat avec Decca, déjà fort des Rolling Stones. Le premier 45 tours « Steal Your Heart » en août est un échec trois mois plus tard, mais leur reprise immédiate du titre américain de Bessie Banks produit par Lieber & Stoller, « Go Now ! », une ballade musclée, est n°1 en Grande- Bretagne en moins d'un mois, en décembre, considérablement aidé par l'un des tous premiers films vidéo promotionnels jamais réalisés. Cette rapide notoriété entraîne la sortie du premier album en juillet 1965, baptisé Go Now ! aux Etats-Unis, mais ignoré. Le groupe hésite entre reprises de blues, ballade pop et soul, et les compositions Laine/Pinder ne sont pas à la hauteur. Leur reprise enragée du bluesman Sonny Boy Williamson « Bye Bye Bird » est un petit hit radio en France en décembre, tandis que leur essai frénétique sur le « I'll Go Crazy » de James Brown de 1960 entraîne une réédition de la version originale aux Etats-Unis. Rod Clarke remplace Warwick en juillet 1966 (lequel est décédé le 15 mai 2004), et « Boulevard de la Madeleine » moitié en français moitié en anglais, qui célèbre les arpenteuses du trottoir de l'époque de cette artère parisienne, passe inaperçu et n'est incluse dans aucun album original. Après ce nouvel échec, l'orchestre se sépare brièvement en octobre puis est entièrement remanié un mois plus tard, autour du trio fondateur Pinder, Thomas et Edge : John Lodge remplace Clarke et le talentueux et plus jeune Justin Hayward, Denny Laine, parti lui plus ou moins en solo et qui co-fondera Wings avec Paul McCartney en 1971. Les trois 45 tours suivants en 1967 sont encore des échecs, les finances sont débitrices et il est temps d'abandonner leur formule stérile et trop concurrentielle. 


Des nuits de satin blanc 

Mike Pinder utilise le mellotron alors inconnu dans le rock (instrument dérivé de l'orgue Hammond, qu'il a contribué à assembler, et que les Beatles n'useront qu'en 1967), et il est décidé de donner plus d'importance aux contributions de Ray Thomas. Tandis que leur maison de disques, voulant promouvoir les 33 tours stéréo « haute fidélité » (toutes les productions de cette époque étaient encore monophoniques, les mixages stéréo plutôt « artisanaux » étant proposés en deuxième option) les « oblige » à élaborer une œuvre de rock symphonique basée sur La Symphonie du Nouveau Monde du compositeur classique tchèque Antonin Dvorak, leur enjoignant le producteur « maison » Tony Clarke, qui deviendra d'ailleurs presque un membre du groupe à part entière. Days Of Future Passed enregistré avec le London Festival Orchestra paraît en novembre 1967 et est considéré comme le premier album de rock symphonique de l'histoire. Il dépeint la journée d'un homme dans la société civilisée du XXème siècle, est un joli succès commercial, surtout aux Etats-Unis, et contient la fameuse ballade « Nights In White Satin » devenue un classique, et qui fait la fortune de son créateur Justin Hayward, bien servi par ses « I love you, yes I love you » répétés à l'infini et la partie de flûte de Ray Thomas. « Nights In White Satin » est même n°2 en France en mars 1968, coincé entre Sheila et Otis Redding... La formule est trouvée et fonctionne, faite d'arrangements pop et classique, de mélodies simples, de duos claviers + flûte et d'une production raffinée, très sophistiquée même pour l'époque, où l'écho et la réverbération dominent. 

Inspiré par George Harrison, Ray Thomas introduit le sitar dans sa palette, Graham Edge se concentre sur les textes, dont les poèmes sont lus par Mike Pinder au début de quelques albums, ou récités à l'intérieur. Deux « concept albums » se succèdent rapidement, dont leur premier n°1 en Grande-Bretagne, On The Treshold Of A Dream, en mai 1969, où Mike Pinder opte pour une version modernisée du mellotron, le chamberlin, ancêtre du synthesizer, qu'il utilise le 30 août au deuxième festival de l'île de Wight. A l'occasion de la sortie du cinquième album à la Xn de l'année To Our Children's Children inspiré par la « conquête » de la lune, les « Moodies » créent leur propre label, Treshold Records ; ses morceaux sont inaugurés lors du concert du 12 décembre 1969 au Royal Albert Hall. Le succès du plus sommaire « Question » (relatif à la guerre au Vietnam avec son refrain : « pourquoi n'avons-nous jamais de réponse quand on frappe à la porte, avec nos millions de questions sur la haine, la mort et la guerre ? » est suivi de l'album A Question of Balance, tout aussi dépouillé lui aussi, afin de simplifier leurs prestations scéniques, comme lors de leur apparition au festival de l'île de Wight encore le 30 août, en 1970, où ils interprètent évidemment « Nights In White Satin » (cf. le documentaire Message to Love paru en 1997). Extrait de cet album encore n°1 en Grande-Bretagne, « Melancholy Man » est un tube seulement en France, où le 45 tours est n°5 en avril 1971, trois mois avant Every Good Boy Deserves Favour (dont les initiales sont un moyen mnémotechnique pour retenir la clef de sol), lui aussi n°1 en Grande-Bretagne et n°2 aux Etats-Unis. Enfin, après leur premier album n°1 obtenu le 9 décembre 1972 sur ce continent avec Seventh Sojourn, et les succès : de la réédition de « Nights In White Satin » en Angleterre et surtout aux Etats-Unis où il avait été ignoré cinq ans auparavant, et du simple écrit par John Lodge « I'm Just A Singer (in a rock 'n' roll band) » les cinq musiciens, devenus riches et leur orchestre célèbre, décident de suspendre celui-ci, sans pour autant se séparer. 


Tous les cinq effectuent leurs propres tentatives, à l'aide du label Treshold (sauf Hayward). Graham Edge ouvre le feu le premier en juillet 1974 avec son projet parallèle le Graham Edge Band, en compagnie de Mickey Gallagher (ex- Animals) et d'Adrian et Paul Gurvitz (exs-The Gun et Three Man Army) : un premier 45 tours en juillet 1974 suivi de deux albums plutôt rock, Kick Off Your Muddy Boots en septembre 1975 et Paradise Ballroom en avril 1977 passent inaperçus. Si le nom des Moody Blues est célèbre, ceux des musiciens sont restés anonymes du grand public et la notoriété qu'ils supposent posséder ne les favorisent pas. Ray Thomas ne trouve pas non plus d'écho en été 1975 avec From Mighty Oaks ni en juin 1976 avec Hopes, Wishes and Dreams. Les acrobaties aux synthés d'un Mike Pinder éxilé et marié en Californie en avril 76 (The Promise) et l'ennuyeux Natural Avenue de John Lodge en février 77 sont aussi laissés pour compte. Justin Hayward et John Lodge sont plus heureux en duo avec Blue Jays en avril 1975 et leur formidable tube « Blue Guitar » produit par 10 CC. Hayward étant le plus prolifique et le plus chanceux des cinq car il continuera en solo après la re-formation des Moody Blues. Son Songwriter de février 77 vaut le détour, ainsi que sa participation au projet multi-artistes de Jeff Wayne en 1978 War Of The Worlds duquel son 45 tours « Forever Autumn » est n°5 en Grande-Bretagne en juillet (il contribuera à une nouvelle version scénique de War Of The Worlds en 2006 et 2007). Afin de perpétuer néanmoins la popularité du groupe, Decca publie en novembre 1974 un « best of » (This Is The Moody Blues), puis en avril 1977 un double album « live » enregistré le 12 décembre 1969 au Royal Albert Hall, augmenté de cinq titres en studio inédits : Caught Live + 5, mais il s'avère leur premier échec commercial depuis dix ans. Néanmoins, il est le premier à ne pas être gratifié de l'une des hideuses illustrations de pochette de Philip Travers. 

Les cinq acolytes se retrouvent début 1978 et accouchent dans la douleur d'un Octave bien faible, avec un Mike Pinder si réticent qu'il quitte le groupe avant la fin des séances (il cite son mellotron dans « One Step Into The Light »), obligeant Justin Hayward et John Lodge à assumer les parties de claviers pendant la tournée de promotion, avant d'engager le musicien suisse Patrick Moraz (ex-Yes) sur la base d'un musicien complémentaire et non membre permanent, ayant été convenu que Mike Pinder participerait à nouveau aux futurs enregistrements. Cette convention bâtarde engendrera une dispute légale et un procès ultérieurs ; Moraz étant confirmé dans ses fonctions, Pinder tente par voie judiciaire d'empêcher la publication de Long Distance Voyager en mai 1981, sans y parvenir, et il retourne définitivement en Californie. L'album est un gros succès international et Mike Pinder le voit parvenir n°1 en album aux Etats-Unis lui aussi, le 25 juillet 1981, neuf ans après Seventh Sojourn. Mais cette embellie n'a qu'un temps ; la musique a changé, le punk et la new wave ont produit des ravages sur les groupes rock de la précédente génération et les Moody Blues semblent passer de mode. Le groupe a pourtant épuré sa formule, abandonné son côté souvent pompeux et abordé une démarche plus électronique, mais les chansons ne font plus recette. Toutefois, en avril 1986, la composition nostalgique de Justin Hayward « Your Wildest Dreams » envahit les ondes américaines, et ouvre la voie au « chant du cygne » des Moody Blues, l'album Other Side Of Life produit par Tony Visconti (connu surtout pour sa collaboration pérenne avec David Bowie), qui produit également l'album suivant, et une partie de Keys Of The Kingdom en 1991 ; malgré l'intensité de son intervention à la flûte dans « Celtic Sonant », le rôle de Ray Thomas est réduit en studio depuis un moment à sa portion congrue, et il ne peut briller qu'en concert sur les morceaux des années 60 et 70. Vers la fin de son enregistrement, Patrick Moraz dévoile lors d'une interview son dépit face au manque d'ambition musicale de ses partenaires et aux refus essuyés par ses contributions à l'écriture. Il est aussitôt remercié par les fondateurs et il leur intente un procès pour non-paiement de droits d'auteur en tant que membre du groupe depuis presque quinze ans, lequel dément qu'il l'ait été, engagé seulement comme musicien de séances ! Moraz remporte le procès auprès d'une cour californienne, mais n'en retire que de la petite monnaie au lieu des millions de livres réclamés. 


Trente ans après son apparition, le groupe a beaucoup perdu avec le départ de Mike Pinder, et le tandem Bias Boshell/Paul Bliss censé reproduire les parties de claviers. Les Moody Blues sont devenus une attraction de troisième plan réservés aux nostalgiques. Après un concert-fleuve dans l'amphithéâtre naturel à Red Rock dans la grande banlieue de Denver, donné avec un grand orchestre classique le 9 septembre 1992 pour le 25ème anniversaire de la sortie de Days Of Future Passed (documenté dans le DVD A Night at Red Rocks with the Colorado Symphony Orchestra), vient le temps des prestations nostalgiques, d'une recrudescence de compilations, et des anthologies/ rétrospectives. Le groupe passe alors par une deuxième période sabbatique durant laquelle Mike Pinder de son côté commet un deuxième album solo en 1994, Among The Stars, pour se reconvertir ensuite dans la world music pour fonds musicaux d'histoires enfantines. Enregistré en Italie avec un nouvel organiste, Danilo Madiona, les Moody Blues refont surface en 1999 avec un Strange Times romantique et sucré, se replongent dans l'atmosphère du Royal Albert Hall devant un auditoire plutôt âgé (Hall of Fame), et tentent une incursion dans la musique instrumentale pour le cinéma. La retraite sonne pour le talentueux Ray Thomas fin 2002, et c'est en quatuor que les Moody Blues proposent fin 2003 un curieux et intéressant « album de Noël » contenant une version plutôt iconoclaste du « Happy Christmas (The War Is Over) » de John Lennon... En octobre 2005 on les voit avec étonnement au Ryman Auditorium à Nashville jouant avec des musiciens spécialistes du genre, des versions « bluegrass » de leurs hits. Désormais réduits au trio Justin Hayward, John Lodge et Graham Edge, les Moody Blues se produisent à l'occasion avec des musiciens additionnels, annonçant en janvier 2007 la préparation d'un nouvel album et une tournée britannique fin 2008, avec un détour inévitable par le... Royal Albert Hall. Sans prétendre que la musique des Moody Blues exerce encore aujourd'hui une influence quelconque sur les groupes actuels, il est indubitable que le concept et la popularité du « rock progressif » dont ils ont été les premiers pionniers il y a... quarante ans, leur doit beaucoup. (Universal Music)



PRINCE


Un brin androgyne et un soupçon provocateur, Prince n’en n’est pas moins un génie de la musique. Souvent considéré comme le seul véritable rival de Michael Jackson ,Prince a sorti de nombreux albums durant sa carrière, notamment : « For you », « Dirty mind » ou encore « La parade » qui contient le hit mondial « Kiss ».  

Les débuts d’un génie

Prince Rogers Nelson voit le jour le 7 juin 1958 à Minneapolis (Etats-Unis). 

Le jeune Prince vient d’une famille qui adule la musique. Sa mère chante et son père, ouvrier, est également un grand musicien de jazz. Il s’illustre d’ailleurs souvent dans les clubs locaux. Alors que ses parents divorcent, le jeune homme de 13 ans s’éveille à la musique. Il fonde ainsi son premier groupe, Grand central. L’enfant est donc influencé par ses parents mais également par Jimi Hendrix , les Beatles ou encore James Brown . Alors que Prince est à la guitare et aux claviers, son cousin Chazz Smith est à la batterie. C’est grâce à ces premiers concerts que Prince se fait repérer. 

À 20 ans, il enregistre son premier disque « For you »(1978). Comme pour les suivants : « Prince » (1979) ou encore « Dirty mind »(1980), Prince produit et joue de tous les instruments. 

Le rival de Michael Jackson 

Un an plus tard, le chanteur qui joue en bas- résilles donne vie à l’album : « Controversy ». Alors que les disques s’enchainent très rapidement, le succès et la reconnaissance ne sont pas au rendez-vous. Cependant l’année 1982 va engendrer un net changement grâce à l’album « 1999 ». Le single « Little red Corvette » fait enfin connaître Prince au grand public. Prince ne s’arrête plus, « Purple rain » (1984), enregistré avec le groupe The revolution se vend à 10 millions d’exemplaires aux Etats- Unis). « La parade » (1986) devient un album qui enflamme les foules notamment grâce au sulfureux titre «Kiss ». Avec ses nombreux tubes, Prince est souvent considéré comme un rival du roi de la pop, Michael Jackson . Une véritable bataille s’engage alors entre les artistes pour se démarquer. 

Prince le symbole d’amour 

Pour s’émanciper de son label, Prince change de nom et devient alors Love Symbol.
Le nouveau chanteur sort donc l’album : « Emancipation » (1996). Malgré tous ses disques (« Crystal ball », « The truth » ou encore « Newpower soul »), Love Symbol ne rencontre pas le succès du passé. Il décide alors de redevenir Prince et s’illustre avec des opus comme « Rainbow children »(2001), qui combine jazz, funk et gospel, « Musicology » (2004) ou encore « 3121 » (2006). 

Bien que Prince obtienne toujours le soutien des critiques, le public ne le suit plus comme à ses débuts. Cependant ce génie musical ne peut stopper sa passion pour la chanson. Prince sort notamment les albums « Lotus flow3r » et « MPLS sound » en 2009. L’artiste américain clôturait encore en apothéose la 43ème édition du festival de jazz de Montreux. En 2009, Prince donne une série de concerts en France.En août, l'artiste joue à Monaco pour trois représentations. Sous le charme du Grand Palais, Prince monte sur scène à l'occasion de deux concerts le même jour, en octobre. Après ce passage parisien durant lequel il explique que pour lui Paris est " érotique ", Prince décide de revenir sur le sol européen en 2010. 

Avant de se produire le 9 juillet au festival « Main square special », le festival d’Arras, et le 25 juillet à Nice, Prince fait découvrir son nouvel opus gratuitement via les kiosques. Le 22 juillet, l’album « 20ten », comptant dix titres, est offert pour une durée limitée avec l'hebdomadaire Courrier International en France. Une distribution dans d'autres pays européens s'effectue également comme en Allemagne avec Rolling Stone Deutschland ou en Belgique avec Het Nieuwblad

Prince décède à l'âge de 57 ans, le 21 avril 2016. Son corps est retrouvé sans vie dans ses studios de Paisley Park au Minnesota. Le 15 avril, le chanteur avait été contraint d'annuler plusieurs concerts et avait été hospitalisé suites à des symptômes grippaux. 


JACQUES BREL

par Jean Jaque


Avril 1929, à Bruxelles : naissance de Jacques Brel. En face bourgeoise et catholique dans une ville terne, marquée par la guerre. Après avoir fait ses humanités à l’Institut Saint-Louis, il étudie le droit commercial. Sa vie est tracée : il prendra la direction de la cartonnerie familiale. Premiers contacts avec les milieux d’affaires. Premières déceptions : « Serait-il impossible de vivre debout ? »



Il se marie et a très vite trois filles : Chantal, France, Isabelle. L’embourgeoisement rôde, BREL ne manque de rien et pourtant… il joue de la guitare, écrit des poèmes et griffonne des chansons. Dans sa ville natale et les environs, il fait ses débuts de chanteur dans les patronages et les fêtes de charité. En 1953, il enregistre un 78 tours : « Il y a » et « La foire ».


« J’écris et je chante parce que j’en ai envie. Ce n’est pas gai, les gens qui ne réalisent pas leurs rêves ! »


Puis, en septembre de la même année, c’est la rupture. À 24 ans, BREL rompt ses attaches et s’engouffre dans un train pour Paris. Il débarque Gare du Nord et se réfugie dans un hôtel du neuvième arrondissement. Solitude et saucisson-camembert : BREL crève la faim et court le cachet. Personne ne veut de lui. L’ »Abbé Brel » comme on le surnomme à l’époque, n’a pas la « gueule » de l’emploi. Que faire ? Repartir ? Non, l’homme a trop la rage au cœur pour rester sur un échec.



Il ne lui reste plus que la chance. Elle se nomme Jacques Canetti, patron des « TROIS BAUDETS » et dénicheur de talents comme BRASSENS, GAINSBOURG, DEVOS, BÉART. Il lui fait enregistrer un 45 tours avec quatre chansons : « Grand Jacques », « Il nous faut regarder », « Il peut pleuvoir », « Sur la place ». Le disque se vend mal, mais le ton est donné : la personnalité et le talent crèvent les sillons. BREL tient le coup et s’accroche. Pour lui, c’est le début de son « Far-West » comme il aime le dire.


« Je me f… complètement de l’argent. Si vous apprenez un jour que je suis devenu pauvre, ne me plaignez pas ! J’ai peur de l’argent, peur qu’il me bouffe… »


Il continue les cabarets : l’Écluse, l’Échelle de Jacob, écrit d’autres chansons (Le Diable). Trois ans plus tard, en 1957, la chance lui sourit à nouveau. À Bobino, on lui demande de remplacer Francis Lemarque ; à l’Olympia, Marlène Dietrich. Il accepte et s’impose à force de volonté et de hargne. Le voici en 1959 en « vedette » à Bobino, avec « La valse à mille temps, Ne me quitte pas, Les Flamandes ».



Deux ans plus tard, c’est le triomphe à l’Olympia avec « Les Bourgeois », les « Paumés du petit matin », « Rosa ». Il enregistre ses premiers 33 tours chez Philips. Dans ses chansons, BREL n’épargne personne, sort ses griffes. Le public afflue, se jette sur lui, vient se reconnaître dans cet artiste qui, chaque soir, sur scène, vide son cœur et ses tripes.


« Je ne travaille pas pour les applaudissements. Ils me font plaisir, mais je suis heureux comme un bottier à qui l’ont dit « Vous m’avez fait des chaussures formidables. » Pour moi, le métier de chanteur est un métier d’artisan ! »


Lyrique, écorché vif, « anarchiste », anticlérical, obsédé par l’idée de Dieu, sentimentalisme, les critiques et les étiquettes commencent leur valse infernale. Qu’importe, BREL n’a pas à s’expliquer et s’il le fait, c’est pour mieux éclairer ceux qui croient le comprendre : « Je ne suis pas un révolté comme certains le pensent. Je n’aime d’ailleurs pas les étiquettes. La révolte ? Pour quoi faire ? Je me contente de faire passer mes inquiétudes dans mes chansons (…° « Je ne me prends ni pour un poète, ni pour un musicien. Je fais des chansons, rien que des chansons. Huit par an, pas plus : après je radote. Je n’ai pas tellement de choses à dire ».



Partout où il passe, les salles sont combles. Devenu le Chantre d’une génération d’auteurs-compositeurs-interprètes, BREL entre à corps perdu dans la marche infernale du succès. Il a signé un contrat avec Eddie Barclay et a enregistré déjà plusieurs 33 tours. Les tournées à l’étranger (U.R.S.S. - U.S.A.), les galas dans les petites villes de province réputées « impossibles » qui, après Paris, sont pour lui autant de nouvelles Bastilles à conquérir, se succèdent. Sans un jour de relâche. Un Olympia par an, de nombreux enregistrements en studio, la T.V., la radio. BREL court, court et s’essouffle.


« La chanson, c’est un acte d’amour, c’est un acte de tendresse » (…) Actuellement, il y a plus de gens qui pètent que des gens qui chantent. Moi, je ne veux pas montrer mes fesses. Il faut garder une certaine dignité ».


Nouvelle rupture dans sa vie et dans sa carrière. En 1967, il fait ses adieux à la scène, à Paris, en province, puis en Belgique. Il abandonne le tour de chant « J’en ai marre de me défoncer. Vous verrez qu’un jour on me détestera de m’avoir trop aimé ». Pendant un an BREL réfléchit, prend le temps de vivre, tourne avec André CAYATTE « Les piques du métier ». À ceux qui l’interrogent, il déclare : « J’arrête le tour de chant parce que j’ai besoin de solitude et de liberté. J’ai envie de faire tout ce qui m ‘était interdit jusqu’à maintenant. Je veux partir en bateau et lire, lire. Et puis je veux vivre (…) Comment vit-on sinon en étant d’accord avec soi-même ? »



BREL joue dans « La bande à Bonnot » et pense déjà à une nouvelle aventure : la comédie musicale. Ce sera en décembre 1968 « L’Homme de la Mancha » qu’il présente, après les États-Unis et la Belgique, au théâtre des Champs-Élysées, à Paris.

De l’avis unanime BREL (pour le rôle de Don Quichotte il s’est vieillie vingt ans) est un magnifique « Chevalier à la triste figure ». On découvre un comédien bouleversant qui, avec sa voix déchirante, son regard lointain et ses pattes d’échassier, adhère complètement à la fougue et à la folie de son personnage. Il danse, croise le fer et chante :

Rêver un impossible rêve,

Porter le chagrin des départs,

Brûler d’une possible fièvre,

Partir où personne ne part.

Aimer jusqu’à la déchirure,

Aimer même trop, même mal.

Tenter sans force et sans armure,

D’atteindre l’inaccessible étoile.


« J’attaque ce qui me dérange la vue, ce qui gêne le bonheur. Je suis obsédé par les choses laides ou vilaines dont personne ne veut parler, comme si on avait peur de toucher à une plaie qu’il faut soigner… »


L’Homme de la Mancha » se joue à guichets fermés. C’est un triomphe ! Mais BREL se dépense tellement qu’il perd dix kilos et jette l’éponge au bout de cent représentations… On parle d’ennuis de santé : « Foutaise, rétorque-t-il. Si je maigris c’est que je n’ai pas peur de mouiller ma chemise. Je ne me suis jamais aussi bien porté ».


S’il a abandonné les planches, cela ne l’empêche pas de participer à plusieurs émissions de Télévision. En 1967, BREL s’est tourné vers le cinéma et devient acteurs dans « Les risques du métier » que met en scène André CAYATTE. Aux côtés d’Emmanuelle RIVA, il incarne le rôle d’un instituteur injustement accusé de viol par une de ses jeunes élèves. L’accueil réservé au film est excellent. BREL n’a pas raté son bout d’essai.



L’année suivante, il tourne sous la direction de Philippe FOURASTIE « La bande à Bonnot ». Un rôle sur mesure pour BREL, alias Raymond-La-Science : petite moustache, écharpe beige, chapeau melon et binocles.

En 1969, BREL qui depuis « L’Homme de la Mancha » sait monter à cheval et manier l’épée, joue aux côtés de Pierre CLEMENTI, Claude JADE et Bernard BLIER, dans « Mon oncle Benjamin », chronique libertine du XVIIIe siècle réalisé par Edouard MOLINARO.


« Je suis violent… mais j’ai été timide. Et je ne trouve pas cela si mal : souvent, on ne devrait pas dire un timide, mais un pudique… »


En 1970, il ne quitte pas la selle et devient écuyer au château de Madame Germaine de Boisménil (Françoise PRÉVOST) pour les besoins du film de Jean Valère : « Mont-dragon », adapté du roman de Robert MARGERIT.

En 1971, il rencontre Marcel CARNÉ. Ensemble, ils tournent « Les Assassins de l’ordre », d’après le romande jean LABORDE. BREL y campe le rôle d’un magistrat qui enquête sur une mystérieuse affaire criminelle.


Le cinéma l’amuse beaucoup. « Je ne joue pas, je suis dans le coup. Je ne fais ça ni pour l’argent, ni pour le confort, mais pour la plume au chapeau. Le cinéma, c’est pas sérieux. Ça m’intéresse de participer à des histoires de gamins. Regardez Cayatte, il a 19 ans. Il a un côté réjouissant, attendrissant ; gosse. Vieillir comme cela, sans devenir adulte, c’est une chose que je me souhaite ».



Rester acteur ne lui suffit plus. En 1971, BREL décide de passer derrière la caméra et réalise son premier film « FRANZ ». Principale partenaire : BARBARA. Décor : la Belgique. Une merveilleuse histoire d’amour, lyrique, généreuse, où BREL met toute son âme d’enfant perdu, déçu par l’amour.

Plus qu’un film, c’est une bouteille à la mer que le public, dans son ensemble, boude un peu. BREL en souffre, prend ses distances, puis, comme toujours, s’accroche.


« Je plante d’abord le décor de mes chansons. Pour que les personnages évoluent à l’aise ! Je préfère les paysages que ma mémoire de môme a retenus. Des paysages que je reconnaîtrais si je les revoyais… Mais peut-être que les souvenirs déforment l’optique : mes décors sont moitié vus, moitiés imaginés. »


Il accepte d’être la vedette du « Bar de la Fourche » que met en scène son ancien chef-opérateur André LEVANT.

En 1972, il tourne aux Caraïbes, en Afrique, aux États-Unis et en Italie, avec une bande de copains (Lino VENTURA, Jean-Louis TRINTIGNANT, Charles DENNER, Aldo MACCIONE, Charles GÉRARD), « L’aventure c’est l’aventure », sous la direction  de Claude LELOUCH. L’intrigue ? L’histoire mouvementée de trois mousquetaires du 20e siècle spécialisés dans l’escroquerie.


La même année, BREL retrouve VENTURA dans « L’Emmerdeur » que réalise Édourad MOLINARO.

Puis, il retourne une dernière fois derrière la caméra : c’est « Far-West ». Même décor : la Belgique. Un vrai western, complètement loufoque où BREL, Gabriel JABOUR et une bande de comédiens farfelus « jouent au cow-boy » dans le sinistre décor d’un paysage minier. Dans ce film, il chante « J’arrive, j’arrive », une chanson où il tient un dialogue terrible avec la mort.

Ce rêve d’enfant présenté au Festival de Cannes n’est pas pris au sérieux et se solde par un fiasco financier. Il dira : « On m’a volé mon Far-West ». BREL est déçu, sans doute plus qu’il ne veut bien l’avouer. Mais il pense déjà et encore à autre chose : l’invitation au voyage. Partir dans les airs ou sur la mer. Il quitte tout et s’en va…


« Mes chansons sont inspirées par ce qui m’arrive… ou par ce qui m’est arrivé il y a longtemps. J’ai des sensations qui reviennent avec dix ans de retard ! »


En février 1974, il interrompt ses vacances pour incarner son propre personnage et chanter « Ne me quitte pas » dans le film inspiré de la comédie musicale de Mort SHUMAN : « BREL is Alive and Well Living in Paris » que le réalisateur canadien Denis HEROUX tourne aux studios de la Victorine à Nice.


« Je suis un chansonnier ! La chanson me permet d’exprimer mes indignations. Mais je ne m’en prends pas à des personnes précises : il ne s’agit jamais d’une femme, mais d’un type de femme ; d’un homme, mais de dix hommes à la fois. »


1976, il arrête sa fuite éperdue et s’installe aux Îles Marquises, à Hua-Oa, au bord du petit port d’Autant. Il habite modestement avec une compagne dans une case dépourvue d’électricité. Son seul luxe ? une camionnette Peugeot pour se déplacer et un vieux « coucou » de la guerre de Corée pour faire la navette à Tahiti. Des amis viennent le voir, notamment ANTOINE.

Barbu, bronzé, BREL vit au jour le jour, se lève et se couche avec le soleil, comme un vrai Marquisien.


« Quand je ne chante pas, je fais de l’avion, ou j’en rêve. Ce qui est beau, c’est de faire du rase-mottes dans les nuages. On trouve des routes, on suit des avenues, on se perd… »


Subitement, en septembre dernier, il répond aux prières de son ami Eddie BARCLAY, débarque à Roissy et vient enregistrer 17 chansons dans le plus grand secret, au studio de l’avenue Hoche à Paris. Deux amis de toujours, l’arrangeur et chef d’orchestre François RAUBER, et le pianiste Gérard JOUANNST sont au rendez-vous.

Derrière eux, 40 musiciens. BREL se surpasse : une seule prise suffit pour enregistrer son nouvel album qui, le jour de sa diffusion le 18 novembre au matin, pulvérise déjà les records de vente : 1.200.000 exemplaires en quelques jours. 12 titres, 12 chansons, belles et émouvantes : « Jaurès », « Vieillir », « Voir un ami pleurer », « Jojo », etc.

Son album à peine enregistré, après avoir salué quelques amis, Juliette GRÉCO, BARABARA, BRASSENS, il repart vers son île, satisfait de quitter la ville et de retourner là où il a enfin trouvé cette paix intérieur qu’il cherchait depuis toujours.


La dernière limite nous rattrape toujours. Le 9 octobre 1978, après trois ans d’une maladie dont il ne voulait pas qu’on parle Jacques BREL nous a quitté. Définitivement. Il nous reste ses chansons…



ELVIS PRESLEY

Elvis Aaron Presley nait le 08 janvier 1935 à Tupelo, Etats Unis. Elvis fréquentait une église fondamentaliste de type Pentecôtiste et Frank Smith, le pasteur de l'église, en 1944 lui montra les rudiments d'accord de guitare. C'est dans cette église, qu'Elvis chante dès son plus jeune âge, des cantiques comme du Rythm and Blues. La première guitare d'Elvis est achetée par sa mère pour célébrer ses 11 ans.  

Les parents d'Elvis sont de grand fans de musique Country, et ne manque jamais l'émission di!usé le samedi soir. C'est là que Elvis écoute Jimmy Rodgers, Roy Acuff, Ernest Tubbs, Billy Eckstine, Billie Monroe, Hank Snow... 

En 1948, les Presley partent pour Memphis, Elvis a alors 14 ans et le soir en rentrant de l'école il traîne du coté du Cotton Club d'où montent les voix de B.B King et de Rufus Thomas. A Memphis, la radio s'appelle WMPS, et di!use de la country et du gospel alors qu'au même moment Alan Freed, animateur vedette d'une radio de Cleveland lance un mot nouveau à l'antenne : "It'll be hip n'hep, n'jive n'flip!!! I'll call it Rock n'Roll". Le Rock n' Roll est lancé et à ce moment là, Bill Haley en est la figure emblématique. 

La famille Presley est pauvre et pour faire face, Elvis fait de nombreux petits boulots comme tondre les pelouses, vendre des confiseries dans les cinémas, ouvreur au Loew's State Theater, et en 1953, travailler chez Crown Electric, pour 35 $ la semaine, où il termina deuxième à un concours de changement de pneu ! L'emploi qu'Elvis occupe chez Crown Electric avait appartenu, au préalable, à Johnny Burnette, qui est aussi devenu populaire dans la chanson. Dans la même rue que Crown Electric, au 706 Union Street, se tiennent les studios de Sun Records où pour 4$ il est possible d'enregistrer deux chansons. 

My Happiness et That's When Your Heartaches Begin sont les deux chansons qu'il enregistre alors pour sa mère. Sam Phillips, le propriétaire des lieux lui propose de faire un essai pour son studio, et c'est avec Scotty Moore à la guitare et Bill Black à la contrebasse que Elvis enregistre un peu par hasard That's All Right (Mama), un titre chanté par Arthur Crudup en 1943. 

En Juillet 1954 le premier disque 45 tours d'Elvis est commercialisé sous le label Sun : That's All Right (Mama)/Blue Moon Of Kentucky. 7000 copies de ce disque ont été produites, pas de quoi pavoiser mais assez pour que l'on retienne le nom d'Elvis. Une nouvelle vague déferle derrière le futur King, chez Sun Records c'est Johnny Cash et Jerry Lee Lewis, et ailleurs Eddie Cochran, Chuck Berry, Buddy Holly, Gene Vincent... 

En 1956, la maison de disque R.C.A. rachète pour 40 000$ le contrat d'exclusivité qui lie Elvis à Sun, avec l'argent qui découle de cette vente, Elvis achète une Cadillac rose à sa mère. 1956, c'est le premier album, le premier disque d'or, les premiers succès internationaux, et le premier album de l'histoire à être vendu à 1 million d'exemplaires. C'est aussi l'année de son premier film, « Love Me Tender », projeté en avant-première le 15 novembre 1956 au Paramount à New York. C'est le 10 janvier 1956 qu'eut lieu la première session d'enregistrement d'Elvis pour RCA, au studio RCA de Nashville qui était alors sous la direction de Chet Atkins. Cette journée là, on enregistra Heartbreak Hotel

Les passages d'Elvis Presley à la télévision révolutionnent l'Amérique, lors du Ed Sullivan Show du 9 septembre 1956 à CBS, Elvis a 82% de l'auditoire national, soit 54 millions de téléspectateurs. C'est sa première de trois apparitions à cette émission. En 1958, après le tournage de « King Creole », Elvis est incorporé dans l'armé, et part faire ses classes à Fort Hood au Texas. 

Cette incorporation ne l'empêche pas d'être de nombreuses fois numéro un aux hits-parade du monde entier, ce qui sera le cas encore en 1960, après son retour à la vie civile avec It's Now Or Never, l'adaptation de O Sole Mio, le 45t se vend à 20 millions d'exemplaires dans le monde. Cette même année, il participe au show télé Franck Sinatra, pour trois chansons, et gagne la somme record de 125 000 dollars. 

Les succès s'enchaînent à une vitesse vertigineuse, Blue Hawaii reste 76 semaines classé au Hit-parade, et G.I Blues détient le record avec 111 semaines ! Il tourne film sur film et devient l'acteur le mieux payé de Hollywood. En 1965, à leur demande, il reçoit les Beatles chez lui à Los Angeles. 

Il épouse Priscilla en 1967, et reçoit son premier Grammy Award pour le 33 tours de gospels How Great Thou Art. Sa fille Lisa Mary naît l'année suivante, le 1er février. Un peu avant le tournage du premier documentaire sur Elvis en répétition et sur scène « That's The Way It Is », Elvis retrouve la scène à l'International Hotel de Las Vegas le 31 juillet 1969. A ce moment là, c'est Suspicious Minds qui est numéro 1. Le 14 janvier 1973, avec « Aloha From Hawaii », un show au profit de la lutte contre le cancer retransmis en mondovision c'est face à un milliard de téléspectateurs que Elvis chante. 

En 1975 les premiers signes de fatigue et de maladie se font sentir, alourdi par son mode de vie, harassé par le rythme des tournées, dopé par les pilules magiques de ses médecins, en août, Elvis doit annuler son show à Las Vegas. C'est le 26 juin 1977 que le King donne son dernier concert, à Indianapolis. Le 16 août, Elvis Presley meure chez lui à Graceland, à Memphis. 

Elvis Presley c'est 131 disques (albums et singles) certifiés Or, Platine, ou Multiplatine, plus de 1300 concerts, 14 nominations aux Grammy Awards dont trois récompensées, plus de 900 chansons à son actif, une trentaine de films... (Alerte Rouge)


THE BEATLES


The BEATLES est un groupe originaire de Liverpool, composé de John LENNON, Paul McCARTNEY, George HARRISON et Ringo STARR qui verra le jour en 1957, avant sa séparation en 1970. 

John LENNON fonde en 1957 son groupe baptisé au départ The QUARRYMEN, et recrute alors Paul McCARTNEY en juillet 1957, puis arrive George HARRISON en février 1958. Tous guitaristes à la base, chaque membre décide alors de s’orienter vers d’autres instruments, on retrouve alors John LENNON à la guitare rythmique, George HARRISON à la guitare solo, et Paul McCARTNEY à la basse. Le dernier membre du groupe, qui n’est autre que Richard STARKEY plus connu sous le pseudo Ringo STARR, arrivera derrière la batterie en 1962. 

Après avoir joué pendant plusieurs années dans des clubs que ce soit à trois ou quatre, avec ou sans batteur, Allan WILLIAMS, l’un des dirigeant de boites de Liverpool leur déniche un contrat à Hambourg et ils partent alors avec Pete BEST comme batteur du groupe, nous sommes en Août 1960. 

Si à Hambourg ou à Liverpool, The BEATLES commence à se faire connaitre, les jeunes gens n’arrivent pas à gagner en notoriété. Les allers- retours s’enchainent entre l’Angleterre et l’Allemagne, et le groupe se produit notamment avec le groupe RORY STORM AND THE HURRICANES, dont le batteur se nomme Ringo STARR, et c’est en Novembre 1960 que Ringo commence à jouer un peu avec les gars de Liverpool quelques années avant de les rejoindre définitivement. 

Hambourg sera la ville où tout commencera vraiment pour The BEATLES qui signe son premier contrat d'enregistrement, chez Polydor, en tant qu'accompagnateurs du chanteur et guitariste Tony SHERIDAN pour le 45 tours « My Bonnie » qui sort en Octobre 1961. 

Le mois suivant fera tout basculer. De retour en Angleterre, The BEATLES joue au Cavern Club de Liverpool, et c’est là que Brian EPSTEIN les repère et les manage. Plus de vestes en cuir, plus de banane, place à une nouvelle tenue vestimentaire, et surtout l’instauration de la coupe au bol afin de leur donner une identité, et un profil plus professionnel. 

Brian EPSTEIN fait alors son maximum auprès des maisons de disques et essuie quelques refus, mais George MARTIS, producteur chez Parlophone, décide de convoquer The BEATLES dans les studios EMI d'Abbey Road le 6 juin 1962 pour une audition qui sera concluante mais qui verra l’éviction de Pete BEST sur les recommandations du producteur. Il est alors remplacé par Ringo STARR pour les enregistrements. 

De ces enregistrements, The BEATLES sortira leur premier single « Love Me Do », extrait de l’album « Please Please Me », où Andy WHITE, musicien de studio est à la place de Ringo, puisque George MARTIN ne souhaitait pas prendre de risque avec le nouveau, et lui confiera tout de même le tambourin. Dès lors The BEATLES ne va cesser de sortir des titres que ce soit des singles ou des 45 Tours. Le 5 octobre 1962, The BEATLES sort le titre « Love Me Do », qui se classe 17e des ventes, une belle réussite pour un début, et rapidement le titre « Please Please Me » atteint lui la première place ce qui leur permet d’enregistrer un album complet. Le succès est au rendez vous, The BEATLES enchaîne les tournées à travers le Royaume Uni, et les titres comme « From Me to You » ou bien encore « She Loves You » sont numéro un en 1963. 

Leur passage, le 13 octobre 1963, dans le très populaire show télévisé londonien Sunday Night at the Palladium marque le début du phénomène The BEATLES que la presse britannique baptise la « beatlemania » au point de classer douze titres successifs numéro 1 dans les charts entre 1963 et 1966. 

Durant cette période, John LENNON et Paul McCARTNEY ne vont cesser d’écrire. Le 22 Novembre 1963, l’album « Please Please Me » du groupe The BEATLES quitte la première place des ventes, pour être remplacé par le second album du groupe « With The BEATLES », et les deux albums débarqueront aux Etats Unis, même si là-bas le phénomène ne semble pas émouvoir plus que cela, mais les Fab Four, comme ont les appelle, marqueront l’industrie du disque américain en classant durant quelques semaines le titre « I Want to Hold Your Hand » au sommet des charts qui sera détrôné par « She Loves You » puis par « Can't Buy Me Love », la « beatlemania » envahit donc le monde entier. 

La France n’est pas en reste, et l’Olympia s’en souvient encore, puisque The BEATLES s’y produira 41 fois d’affilée, en trois semaines. Après un premier show à Versailles le 15 Janvier, dès le lendemain, l’affiche à l’Olympia est énorme, puisque se produisent alors sur scène Daniel JANIN et son orchestre, les HOGANAS, Pierre VASSILIU, Larry GRISWOLD, Roger COMTE, Gilles MILLER, Arnold ARCHER, Trini LOPEZ, Sylvie VARTAN et donc The BEATLES. 

Après la France ce sont les Etats-Unis qui vont craquer pour The BEATLES, et cela grâce à leur première prestation télévisée, lors du Ed Sullivan Show di!usé sur CBS le 9 février devant plus de 70 millions de personnes. Après quelques shows, rapides, et plusieurs télés, le groupe travers les Etats-Unis pour une tournée complète. Durant cette tournée, le groupe fait la connaissance de Bob DYLAN. 

Le 15 août 1965, The BEATLES est le premier groupe de rock à se produire dans un stade, le Shea Stadium de New York, devant 56 000 fans déchaînés et dans des conditions singulières. Le groupe The BEATLES est abonné aux premières places des charts américains jusqu'à la fin de leur carrière. Ils détiennent d'ailleurs toujours,  aujourd'hui, un record absolu avec 209 millions d'albums vendus sur ce seul territoire. A la sortie du Help ! le succès est toujours au rendez vous grâce à la Bande Originale. 

A l’automne 1965, The BEATLES enregistre dans l’urgence l’album « Rubber Soul », où l’influence de Bob DYLAN plane vraiment. Cet album marque un changement dans le procédé d’écriture, mais permet au duo John LENNON - Paul McCARTNEY de faire des merveilles. Cet album est une réussite, et il en sera de même à l’été suivant avec la sortie de « Revolver » qui contient le célèbre titre « Yellow Submarine ». 

1966 marquera aussi la pire année de tournée des membres de The BEATLES, puisque leurs prestations sont loin de celles qu’ils font en studio. Le groupe se fait lyncher après un quiproquo au Japon avant de connaitre le même sort aux États-Unis, suite à une sortie fait par Paul McCARTNEY, annonçant que son groupe était plus populaire que Jésus. Face à autant de haine, le groupe décide d’arrêter là. 

Finalement, The BEATLES trouve tout de même la force de continuer en studio avec la sortie en Juin 1967 de l’album « Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band » qui est considéré comme le plus grand album du groupe, et la meilleur œuvre rock de tous les temps. 

Le 25 juin 1967, The BEATLES se produit devant plus de 400 millions de téléspectateurs à travers le monde, à l'occasion de la toute première émission diffusée par satellite, Our World où ils interprètent une chanson spécialement composée par John LENNON pour l'occasion : « All You Need Is Love ». Un véritable succès qui se ressentira dès le 7 Juillet, date de parution du 45 tours, qui sera directement au top des charts et cela durant trois semaines. 

Le 24 Juillet The BEATLES fait scandale, via The Times en finançant et en signant une pétition baptisé « La loi interdisant la Marijuana est immorale en principe et inapplicable en pratique », un appel contre la prohibition en vigueur depuis l'instauration du Dangerous Drug Act en 1965. 

Le 27 Août, The BEATLES apprend la mort de leur manager Brian EPSTEIN suite à une overdose. L’année se conclut par le premier échec du groupe avec leur film Magical Mystery Tour. 

En 1968, The BEATLES ou plutôt Paul McCARTNEY prend les choses en main avec Apple Corps, leur compagnie qui va gérer tout autour du groupe, et même la production d’album. Après un long séjour en Inde pour méditer, le groupe The BEATLES revient pour une nouvelle aventure musicale. Pour John LENNON, c’est aussi l’heure du changement, et décide de quitter sa famille pour l’artiste Yoko ONO. Puis vient l’heure d’entrer en studio pour enregistrer « The BEATLES » plus communément baptisé Album Blanc qui sort en Novembre 1968. Ce même mois John et Yoko sortent l’album « Two Virgins » enregistré en mai durant leur première « grande nuit » et où sur la pochette ils apparaissent nus. 

Pour relancer le groupe The BEATLES en « Live », Paul McCARTNEY lance le projet Get Back, filmer la création d’un album, les répétitions, et un vrai live en public, pour que les gens comprennent mieux qui ils sont. Malheureusement, trop de tensions entre tous les membres. Après plusieurs jours de réflexions retour aux studios Apple, avec au clavier Billy PRESTON, pour donner leur ultime prestation publique sur le toit de l'immeuble, le 30 janvier 1969. Mais elle est interrompue au bout de 42 minutes par la police, à la suite de plaintes pour cause de vacarme. 

Des aléas qui déboucheront par la sortie l’année suivant du film « Let It Be ». Si finalement le projet tombe à l’eau le 11 Avril sort l’unique single de ce projet « Get Back/Don't Let Me Down ». Pour ne pas finir sur un échec, Paul McCARTNEY réussit à convaincre les autres membres de The BEATLES et même George MARTIN de faire un album comme avant, et donc de retourner à Abbey Road afin de retravailler des chansons écrites en Inde, ou durant le projet Get Back et après deux mois de travail, l’album « Abbey Road » et sa célèbre pochette, sortent en septembre 1969. 

Quelques jours avant la sortie de l’album John LENNON annonce à ses comparses son envie de quitter The BEATLES ̧ alors qu’une nouvelle tournée se prépare. 

Finalement l’ultime enregistrement de The BEATLES se fera en Janvier 1970 avec le titre « I Me Mine ». 

Avec les nombreux titres enregistrés en 1969, en Mai 1970 sort l’ultime album de The BEATLES « Let It Be » qui viendra refermer 10 ans de succès. (Melody TV)


THE ROLLING STONES


The Rolling Stones est un groupe de rock né en 1962 à Londres. The Rolling Stones est originalement composé de 4 membres : Mick Jagger (chanteur) et Keith Richards (guitariste), Brian Jones (guitariste) et Ian Stewart (pianiste). Mais ils sont rapidement rejoins par le bassiste et batteur, respectivement Bill Wyman et Charlie Watts. D’après Keith Richards, c’est Brian Jones qui a trouvé le nom du groupe alors qu’il était au téléphone avec un journaliste. Alors que la formation n’avait pas encore de nom, le guitariste, pris de court, a improvisé en s’inspirant du titre d’une chanson d’un album de Muddy Waters qui traînait sur le sol... Rollin’ Stone Blues a donné naissance aux Rollin’ Stones qui sont devenus rapidement The Rolling Stones. 


The Rolling Stones jouent sur scène pour la première fois officiellement en 1962 et vont rapidement devenir des références du rock’n’roll, malgré leur inspiration pourtant très blues, et donc concurrencer les Beatles dont le parcours est quelque peu similaire. En opposition à ces derniers, ils adoptent une attitude décalée de bad boy et font un réel show sur scène qui les fait gagner en notoriété.



Ils débutent dans des clubs londoniens avant d’enregistrer leur premier 45 tours, le titre Come on repris du chanteur Chuck Berry. A partir de là, la groupe décolle jusqu’à devenir incontournable. Après avoir connu la gloire au Royaume-Uni, the Rolling Stones partent à la conquête de l’Amérique. Leur premier tube arrive dès 1965, c’est le célèbre Satisfaction qui les fait connaitre dans le monde entier, et leur deuxième est Paint it Black, contenu dans l’album Aftermath qui sort l’année suivante, écrit par les désormais inséparables Jagger et Richards. S’enchainent alors tubes et albums, dont la chanson Jumping jack Flash qui est numéro un dans de nombreux pays. Selon la légende, Bill Wyman aurait inventé le terme de groupie pendant la tournée des Rolling Stones en Australie en 1965.

La rivalité entre les Rolling Stones et les Beatles a été montée de toutes pièces par des as du marketing. La preuve : Mick Jagger assure les chœurs et Brian Jones joue du hautbois sur la chanson des Beatles Baby, You’re a Rich Man. John Lennon et Paul McCartney assurent les choeurs sur la chanson des Rolling Stones We Love You. Ces collaborations ont toutes les deux eu lieu en 1967. 

Malheureusement, tout n’est pas rose. En 1969 le fondateur initial, Brian Jones est retrouvé mort dans sa piscine, un mois seulement après avoir été exclu du groupe pour ses problèmes de drogues (officiellement pour effectuer une carrière en solo). Il est alors remplacé par Mick Taylor jusqu’en 1974, le temps de cinq albums. The Rolling Stones créé ensuite son propre label, devenu une réelle marque planétaire (la bouche tirant la langue). La fameuse langue qui sert de logo aux Rolling Stones s’inspire de la déesse indienne de la préservation, de la transformation et de la destruction Kali mais également des lèvres et de la langue de Mick Jagger... 

A partir des années 1970, les Rolling Stones vont mal et déçoivent pour plusieurs raisons et pensent même à se séparer, heureusement le titre Angie les en empêchera. Mais les Stones quittent leur maison de disques Decca, Keith Richards devient accro aux drogues et son copain Mick Jagger au luxe, fréquentant notamment la jolie chanteuse Marianne Faithfull. 

Certaines paroles du dixième album des Rolling Stones Exile on Main Street (1972) ont été construites selon la technique de William S. Burroughs, dite du cut-up, qui consiste à prendre un texte, le découper et réarranger les mots pour créer un nouveau sens.

En 1978, l’album Some girls signe le retour du succès, puis le titre Start me up leur fait enchainer les concerts dans le monde entier, toujours plus impressionnants. Cette période ne dure malheureusement pas dans la mesure où les membres de The Rolling Stones sortent chacun leur tour un album solo et Charlie Watts enregistre avec un nouveau groupe de jazz. Toutefois, The Rolling Stones décident en 1989 de faire un nouvel album : Steel Wheels qui est numéro un dans de nombreux pays du monde, ce qui les incite à en faire encore un autre : Voodoo Lounge en 1994 qui se vend à six millions d’exemplaires. Après une séparation qui aura duré dix ans, les papys du rock reviennent ensemble sur le devant de la scène en 2015 pour une tournée, avant l'enregistrement d'un nouvel album, prévu pour 2016. Entre tournées mondiales, gigantesques concerts à succès et un chiffre d’affaires impressionnant, The Rolling Stones ne sont pas prêts de s’arrêter. (Le Parisien)

Ils se sont formés en 1962 et ont sorti leur premier disque l’année suivante. Charlie Watts, c’est l’aîné, né en 1941. Ses deux complices, Mick Jagger et Keith Richards, plus jeunes de deux ans et enfin le bambin, Ron Wood né en 1947. On les a enterrés musicalement de nombreuses fois. Ils se sont séparés, fâchés, retrouvés ; des départs, des décès, des arrivées. En 2005-2006, ils entreprennent une grande tournée mondiale à l’occasion de la sortie de « A bigger bang ». Ils remplissent le Stade de France et le palais Nikaïa de Nice. Sur toute la planète on se presse, pensant que c’est la dernière fois qu’on les voit tous les quatre vivants et bondissants. Mais les diables ont toujours du ressort. En 2011, ils sortent l’album « Some girls » avec douze nouvelles chansons et cinq ans plus tard « Blue & Lonesome ». Et en plus, ils sont toujours sur scène : tournées mondiales en 2012 et 2015, européennes en 2017-2018. Et pourquoi pas une prochaine en 2021 à la fin du confinement pour la sortie d’un nouvel album dont « La ville fantôme » ne serait que l’apéro ? Les Stones. Indestructibles. CHRISTOPHE CHICLET


LOU REED

Génial, paranoïaque, sulfureux, décadent, militant des bonnes causes, junkie, promoteur d'un rock « adulte », Lou Reed est un tissu de contradictions. Ce fils d'avocats passe une adolescence turbulente à Long Island. Lewis Alan Reed, plus connu sous le nom de Lou Reed est né le 2 mars 1942 dans une famille juive et a grandi dans une banlieue conformiste de New-York. Pourtant lui, il ne l’a jamais été, conformiste. Artiste, photographe et même un peu poète... À l’adolescence, il avoue sa bisexualité, une orientation sexuelle qu’on pense à l’époque devoir « soigner » à l’aide d’électrochocs. Un traumatisme qu’il racontera d’ailleurs dans sa chanson Kill Your Sons (1974). 


Après des études à l’université de Syracuse, centrées sur la poésie, la littérature et le journalisme, il travaille comme compositeur maison pour Pickwick Records. Lou Reed, passionné de musique et en particulier de free-jazz et de rythm'n'blues fait la rencontre d’un musicien, John Cale. Lassés des paroles fadasses et des chansons alimentaires, ils vont former un groupe d’abord appelé Primitives, avant de devenir Warlocks, The Falling Spikes et enfin... Velvet Underground.   


Malgré leur complicité avec l'artiste avant-gardiste Andy Warhol, ils ont peu de succès. Bowie a découvert Lou Reed en même temps que les autres (alors pas si nombreux) en 1967, quand il a reçu de son manager le premier album éponyme du «Velvet Underground». «Je n’avais rien entendu de pareil. Cela a été une révélation pour moi». A l’époque, le Britannique n’a qu’un seul nom de scène et un premier album. Il regarde son ainé américain avec beaucoup de déférence et le souhait de le rencontrer, un jour. La légende est déjà en route. Leurs textes, qui flirtent avec les fruits défendus, célébrant la beauté dans l'horreur, leur interdisent tout accès aux médias. Las, Lou Reed quitte le V.U. au milieu de Loaded , le quatrième album.Après deux années dans l'ombre, il signe avec RCA et s'installe à Londres. 



La maison de disques organise un dîner au restaurant branché « Max's Kansas City », en septembre 1971. Le courant passe. Lou Reed ne voit plus que par Bowie, «la seule personne intéressante» sur qui il a une influence considérable. «Le rock’n’roll est devenu fastidieux, sauf ce que fait David», déclare Lou. Son nouvel ami répond au compliment en offrant de produire son prochain album. «J’étais pétrifié quand il a accepté de travailler avec moi, en tant que producteur, parce que j’avais tellement d’idées et je me sentais si intimidé par le travail qu’il avait déjà accompli», expliquait Bowie en 1998. «Même si nous n‘avions pas beaucoup d’années d’écart, Lou avait déjà un incroyable répertoire». La collaboration va mêler le flamboyant Bowie et le plus secret Lou Reed, rapprocher leurs deux publics, leurs deux cultures. RCA comprend que le succès du premier va servir le second. «J’avais tellement envie que ça fonctionne pour lui, de faire un superbe album que lui- même trouverait inoubliable». 


En 1972, coup sur coup, il sort Lou Reed et Transformer , produit par Mick Ronson et David Bowie, qui joue du sax sur « Walk on the Wild Side ». Ses descriptions d'un univers interlope et son statut d'homo camé en font le porte-parole des marginaux et le parrain du punk. Ses concerts, à l'opposé de ceux du Velvet Underground, sont marqués par une option théâtrale et chorégraphique digne de Bowie. «Walk on the Wild Side» est un succès mondial et tire vers le haut les ventes d’un album qui, au fil des années, va s’imposer comme un classique, le plus grand succès critique et commercial de Lou Reed. Un succès tellement fou que Lou sera classé artiste rock préféré des adolescents britanniques, devant Mick Jagger, pour l'année 1972. La suite est plus compliquée. L’élève Bowie a une telle influence sur le maître Reed, de la musique au look, que l'ainé aurait fini par le prendre de travers. Il n’y a pas de raison officielle à leur rupture, mais le sale caractère de l’ancien du Velvet est connu. Reed refuse de laisser Bowie produire son album suivant «Berlin», qui finira par influencer Bowie. Cercle vertueux, cercle vicieux... 



En 1973, il sort le cafardeux Berlin , produit par Bob Ezrin. Directement inspirée par la ville allemande, divisée physiquement et psychologiquement, cette œuvre, qui suinte le fiel, le suicide et les immondices, est considérée comme le « Sgt. Pepper's noir et déprimant des années 1970 » et son meilleur album. Grâce à ce condensé de réalité passée au vitriol, Reed est reconnu comme un compositeur unique, dérangeant et macabre. On l'installe dans la tradition du « nouveau rock », un style inventé par le Velvet. Son timbre glacial mais prenant et ses thèmes fétiches vont influencer des générations entières et l'amener à composer aussi bien pour Kiss que pour Nils Lofgren



De 1974 à 1982, il enchaîne les albums, alternant le meilleur ( Rock'n'Roll Animal , 1974), mais surtout le moins bon. En 1979, Bowie et Reed dînent avec plusieurs copains dans un restaurant de Londres. La soirée est arrosée. Reed évoque son prochain album et propose à celui qui a sauvé sa carrière de le produire. Réponse cinglante de Bowie : «Si t’arrêtes de boire et que tu te reprends». En rage, Lou Reed se jette au dessus de la table, prend Bowie par le col et lui assène des coups au visage. On les sépare. L’ambiance se détend quand les deux hommes se retrouvent seuls, se prennent dans les bras, s’embrassent même... avant que la bagarre ne reprenne de plus belle. L’affrontement continuera à l’hôtel où loge Lou Reed, avec Bowie intimant son meilleur ennemi de «venir se battre comme un homme». Il faudra attendre les années 1990 pour revoir ces deux égos ensemble. 



Reed profite de cette période pour amorcer le changement de son image et se présenter comme un artiste devenu adulte, un intellectuel affranchi désormais des mythes et des images morbides de sa jeunesse.En 1982, de retour chez RCA, il sort The Blue Mask , un hommage à son mentor le poète Delmore Schwarz, mais aussi son meilleur album depuis Berlin. Cynique mais mature, il tire les conclusions de ses expériences extrêmes. La suite, Legendary Hearts (1983), est superbe, suivie du serein New Sensations (1984) et du très électronique Mistrial (1986). Ce nouvel élan créatif est en partie attribué à son mariage (1980) et à son adéquation parfaite avec son nouveau groupe. En parallèle, il s'investit dans plusieurs causes collectives (Farm Aid en 1985, tournée Amnesty International en 1986, lutte anti-apartheid... ) et s'affiche avec le président tchèque Vaclav Havel, défenseur émérite de la démocratie à l'Est et grand amateur de rock. 



En 1989, avec New York , il atteint un nouveau sommet artistique et commercial. Il y décrit une société tiraillée par les tensions urbaines ( « Dirty Boulevard » ) et en pleine décomposition. Cette même année, il participe à un album solo de Maureen Tucker, batteuse du Velvet Underground. Puis, dans le sillage, il s'associe à John Cale pour Songs For Drella (1990), un requiem poignant pour Andy Warhol décédé en 1987 et composé de ballades minimalistes giflées de guitares tendues. Ces collaborations débouchent sur une reformation ponctuelle du Velvet Underground à Paris en juin 1990 puis sur une tournée européenne dans des salles combles en 1993. Toujours à cause des batailles d'ego entre Reed et Cale, ils se séparent juste avant la tournée américaine.



En 1992, Magic & Loss , inspiré par le cancer de deux de ses amis, constitue une sombre méditation sur l'âge et sur la peur de vieillir. Les hommages pleuvent. Ce poète est fait Chevalier des Arts et des Lettres par Jack Lang en 1992. Pourtant, les vieilles obsessions reviennent parfois. Son divorce en 1994, les règlements de comptes avec Moe Tucker et John Cale débutent une série noire qui se termine avec le décès de Sterling Morrison (du Velvet Underground). Lou Reed est l'un des personnages rock les plus intrigants de toutes ces années, caméléon génial ou grincheux patenté selon les jours. 

Cela n'empêche pas Lou Reed de prouver que le rock peut être intéressant au- delà de la quarantaine. L'exceptionnel Set The Twilight Reeling (1996) est suivi d'albums aussi divers que Ecstasy (2000) ou The Raven (2003), inspiré par Edgar Allan Poe. Marié à Laurie Anderson depuis 2008, Lou Reed continue de surprendre. En 2011, il s'associe au groupe Metallica et adapte la pièce de Frank Wedekind qui a servi de trame à l'opéra Lulu d'Alban Berg. Opéré d'une greffe du foie en mai 2013, il succombe le 27 octobre à l'âge de 71 ans. La disparition de cette personnalité éminente qui a changé l'histoire du rock cause un vif émoi à travers le monde et laisse un grand vide dans un univers musical marqué par son empreinte.  


DAVID BOWIE
De son vrai nom David Robert Jones, David Bowie est né le 8 janvier 1947 dans le quartier londonien de Brixton. Le chanteur est le fils d’une ouvreuse de cinéma et d’un chargé des relations publiques pour une organisation caritative. Il découvre le jazz, initié à la musique par son frère Terry Jones à qui il voue une admiration sans bornes, et prend des cours de saxophone à l'âge de 13 ans. L’influence de son frère, qui finit par se suicider, se fait sentir dans l’œuvre du chanteur. Elève peu intéressé par l'école, il déserte le lycée technique à 17 ans et se produit avec avec différents groupes, les Manish Boys et les King Bees. À la même période, il publie quelques 45T, qui malheureusement ne trouvent pas d’écho positif.



C’est à cette période qu’il rencontre Lindsay Kemp, célèbre mime. Pendant trois ans, il se forme à l'art du mime auprès de la troupe de Lindsay Kemp, élève de Marcel Marceau. Avec la troupe il se produit dans des spectacles qui mêlent mime, danse et musique. Le chanteur va mesurer l’impact des gestes sur scène, et va également découvrir le théâtre. Il cherche à percer avec différents groupes mais c'est en solo qu'il se fait connaître. Il prend le nom de Bowie pour éviter toute confusion avec un autre chanteur connu de l'époque, Davy Jones, du groupe The Monkees

Il enregistre son premier album éponyme chez Decca en 1967 : son écoute est déroutante et se révèle un bide. Le titre « Space Oddity » qui sort en 1969 le révèle au grand public, mais l'album intitulé « Man of world / Man of music » est plutôt décevant et ne ressortira que bien plus tard sous un nouveau titre. 


En 1971, Bowie pose habillé en femme sur la pochette de l'album « The Man Who Sold The World » et développe un rock incisif qui se retrouve sur le titre « Hunky dory ». Les deux albums intriguent le public. Devenu un phénomène médiatique, il continue les extravagances, et joue de son look androgyne, surfant sur son originalité, il crée son avatar. Avant-gardiste, il investit le glam rock et se crée un personnage sur mesure en 1972 avec Ziggy Stardust. L'album « The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the spiders from Mars » est un énorme succès qui dépasse les frontières britanniques et l'installe au rang de star international. L'artiste cultive le goût de la provocation (il déclare sa bisexualité en 1972) et l'art des bonnes fréquentations (il s'entoure d'amis talentueux, d'Iggy Pop à Lou Reed). 


En 1973, il se sépare de son personnage androgyne et dissout son groupe. Installé à New York, il puise son inspiration dans les musiques noires nord- américaines. Il publie la même année ce qui est considéré comme l'un de ses meilleurs disques, « Aladdin Sane », et il est aux manettes du légendaire « Transformer » de Lou Reed en 1975. Ravagé par la drogue, il s'exile à Berlin et enregistre trois albums de musique expérimentale électronique. Au cours des années 1970, il se réinvente avec un nouveau personnage, le Thin white duke et enregistre trois albums dans la foulée à Berlin avec le musicien anglais Brian Eno; Low et Heroes en 1977, et Lodger en 1979. Ces disques déconcertent ses fans habituels, mais lui permettent de conquérir de nouveaux admirateurs. Parallèlement, il va également collaborer avec Iggy Pop. Il crée plusieurs titres qui restent gravés dans la légende tels « Changes », « Suffragette City », « The Jean Genie », « Rebel Rebel » et « Heroes ». 


Le succès planétaire revient dans les années 1980 avec l'album « Scary monsters » (1980) et le titre « Ashes to ashes ». En 1983, il collabore avec le groupe Chic et enregistre l'un de ses plus célèbres titres, « Let's dance », qui lui vaut les faveurs d’un large public et donne le ton musical des années 80.  Mais le succès s'essouffle quelque peu avec les albums suivants. Il se consacre parallèlement à sa carrière d'acteur (« L’homme qui venait d’ailleurs », « Les Prédateurs », « Furyo », « Labyrinth », « La dernière tentation du Christ », « Everybody Loves Sunshine », « Zoolander »). A la fin des 80’s, il fonde le groupe Tin Machine, sans apparaître en haut de l'affiche, qui publie deux albums au succès mitigé. 


Revenu en solo dans les années 1990, il continue son exploration musicale entre rock et électro, mais a du mal à convaincre son public avec ses disques. En 1995, il scelle ses retrouvailles avec Brian Eno pour enregistrer Outside et renouer avec le succès. Toujours féru de mode, il apparaît sur la pochette de l'album Earthling (1997) avec un manteau aux couleurs du drapeau de l'Union Jack signé Alexander McQueen. David Bowie revient en grâce en 1999 avec le tube « Hours ». La nouvelle génération du rock vient même lui donner un coup de main, à l'image de Brian Molko ( Placebo ), avec lequel il chante en duo « Without you, I'm nothing ». David Bowie décide alors de renouer avec son ancien producteur, Tony Visconti. 


En 2002, « Heathen » réhabilite définitivement l'artiste. En 2003, il publie l'album Reality et part en tournée, un best-of est édité tandis que la célébration des trente ans de Ziggy Stardust prend la forme d'une réédition en double CD et DVD. Des ennuis de santé assez sérieux et une opération au cœur contraignent David Bowie à annuler sa tournée française, programmée en 2004. Depuis, il a enregistré quelques duos et est monté sur scène avec le groupe Arcade Fire. Il joue dans « Le Prestige de Christopher Nolan » en 2006. En 2008, on le retrouve en tant que collaborateur sur l'album de Scarlett Johansson , mais aussi comme acteur dans le film « August ». 
Alors qu'on le croyait à la retraite, David Bowie surprend le monde entier le 8 janvier 2013, jour de son 66e anniversaire, en annonçant la sortie d'un nouvel album. Mais loin du style flamboyant et des artifices de ses débuts, David Bowie n'accorde aucune interview pour la promotion de cet album. « The next day » sort le 11 mars, précédé de deux singles, « Where Are We Now » et « The stars (are out tonight) ». Il continue sa carrière, en écrivant le générique de la série Panthers, et écrit la comédie musicale Lazarus, jouée à Broadway à la fin de l’année 2015. Le 8 janvier 2016, il célèbre à nouveau son anniversaire avec la sortie dans les bacs d'un nouvel album intitulé Blackstar


Avec "Blackstar", sa mort devient œuvre d'art 
Dans son dernier clip, « Lazarus », Bowie se représente sur son lit de mort en chantant : « Look up Here, I’m in Heaven... » (« Regardez là-haut, je suis au paradis »): le dernier album de David Bowie, Blackstar a été conçu comme un testament. C'est aussi un chef d’œuvre. 

Il s’était une nouvelle fois réinventé. Depuis dix-huit mois, David Bowie savait qu’il était condamné. Les médecins lui avaient diagnostiqué un cancer du foie, à l’issue fatale. Alors pour tenter de conjurer le sort, Bowie s’est lancé dans une course folle au travail. Quand il convoque des musiciens de jazz new-yorkais, en janvier 2015, pour l’enregistrement de son futur disque, seul le producteur Tony Visconti est au courant de son état de santé. Depuis sa disparition médiatique en 2004, David Bowie ne parle plus. Le mystère étant une part essentielle de son succès, il sait que moins il en dira, plus on parlera de lui. 


Alors autant mettre en scène son départ qu’il sait inéluctable. Bowie conçoit donc l’album «Blackstar» comme un testament et imagine le personnage de Lazarus, sa dernière incarnation, dans une vidéo mise en ligne deux jours avant son décès. Lazare est ce personnage des Evangiles qui revient de la mort grâce à l’intervention de Jésus. Ici Bowie apparaît dans un lit mortuaire, les yeux bandés, le visage émacié. Son double sort d’un placard, griffonne quelques mots dans un carnet avant de repartir dans l’au-delà. Une manière presque violente de mettre un terme à une carrière brillante. Emouvante aussi. 

Personne n’avait imaginé que Bowie pouvait partir si vite, si soudainement. Les rédactions des hebdos musicaux « Rolling Stone », aux Etats-Unis, le « New Musical Express », en Angleterre, sont les premières désemparées. De là- haut, Bowie doit sourire. L’homme s’est joué toute sa vie des médias comme du public. Il avait l’art de ne rien dire, même dans les rares interviews qu’il donnait. Sortir des questions musicales, c’était s’embringuer dans un délire purement « bowiesque » sur l’état de la création contemporaine ou les philosophes qu’il aimait. En pleine période Ziggy Stardust, quand on lui demande pourquoi il s’est accoutré de telle manière, Bowie cite Michel Foucault : « Toute pensée moderne est sous- tendue par l’idée que le pensable est impensable. » Jolie manière de brouiller les pistes. 


Depuis le 25 juin 2004, jour où son cœur lui fit comprendre qu’il était mortel, Bowie s’était même pleinement retiré du monde, comme lassé du cirque médiatique qui entoura son malaise cardiaque. Installé à New York dans un très beau penthouse de Lafayette Street, en plein Soho, il décide de se consacrer à sa vie personnelle, coupant quasiment tout contact avec le monde de la musique. 

En réalité, Bowie n’aimait pas la célébrité. Il se l’était prise dans la figure dans les années 1970 et avait déjà pris goût à la vie de reclus. Son malaise fut encore plus grand en décembre 1980 : il jouait alors « Elephant Man » à Broadway et Mark David Chapman, l’assassin de John Lennon, révéla avoir pris des places pour la pièce dans le but de tuer également le chanteur de « Heroes ». 


Le 7 décembre dernier, David fit donc sa dernière apparition publique à New York pour la première de « Lazarus », au Theatre Work shop où il monte sur scène lors des saluts. Mais une fois le rideau tombé, l’icône s’écroule. Bowie ne restera pas à la fête donnée dans la soirée. Impossible de deviner pour autant qu’il entrait dans le dernier mois de sa vie. Il ne voulait rien laisser paraître de sa réalité. Complice fidèle, Brian Eno, un temps membre de Roxy Music, avait échangé des courriers électroniques avec David pas plus tard que la semaine dernière : « Merci pour tous nos bons - moments, Brian, lui écrivait David. Ils ne pourriront jamais. » « J’ai compris, le jour de sa disparition, a dit Eno, que c’était sa manière de me dire au revoir. » Enigmatique jusqu’au bout, Bowie aura réussi malgré tout à écrire la fin de sa vie selon sa propre volonté. « We can be heroes, just for one day », chantait-il (« On peut être un héros, juste pour un jour »). Il vient de prouver le contraire. 

Paris Match | Publié le 14/01/2016  Par Benjamin Locoge 
David Bowie s'est éteint le 10 janvier 2016 après un long combat contre le cancer. 
Ses récompenses 
1995 - British Award pour l'ensemble de sa sa carrière 
1995 - Rock and Roll Hall of Fame 
1983 - Grammy Award de la meilleure vidéo pour David Bowie 
1983 - British Award du meilleur artiste masculin 
1977 - Hollywood Walk of Fame 

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