PEINTURE

JEAN-VICTOR SCHNETZ  1787-1870

Peintre, Aquarelliste, Pastelliste, Graveur


Jean-Victor Schnetz, né le 14 avril 1787 à Versailles et mort le 16 mars 1870 à Paris, est un peintre français. Il fut l’élève de Jacques-Louis David puis Jean- Baptiste Regnault, Antoine-Jean Gros et François Gérard. En 1837, Schnetz est élu à l’Académie des beaux-arts de Paris. 

Schnetz fut directeur de l’Académie de France à Rome de 1841 à 1846 et fut nommé une seconde fois de 1853 à 1866. Il encouragea les pensionnaires à peindre d’après nature, dans les environs de Rome, et plus uniquement d’après les modèles en plâtre en atelier. Pendant son second directorat, le décret de 1863 vient fortement perturber le règlement et le rapport de l’Académie de France à Rome à l’Académie des Beaux-arts à Paris, à qui est retirée la plupart de ses prérogatives.  (Villa Médicis)

Il fut l'élève de David, de Regnault et de Gros. Ami à Rome de Granet et de Léopold Robert, il contribua à répandre à leurs côtés le goût romantique des paysanneries italiennes, traitées dans un solide métier classique : le Vœu à la Madone (1831, Louvre). Il reçut deux fois la direction de l'Académie de France à Rome, de 1840 à 1847 et de 1852 à 1866. Il prit part à la campagne de décoration d'églises parisiennes avec des peintures pour Saint-Séverin et Notre-Dame-de-Lorette et à celle des plafonds du Louvre avec un Charlemagne recevant Alcuin (1833). (Larousse - Dictionnaire de la peinture)

Ancien élève de David, Victor Schnetz participe aux principaux chantiers décoratifs parisiens sous Louis-Philippe. Il est l’un des quatre peintres appelés pour célébrer aux murs de l’ancienne Salle du Trône de l’Hôtel de Ville les grandes révolutions parisiennes. 

Schnetz illustre le second jour des « Trois Glorieuses » de 1830. En réaction aux ordonnances liberticides signées par Charles X, la foule insurgée dresse des barricades puis s’empare de l’Hôtel de Ville. À l’instar de La Liberté guidant le Peuple de Delacroix, la scène se situe sur une barricade. L’enfant blessé qui brandit le drapeau tricolore préfigure le Gavroche de Victor Hugo. 

Ce décor ne sera pas mis en place sous la Monarchie de Juillet. Remisé dans des magasins extérieurs, il échappera ainsi à l’incendie de l’Hôtel de Ville en 1871. 

L’œuvre a été restaurée en 2015 grâce au mécénat du Fonds de dotation Carré Rive Gauche. (M.A.P. Petit Palais)

Des difficultés de l’attributionnisme en matière d’œuvres d’art.  

Navez était arrivé à Rome avec une vision artistique originale qu’il avait conçue avec David. Mieux que n’importe qui d’autre, il était disposé à se laisser captiver parlavueetla représentation des traits d’une vieille « contadina » aux expressions de sorcière qui lui rappelaient d’évidence les dessins sombres et dramatiques de la périodes bruxelloise de David ainsi que ses propres créations et inventions. Les relations entre Navez et Schnetz étaient extrêmement étroites, et ils nourrissaient l’un envers l’autre une estime inébranlable, leur correspondance le démontre. C’est tout naturellement qu’ils se sont intéressés ensemble à ce même modèle. Ce n’est pas le seul exemple de modèle commun à eux deux que l’on connaît. Mais maintenant que l’on cerne bien la personnalité des deux artistes, on a de sérieuses raisons de penser que c’est à Navez, qui a déjà conçu en 1816 cette terrible Déploration et une surprenante Sainte Véronique, que revient l’invention de la vieille, aussitôt partagée et reprise par son ami intime. Cela se passe à Rome vers 1821. Géricault, lui, est rentré à Paris depuis 1817 et rien ne donne à croire qu’il ait jamais vu la vieille paysanne des Monts Sabins, ni en réalité ni en image. 

En ce qui concerne l’usage de mêmes modèles ou sujets par Navez et Schnetz, il est un cas qui semble avoir échappé à la sagacité du rédacteur de la brève du 5/01/04 annonçant l’acquisition par le Musée de Flers du Franciscain en prière (ill. 6) de Schnetz, datable, écrivait-il selon les informations dont il disposait, de 1867. Nous avions pourtant publié ce tableau de Schnetz dans notre livre sur Navez pour le rapprocher de L’aumône à l’ermite peint en 1820 par l’artiste belge. L’identité du personnage et de la pose ne fait aucun doute. Par conséquent, il convient de dater le tableau de Schnetz des environs de 1820-21, au moment où, précisément, les deux amis se passionnaient à reproduire les traits d’une vieille paysanne. 1867-1820 : 47 ans de différence, quel rajeunissement ! On notera ici qu’à la page suivante de notre livre, nous avons publié avec son attribution à Schnetz la Diseuse de bonne aventure de Clermont-Ferrand. C’est en visitant l’exposition Schnetz, après avoir moi-même mis sur pied celle consacrée à Navez, que m’est apparue la nécessité de donner ce tableau à Navez. La plupart des arguments en faveur de cette attribution sont énoncés dans mon article de la Gazette des Beaux-Arts déjà cité, proposition qui a été reçue favorablement, notamment par Stephen Bann dans le catalogue de l’exposition Maestà di Roma de l’été dernier. Denis Coekelberghs.

LÉON COGNIET  

29 août 1794 Paris - 20 novembre 1880 Paris

Peintre et lithographe néo-classique et romantique français


Élève de Guérin, prix de Rome en 1817, il fit des débuts classiques, puis il se convertit au Romantisme plus par le choix des sujets (Tintoret peignant sa fille morte, 1845, musée de Bordeaux) que par la facture. Il travailla pour les salles du musée historique de Versailles et du Louvre (Expédition d'Égypte sous les ordres de Bonaparte, plafond de la galerie Campana, 1835) et forma de nombreux peintres, parmi lesquels Bonnat et Dehodencq. 

Au cours de la Révolution, l’emblème tricolore devient le support d’un nombre croissant de souvenirs et de fidélités. Le 13 juillet 1789, La Fayette unit le blanc de la monarchie aux couleurs de Paris pour donner une cocarde à la garde nationale qui vient d’être créée. Le 17 juillet, le roi accepte d’arborer les trois couleurs. Elles tiennent ensuite une place privilégiée dans la fête de la Fédération et symbolisent désormais l’unité de la nation. Le grand épisode guerrier de la bataille de Valmy les situe au cœur de l’épopée militaire qui allait hanter l’imagination française. En revenant sur le trône, les Bourbons reprennent le drapeau blanc. Mais en juillet 1830, les révolutionnaires avancent derrière des drapeaux tricolores qu’ils plantent sur les monuments conquis. Lorsqu’il monte sur le trône le 31 juillet, le duc d'Orléans proclame : « La nation reprend ses couleurs. » 

Au lendemain des « Trois Glorieuses », les vainqueurs communient dans l’exaltation des couleurs retrouvées. Léon Cogniet travaille à un tableau évoquant le remplacement du drapeau blanc honni par les couleurs nationales. Le tableau ne verra jamais le jour, mais il en subsiste une étude qui représente trois drapeaux émergeant d’une fumée évoquant les combats révolutionnaires.
Le premier, sur un ciel menaçant, est le drapeau blanc de la Restauration, orné à son sommet d’une fleur de lis et décoré des armes de France. Sur le deuxième, le symbole monarchique déchiré laisse apparaître le ciel, cependant qu’un repli se teinte de rouge. Le troisième drapeau trône dans un ciel dégagé ; il a perdu sa fleur de lis, et le repli rouge se révèle être une tache de sang dont les dernières gouttes perlent encore. Le bleu du ciel, le blanc du drapeau déchiré et le rouge du sang reconstituent les trois couleurs nationales. 

L’esquisse évoque le remplacement du drapeau blanc et les « Trois Glorieuses ». L’association des trois couleurs aux trois journées est un thème récurrent, appuyé, dans les discours officiels. Le ciel menaçant et la fumée noire symbolisent la première « Glorieuse », journée indécise des premiers engagements ; la fumée flamboyante et le ciel qui se dégage évoquent le 28 juillet, jour des combats les plus violents mais aussi les plus décisifs ; la fumée blanche, moins importante, et le ciel désormais pur représentent la victoire acquise le 29 juillet. La figuration réaliste du sang composant la dernière bande de couleur prend place dans un mouvement général de sacralisation du sang fondateur des martyrs. Mathilde Larrère.

L’esquisse fut reprise par Villains en une lithographie très largement diffusée. Elle était accompagnée d’un poème qui ne laissait guère de doute quant à son interprétation :

« Aux ténèbres enfin succède la clarté

Et des pâles lambeaux du drapeau des esclaves

Et de l’azur du ciel et du sang de nos braves

Naît l’étendard brillant de notre liberté »

GEORGES CLAIRIN 

Peintre français (Paris 1843 –Belle-Île-en-Mer, Morbihan, 1919). 

Élève de Picot et de Pils, il entra aux Beaux-Arts en 1861 et exposa à partir de 1866. Portraitiste virtuose (Mademoiselle de Villeneuve, 1875, Paris, musée des Arts décoratifs), intime de Sarah Bernhardt (Portrait de Sarah Bernhardt, 1876, Paris, Petit Palais), il fut un peintre d'histoire médiocre (Moïse sur la mer Rouge, 1884, musée de Nevers) mais un orientaliste habile au goût rutilant (Après la victoire ou les Maures vainqueurs en Espagne, 1885, Agen, hôtel de ville). Grand voyageur, il réalisa de nombreuses décorations assez enlevées, en particulier pour l'Opéra de Paris, où Charles Garnier lui confia l'exécution de 3 plafonds (1874), pour la Sorbonne et pour les théâtres de Cherbourg et de Tours. Dictionnaire de la peinture Larousse

Nationalité : France 

Né à : Paris , le 11/09/1843

Mort à : Belle-Ile-en Mer , le 02/09/1919


Georges Jules Victor Clairin est un peintre et illustrateur orientaliste français.

Il entre en 1861 à l'École des beaux-arts de Paris où il se forme dans les ateliers d'Isidore Pils et de François-Édouard Picot. Il débute au Salon de 1866. Il voyage en Espagne avec le peintre Henri Regnault et la sculptrice Marcello, en Italie avec les peintres François Flameng et Jean-Léon Gérôme. Il rencontre le peintre catalan Marià Fortuny lors d'un séjour au Maroc où ils visitent ensemble Tétouan1. En 1895, il voyage en Égypte avec le compositeur Camille Saint-Saëns.


Il est connu surtout pour ses portraits de Sarah Bernhardt, à laquelle il est lié par une longue amitié et qu'il dépeint dans nombre de rôles dans lesquels elle s'est illustrée, tels celui de la reine dans Ruy Blas (1879), de Mélisande dans La Princesse lointaine (1895 et 1899), de Cléopâtre (1900), de Theodora (1902) et de sainte Thérèse d'Avila ; il la représente aussi dans des poses plus intimes (Portrait de Sarah Bernhardt, 1876, Paris, Petit Palais).


Il a également peint plusieurs plafonds : foyers de l'Opéra Garnier à Paris (1874) et du théâtre de Cherbourg ; grand théâtre de Tours, coupole de la Bourse de commerce de Paris (L'Afrique et l'Asie), plafond du théâtre d'Épernay. Babelio d’après Wikipédia.


En toute logique, la diva Sarah Bernhardt est la grande vedette du Petit Palais. Si plus personne - ou presque - ne connaît aujourd’hui Georges Clairin, tout le monde a en mémoire son célébrissime portrait de la comédienne. Impossible de rater cette effigie magnétique qui happe le visiteur par sa présence et son originalité. Ce visage digne d’une icône, ainsi que la silhouette longiligne et la pose serpentine du modèle frappent les les esprits. Tout comme le décorum luxuriant, composé d’un déluge de plumes et de coussins, qui lui confèrent une aura toute orientale. Le statut de chef-d’oeuvre du tableau tient aussi à l’utilisation de la toile par la comédienne. Experte en communication, elle s’est abondamment mise en scène devant ce double monumental. J.M.-K.


MAX ERNST

Peintre Allemand, naturalisé Américain, puis Français

Brühl 1891 - Paris 1976


En 1909, Max Ernst commence des études de philosophie à l'université de Bonn ; il est attiré par la psychopathologie et l'art des aliénés. Il lit Freud, Max Stirner, Dostoïevski, Nietzsche, mais c'est la peinture qui devient sa raison de vivre. Ouvert à tous les courants nouveaux, une évolution rapide le mène de ses premières peintures des années 1909-1913, de style expressionniste, jusqu'au surréalisme. Dans l'intervalle se situe la période de la guerre : à la protestation de dada, antimilitariste, antibourgeoise, anticulturelle, Max Ernst prend une part active, et, grâce à lui, Cologne devient l'un des foyers actifs du mouvement. Cette période de négation est marquée par des œuvres importantes, qui manifestent l'influence de Paul Klee (Combat de poissons, 1917, collection de l'artiste), puis celle des machineries biologiques de Marcel Duchamp et de Picabia (le Rugissement des féroces soldats). En 1919, Ernst découvre la peinture métaphysique de De Chirico et de Carlo Carra ; en 1921, il devient l'ami de Paul Éluard, qui lui achète l'Éléphant Célèbes et Œdipus Rex (collections privées) . Alors qu'André Breton, axé sur des problèmes d'ordre littéraire, se demandait si une peinture surréaliste était possible, Max Ernst avait déjà ouvert les perspectives les plus fécondes en ce domaine, bifurquant soit vers un réalisme fantastique de rendu quasi photographique, déjà esquissé par De Chirico et repris plus tard par Magritte et Dali, soit, comme chez Arp, Miró et Masson, vers des transpositions morphologiques, vers des mondes autres, d'un onirisme accentué par le choix des titres.


La production de l'artiste est de plus en plus riche ; sa vie n'est que création continue, et il suffit d'indiquer quelques repères biographiques. En 1934, Ernst passe l'été en Suisse chez Giacometti, ce qui réveille son intérêt pour la sculpture, une technique qu'il n'avait encore employée qu'épisodiquement. En 1938, il quitte le groupe surréaliste et habite avec Leonora Carrington à Saint-Martin-d'Ardèche. En 1941, il réussit à gagner New York, où il épouse Peggy Guggenheim. En 1943, il rencontre Dorothea Tanning, peintre surréaliste comme L. Carrington, et séjourne dans l'Arizona, où il réalise d'importantes sculptures. En 1953, il se fixe définitivement en France avec D. Tanning, qu'il a épousée. Il reçoit le grand prix de la Biennale de Venise en 1954 et est naturalisé français en 1958. De nombreuses rétrospectives font connaître son œuvre dans le monde entier. 

Ce grand inventeur d'images joue soit sur l'extrême précision du représenté, soit sur des effets de flou, d'espaces et de formes suggérés appartenant au domaine du merveilleux, quand il ne combine pas les deux procédés. Les thèmes sont d'une grande diversité, accompagnés de titres qui en accentuent la résonance étrange, avec des nuances d'humour tournant parfois au noir, une fantaisie qui peut s'avérer cruelle. Certaines évocations reviennent avec insistance : la forêt proliférante, les oiseaux, les astres, les villes pétrifiées ; les limites s'abolissent entre les règnes ; l'homme lui-même devient hybride, bascule et voyage dans toutes les dimensions de l'univers : monde d'une grande originalité, même si des précédents en sont décelables chez certains peintres germaniques du passé, de Grünewald et d'Altdorfer à Caspar David Friedrich et à Böcklin. 

Max Ernst traque l'imaginaire au moyen des techniques les plus variées, qu'il invente ou adapte avec la virtuosité qui lui est propre dans tous les domaines. Dès 1919, il construit de petits assemblages, proches des Merz de Schwitters, qu'il combine plus tard avec des peintures, comme dans Deux enfants sont menacés par un rossignol de 1924 (Museum of Modern Art, New York. En 1923, il fait des incursions dans le tableau-poème. Plus important dans son œuvre est cependant l'emploi du collage dès 1919, dans un esprit très différent de celui du cubisme : Ernst reprend les photomontages du dadaïsme berlinois (Raoul Hausmann, Hannah Höch) et, dans une recherche du merveilleux autant que de l'absurde, combine des images hétérogènes, donnant naissance à ces romans-collages que sont la Femme 100 têtes (1929) et Une semaine de bonté (1934). En 1925, le frottage lui permet d'utiliser, comme point de départ de son dessin, des empreintes de planches, de tissus, de cannages de chaise (Histoire naturelle, 1926). Le grattage constitue une autre utilisation des accidents dirigés du hasard : un peigne, une mince truelle, une lame de rasoir sont traînés dans la peinture encore fraîche, la toile pouvant être, comme le papier des frottages, appliquée sur des corps étrangers (ficelles le plus souvent). En 1939-1940, Ernst reprend la décalcomanie précédemment utilisée par Oscar Dominguez ; en 1942, avec une boîte de peinture percée et balancée au- dessus du tableau, il prélude au dripping dont firent grand usage Pollock et les artistes de New York. Mais aucun des moyens de la peinture traditionnelle ne lui échappe, de l'empâtement au glacis, de la calligraphie appliquée à la violence du geste, souvent combinés librement dans une même œuvre. Cette variété de techniques ne vise pas à la prouesse : elle ne sert qu'à mettre en jeu une étonnante faculté d'imagination, lui servir de tremplin, la canaliser vers des transpositions imprévisibles. 

L'œuvre du sculpteur, peuplée de personnages malicieux et lunatiques, n'est pas moins attachante et reflète l'influence de ses plus proches amis, Arp et Giacometti. Enfin, d'un esprit très voisin, les écrits de Max Ernst ont été réunis dans le recueil Écritures (Gallimard, 1970). 

Son œuvre est à la fois l'un des plus personnels de l'art moderne et l'un des plus nettement inscrits dans le cours de son histoire. Par sa place à la proue du mouvement dada et du Surréalisme, Ernst est un des pionniers de la Nouvelle Réalité, et ce par la grâce de sa seule imagination, dans ce qu'elle a d'irréductiblement singulier. Dès son adolescence, la lecture des romantiques lui fait découvrir le trésor de l'imagination germanique, tandis que l'amitié de Macke, qu'il rencontre à Bonn, l'initie à l'Expressionnisme. Il découvre Van Gogh, Kandinsky, d'autres maîtres de l'art moderne, et ses premiers tableaux subissent à la fois toutes ces influences. Les gravures contemporaines (1911-12), sur lino, s'apparentent à celles de Die Brücke. Il expose en 1913 au premier Salon d'automne allemand, organisé par Walden à Berlin, et la même année à Bonn et à Cologne parmi les " expressionnistes rhénans ". Mobilisé pendant la guerre, il peut cependant peindre (Bataille de poissons, 1917, aquarelle, coll. part.). La guerre l'entraîne dans une crise de nihilisme, traversée de soubresauts, et c'est alors qu'il fait la découverte, capitale pour l'évolution de son style, du mouvement dada. Il retrouve en 1919 à Cologne Hans Arp, qu'il avait connu en 1914, et ils fondent ensemble avec Baargeld la célèbre " Centrale W/3 " ; son activité, d'abord politique, devient purement artistique. Tandis que le dadaïsme colonais poursuit sa carrière, Ernst élabore, outre les 8 lithographies de Fiat modes, pereat ars (1919), où des mannequins évoluent dans des décors à la De Chirico, une technique personnelle du collage fondée sur la " rencontre fortuite de deux réalités distinctes sur un plan non convenant ", dont les premiers témoignages sont les " fatagagas " (Fabrication de tableaux garantis gazométriques), dont il partage la paternité avec Arp (Laocoon, 1920). Enfin, quand en 1920 Dada disparaît brutalement de Cologne, Ernst se rend à Paris sur l'invitation de Breton et il expose à la gal. Au Sans Pareil en mai 1921. Les tableaux des premières années 20 s'éloignent de De Chirico et annoncent les grandes voies du Surréalisme (l'Éléphant Célèbes, 1921, Londres, Tate Gallery ; Ubu imperator, 1923, Paris, M. N. A. M.). Les collages des mêmes années sont réalisés à partir de coupures de catalogues d'achat par correspondance, d'encyclopédies techniques, d'illustrations de Jules Verne, de photographies diverses et d'interventions graphiques. Tandis que Dada se désagrège sous la poussée du Surréalisme, Ernst traverse lui-même une crise de conscience. Très lié avec Breton, Eluard, Desnos, Péret (le Rendez-vous des amis, 1922, Cologne, musée Ludwig), il évolue, en même temps que les autres membres du groupe, vers une exploration de l'inconscient plus méthodique que celle de Dada. Ses thèmes se précisent : un cosmos figé — astres, mer immobile, villes, forêts minérales (la Grande Forêt, 1927, musée de Bâle), fleurs fossilisées — dans lequel le thème de l'oiseau introduit un dynamisme significatif du désir de liberté et d'expansion de l'artiste (Aux 100 000 colombes, 1925). Sa technique, enrichie par le procédé du frottage mis au point en 1925 (feuilles de papier posées sur les lames d'un plancher et frottées de mine de plomb, puis extension du procédé à d'autres objets), excelle à représenter cet univers massif, dans lequel Ernst ne se lasse pas de découvrir des associations analogiques (le Fleuve Amour, 1925, frottage, Houston, coll. de Menil). Cette technique, cet univers vont désormais s'approfondir plus que se diversifier. Romans-collages (la Femme 100 têtes, 1929 ; Une semaine de bonté, 1934), frottages (Histoire naturelle, 1926), empreintes, photomontages explorent et accouplent, au gré de l'imagination, des éléments incompatibles, dont le rapprochement incongru suscite une poésie troublante. Les peintures, de leur côté, poursuivent avec plus d'ampleur et de gravité l'expression de l'univers imaginaire de Max Ernst, dont la poésie visionnaire rejoint la grande tradition onirique du romantisme allemand (Vieillard, femme et fleur, 1923, New York, M. O. M. A. : Vision provoquée par l'aspect nocturne de la porte Saint-Denis, 1927, Bruxelles, coll. part. ; Monument aux oiseaux, 1927, Marseille, musée Cantini ; le Nageur aveugle, 1934 ; la Ville entière, 1935-36, Zurich, Kunsthaus ; Barbares marchant vers l'ouest, 1935). Tandis que la guerre approche, l'anxiété imprègne de plus en plus son œuvre. 

Ernst sculpte et peint de grandes compositions où la vie semble paralysée (l'Europe après la pluie II, 1940- 1942, Hartford, Wadsworth Atheneum). Enfin, en rupture de ban avec les surréalistes depuis 1938, il émigre en Amérique (1941). Établi à New York, il exerce une vive influence sur les jeunes peintres américains, auxquels il semble bien avoir, avec Masson, fait découvrir la technique du " dripping ", qu'adopteront Pollock et ses épigones (l'Œil du silence, 1943-44, Saint Louis, Missouri, Washington University Gal. of Art ; la Planète affolée, 1942, musée de Tel-Aviv ; Tête d'homme intriguée par le vol d'une mouche non euclidienne, 1947). 

Il rencontre en 1943 Dorothea Tanning : c'est le début d'une période apaisée d'une grande fécondité. En 1946, ils s'installent à Sedona, dans les montagnes de l'Arizona ; ils ne reviendront définitivement en France qu'en 1955. Dans un recueillement actif, Max Ernst exécute alors d'obscures et poétiques compositions sculptées ou peintes, où le thème du couple souverain (Le Capricorne, 1948, bronze, Paris, M. N. A. M.) se mêle à ses ténèbres familières et aux réminiscences de son enfance rhénane (la Nuit rhénane, 1944, Paris, coll. part.). Après son retour en France en 1953, Max Ernst résida soit à Paris, soit à Huismes, en Touraine, continuant à produire abondamment, toujours habité par la même ferveur poétique (Configurations, collages et frottages, 1974). Son œuvre, un des plus illustres et importants du XXe s., est représenté dans la plupart des grands musées européens et américains et surtout dans d'importantes fondations privées (Venise, fondation Peggy Guggenheim ; Houston, coll. de Menil). Le centenaire de sa naissance fut marqué par une grande exposition (Londres, 1990, Tate Gallery), Stuttgart, Düsseldorf ; Paris, M. N. A. M. (1991-92). Dictionnaire de la peinture. Larousse.


QUELS MONSTRES HANTENT LES PEINTURES DE MAX ERNST ?

Électron libre du mouvement surréaliste, le travail du sculpteur et peintre allemand Max Ernst (1891-1976) ne s’est jamais résumé à un seul style ou un seul mouvement. Il suffit en effet de parcourir l’ensemble de son œuvre, actuellement mis à l’honneur au sein d’une rétrospective à l’Hôtel de Caumont jusqu’au 8 octobre, pour le comprendre. D’un tableau à un autre, les formes se font figurées ou abstraites, les couleurs sombres ou intenses, les fonds unis ou détaillés... mais tous sont hantés par de mystérieuses créatures, leitmotivs du travail de l’artiste encore réfractaire à toute interprétation linéaire, jouant avec les contraires et les frontières entre le réel et l’illusion. Oiseau alter ego, monstres rocailleux, figures anthropomorphes... Plongée dans l’imagination foisonnante (et parfois terrifiante) de Max Ernst en trois œuvres incontournables. Par Camille Bois-Martin. 

1. Loplop, l’oiseau alter ego de Max Ernst 

Tout au long de sa carrière, la figure de l’oiseau hante le pinceau de Max Ernst, qui le représente sous toutes ses formes : anthropomorphe, abstraite, littérale... 

Une fascination qui remonte à un difficile souvenir d’adolescent pour l’artiste dont l’oiseau de compagnie, un cacatoès, meurt en 1906, la nuit même où sa petite sœur naît. Le jeune garçon de 15 ans voit alors dans cette coïncidence un transfert d’énergie vitale, sans jamais totalement se remettre de sa perte, transformant cette douleur en une figure totémique : un alter ego symbolique auquel il s’identifie. Surnommé “Loplop”, il est omniprésent dans les peintures du début de sa carrière. Avec des pieds ou des pattes, cet oiseau apparaît notamment dans son Monument aux oiseaux (1927), formé à partir d’un amas d’ailes et de têtes jaunâtres et s’élançant dans un large ciel bleu. La figure, presque divine, semble s’être délivrée d’un socle posé sur le sol, représenté par des becs et des yeux d’oiseaux traités en aplats de rouge et de brun. De ces deux créatures émanent les énergies contraires de la vie et de la mort, l’une prenant son envol dans un mouvement interprété comme une allégorie de l’Ascension du Christ, tandis que l’autre s’enfonce dans le sol, symbolisant une Mise au tombeau... D’une manière plus intime, cette œuvre pourrait également renvoyer à la naissance de sa sœur et à la mort de son cacatoès. Ni vraiment figurative ni totalement abstraite, cette peinture rejoint les formes hallucinatoires qui sont alors légion dans le travail des surréalistes de l’époque, dont Max Ernst se rapproche durant les années 20. La figure de l’oiseau et les lignes sinueuses que le peintre s’applique ici à représenter traduisent ainsi un affranchissement des normes picturales propre au travail de l’artiste allemand, qui ne s’enfermera jamais dans seul mouvement ou un style unique, explorant au contraire de nombreux supports et techniques. 

2. L’Épiphanie monstrueuse de Max Ernst 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, la carrière de Max Ernst est marquée par des internements forcés de plusieurs mois, comme “étranger ennemi”, à la prison de Largentière, puis aux camps des Milles et de Loriol, dans le sud de la France, entre 1939 et 1940. Libéré une première fois grâce à l’entremise de Paul Éluard, l’artiste allemand profite de ces quelques mois de sursis pour réaliser sa toile Épiphanie, dont le titre ferait référence à la date d’achèvement du tableau, le 6 janvier 1940. 

Imprégnée par ce contexte sombre, cette peinture de très petit format (30 par 50 cm) déploie en son sein une multitude de détails qui, observés de loin, forment un paysage nocturne et rocailleux. Il faut ainsi s’en approcher pour découvrir un bestiaire fantastique, façonné de toutes pièces par l’imagination de Max Ernst, alors influencé par sa pratique récente de la sculpture. Initié à ce médium après un été passé aux côtés d’Alberto Giacometti en 1934, l’artiste développe en effet une esthétique très différente de son style pictural, dont les formes lisses et pleines deviennent plus figuratives que celles de ses travaux précédents. En témoigne ainsi ce petit tableau rempli de créatures monstrueuses, interprétations fantasmagoriques des personnages d’Un songe d’une nuit d’été de William Shakespeare (1594-1595), dont on retrouve Nick Bottom, un tisserand coiffé d’une tête d’âne à gauche – seule figure de la toile qui nous regarde. Max Ernst puise également dans cette comédie le décor de forêt qui, sous son pinceau, devient lunaire et pierreux. L’œuvre nous plonge dans une atmosphère nocturne angoissante qui explore l’ambivalence symbolique des paysages boisés, entre plaisir de s’y promener et sentiment de captivité provoqué par l’enchevêtrement des arbres. À l’image de ce large agrégat de figures terrifiantes que Max Ernst peint entre deux internements, telle une épiphanie picturale... 


3. De la figuration à l’abstraction : les multiples visages de Max Ernst 

Alors que Max Ernst avait fui l’Hexagone pour les États-Unis depuis 1941, son retour en 1953 signe également son heure de gloire, marquée par sa naturalisation française en 1958. L’année suivante, le Centre Pompidou lui consacre sa première rétrospective d’envergure en France. Lors de l’inauguration de cette mémorable exposition, il dévoile l’une de ses toiles les plus monumentales : large de deux mètres et haute de trois, Un tissu de mensonges tranche avec le reste de son œuvre. Très coloré, le tableau dégage une atmosphère presque joyeuse et ironique. Il se déploie en une constellation d’oranges et en une multitude de figures mi- animales, mi-humaines aux contours simples et rectilignes, comme représentées en filigrane. Moins figurative que ses œuvres précédentes, cette toile réunit néanmoins les personnages qui ont toujours hanté son univers : un oiseau prend son envol, des poissons cohabitent avec des formes anthropomorphes... La peinture s’inscrit également dans la dualité thématique qui anime la majeure partie de son travail : de la vie et de la mort, pour son Monument aux oiseaux, de la liberté et de la captivité pour son Épiphanie, et, ici, du mensonge et de la vérité, explicitement évoqués dans le titre. Un thème si central pour Max Ernst qu’il y puisera les notions de ses Notes pour une biographie rédigées en 1962 et intitulées, elles aussi, Tissu de vérité, tissu de mensonges. Recouverte de couches de vert, d’orange, de jaune et de bleu, cette large toile témoigne surtout de la pluralité de son travail, oscillant avec le temps entre la figuration et la quasi- abstraction qui marquera les dernières années de sa vie. Après la guerre, Max Ernst tend en effet à une simplification graphique, particulièrement visible au travers des personnages de ce tableau. Mais il ne déroge pas à sa pratique marquée par la spontanéité, représentant instinctivement les figures énigmatiques qui hantent son imagination, dans le sillon du surréalisme. Son art échappe ainsi au contrôle de la raison et se déploie, comme ici, dans un large tissu de formes quasi imperméables à toute interprétation rationnelle – que Max Ernst refusait d’ailleurs. Laissant ainsi derrière lui une œuvre aussi complexe que fascinante, peuplée de personnages mystérieux... 


MAURICE UTRILLO  1883 - 1955


Ce fils de Montmartre est né sur la Butte un 26 décembre, enfant naturel d'une femme peintre, modèle d'atelier, Marie-Clémentine Valadon, dite Suzanne Valadon. En 1891, il est reconnu par Miguel Utrillo y Molins, artiste et brillant personnage de Barcelone, qu'il n'a jamais vu. Élève au collège Rollin, il prend très jeune des habitudes de vagabondage et de boisson. On lui trouve un emploi dans une banque, où il donne d'abord satisfaction, mais se fait renvoyer pour son humeur fantasque. À la suite d'esclandres répétés, on l'interne à Sainte-Anne pour lui faire subir une première cure de désintoxication. En 1902, un médecin intelligent conseille à sa mère de l'occuper en le faisant peindre. De 1903 à 1906, Utrillo peint en banlieue — à Montmagny, à Pierrefitte — et à Montmartre, dans une manière sombre et très épaisse. Le marchand Clovis Sagot et quelques connaisseurs commencent à s'intéresser à lui. À partir de 1907, Utrillo éclaircit sa palette et, vers 1910, il peint avec des blancs, qui feront donner à la période de sa production, qui va jusqu'à 1915, le nom de « période blanche ». Le marchand Libaude, en 1909, tente d'accaparer ses toiles et lui verse une modeste mensualité. Mais, par lui, Utrillo connaît Francis Jourdain, Élie Faure, qui s'enthousiasment pour son talent, ainsi qu'Octave Mirbeau. À partir de 1909, il expose au Salon d'automne et aux Indépendants. Cependant, il a peu de contacts avec les peintres et partage sa vie misérable entre le cabaret de la Belle-Gabrielle et le bistrot du Casse-Croûte. En 1912, une crise de delirium tremens le fait admettre dans une maison de Sannois. Après deux mois de cure, Utrillo voyage en Bretagne et en Corse, où il peint beaucoup. Sa première exposition d'ensemble a lieu à la galerie Eugène Blot en 1913. À partir de 1914, sa technique évolue, sous l'influence de sa mère, vers un style plus dessiné, plus coloré et cloisonné. En 1916, il est interné à Villejuif avec les fous furieux, puis se fait soigner à l'asile de Picpus. Une exposition en 1919 à la galerie Lepoutre lui vaut un grand succès moral et matériel, mais, dès lors, ses proches le surveillent de près et l'exploitent. Après deux expositions à la galerie Weill, la galerie Bernheim-Jeune lui offre un contrat, et une vogue foudroyante commence pour lui. Malgré ses succès, Utrillo reste aussi instable, tente de se suicider, et sa mère l'emmène au château de Saint-Bernard, dans l'Ain, où, à partir de 1923, il passe chaque été. Il exécute pour les Ballets russes de Diaghilev le décor de Barabao. En 1935, il épouse Lucie Valore. En même temps, le marchand Paul Pétridès s'assure toute sa production par contrat. L'artiste exécute en 1948 un décor pour Louise (de G. Charpentier) à l'Opéra-Comique, et, en 1955, deux panneaux de 3 mètres de large lui sont commandés pour décorer la salle de la Commission des beaux-arts de l'Hôtel de Ville. Son talent a beaucoup baissé : il répète ses sujets en images coloriées, tandis que sa gloire devient internationale (exposition à New York en 1939 ; une salle à la Biennale de Venise en 1950) et que les faux Utrillo se multiplient, donnant lieu à des scandales retentissants. 

Sa peinture est inclassable. On a essayé de la rattacher à celle des naïfs à cause de la minutie de son dessin et de ses figures populaires. Mais ces caractères n'apparaissent que dans les toiles relativement tardives de la manière colorée. En fait, Utrillo est bien un autodidacte, n'ayant reçu que des conseils de sa mère et surtout du peintre Quizet, un solitaire comme lui, avec qui il travaillait au début dans les rues, car, dans les premières années, il peignait toujours sur le motif, et ce n'est que plus tard, quand son talent déclina, qu'il se mit à copier des cartes postales. Son originalité réside d'abord dans sa conception de l'espace, des perspectives montantes et descendantes, des détours des rues, des volumes des maisons, créant, parallèlement au Cubisme, un art soucieux de rigueur. D'autre part, il a su donner une expression poignante aux murs lépreux des maisons pauvres, à la répétition hallucinante des fenêtres noires, à la solitude des chaussées et des trottoirs. 

La manière blanche, plus aérée, est surtout représentée par des vues de Montmartre. Utrillo a su tirer une poésie surprenante de banals cabarets, comme le Lapin agile (1910, Paris, M. N. A. M.), du Sacré-Cœur, de quelques églises de banlieue. 

Le M. N. A. M. de Paris conserve des œuvres de l'artiste, qui est aussi bien représenté au M. A. M. de la Ville, au musée de l'Orangerie (coll. Walter-Guillaume) et dans les grands musées d'Europe et des États-Unis. 

JEUNESSE ET PREMIÈRES TOILES 

Parce qu'Utrillo, peintre de Montmartre, des vieilles églises et bâtisses de Paris et de sa banlieue, sut envelopper ses images d'innocence, ne pas les alourdir de trop de savoir-faire, on est tenté de le ranger parmi les « naïfs ». Mais cette classification ne résiste pas longtemps à l'analyse, qui fait découvrir chez lui une connaissance approfondie du rythme linéaire et des plus sensibles gradations de tons. Utrillo ne se montre-t-il pas dans maints tableaux un maître du trait incisif, implacable, donnant à ses masses une présence peu commune ? Et c'est peut-être dans ces peintures-là, sobres, un peu sèches, qu'il se met le mieux à l'unisson de ses thèmes, de leur ambiance mélancolique. 

Fils naturel de Suzanne Valadon – son père n'est pas identifié avec certitude –, Utrillo est reconnu en 1891 par le peintre et écrivain espagnol Miguel Utrillo, qui ne gardera de contacts ni avec la mère, ni avec l'enfant. Élève turbulent, il est incapable de poursuivre ses médiocres études au collège et il ne s'adapte pas mieux, ensuite, aux divers métiers que son beau-père, Paul Moussis, essaie de lui faire apprendre. Mais, surtout, confié à la garde indulgente de sa grand-mère, il se laisse très tôt entraîner à boire. Ses crises de colère sont inquiétantes, et sa santé est menacée au point qu'il doit, à dix-huit ans, subir une première crise de désintoxication à l'hôpital Sainte-Anne. À sa sortie, sa mère l'oblige à faire l'apprentissage de la peinture, espérant l'éloigner de son penchant pour l'alcool. Brossées à partir de 1903 à Montmagny ou à Montmartre, les premières toiles d'Utrillo, aux couleurs contrastées, s'inspirent par certains côtés de l'impressionnisme, sans annoncer encore le remarquable peintre qu'il sera. Clovis Sagot ne tarde cependant pas à exposer Utrillo dans sa galerie, où, en 1909, le découvrira Libaude, un autre marchand, qui accaparera sa production en échange d'une modeste mensualité. 

L'ŒUVRE 

Ce qu'on appelle la « période blanche », sans doute la meilleure, s'étend de 1909 à 1915 et est constituée de tableaux d'une facture très particulière, où le peintre transcrit les murs blanchâtres de Montmartre en liant ses couleurs à l'aide d'un mélange de colle et de poudre de craie. Bien qu'Utrillo commence à peindre d'après des cartes postales, nul mieux que lui ne restitue le charme désuet des ruelles de la Butte, de ses masures banales, de ses cabarets et de ses « assommoirs » (nombreuses versions du Lapin agile). Paradoxalement, l'œuvre de cet artiste « maudit », par neuf fois interné pour éthylisme, bafoué par tous, injurié, parfois roué de coups dans des bagarres, n'est pas désespérée ; elle est seulement parfois inquiète, avec, au bout, une lueur d'espérance et toujours cette pureté d'un regard d'enfant. 

Dès 1910, des critiques et des écrivains s'intéressent à Utrillo : Élie Faure, Octave Mirbeau... ; Francis Jourdain l'invite au Salon d'automne. La première exposition particulière du peintre a lieu en 1913 à la galerie Eugène Blot. Utrillo cerne alors ses volumes d'un graphisme soutenu, rectiligne, puis anime ses ruelles, naguère désertes, de petits personnages cocasses, surtout des femmes, dont il accentuera par la suite les proportions : buste court, fessier volumineux. Après son exposition à la galerie Lepoutre en 1919, il connaît la célébrité et est dégagé de tout souci pécuniaire. 

Surveillé par sa mère et par André Utter, qui l'empêchent de boire, presque cloîtré rue Cortot ou, à partir de 1923, au château de Saint-Bernard, dans l'Ain – les trois artistes y ont chacun leur atelier –, il se livre à une production intensive, qui est son unique distraction. Ses expositions se succèdent. Serge de Diaghilev, en 1925, et l'Opéra-Comique, en 1948, lui commandent des décors. En 1935, Utrillo épouse Lucie Valore, la veuve d'un banquier belge collectionneur de ses œuvres, Robert Pauwels. Avec sa femme, qui devient peintre elle aussi, il s'installe dans une villa du Vésinet et vit dans l'aisance grâce au contrat qu'il a passé avec le marchand Paul Pétridès

Pourtant, son génie semble avoir décliné, comme si le bien-être lui avait ôté la meilleure part de son inspiration. Utrillo cesse de boire ; il devient pieux : d'où d'assez nombreuses représentations d'églises dans son œuvre. Mais, en proie à la prostration, il se confinera jusqu'à sa mort dans un mutisme de plus en plus profond. Dictionnaire de la Peinture, Larousse.


JAMES ENSOR

Né à : Ostende , le 13/04/1860 Mort à : Ostende , le 19/11/1949 

James Ensor est un artiste-peintre belge. 

Il adhère aux mouvements d'avant-garde du début du XXe siècle, et laisse une œuvre expressionniste originale. 

Il est né d'un père anglais ingénieur, qui sombre dans l'alcoolisme et l'héroïne et d'une mère flamande, qui tient un magasin de souvenirs, coquillages, chinoiseries, verroteries, des masques et des animaux empaillés. 

Après une première initiation à l'Académie d'Ostende, il suit de 1877 à 1880 les cours de l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles. Dans la capitale, il se lie d'amitié avec certains condisciples comme Fernand Khnopff, Théo van Rysselberghe, Théodore Hannon. 

Rentré à Ostende, que désormais il ne quittera que rarement, il se réfugie sous les combles de la maison familiale (où, célibataire convaincu, il vivra jusqu'en 1917) et y réalise ses premiers chefs-d'œuvre d'un réalisme affranchi (autoportraits dont autoportrait au chapeau fleuri, marines, vues d'Ostende, Le lampiste, La mangeuse d'huîtres et la série dite des Intérieurs bourgeois). Exposées dans les salons des cercles La Chrysalide et L'Essor, ces toiles suscitent déjà sarcasmes et incompréhension en raison des sujets jugés trop prosaïques aussi bien que de l'affranchissement de la technique qui augure en Belgique d'un impressionnisme autochtone; le jeune peintre doit même essuyer des refus inacceptables aux Salons d’ Anvers et de Bruxelles.
En 1883, avec quelques amis artistes sur qui se marquera momentanément son influence, il participe à la création du groupe des XX; avec
Guillaume Vogels, il en deviendra l'un des membres les plus contestataires (il sera le "mal-aimé" d'Octave Maus, le secrétaire et l'âme des XX). 

Dans les années 1910, Rotterdam et Anvers organisent une rétrospective de son œuvre; au début des années 20, les musées royaux de Bruxelles et d'Anvers acquièrent des toiles du maître. 

En 1929, année au cours de laquelle Ensor prend la nationalité belge et reçoit le titre de baron, le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles organise une grande rétrospective de son œuvre. En 1933, il est proclamé "Prince des peintres"; il mourra couvert d'honneurs, mais ceux-ci semblent lui avoir échu trop tard. 

Source : http://www.idearts.be/abc/ensor/ensor1.htm


ROSA BONHEUR


Rosa Bonheur (1822–1899) portait-elle un nom prédestiné ? Cette artiste, qui conquit la gloire à coups de pinceau, n’eut pourtant pas une vie facile. D’origine modeste, libre, féministe, ruraliste, elle dut batailler pour s’extraire du modèle patriarcal et misogyne qui dominait la société française de son temps. Fait rare à l’époque, elle est considérée d’un talent égal à celui des hommes par le critique Théophile Gautier et s’imposa en proposant une iconographie échappant aux sujets habituellement réservés aux femmes. Elle est la première à recevoir la Légion d’honneur. Le Marché aux chevaux, de 1852, reste son chef-d’œuvre !

Née à Bordeaux en 1822, la petite Marie-Rosalie Bonheur grandit auprès d’une mère orpheline adoptée par de riches commerçants. Elle s’imagine des origines secrètes, peut-être royales ! Son père était quant à lui professeur de dessin. Il encouragea sa fille à développer ses aptitudes artistiques dès son plus jeune âge.

Les Bonheur s’installent à Paris en 1828. La politique, les espoirs dans le progrès de l’industrie, la fraternité des peuples et le renouveau catholique constituent le cadre de pensée familial. Chez les Bonheur, on est saint-simoniens ! Pourtant, la vie est dure, la misère gagne… La mère de la petite Rosa décède en 1833, et son père se remarie.

La jeune fille doit travailler. Elle entre en apprentissage dans un atelier de couturière, puis assiste son père dans son professorat de dessin. À cette époque, les femmes ne sont pas admises à l’École des Beaux-arts. Bonheur se passionne pour le sujet animalier. Les chevaux et les bovins ont sa préférence. Dès 1841, la voici qui expose au Salon. Elle n’a pas encore vingt ans !

Alors que l’école réaliste, emmenée par Gustave Courbet, révolutionne la peinture, Rosa Bonheur fait parler d’elle. Elle prend la suite de son père à la direction de l’École gratuite de dessin pour les jeunes filles et y encourage ses élèves à croire en leur talent. Elle-même fume des cigarettes et porte les cheveux courts ! Rosa Bonheur s’affirme sur la scène publique en exposant Le Marché aux chevaux au salon de 1853. Les critiques s’ingénient sans cesse à la comparer aux peintres de sexe masculin.

Ce tableau, jugé à l’époque d’une puissance rare pour une femme (généralement cantonnées aux peintures sur éventail ou aux bouquets de fleurs) fait connaître Rosa Bonheur dans toute l’Europe. Elle rencontre notamment la reine Victoria. L’œuvre est acquise par un collectionneur américain qui l’offrira au Metropolitan Museum de New York. D’une manière générale, sa peinture a toujours été goûtée par le public américain et bien diffusée par la gravure d’édition. En 1865, Rosa Bonheur fut la première femme à recevoir la Légion d’honneur.

Bien qu’elle se soit tenue à l’écart de toute école, Rosa Bonheur cultive une facture réaliste, c’est-à-dire attentive aux détails, au contexte rural, à une palette en prise avec le ton local. Cependant, ses œuvres sont destinées à une clientèle bourgeoise et fortunée (et même impériale !), ce qui la différencie d’un artiste comme Courbet qui prit des engagements politiques. Rosa Bonheur était plutôt de tendance conservatrice.

En 1860, l’artiste s’installe dans une belle propriété à Thomery, près de Fontainebleau : le château de By (qui est aujourd’hui un musée à son nom). Elle y mène une vie libre, conforme à ses idéaux. Depuis son enfance, Rosa Bonheur eut la réputation d’être un garçon manqué. Elle refusa de se marier, obtint l’autorisation de porter des pantalons pour monter à cheval et se rendre dans les foires à bestiaux où elle trouvait ses sujets. Rosa vécut avec des femmes (sans que son homosexualité soit clairement établie), faisant fi du qu’en-dira-t-on. En ce sens, elle a représenté un modèle pour des générations de femmes peintres. 

Beaux-Arts - Claire Maingon • 2 novembre 2020

Norman Lindsay 

Nationalité : Australie
Né à : Creswick,Victoria , le 23/02/1879 et mort le 21/11/1969.

Norman Alfred Williams Lindsay est un écrivain et artiste australien prolifique: sculpteur, auteur, réalisateur de dessins animés, éditorialiste, ainsi que boxeur très doué. 

Auteur et illustrateur d'un livre pour enfants Le Gâteau magique (1918), qui est un des plus populaire de la Littérature australienne et qui était le sujet d'un film en 2000 avec John Cleese et Geoffrey Rush, Lindsay était en même temps peintre de nus aux formes franches et somptueuses qui ont été fortement contestés. Cet aspect de sa vie a été le sujet d'un film, Sirènes sorti en 1994, avec Sam Neill et Elle MacPherson. (Wikipedia)

Célébrité nationale en Australie, Norman Lindsay est d'abord un artiste avant d'être un écrivain. Ses parents, amoureux d'art, l'initient très tôt (comme ses neuf frères et sœurs) à la peinture et à la littérature. Doué, il débute sa carrière de dessinateur en 1902 pour le journal politique The Australian Bulletin

Controversé, il fut considéré comme libre- penseur et ses œuvres (dessins, peintures) ont parfois été censurées. C'est à la suite d'un pari, comme quoi les enfant seraient plus intéressés par la nourriture que par les contes de fées, qu'il écrit et illustre La Gâteau Magique publié en 1918. (AlloCiné)

Le talent de Norman Lindsay à la fois peintre, caricaturiste, illustrateur, graveur et sculpteur était souvent éclipsé par la controverse créée par ses œuvres représentant l’érotisme et attaquant les attitudes et la morale de la société. (Christian & Vincent)


ILYA RÉPINE

Peintre glorieux de la Russie des derniers tsars, sympathisant de la révolution d’Octobre, Répine résista aux tentatives de récupération de Staline. Retour sur une flamboyante carrière. 

Nous avons tous vu en reproduction ses portraits de Tolstoï, Moussorgsky, Rimsky- Korsakov, ses cosaques rubiconds... En Russie, l’œuvre de Répine (1844-1930) est partout, dans les manuels scolaires, sur les boîtes de chocolats... Né en 1844 dans la petite ville de Tchougouïev (aujourd’hui Tchouhouïv, en Ukraine), il suit dès l’âge de 10 ans des cours de dessin topographique, puis se forme à la technique de l’icône. Son don pour le dessin scelle son destin. « Serf enrichi dans le commerce des chevaux avec l’armée, son père jouit d’une aisance financière qui lui permet de l’envoyer à l’Académie impériale de Saint-Pétersbourg », explique Stéphanie Cantarutti, commissaire de l’exposition du Petit Palais avec Christophe Leribault. Après un premier échec, il y est reçu en 1864 et étudie la peinture d’histoire. 

Un observateur passionné 

Mais, très vite, Répine s’affranchit des froides perfections académiques. Avec un petit groupe d’artistes, il peint en 1870 sur les rives de la Volga, multipliant les études de paysage et d’hommes au travail. Hommage sans pathos à ce peuple laborieux, sa grande composition Les Haleurs de la Volga (1870-73) lance sa carrière. Il rencontre Tourgueniev, fréquente les soirées musicales de Vladimir Stassov, éminent critique qui l’introduit auprès des plus grands musiciens du temps. Le collectionneur Pavel Trétiakov commande et achète plusieurs de ses œuvres. Grâce à une bourse d’études, Répine voyage. Après Vienne et l’Italie, il se fixe à Paris de 1874 à 1876. Hôte assidu de la cantatrice Pauline Viardot, une amie de Tourguéniev, il découvre l’art de Manet et des futurs impressionnistes, se laisse séduire par le pittoresque de la vie moderne, comme par les charmes de la Côte normande. 

De retour à Saint-Pétersbourg, il est élu à l’Académie des beaux-arts. En 1878, il rejoint le groupe des Ambulants, association de peintres réalistes qui parcourent les villes de Russie. « Les Ambulants ont fait sécession avec l’Académie, explique Stéphanie Cantarutti. Rejetant la mythologie, ils s’intéressent à la vie du peuple, aux thèmes russes. » Observateur passionné, Répine dévore son époque pinceaux à la main. Il peint des scènes populaires aussi bien que les grandes manifestations du régime impérial, les processions religieuses, les scènes de l’Évangile ou de la légende russe. Portraitiste de l’élite artistique et intellectuelle, auteur d’un étincelant portrait de la baronne Von Hildenbandt, « la baronne rouge », il signe également un portrait officiel du jeune Nicolas II. 

Le Victor Hugo de la peinture 

Son adhésion à l’idéal des Ambulants ne l’empêche pas d’être nommé professeur à l’Académie des beaux-arts. « Très vite, Répine occupe comme Tolstoï une position incontournable, explique Christophe Leribault. C’est un monument, le Victor Hugo de la peinture. Il peut tout se permettre ! Il aborde des thèmes de l’histoire contemporaine qui seraient, pour la France, l’équivalent de l’Affaire Dreyfus. » Son tableau L’Arrestation du militant (1880-89) évoque l’héroïsme et le combat sans espoir des Narodniki, « ceux qui vont vers le peuple ». Progressiste, sympathisant de ce mouvement révolutionnaire qui tente de soulever les paysans contre le régime impérial, il s’en éloigne lorsque les Narodniki s’engagent dans l’action terroriste. Ils ne l’attendaient plus (1884-88) dépeint le retour au foyer d’un déporté qu’on croyait mort. Accrochée au mur, une gravure montre Alexandre II, le tsar qui abolit le servage, assassiné, sur son lit de mort. L’œuvre suscite polémiques et interprétations contradictoires. Dans Le 17 octobre 1905 (1907-1911), la représentation des manifestations de liesse à l’annonce des mesures libérales prises par Nicolas II reflète son propre enthousiasme. 

Accueillant avec faveur la révolution d’Octobre, Répine peint en 1917 le portrait du chef du gouvernement provisoire, Alexandre Kerenski. Mais après la prise de pouvoir par les bolcheviks, l’artiste prend ses distances avec le régime. Très critique à l’égard de l’avant-garde, il reste fidèle au réalisme, mais retouche ses toiles anciennes d’une touche libre et vivement colorée. Installé dans son magnifique domaine des Pénates, à Kuokkala, dans le grand-duché de Finlande, il se trouve de fait exilé lorsque le pays proclame son indépendance. Surveillé par la police soviétique, l’influent patriarche résistera aux tentatives de récupération de Staline, qui aurait aimé en faire le père du réalisme socialiste. Il s’éteint aux Pénates, en 1930. Devenue soviétique, Kuokkala est rebaptisée Repino en 1948 en l’honneur du grand homme. (Connaissance des Arts)


Vassily Kandinsky 

Pionnier de l’art abstrait, Vassily Kandinsky (1866 – 1944) n’est pas seulement russe : il est avant tout un artiste international qui a vécu plusieurs années à Paris, a voyagé en Europe, et s’est fait connaître par son essai théorique Du spirituel dans l’art (1911). Cet artiste majeur, membre du Bauhaus et créateur du Blaue Reiter, marque un tournant décisif dans la naissance de l’abstraction. Il est à l’origine d’un langage nouveau qui exprime sa « nature intérieure » et qui fait appel à la musicalité. Ce pionnier de l’art abstrait est aussi l’auteur d’une œuvre figurative, moins connue mais redécouverte depuis les années 1960. 

Vassily Kandinsky est né à Moscou, dans un milieu aisé. Il est le fils d’un riche marchand, qu’il accompagne dans ses déplacements à travers la Russie. C’est un enfant extrêmement sensible, en particulier à la couleur. La découverte d’un tableau impressionniste de Claude Monet le marque considérablement et détermine sa vocation d’artiste. C’est pourtant à une carrière dans le droit qu’il se destine originellement. À l’âge de 30 ans seulement, Kandinsky décide de tout abandonner pour se consacrer à la peinture, sa passion secrète ! 

L’artiste part s’installer en Allemagne, à Munich, l’un des plus attractifs foyers de la modernité. Avec sa compagne depuis 1903, la peintre allemande Gabriele Münter, il développe une peinture postimpressionniste à forte composante colorée. En 1909, le couple pose ses valises à Murnau, un petit village dans la campagne bavaroise. Kandinsky se lance dans des séries de paysages. Mais l’artiste n’adopte pas le ton local et peint librement les éléments naturels à l’aide de couleurs vives et en aplats. Le peintre reprend certains de ses motifs de prédilection, comme le cavalier. Kandinsky aimait à souligner qu’il n’intellectualisait pas sa peinture, mais laissait venir à lui les motifs, de manière inconsciente et spontanée. L’œuvre de Kandinsky commence à prendre une tournure moins figurative, faisant apparaître des formes et des masses de couleurs. Il fait une percée vers le monde de l’invisible. Sa première aquarelle abstraite daterait de 1910. 

En 1911, Kandinsky et Franz Marc créent un almanach, dit du Cavalier bleu (« Blaue Reiter« ). Outre Kandinsky, Münter et Franz Marc, en sont aussi August Macke, Heinrich Campendonk, les frères Bourliouk, Robert Delaunay et le compositeur Arnold Schönberg. Pour un temps, un certain équilibre est maintenu dans la peinture de Kandinsky, entre la figuration et la puissance autonome des couleurs. La même année, le peintre rédige son premier essai théorique, Du spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier, dans lequel est énoncé sa progression du figuratif vers l’abstraction au moyen de trois expressions : les impressions, les improvisations et les compositions. En 1913, il passe à l’abstraction radicale, la spontanéité dirige l’action. Pour lui, l’art exprime « une nécessité intérieure ». 

Avec un premier tableau véritablement abstrait, Kandinsky invente la composition pure. Tout semble s’ordonner autour d’un arc sobre et puissant, entouré de couleurs traitées par masses. Elles émergent comme des ponctuations, des sons, qui traversent l’espace. Kandinsky attribue aux différentes couleurs des capacités expressives. Le bleu matérialise une aspiration céleste, vers l’harmonie, tandis que le jaune serait une couleur terrestre et agressive. 

En achevant la rédaction de son premier traité théorique, Du Spirituel dans l’art, en 1911, Kandinsky évoque les « trois genres » explorés dans sa peinture. Les « impressions » sont produites sous l’effet d’une « impression directe de la ‘nature extérieure’ exprimée sous une forme graphique et picturale ». Les « improvisations » sont les « expressions, principalement inconscientes et pour une grande part issues soudainement des processus de caractère intérieur, donc impressions de la ‘nature intérieure’ » Enfin, l’artiste désigne par « compositions » les « expressions se formant de la même manière [...] en moi, que je reprends longuement et d’une manière presque pédante après les premières ébauches. [...] Ici, la raison, le conscient, l’intentionnel, l’efficacité jouent un rôle prédominant ». Kandinsky a réalisé Impression III après avoir assisté à un concert en janvier 1911 à Munich. C’est là qu’il découvre la musique d’Arnold Schönberg, spécialement le Deuxième Quatuor à cordes de 1910. « Le destin spécifique, le cheminement autonome, la vie propre, enfin des voix individuelles dans vos compositions sont justement ce que moi aussi je recherche sous une forme picturale », lui écrit immédiatement le peintre, inaugurant un échange épistolaire d’une rare portée théorique. 

Dissocier ligne et couleur, leur permettre une action libre, indépendante, voire opposée, telle est la direction dans laquelle il se sent conforté. Dans Impression III, la couleur, affranchie du contour, se disperse dans l’espace à la manière des vibrations sonores ; la vague de couleur jaune, semble n’être que la pure restitution d’une expérience acoustique. Dans Improvisation XXVI, la couleur est devenue vaporeuse, elle compose pour elle-même une mosaïque de nuages lévitant, sur laquelle se pose une composition graphique à peine lisible : la ligne réduite à l’expression elliptique d’une réalité imaginée. 

Dès 1918, l’artiste est associé au Secrétariat des arts plastiques (IZO), relevant du Commissariat pour la culture populaire (NARKOMPROS) fondé par le ministre Lounatcharski, et accepte plusieurs charges d’enseignement dans le cadre du jeune État bolchévique, à la condition de ne pas devoir adhérer au Parti Communiste. Son investissement dans l’Institut de Culture artistique de Moscou à partir de 1920, première occasion de mettre en place un enseignement expérimental et pluridisciplinaire, basé sur une étude scientifique de l’art abstrait, est cependant pris de court par les tendances constructivistes développées par Rodtchenko à la suite du Suprématisme de Malévitch. Il accepte en décembre 1921 l’invitation à enseigner temporairement au Bauhaus, mais il ne reviendra plus jamais sur le sol russe. 

Alors que la Grande Guerre éclate en 1914, Kandinsky quitte l’Allemagne et s’installe en Suisse, puis à Moscou. En 1921, il revient en Allemagne et devient professeur au Bauhaus, école d’avant-garde dirigée par Walter Gropius. Le peintre y développe ses aptitudes de pédagogue, et travaille avec ses étudiants à la réalisation de décors. Il publie Point et ligne sur plan (1926). Kandinsky occupe ce poste jusqu’à la fermeture de l’école, persécutée par les nazis, en 1933. 

Peinte à l’époque où Kandinsky quitte la Russe pour rejoindre l’équipe enseignante du Bauhaus, Composition 8 illustre la théorie des correspondances entre formes géométriques et couleurs. Aucune n’est isolée. Elles fonctionnent en interaction, à l’exemple du cercle violet et noir – couleur silencieuse selon le peintre – « réchauffé » par le halo rouge qui l’entoure. L’artiste joue des polarités entre froideur et chaleur, immobilité et mouvement. Le titre n’est pas fortuit et fut choisi avec soin par Kandinsky : il s’agit de l’aboutissement de son esthétique abstraite évoquant également le champ lexical de la musique. 

Dans son deuxième ouvrage théorique, publié en 1926, Point et ligne sur plan, Kandinsky oppose les qualités actives et passives, considérant par exemple que le triangle s’associe à l’énergie du jaune lorsqu’il est aigu, à l’apaisement du bleu lorsqu’il est obtus. Abandonnant toute référence à la nature, le fond est ici un plan abstrait sans substance et sans orientation gravitationnelle, même si les entités géométriques s’organisent selon l’axe horizontal du paysage. Les formes elles-mêmes contribuent à ces réminiscences figuratives : le triangle rappelant la montagne, l’emplacement en haut à gauche du plus grand disque, qui semble opérer une éclipse sur un disque plus petit. Mais le plus saisissant est la tension spatiale reliant les angles précipités du coin supérieur droit et la grille inclinée logée dans le triangle, entre lesquels est esquissée la figure d’une cible. Ces éléments, de même que le grand disque auréolé de couleur, transposent clairement, de manière abstraite et immatérielle, le motif de saint Georges terrassant le dragon, tel qu’il était déjà réduit au symbole dans Peinture au bord blanc. Ses compositions abstraites montrent le rôle de l’intériorisation et le processus de reprise et transformation dans la durée dans le processus créateur, reliant comme un continuum organique les styles traversés par l’artiste. 

Alors que le surréalisme occupe le devant de la scène artistique parisienne, Kandinsky se détache d’un art géométrique rigoureux pour verser dans un certain lyrisme poétique. Le peintre se montre plus libre depuis qu’il s’est installé à Paris, où il a fui le nazisme. Règle et compas ont été remisés. Kandinsky réintroduit dans ses toiles des formes inspirées de la nature, organiques et biomorphiques, qui peuvent évoquer certaines œuvres de Joan Miró ou de Jean Arp. 

Kandinsky a fait du cercle, volontiers multiplié à l’intérieur d’une même composition, le motif exclusif de ces œuvres. Optant pour un fond noir légèrement modulé, il crée une profondeur optique qui contraste avec la neutralité bidimensionnelle du fond blanc. Un jeu subtil et indécidable de plans est ici élaboré par un nouveau travail pointu et détaillé avec la couleur. De manière générale, Kandinsky prend le parti de ce que l’on nomme le « mélange additif des couleurs » lorsqu’il superpose les surfaces. Au lieu de devenir plus foncées, les zones de recoupement s’éclaircissent, comme c’est le cas lorsque l’on mélange non des pigments mais des sources de lumière. Quelques exceptions à cette règle apparaissant au gré d’un regard minutieux, de même qu’une complète fantaisie dans les teintes intermédiaires résultant des superpositions. Quelques nimbes, enfin, complexifient certains contours, créant autour d’eux des zones gazeuses. 

Les plus grands disques, qui sont aussi les plus opaques, semblent constituer une force d’attraction dans l’espace. Mais l’éclipse partielle que figure leur assemblage annule en grande partie cette posture hiérarchique. C’est à nouveau le thème de la multitude harmonieuse qu’exprime Kandinsky, au plus haut degré d’abstraction et de légèreté : la couleur, enserrée par le tracé du compas, s’organise néanmoins en un système polyphonique de résonances, où microcosme et macrocosme se répondent. « Il coule parfois de l’eau bouillante sous la glace – la nature opère avec des contrastes, sans quoi elle serait plate et inerte. Il en va de même de l’art », écrira-t-il en 1935. Pour mieux désigner ce qu’il considère alors comme un « romantisme froid », c’est-à-dire maîtrisé par le dessin, Kandinsky achève le tableau par un geste maniériste : facture expressionniste des traces de couleur pure, appliquées à la manière d’une tache incontrôlée et venant démentir l’illusion de profondeur créée dans le tableau. 

Lui-même fuit l’Allemagne et s’installe à Paris. Ses recherches sur la couleur ne sont guère dans l’air du temps : dans les avant-gardes, la mode est à la quête formelle. Exilé et isolé dans une société plutôt frileuse en ce qui concerne l’art abstrait, l’artiste intensifie sa pensée tout en se nourrissant de certaines découvertes qui lui permettront d’illustrer, toujours plus, la vibration qu’il ressent face au Monde. 

« Chaque tableau enferme mystérieusement toute une vie, avec ses souffrances, ses doutes, ses heures d’enthousiasme et de lumière », écrivait, en 1911, l’artiste dans son essai Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier. Lorsqu’il arrive à Paris en 1933, sa vie est presque derrière lui. En France, l’ancien professeur du Bauhaus est incompris et doit se faire une place entre les surréalistes et l’abstraction géométrique. 

Dans son atelier, à Neuilly, il entame alors la « grande synthèse » de son œuvre. Si cette période parisienne est méconnue du grand public, elle n’en demeure pas moins la plus touchante : loin de sa Russie natale, Kandinsky revisite ses thèmes de prédilection et continue de développer sa grammaire formelle singulière. 

Il obtient la nationalité française en 1939 et décède quelques années plus tard, en 1944, à Neuilly-sur- Seine. 

Si les dix dernières années de Kandinsky sont une période cruciale pour comprendre son œuvre de manière globale, la dernière exposition française consacrée à ce sujet précis date de 1972. 

Il essaye, il découvre, il explore, les formes comme les couleurs, les fonds unis et la multitude d’objets qui s’y développe. Cette période sera avant tout formellement marquée par une découverte majeure : celle des cellules observées au microscope. Kandinsky sera fasciné dans les dernières années de sa vie par les formes rondes des cellules et des organismes découverts dans les livres de sciences qu’il dévore, tant pour les explorations esthétiques qu’elles représentent que par l’infini symbolique qu’elles portent en elles. Car ces cellules, ces formes, ces couleurs qui composent notre être biologique sont une opportunité extraordinaire pour Kandinsky, plus radicalement introspectif que jamais, de « résonner » avec le Monde, les deux infinis de Pascal s’unissent, l’infiniment petit rejoint l’infiniment grand. Le sentiment du spectateur est vertigineux, impossible de discerner une quelconque échelle, impossible de s’accrocher à un mouvement, à une ligne pour essayer d’entrevoir un modèle. Perdus dans l’immensité de l’univers ou dans celle de l’atome, nous partageons simplement un sentiment avec l’artiste avec beaucoup d’émotion. 

Kandinsky ne cesse de nous étonner, dans l’infini d’un ciel étoilé de formes vagues, dans la précision du minuscule, intensément proche du naturel par l’abstraction. (Beaux Art, Connaissance des Arts)


GUY BARDONE


Depuis son entrée à l’école des Beaux-Arts de Lyon, à l’âge de 15 ans, Guy Bardone n’a eu de cesse de poursuivre son exploration de la couleur et la lumière.

Par Samuel Cordier - 06 août 2015 - LE PROGRÈS


Guy Bardone a présenté sa première exposition personnelle à Paris en 1955. Et, plus d’un demi-siècle plus tard, son émotion est la même au moment d’accrocher ses dernières toiles dans une célèbre galerie de la rue du Faubourg- Saint-Honoré. 

« Cela reste toujours très important, car c’est ici que l’on est jugé par les collègues, qui sont très directs, et les critiques ». Le peintre est connu du public, reconnu par les critiques comme l’un des principaux représentants de l’école de Paris, ses toiles sont accrochées depuis 1960 dans l’une des plus importantes galeries de New York, dans des collections publiques, mais son exigence, sa rigueur et sa volonté de renouvellement sont intactes. Il n’a de cesse d’alterner les séances de travail en plein air (« ce n’est pas facile sur nature, mais tout est là : la lumière, la couleur, le ciel ») du côté de Bandol, de Vaux-lès-Saint-Claude et dans son atelier de Montparnasse, tous les jours dès 6 heures du matin. 

Seul le travail permet de construire une œuvre importante. Mais aussi le talent et l’inspiration. Tout commence dans le Jura, à Saint-Claude, où il naît en 1927. Au collège, un professeur de dessin remarque un élève particulièrement doué et lui conseille de passer des concours. Il entre d’abord à l’école des Beaux-Arts de Lyon puis, en 1945, à l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. 

« J’ai passé deux ans dans l’atelier de Maurice Brianchon. C’est à cette période que j’ai découvert les musées parisiens, ainsi que Henri Matisse et Pierre Bonnard, qui m’ont beaucoup influencé ». 

Bardone décroche le prix Fénelon et, au début des années 1950, il est repéré par le célèbre critique d’art Georges Besson (1882-1971), également originaire de Saint-Claude, « il m’impressionnait, il parlait peu et disait toujours ce qu’il pensait », qui l’encourage et le conseille. Il lui permet également de reprendre l’atelier du peintre Albert André, place Clichy. Guy Bardone, tout comme son ami René Genis (1922-2004), mêle art de peindre et art de vivre. 

Et cela ne s’arrête jamais : il dessine, réalise des aquarelles (auxquelles son ami Jean-Michel Nectoux consacre un livre en 2000), des lithographies (dans l’atelier Mourlot), illustre des livres... Et garde aussi une curiosité et une faculté d’émerveillement pour les autres peintres. Il y a bien sûr Pierre Bonnard, Edouard Vuillard, découverts dans l’appartement de Georges Besson, mais aussi de nombreux peintres qu’il découvre, collectionne et fréquente (comme Bernard Buffet). 

Aux États-Unis, en Asie et autour du bassin méditerranéen, Guy Bardone et René Genis voyagent beaucoup, pour peindre et découvrir de nouvelles collections. Guy Bardone vit et travaille principalement à Paris, au printemps, à Bandol, mais aussi et régulièrement à Vaux-lès-Saint-Claude, dans le Jura, où il compte de fidèles amitiés. « Dans le Jura, je préfère l’hiver, car l’atmosphère est plus douce, les sapins ont une couleur particulière. L’été, la lumière est trop acide ». C’est dans ce Jura, à Oyonnax, que le grand peintre, le « peintre de la lumière », s’est éteint le 27 juillet dernier. 

Hommage et Reconnaissance à Guy Bardone

Guy Bardone nous a quittés ce 27 juillet 2015.
Je me devais, au nom de la Ville de Saint-Claude, de lui rendre hommage et exprimer la reconnaissance des Sanclaudiens.
J’ai eu l’honneur et le bonheur le 4 avril 2002, dans la villa de René Genis à Bandol et en présence de Maître Jean-Louis Vuillet, notaire à Saint-Claude, de signer la donation que
Guy Bardone et René Genis faisaient à la Ville de Saint-Claude. Donation comportant plusieurs centaines d’œuvres émanant des plus grand peintres, dont trente-deux Bonnard.
Cette signature entraîna la construction du Musée de l’Abbaye de 2002 à 2008, condition requise pour héberger cette merveilleuse donation. Ainsi, ce trésor d’un artiste Sanclaudien et de son ami René Genis, pouvait rester à Saint-Claude pour la postérité.
Le 16 octobre 2002, j’avais le plaisir de remettre la Médaille d’Honneur de la Ville de Saint-Claude à nos deux amis.
Cette donation fut suivie d’une seconde signée par
Guy Bardone en octobre 2011, René Genis étant décédé.
Aujourd’hui, nous sommes dans la peine de voir cet ami nous quitter. Il rejoint René Genis et nul doute que, là où ils sont, ils parleront de peinture. Je tiens à exprimer la tristesse qui est la nôtre et la reconnaissance de notre Ville envers
Guy Bardone, généreux donateur qui nous aura permis d’enrichir de manière exceptionnelle notre patrimoine culturel. Mais c’est aussi à l’homme, à l’ami Sanclaudien que nous pensons. Nous lui rendrons prochainement l’hommage qui lui revient afin de pouvoir associer tous ses nombreux amis et les Sanclaudiens à son souvenir.
Nous souhaitons que l’activité du Musée de l’Abbaye soit à la hauteur de ce que souhaitait
Guy Bardone. C’est le plus beau remerciement que nous puissions lui adresser.

Jean-Louis Millet
Maire de Saint-Claude



ROGER MÜHL

Roger Mühl, né le 20 décembre 1929 à Strasbourg, mort le 4 avril 2008 à Mougins, est un peintre, dessinateur et sculpteur français.

Roger Mühl entre à l’École nationale supérieure des arts décoratifs à Strasbourg d'où il sort en 1948 pour se rendre dans le territoire de Belfort. Il s'installe en 1954 à Montreux-Château et fait sa première exposition parisienne à la Galerie de Paris en 1960. Puis à Genève, Londres, Milan, Dallas, Cologne, Stuttgart, Tokyo, Kyoto, Belfort et New York. Il travaille essentiellement sur la Côte d'Azur. (Wikipédia)

Roger Mühl est un peintre français du XXe siècle surtout connu pour ses paysages ensoleillés du sud de la France. Les peintures de Mühl décrivent souvent des surfaces réalisées à l’impasto et il utilise des couleurs complémentaires et des tons neutres pour créer une atmosphère et une présence dans ses compositions subtiles. Né le 20 décembre 1929 à Strasbourg, il fréquente l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg. Il passe une bonne partie de sa vie en provence tout en exposant à Londres, Paris, Genève, Tokyo et New York. Mühl meurt le 4 avril 2008 à Mougins en France. (artnet)


Jean Lou LAPINTE, une vie toute en couleur 


Jean Lou Lapinte, les Poussannais l’on découvert lors de « Songes d’Automne2018′ où il exposait le temps d’un week-end. A la fin du salon, il avait remporté le prix du public car celui-ci avait particulièrement apprécié ses oeuvres, la variété de ses techniques mais aussi les couleurs de ses peintures. Et ce n’était pas un hasard... 

Car le petit Jean-Louis qui a d’abord grandi du côté de Lyon a été attiré très très tôt par le dessin avant d’apprécier tout autant la peinture. Scolarisé à Lyon puis, en suivant ses parents, dans le sud-est de la France, il s’accrochera à sa passion, celle de créer : ce sera grâce à la BD, le graphisme, la poésie, la sculpture sur bois....Et même la cuisine et la gastronomie. 


Si les années Bowie et celles des Punk laisseront des traces musicales indélébiles, Jean-Louis, adulte verra le dessin reprendre le dessus sur d’autres arts qu’il affectionne toujours. Un seul mot le guide : « La création »

Il faut dire qu’entre lycées et entreprises il avait obtenu un CAP de traiteur mais il n’a pas exploré cette voie trop contraignante. 

Après quelques petits « boulots » il s’est alors recentré sur la sérigraphie suite à une rencontre professionnelle. Il apprendra le métier, mais à l’époque sans informatique. Un peu de Beaux-Arts à Lyon et ses périgrinations le guideront vers les Alpes. Il s’épanouira dans un atelier de photo-gravure en réalisant différentes œuvres de grandes tailles. 

Alors en couple, direction la Haute Savoie, puis Lausanne où il devint coloriste. 

Dans une entreprise qui fabriquait des matériaux colorés il assemblait les colorants afin d’obtenir un produit de la couleur souhaitée. Il pouvait s’agir de mélanger des peintures pour le bâtiment et la décoration pour obtenir la teinte correspondant à un nuancier. Et au-début ce fut « à l’oeil ». 

(Dans la fabrication des peintures, la teinture des tissus et des papiers, la coloration des matières plastiques, le métier de coloriste requiert une formation en chimie et une connaissance des risques professionnels et environnementaux liés aux colorants, et plus encore dans l’industrie alimentaire.) 

Il eut le temps de se former et de se perfectionner puis au bout de 10 ans il partit pour Thonon Les Bains dans une autre entreprise ou il découvrit les nouveaux outils technologiques. 

Les années passant, on lui confia des responsabilités, qu’il assuma jusqu’au bout puisqu’il fut victime d’une intoxication dans le cadre de son travail. Cela l’handicapera à vie. 

Coloriste, c’était terminé, mais son don et sa passion pour les couleurs ne l’avaient pas quitté au-travers de ses peintures personnelles pour lesquelles aucun style ne prédominait, ce qui est toujours le cas.

Ce fut d’abord à l’huile sur toutes sortes de support (cartons, toiles, emballages) avec surtout de l’abstrait, en laissant de côté paysages et réalisme. 

Il n’aime pas copier, n’utilise pas de modèles et reste fidèle à son esprit créatif inspiré par un Monde en mouvement, des personnes ou des sites, qui savent susciter en lui des réactions, de l’émotion.

De l’huile il est passé à l’acrylique et il précise « Je m’attache plus aux formes et aux volumes au gré de mes envies en réalisant des maquettes sur feuilles A4. Le tableau se construit alors petit à petit en fonction des évolutions ». 

Il a souvent près d’une vingtaine de peintures en cours qui reflètent ce besoin de créer qui anime sa passion.

Côté couleurs, pas de soucis, c’est comme nous l’avons vu, un expert en la matière.
Et l’on se laisse porter par ses œuvres qui, que l’on soit néophyte ou connaisseur, éveillent notre sensibilité...
 
Jean-Louis Lapinte, un Maître des couleurs... (Jean-Marie P)

https://blog.ville-poussan.fr/?p=148648

https://blog.ville-poussan.fr/?p=93453


PIERRE-PAUL PRUD’HON


Celui que l’on surnommait le « Corrège français » est le seul artiste d’envergure de son temps à être resté en dehors de l’influence de DavidPrud’hon ne s’est imposé que très progressivement, grâce aux amateurs friands de ses petits tableaux et surtout de ses dessins, un des meilleurs aspects de son œuvre. De son vivant même, il avait alterné périodes de réussite et d’insuccès. 

Le début de sa carrière est marqué par ses origines bourguignonnes : les autorités, ayant remarqué les dispositions de ce fils de tailleur de pierre, né à Cluny, lui permirent d’étudier à Dijon d’abord, puis, grâce aux largesses d’un amateur, à Paris (1780-1783) ; enfin, lauréat du prix de Rome de la province de Bourgogne, il voyage en Italie (1784-1788). Il connaît ensuite des années difficiles au point de vue matériel (il a charge de famille depuis 1778). 

Quelques compositions allégoriques, reprises dans des gravures, lui permettent de se faire connaître dans la capitale, mais il va habiter en Franche-Comté en 1794-1796, vivant de portraits et d’illustrations pour l’éditeur Pierre Didot. Il n’en est pas moins élu membre associé de l’Institut en 1796, et revient alors à Paris, où sa carrière prend un nouvel élan : il obtient au Louvre un atelier pour réaliser en grand La Sagesse et la Vérité descendent sur la terre (1798-1799, Louvre, Paris), et peint pour l’hôtel du financier de Lannoy un décor allégorique (éléments conservés, Louvre) qui fait sensation. 


Il reçoit des commandes de plafonds pour le Louvre et commence à être connu. Il rompt au même moment avec sa femme, mais se lie avec une de ses élèves, Constance Mayer (1775-1821), dont l’œuvre est étroitement liée à la sienne. 

La consécration vient enfin au peintre avec le succès remporté au Salon de 1808 par La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime, un des tableaux les plus populaires du XIXe siècle français. Son activité est alors multiforme : compositions mythologiques (Psyché enlevée par des Zéphyrs, 1808, Louvre ; Vénus et Adonis, 1812…), portraits (Impératrice Joséphine, 1805,Louvre), modèles de mobilier (Impératrice Marie-Louise, 1810 et berceau du roi de Rome, 1811 (ses dessins en conservent la trace) et études de nus.

Delacroix voyait en lui celui qui avait su résister au néoclassicisme officiel et les romantique sont fait de lui leur martyr . Il est apprécié par StendhalBalzacMillet et Baudelaire pour la qualité de son clair-obscur et son réalisme subtil. 

Plusieurs de ses œuvres furent gravées par son confrère Jacques-Louis Copia, tandis qu'Antoine François Gelée fut médaillé au Salon de 1842 pour son interprétation du tableau La Justice et la Vengeance poursuivant le crime.

HENRI DE TOULOUSE-LAUTREC


Bien souvent réduite à la culture de Montmartre, l’œuvre d’Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) offre un panorama plus large. Si l’artiste a merveilleusement représenté l’électricité de la nuit parisienne et ses plaisirs, il ambitionne de traduire la réalité de la société contemporaine dans tous ses aspects jusqu’aux moins convenables. L’exposition du Grand Palais a montré enfin comment cet aristocrate du Languedoc soucieux de réussir a imposé son regard lucide, grave et drôle au Paris des années 1890. 

Descendant de l'illustre famille des comtes de Toulouse, Henri de Toulouse-Lautrec est le fils d'un ancien officier anticonformiste, qui se préoccupe plus de chasse que de son éducation. Venu à Paris avec sa mère – une cousine germaine de son père –, il fait ses études au lycée Condorcet et passe ses vacances dans le château familial de Celeyran, dans l'Aude. Â l'âge de 14 ans, sa croissance est stoppée à la suite d'une double fracture aux jambes provoquée par une dégénérescence osseuse.

Toulouse-Lautrec a découvert la peinture dès sa jeunesse en fréquentant l'atelier de René Princeteau (1849-1914), un artiste animalier qui lui a communiqué son amour des chevaux. Lorsqu'il décide d'en faire son métier, il entre en 1882 dans l'atelier de Léon Bonnat, puis dans celui de Comon, à l'École des beaux-arts. C'est alors qu'il se lie à Van Gogh, dont il réalise un superbe portrait au pastel (1887, musée Van Gogh, Amsterdam). Vers 1890, il se détache de l’impressionnisme  triomphant et se rapproche plutôt des indépendants, comme Renoir. Mais son véritable maître est Degas. 



L'OSMOSE MONTMARTROISE


C'est à Degas que Toulouse-Lautrec doit son sens aigu de l'observation des mœurs du Paris nocturne et son intérêt pour les sujets « naturalistes » (la Blanchisseuse, 1889, collection privée). Familier des cabarets de Montmartre, il croque tout un peuple d'artistes et de clients qu'il fait passer à la postérité. Après avoir vécu plusieurs années dans le quartier, il s'installe aux Champs-Élysées, mais, tous les soirs, il revient faire la fête à Montmartre, où il a toujours une table réservée – non seulement au Moulin-Rouge, mais au Rat-Mort, aux bals du Moulin de la Galette et de l'Élysée-Montmartre. Il a également ses entrées au Chat-Noir de Rodolphe Salis, au Mirliton d’Aristide Bruant, au Divan japonais, à la Scala et aux Ambassadeurs.


Toulouse-Lautrec recherche les mises en page savantes, le découpage arbitraire de la toile, les grands vides dynamiques (M. Boileau au café, 1893, Cleveland). Sa couleur est somptueuse, avec des verts et des rouges intenses, des ombres bleues, des lumières artificielles étranges. Il peint le plus souvent sur un épais carton dont le brun ou le gris apparent forme le fond du tableau (Femme au boa noir, 1892, musée d'Orsay). Il exécute les personnages soit à l'huile, soit à l'essence (Marcelle, 1894, Albi), avec parfois des rehauts de gouache claire (Missia Natanson, 1895, collection privée).


Comme Degas également, Toulouse-Lautrec accorde la priorité au dessin. D'un trait rapide et incisif, qui saisit une posture, un mouvement, il définit ou déforme la psychologie d'un personnage. Ses propres portraits sont d'insolentes caricatures. Reflets de toutes ses audaces graphiques, ses affiches publicitaires inaugurent un art de la rue qui fait sensation (Aristide Bruant aux Ambassadeurs, 1892 ; la Revue blanche, 1895 ; la Troupe de Mlle Églantine, 1896). À l'habileté dynamique des plans et des gestes s'ajoute le jeu subtil des coloris, où s'opposent les orange et les bleus, les rouges et les noirs.

Influencé par l’estampe japonaise, Toulouse-Lautrec exécute plus de 300 lithographies entre 1892 et 1899. Il y retrouve le goût de l'étude de mœurs dans des milieux typés (théâtre, cirque, hippodrome, vélodrome) et de l'érotisme féminin (Elles, 1896). Mais, également, il y donne libre cours à son génie de la stylisation, qui l'apparente aux créateurs de l’Art nouveau. 


Toulouse-Lautrec fournit à l'occasion des dessins satiriques aux journaux (le Mirliton, le Rire, l'Escarmouche…). Il réalise des maquettes de décors et de programmes pour le théâtre de l'Œuvre de Lugné-Poe et pour le Théâtre-Libre d’Antoine. Alors que sa réputation de grand artiste est établie, il s'enfonce dans l'éthylisme et, en 1899, il est frappé d'une crise de delirium tremens. Au cours de son internement, il exécute de mémoire, aux crayons de couleur, une série de dessins sur le cirque (Au cirque, le salut). Dès sa première attaque de paralysie, il liquide son atelier parisien et rejoint sa mère en Gironde, où il s'éteint à l'âge de 36 ans. Un millier de ses œuvres sont exposées au musée Toulouse-Lautrec d'Albi.


« LES PETITES FEMMES DE PARIS »


Homme infirme, Toulouse-Lautrec transcenda sa désespérance par son amour des femmes. Les danseuses de french cancan, Grille-d'Égout, Rayon-d'Or, Nini Patte-en-l'Air, Trompe-la-Mort, l'enivraient. Mais nulle plus que la Goulue (Louise Weber [1866-1929]), portant haut son chignon roux, et Jane Avril (Jeanne Beaudon [1868-1943]), dite la Mélinite, aux diaboliques bas noirs, n'eut les faveurs de son talent d'artiste (Au Moulin-Rouge, entrée de la Goulue, 1892, MoMA, New York ; Jane Avril dansant, id., musée d'Orsay).


Le peintre étudiait sans relâche le rythme endiablé des danseuses, de leurs jambes qui s'élèvent, de leur linge qui s'envole de part et d'autre des acrobaties de l'inévitable Valentin le Désossé (Jules Renaudin [1843-1907]). Il s'intéressa aussi aux chanteuses célèbres, telle Yvette Guilbert, aux longs gants noirs, et aux artistes de cirque. Il n'oublia pas le monde des filles de joie, qu'il transfigura par un curieux lyrisme teinté d'ironie (Au salon de la rue des Moulins, 1894, Albi). (Larousse)


MOUVEMENT ET VITESSE 

À observer tout ce monde qui chante et danse, Lautrec est tenté d’en représenter le dynamisme. C’est presque une obsession. Déjà, le jeune apprenti peintre réalisait des pochades vibrantes de chevaux galopant. Ses portraits sont rarement figés. Au-delà de l’amateur de spectacles parisiens, l’artiste handicapé aux jambes trop courtes va se passionner pour tout sujet en mouvement, pour toutes les formes bondissantes. Il est fasciné par la frénésie des danses de la Goulue, par le jeu de jambes de Jane Avril. Aux Folies-Bergère, Loïe Fuller (1869-1928) déploie les larges voiles de sa robe,dessinant dans l’air d’incroyables tournoiements. C’est comme la flamme d’un feu qui danse sous ses yeux. Au cirque, Lautrec observe les corps contorsionnés des trapézistes et des funambules. 

Sur les champs de course, les jockeys et les chevaux captivent son regard, comme Degas avant lui. Il y retrouve les souvenirs équestres de l’enfance mais aussi le goût d’un monde qui va vite. Cyclistes et automobilistes retiennent son attention. En cette fin de siècle où le sport se développe, la pratique du vélo est l’activité la plus populaire. Son ami Tristan Bernard (1866-1947) dirige le vélodrome Buffalo à Neuilly. Le peintre dessine et enregistre tout. Précurseur, avant les avant-gardes du 20e siècle, il célèbre la vitesse. Tous ces effets de rotation, de dislocation, de rapidité vont bientôt devenir l’un des thèmes majeurs de la peinture moderne des futuristes. Le peintre Frantisek Kupka (1871-1957), connaisseur de l’œuvre de Lautrec, en fait un sujet de recherches expérimentales. 

Musée Toulouse-Lautrec


GUSTAVE CAILLEBOTTE


Gustave Caillebotte est né en 1848 dans un milieu aisé. La fortune familiale lui permettra sa vie durant de choisir librement des activités (peinture, nautisme, construction de bateaux, philatélie) dans lesquelles il excelle. Martial Caillebotte (1799-1874), son père, s’est enrichi dans la vente de drap aux armées de Napoléon III. En 1860, il acquiert un vaste domaine, dans la commune d’Yerres, à vingt kilomètres au sud-est de Paris. Cette magnifique propriété sera le paradis d’enfance de Gustave et suscitera par la suite nombre de tableaux de paysages peuplés de membres de la famille. 

Gustave a deux frères, René et Martial, et un demi-frère, Alfred qui deviendra prêtre. Ses études secondaires se déroulent au lycée Louis-le-Grand à Paris. Il se dirige ensuite vers des études de droit et obtient une licence en 1870, année au cours de laquelle il commence à peindre. Il entre dans l’atelier du peintre Léon Bonnat (1833-1922). Son goût pour la peinture l’amène à voyager en Italie en 1872. L’année suivante, il entre à l’École des Beaux-arts de Paris mais n’y reste qu’un an. La mort de son père en 1874 – Gustave n’a que 26 ans – lui permet d’hériter d’une fortune confortable et de se consacrer à la peinture sans préoccupations commerciales. A cette époque, il peint beaucoup de petits formats de la propriété et de la région d’Yerres, mais aussi des scènes réalistes comme Les raboteurs de parquet (1875). Il présente d’ailleurs ce tableau au salon, mais il est refusé car le sujet, le travail des ouvriers, n’est pas jugé digne de figurer dans une création artistique. 

Caillebotte s’orientera alors de plus en plus vers l’impressionnisme. Il participe aux expositions impressionnistes de 1876, 1877, 1879, 1880 et 1882, aide financièrement le mouvement impressionniste et s’implique personnellement dans l’organisation des expositions. Cette aide fut précieuse car les impressionnistes n’étaient nullement des organisateurs alors que Caillebotte, outre son remarquable talent artistique, disposait également de cette capacité. Il achète des toiles à MonetPissarroDegasRenoirManet qui avaient besoin de vendre pour vivre. Il se constitue ainsi une collection exceptionnelle qu’il léguera à l’État à sa mort. Dès 1876, après la mort de son frère René, Gustave Caillebotte rédige son testament qui comporte ce legs. Ces tableaux se trouvent aujourd’hui au musée d’Orsay à Paris. 

Après la mort de sa mère, en 1878, Gustave et son frère Martial vendent la propriété d’Yerres et l’hôtel particulier de la rue de Miromesnil à Paris, qui était la résidence de la famille dans la capitale. En 1880, Caillebotte achète une propriété au Petit-Gennevilliers, au bord de la Seine, en face d’Argenteuil. Il y recevra souvent les impressionnistes et certains viendront peindre dans le jardin et les alentours. Gustave Caillebotte est élu conseiller municipal de Gennevilliers en 1888 et, selon son tempérament, déploie à ce poste une grande activité. 

En 1886, Paul Durand-Ruel organise à New-York une grande exposition de 300 toiles, destinée à faire connaître les impressionnistes aux États-Unis. Dix tableaux de Caillebotte sont choisis. La peinture de Caillebotte conservera la faveur des américains alors même qu’il était considéré en Europe comme un peintre de second ordre. 

Caillebotte ne s’est jamais marié mais a vécu, à la fin de sa vie avec une femme d’origine modeste, qui se faisait appeler Charlotte Berthier. Figurant sur le testament du peintre, il apparaîtra devant notaire qu’elle s’appelle Anne-Marie Hagen, née à Paris en 1858. 

En février 1894, Caillebotte prend froid dans son jardin du Petit-Gennevilliers. Il ne parvient pas à se rétablir et une congestion pulmonaire se déclare. Selon certaines sources, il s’agirait d’un accident vasculaire cérébral. Il meurt le 21 février et est inhumé au cimetière du Père-Lachaise. La presse se fit l’écho de ce décès, en rappelant parfois le rôle de Caillebotte aux côtés des impressionnistes : 

« Le cordial et fin Caillebotte les obligea littéralement. Il aimait leur talent, il se sentait vibrer avec eux aux mêmes aspirations artistiques, et il considérait comme la chose la plus simple du monde de les aider à se tirer d’affaire, ou mieux encore, de leur permettre d’accomplir leur œuvre et de montrer leur valeur au public malgré ce public lui-même, malgré tous les obstacles. Or tout cela il le fit simplement, sans ostentation, sans jouer au mécène, mais avec toute la simplicité d’un bon camarade, qu’un remerciement même gênerait. Peut-être est-ce pour ne pas le gêner de cette façon que certains de ses anciens amis et obligés n’allèrent pas à ses obsèques. » 

Gustave Caillebotte a légué à l’État sa collection de tableaux comportant 67 œuvres de ManetMonetRenoirDegasCézanneSisley et Pissarro. Le testament précise que les tableaux devront être conservés au musée du Luxembourg et plus tard au musée du Louvre. Caillebotte indique également qu’avant d’exposer ces tableaux, il convient d’attendre le temps nécessaire à leur acceptation par le public. Malgré la protestation de l’Académie des Beaux-arts, pour laquelle cette peinture était indigne des musées nationaux, le legs fut accepté par l’État. Mais le manque de locaux au musée du Luxembourg conduisit l’État à ne retenir que 38 tableaux, les autres restant en possession de Martial, le frère de Gustave. Les tableaux ont été présentés au public en 1897. En 1925, ils sont transférés au musée du Louvre et en 1986 au musée d’Orsay. 


FÉLIX VALLOTTON


Félix Vallotton, né à Lausanne, le 28 décembre 1865 et mort à Neuilly-sur-Seine, le 29 décembre 1925, est un artiste peintre, graveur, illustrateur, sculpteur, critique d'art et romancier franco-suisse. 


Félix Vallotton est né le 28 décembre 1865 à Lausanne, d'une famille bourgeoise protestante, et frère de Paul Vallotton . En 1882, il entre à l'Académie Julian à Paris, aux ateliers fréquentés par de nombreux artistes postimpressionnistes, dont les futurs nabis. Il s'y lie à Félix Stanislas Jasinski dont il  fera deux portraits peints et qui l'initie à la technique de la pointe sèche.  



En moins de dix ans, le jeune Suisse parvient à se faire un nom auprès de l'avant-garde parisienne. Sa renommée devient internationale grâce à ses gravures sur bois et à ses illustrations en noir et blanc qui font sensation. Il participe régulièrement à différents Salons (Salon des artistes français, Salon des indépendants, Salon d'automne). Dès 1891, il renouvelle l'art de la xylographie . Ce revirement a pu être lié à la parution, au mois de mars 1891, du fameux article d’Albert Aurier, Le Symbolisme en peinture, appelant à un art « idéiste » et décoratif, d’où seraient bannis « la vérité concrète, l’illusionnisme, le trompe-l’oeil ». Ses gravures sur bois exposées en 1892 au premier Salon de la Rose-Croix sont remarquées par les nabis, groupe qu’il rallie de 1893 à 1903.


La dernière décennie du siècle est également marquée par son travail d'illustrateur, notamment pour La Revue blanche. L'une de ses affiches, La revue La Pépinière est reproduite dans Les Maîtres de l'affiche (1895-1900). 


En 1889, il avait rencontré Hélène Chatenay, dite « la Petite », une ouvrière qui deviendra son modèle et partagera sa vie. Mais Vallotton n’est pas capable de s’engager. Plus soucieux du devenir de son œuvre que de fonder une famille, il épouse en 1899 Gabirlle Bernheim, fille du marchand de tableaux Alexandre Bernhaim. Pour faciliter son intégration dans cette grande famille parisienne, l’ancien anarchiste est contraint à une certaine réserve ; il délaisse alors la gravure au profit de la peinture. En 1900, il obtient la nationalité française par décret de naturalisation du 3 février.


En 1899, il est l'un des douze illustrateurs de l'Hommage des artistes à Picquart. Il y représente Jules Méline. 


En mars 1902, il coordonne un des numéros les plus surprenants de L'Assiette au beurre (n° 48), intitulé « Crimes et châtiments », qui se compose de vingt-trois lithographies imprimées uniquement sur le recto et à détacher du cahier suivant des perforations pointillées, constituant un véritable album d'estampes. Durant l’année 1907, Félix Vallotton se consacre à l'écriture d'un roman intitulé La Vie meurtrière

Il peint des cènes d’intérieur, puis se consacre à des thèmes classiques, paysages, nus, portraits et natures mortes qu’il traduit d’une manière personnelle, hors des courants contemporains. Félix Vallotton est un artiste réaliste. Les situations qu’il décrit sont suggérées, sans embellissement ni glorification. Son art est discret, souvent traversé d’humour noir et de raillerie grinçante.


Sa première exposition personnelle a lieu à Zurich en 1909. Il expose régulièrement à Paris, notamment en janvier 1910, à la galerie Druet, exposition dont le catalogue est préfacé par Octave Mirbeau. Il participe de plus aux expositions d'envergure internationale en Europe et aux États-Unis. En Suisse, sa peinture est principalement diffusée par son frère Paul, directeur dès 1913 de la succursale de la Galerie Bernheim-Jeune à Lausanne, future galerie Paul Vallotton. 


Félix Vallotton est un travailleur acharné, sans cesse à la recherche de nouvelles formes d'expression. Touché par l'horreur de la Première Guerre mondiale, il trouve dans le conflit une source d'inspiration. Il renoue avec le succès vers la fin de la guerre, avant de mourir en 1925, des suites d'une opération contre un cancer. Il avait écrit : « La vie est une fumée, on se débat, on s’illusionne, on s’accroche à des fantômes qui cèdent sous la main, et sa mort est là . » 


Il est inhumé à Paris au cimetière du Montparnasse, 28e  division, non loin d'Alfred Dreyfus. (Wikipédia)


FRITS THAULOW

Frits Thaulow est un artiste peintre oscillant entre impressionnisme, naturalisme et symbolisme. Norvégien, il est un compatriote de Christian Skredsvig et Edvard Munch


Né en 1847 à Christiania (Oslo) en Norvège, Frits Thaulow montre rapidement une attirance pour les arts, que ce soit la littérature, la musique ou le dessin. À partir de 1862, il se décide à devenir peintre de marines.

En 1874, il visite Paris aux côtés de sa fiancée Ingeborg, la sœur de l’épouse de Paul Gauguin, et découvre la première exposition impressionniste organisée chez Nadar. Il revient à Paris un an plus tard, comme parrain du fils de Gauguin. De 1877 à 1879, Frits Thaulow expose au Salon, présentant des vues des côtes norvégiennes. Dix ans plus tard, en 1889, il prend part, en tant que membre du jury, à l’Exposition universelle, avant de participer, l’année suivante, à la fondation du Salon du Champ-de-Mars. En 1894, il fait la rencontre d’Auguste Rodin ; une vive amitié débute. En 1895, Frits Thaulow expose aux côtés de Claude Monet et d’Alfred Sisley à la galerie Georges Petit

Entre 1894 et 1898, il séjourne à Dieppe mais revient souvent dans le Pas-de-Calais y retrouver ses amis peintres Henri Le Sidaner et Henri Duhem . Il poursuit son voyage vers Quimperlé (1901) puis Beaulieu-sur-Dordogne (1903). 

Après la mort de Frits Thaulow, la vente des tableaux de son atelier a eu lieu à la galerie Georges Petit à Paris, les 6 et 7 mai 1907. Le catalogue de cette vente comporte 108 toiles et 10 autres œuvres (pastels, dessin, gravures en couleurs). Georges Petit représentait et vendait son œuvre depuis l'installation du peintre en France.

BLANESTH 


Blanesth a débuté sa carrière de peintre à Málaga, en Espagne, où elle a organisé sa première exposition en 1989. Un grand nombre d’expositions ont suivi dans d’autres villes espagnoles et dans la plupart des pays où elle vivait, comme au Portugal, au Luxembourg et en Allemagne. Blanesth vit et travaille au Luxembourg et en Allemagne.



HAENYEO, son dernier projet, traite d’un groupe de plongeuses à Jéju, en Corée du Sud, travaillant sous l’eau dans des conditions extrêmes. Elle essaie de montrer l’histoire de ces femmes d’une manière poétique, mais sans cacher la dure réalité.

La peinture et le dessin sont ma façon de vérifier le monde que je vois.

J’aime les images narratives et les thèmes dans lesquels l’être humain joue le rôle principal. Je ne cherche pas à critiquer la société mais plutôt à exprimer mes observations dans différentes manifestations et lieux du monde. Je veux matérialiser des idées et créer des œuvres d’art où l’esthétique visuelle et intellectuelle est un stimulus. 


Les accidents et les curiosités jouent un grand rôle dans le processus de création de mes peintures. Les multiples couches et éraflures en sont peut-être la principale caractéristique. J’utilise de l’acrylique pour des peintures sur toile et des techniques mixtes dans des œuvres sur papier, fusain, pastel, aquarelle, etc.


Mon but est d’explorer la fragilité de la condition humaine à travers les réalités sociales du monde


Blanesth



WILLIAM TURNER - RÉSUMÉ DE SA VIE


Joseph Mallord William Turner est un peintre, aquarelliste et graveur britannique, né le 23 avril 1775 à Londres et mort le 19 décembre 1851 à Chelsea. Dès l'âge de douze ans, il vend ses dessins et ses aquarelles. 


Ayant fait des études sommaires, il est peu érudit mais a une personnalité originale, alternativement sociable ou sauvage et se dévoile avec parcimonie. Quelques vers tirés de poèmes qu'il écrivait en secret accompagnaient parfois les toiles qu'il exposait. Mais ce n'est pas au travers des mots qu'il se révélait. 


La vérité est que Turner, toute sa vie, fut véritablement obnubilé par sa passion pour la peinture, totalement possédé par son génie. Elu dès 1802 titulaire de la Royal Academy, il resta toute sa vie un travailleur acharné et, dit-on, âpre au gain.


Voyageur infatigable et curieux, Turner a peint avec un égal bonheur des milliers de paysages différents auxquels il attribuait toujours un titre précis. Initialement de la veine romantique anglaise, son œuvre est marquée par une recherche novatrice audacieuse qui fera considérer celui que l'on surnomme le « peintre de la lumière » comme un précurseur de l'impressionnisme. 


Créateur d’effets de lumière et de couleur qui mettent somptueusement en scène les éléments naturels, William Turner fut le plus grand paysagiste et le plus grand aquarelliste de l’école anglaise de peinture. Tour à tour empreint de classicisme et de romantisme, son style évolua finalement vers l’abstraction.


Turner Musée Jacquemart-André


MAGALI MARTIN


Ce n’est pas évident de se présenter, je vais essayer... 

Magali MARTIN de mon vrai nom, je suis titulaire d’une maîtrise en arts plastiques depuis 1991, obtenue à Panthéon-Sorbonne avec pour enseignants Michel Journiac (body- art), Côme Mosta Heirt (sculpture, minimalisme et concept-art) et Michel Salzmann (sérigraphie). Ma pratique professionnelle a consisté pendant 10 ans à animer un atelier d’arts plastiques et de patouilles pour de tous jeunes enfants.

Pendant cette période j’ai pu participer à deux expositions sur Paris (Et la femme créa l’homme, espace Belleville) et au musée de Châteauroux ( George Sand, interprétations), mon travail ayant été représenté dans une galerie parisienne (Ars in Fine) et apprécié par le critique d’art Francis Parent



La structure dans laquelle je travaillais ( un jardin d’éveil avec quelques principes de fonctionnement calqués sur la maison verte de Françoise Dolto) a dû fermer ses portes, au moment où j’aspirais à aller vers de nouveaux horizons graphiques...

Au même moment j’arrêtais ma pratique picturale et j’ obtenais en 2007 un bac pro infographiste.

Je suis alors partie à la recherche de clichés animaliers. 


Je joue depuis tout ce temps avec les outils numériques, de la conception à l’impression... 

Enfin, je suis revenue à la peinture d’une part dans des expériences associatives à Saint-Denis et Pierrefitte, et surtout en me formant dans l’atelier de ZEERAZERR, peintre contemporain 

Pour résumer ma pratique actuelle, je crée des dessins numériques (digitals drawing), pour des stickers (street or/and dataism), qui sont des dessins préparatoires à ma peinture. Source Graphikmag

http://graphikmag.free.fr/wordpress/?page_id=2

https://issuu.com/graphimag/docs/wdanslateliercorrige_decapdevielle


VINCENT LIGNEREUX

« Je perçois dans l’œuvre de Vincent Lignereux un mélange singulier et attractif d'expressionnisme, de réalisme et d'art pratiquement classique. Il y a une grande vitalité dans ce travail. J'assimile cette œuvre à une lignée traditionnelle du Réalisme expressif. Un graphisme à très forte puissance expressive caractérise les éléments que j'ai prélevés : ces compositions ont la puissance de captation des bonnes affiches, avec des intentions beaucoup plus louables, poétiques ou éthiques. Les œuvres affirment leur impact, s'imposent, se saisissent brutalement de votre attention. Il y a là, dans ce travail d'accroche, comme une synthèse ardente du propos, une simplicité efficace, une poésie élémentaire qui part à l'assaut. Comment dire? Il y a une puissance de frappe poétique." 

Denys-Louis Colaux, critique d'art et romancier

Vincent Lignereux peint et enseigne à l’Atelier du Thabor. Rencontre. 

Au départ il y a du noir partout. Puis la toile prend forme au fur et à mesure, la lumière apparaît, les lignes, les volumes, les contrastes du clair-obscur dans un subtil équilibre entre les noirs, les gris et les blancs. Vincent Lignereux vient d’achever une scène de vie quotidienne à Budapest. « La peinture en noir et blanc véhicule une poésie particulière. Ça me fait penser aux vieux films des années 1950 et 1960. C’est limpide. C’est ma façon à moi de m’exprimer. Je suis en recherche de l’intemporel », confie le peintre spécialiste des scènes de la vie urbaine. « Ce sont des scènes esthétisées, poétisées. Seul le sensible m’intéresse, ce qu’on peut trouver et goûter dans l’instant présent. Quelque chose prend naissance sur la toile et je me laisse guider... » 

Le travail de Vincent Lignereux n’est pas laborieux. « Quand le temps est aboli, ça semble couler de source. Ma main est inspirée progressivement. » Vincent n’utilise le pinceau qu’avec parcimonie, essentiellement le chiffon et les doigts. Il travaille à la peinture à l’huile. À l’opposé des discours désincarnés de l’art contemporain, sa peinture est charnelle, figurative mais sans excès, ouvrant la porte à la méditation et au rêve. Vincent Lignereux peint et enseigne à l’Atelier du Thabor depuis 2007. « C’est un lieu de libre expression artistique. J’apprends à mes élèves à exercer leur regard, leur originalité. » Avec une prédilection pour les nus et les paysages. Et, bien sûr, le noir et le blanc. 

Jérôme Méar
Liberté « J’apprends à mes élèves à exercer leur regard, leur originalité. » 

Les Rennais, nov-dec 2013

BIOGRAPHIE DE VINCENT LIGNEREUX 

Né le 24 novembre 1970 à Amiens. 

Diplôme National d'Arts Plastiques, Ecole des Beaux-Arts de Rennes (avec Mention et Félicitations du Jury) (Professeur de dessin Jean-Pierre Le Bozec). 

Post-diplôme à l'Atelier Supérieur de Dessin, Académie royale des Beaux-Art de Bruxelles. 

Professeur de Dessin de "Modèles Vivants" à Atelier du Thabor - Ateliers d'artistes de la Ville de Rennes - de 2006 à 2015. 

Professeur de Peinture, cours "Peinture, Recherche, Composition" à Atelier du Thabor - Ateliers d'artistes de la Ville de Rennes - de 2006 à 2015. 

Intervenant Arts Plastiques, cours "Dessin, Peinture, Couleurs" à Association Fêt'Arts, Hédé. Expose depuis 1996. 

« Mon travail est un équilibre entre force et simplicité, entre justesse et sobriété. Librement inspiré par le cinéma, la bande dessinée, la photographie, mais aussi par la philosophie orientale ou même la calligraphie, ma recherche est celle d'une écriture graphique simple, réaliste et stylisée. Tout comme l'importance donnée au vide, l’épuration du signe et du tracé est un élément fondamental de mon travail. Dans l’art comme dans la vie, la simplicité qui est aussi l’efficacité est mon moteur. Tout dire avec peu, exprimer beaucoup avec presque rien, cela est pour moi l’idéal philosophique, spirituel et artistique ». Vincent LIGNEREUX 


https://www.vincentlignereux.net/


JEAN-MICHEL BASQUIAT

Né à Brooklyn en 1960 dans une famille aux origines mixtes (portoricaine par sa mère et haïtienne par son père), Jean-Michel Basquiat est un enfant très précoce dans le domaine des langues et du dessin. 

Après la séparation de ses parents et un déménagement, il revient à New York à l’âge de 16 ans. Il découvre le milieu de l’underground, se lie avec des graffeurs et abandonne ses études. Il prend alors le pseudonyme de SAMO© (pour « Same Old Shit ») pour taguer dans les rues de Manhattan. 

Pour combler l’absence des artistes noirs dans les musées américains, l’ambition de Basquiat se double très vite d’une quête identitaire placée sous le signe de la négritude. Son goût pour le métissage culturel et sa haine du racisme nourrissent une œuvre néo- expressionniste parfois sombre et angoissée. 

À la fin des années 1970alors que Keith Haring couvre aussi les murs de graffitis, Basquiat devient une figure de l’East Village. Il travaille seul ou en collectif, fonde un groupe de rock et participe à un film indépendant. C’est à cette occasion qu’il rencontre Andy Warhol, pape consacré de la Pop culture. Basquiat commence à exposer ses œuvres et la fréquentation de Warhol lui offre une plus grande visibilité. 

La carrière de Basquiat connait une irrémédiable ascension à partir de 1981. Un article lui est consacré dans Artforum sous le titre « The Radiant Child », soulignant son charisme. Il trouve l’appui de la marchande d’art Annina Nosei qui lui réserve le sous-sol de sa galerie comme espace de travail. 

En 1982, il expose chez Larry Gagosianl’un des plus importants marchands d’art contemporain. Les plus grands musées américains se l’arrachent. Mais, au quotidien, l’artiste est miné par la drogue et l’alcool. Il vit cloîtré dans un loft où il peint et regarde la télévision en boucle. 

La disparition de Warhol en 1987 est une tragédie pour Basquiat. Le peintre s’isole et s’enferme dans sa toxicomanie. Un voyage à Hawaï ne suffira pas à le détourner de ses démons : le jeune artiste sera finalement retrouvé mort dans son appartement de New York, le 12 août 1988. 

En 2017, une de ses œuvres pulvérise un record de vente. Elle atteint aux enchères 110,5 millions de dollars, signe que l’artiste mort depuis trente ans n’a pas fini de faire vivre le marché de l’art contemporain. Il est devenu l’un des artistes américains les plus chers de l’Histoire. 

A Panel of Experts, 1982 

Au début des années 1980, Basquiat, alors en couple, aurait eu une brève liaison avec la chanteuse Madonna. Un soir, les deux femmes finissent par se battre, ce qui inspira à Basquiat cette œuvre rassemblant des fragments de dessins, comme autant de cartoons. Si les altercations sont mises en scène de manière enfantine, presque naïve, la violence est bien présente ; Basquiat n’hésite pas à utiliser le motif du revolver. La couronne est quant à elle le symbole de l’artiste lui-même. 

Claire Maingon, Beaux Arts 2018


PHILIPPE PASQUA

Né à Grasse le 15 juin 1965, Philippe Pasqua déménage à Paris en 1975. Il commence à peindre vers l'âge de dix-huit ans, période durant laquelle il s’installe deux ans à New York. En 1985, il se fait connaître en peignant des sortes de fétiches et des silhouettes évoquant le vaudou . Il ne réalise sa première exposition qu’en 1990.

D’après le critique d’art José Alvarez, Philippe Pasqua a une approche ludique de son travail, ce qui le conduit à être productif et à mener pour ce faire une vie d’ascète : il dort peu, ne boit pas et ne fume pas. En l’espace de trois ans, entre 1995 et 1997, il produit près d’un millier de toiles. En 2006, le collectionneur et marchand d'art Jose Mugrabi lui achète une centaine de toiles. Jose Mugrabi lui demande une certaine exclusivité sur sa production. Philippe Pasqua a aussi fait l'objet d'un intérêt de la part de l'historien de l'art Pierre Restany, qui a écrit à son propos. 

De tous les arts, Philippe Pasqua prétend préférer la peinture. 

Il représente la transidentité, la trisomie, la cécité... Julián Zugazagoitia, directeur du Museo del Barrio, à New York, explique ses choix ainsi : «Grâce à la peinture, Philippe Pasqua donne des lettres de noblesse à des sujets que, malheureusement, les médias traitent sans aucun sens esthétique ni, pourrions-nous ajouter, éthique. Au sensationnalisme des médias qui nous transforment en voyeurs complaisants de l’immédiat, l’œuvre de Philippe Pasqua nous ouvre sur la transcendance de la peinture et sur le questionnement même des valeurs de notre époque. »

Les multiples couches de peinture apposées sur la toile servent à refléter la violence de la matière, qu’il met en opposition avec les sujets vulnérables et fragiles, traités par séries. Il utilise principalement des tons de rouge, de brun et de gris, à rapprocher de la couleur de la chair. Il décline ses peintures dans des séries de dessins aux contours volontairement brumeux.

Il effectue des palimpsestes, des réalisations sur papier mêlant techniques sérigraphiques, impressions, peinture, pastel ou encore encre de Chine. Le peintre revient sur ses propres travaux  en y ajoutant de nouvelles couleurs ou en les redessinant. À la fin des années 1990, il collabore avec Jean-Luc Moulène : il repeint sur les photographies de ce dernier, notamment ses clichés de la cathédrale Notre-Dame de Paris .

Philippe Pasqua débute la sculpture en 1990 avec des séries de «Vanités», pouvant mesurer jusqu'à trois mètres de hauteur, mais qui, photographiées, constituent de son avis des œuvres à part entière ; les matériaux utilisés peuvent aussi bien être du bronze, de l’onyx, de l’argent massif, du marbre de Carrare que des crânes humains recouverts de feuilles d’or ou d’argent, de pigments ou bien gainés de cuir ensuite tatoué . Au cours des années 2000, et plus encore durant les années 2010, la sculpture gagne en importance dans l’œuvre de Philippe Pasqua : il réalise notamment des oliviers en bronze, des singes à tête de clown mis en scène et évoquant la Cène de Leonard de  Vinci , des T-Rex et une Ferrari gainée de peau tatouée, qu’il colle verticalement sur un mur. En 2017, il investit le Musée océanographique de Monaco, pour sensibiliser le public à la protection des océans, exposant pour l'occasion des sculptures d'animaux marins de plusieurs mètres de haut, succédant ainsi à l'artiste britannique Damien Hirst, avec lequel il a auparavant exposé. L'année suivante, il expose au domaine de Chamarande, dans le parc et l'intérieur du château. (Wikipédia)


AKA ZEERAZERR


« Il a peut-être la tête de quelqu’un de connu, mais lui est né il y a trois ans », assure Aka Zeerazerr en parlant de lui-même, avec un certain amusement. Noyé entre ses 14 toiles qu’il s’apprête à accrocher, afin de les montrer au public pour la première fois de son existence, Aka Zeerazerr navigue entre plusieurs identités sans perdre de vue celle qu’il s’est tout récemment inventé : oui, il a éclos en tant que peintre en 2016, un autre 6 décembre, même s’il a connu avant cette date « 37 ans de carrière » dans un tout autre registre : la musique. Une simple « parenthèse », selon lui, durant laquelle il n’a produit que « trois grands tableaux ». Or, la peinture a toujours constitué son « désir premier ». C’est pourquoi il s’y remet aujourd’hui, définitivement. 


« Je peignais déjà à l’âge de 5 ans », se souvient l’ancien rockeur français. « À cette époque, je filais régulièrement deux étages au-dessus de l’appartement de mes parents pour me réfugier dans l’atelier de Berthe Ménard, une peintre qui était comme ma grand-mère d’adoption. J’adorais l’odeur de térébenthine qu’il y avait chez elle. » Quelques étages plus bas, il y avait un piano chez d’autres voisins. « On a essayé de m’installer derrière, sans succès. L’odeur n’était pas la même », souligne Aka Zeerazerr


« J’avais décidé de ne pas exposer avant 2020. Thierry (Crusem, président de la galerie associative) et ses partenaires, qui sont des gens très agréables, ont su me convaincre de le faire ici et maintenant », conte l’ancien auteur-compositeur-interprète. L’équipe artistique l’a contacté à sa manière simple et chaleureuse, tout simplement sur les réseaux sociaux : « On lui a écrit avec beaucoup d’enthousiasme et sans chichi, comme on a l’habitude d’aborder tous les artistes. Et c’est ce naturel qu’ils apprécient chez nous, généralement », rembobinent Sandrine et Maxime, les deux salariés de la galerie. 


Ce côté détendu a d’autant plu à Aka Zeerazerr qu’il souhaitait opérer son entrée dans le milieu de la peinture « sans grand bruit de tambour » autour de sa « première incarnation » médiatiquement connue : pas de place pour le chanteur, là où surgissent les seules créations d’un peintre. « Je pense qu’au sein d’une même enveloppe corporelle, il peut exister plusieurs entités, apparaissant à différents moments de la vie », soutient aussi malicieusement que sérieusement Aka Zeerazerr« J’ai décidé d’embrasser un autre métier, et c’est sans retour. Je le fais à Forbach, parce que l’accueil y a été à la fois crédible et chaleureux. Même si je ne connais pas cette ville. » 


« À l’image de nombreux artistes, j’ai beaucoup d’idées. Je les couche toutes sur la toile, et cela aboutit à une catastrophe. Si style il y a, il vient de la correction », note Aka Zeerazerr. Qui a cravaché, avant d’arriver à un résultat satisfaisant : « Mon premier acte pictural, c’était du pariétal, sur de la toile de jute où j’élaborais des scènes transgressives évoquant la torture, la résurrection ou le tueur en série Ted Bundy. » 

Pas pour rien si son premier album musical s’intitulait Les Enfants des ténèbres et les Anges de la rue. Mais les outils numériques ont offert un cadre à sa créativité : « Tout part de petits formats d’images, que je détruis et saucissonne avec des logiciels informatiques et l’intelligence artificielle. Lorsque je crois atteindre un équilibre, j’imprime le résultat en grand format et le colle sur une toile, où je peins à nouveau. » 


Serge Marrel, venu épauler Aka Zeerazerr pour son accrochage, a suivi cette (re)naissance de près : « Il est venu poser ses affaires dans notre atelier un jour, sans qu’on sache s’il allait réellement revenir. Enterrer la musique lui a pris plusieurs mois, mais une fois qu’il s’est installé, il a mis dans sa peinture une énergie terrible », se souvient le sculpteur, président de l’association Ateliers 96 à Rueil-Malmaison où s’est niché Aka Zeerazerr« J’ai vu les toiles de Jean-Pat’ passer du pigment consciemment jeté sans vergogne à une broderie aussi précieuse que soignée. » Est-ce un hasard si, trois ans auparavant, Jean-Patrick Capdevielle faisait ses adieux à la scène un 6 décembre ? Impossible à dire, mais la tête d’Aka Zeerazerr ressemble furieusement à la sienne. (La semaine)


https://www.lasemaine.fr/aka-zeerazerr-complainte-peintre/



MICHELANGELO MERISI DA CARAVAGGIO


Michelangelo naît à Milan le 29 septembre 1571. Ses parents qui se sont mariés en janvier de la même année sont Fermo Merisi et Lucia Aratori, originaires de Caravaggio, une petite ville de la région de Bergame. Son père est contremaître, maçon et architecte et son grand-père maternel intendant du marquis de Caravaggio. 


En 1577, à cause de la peste, la famille Merisi quitte Milan pour Caravaggio, pour fuir l'épidémie qui tue cependant le père et le grand-père du peintre. En 1584, la veuve et ses quatre enfants retournent vivre dans la capitale lombarde où Michelangelo, âgé de treize ans intègre l'atelier de Simone Peterzano, peintre célèbre, maniériste tardif de l'école vénitienne. L'apprentissage du jeune peintre dure près de quatre années auprès de son maître, au contact des écoles lombardes et vénitiennes. Il y étudie les théories picturales de son temps, le dessin, les techniques de la peinture à l'huile, de la fresque et du portrait. Sa mère meurt quelques années plus tard, en 1589. Les années d'apprentissage du Caravage, en particulier les années entre la signature de son contrat avec Peterzano, en 1588 et l'année de son déménagement à Rome en 1592 restent un peu floues. Il quitte l'atelier de Simone Peterzano en 1588 et retourne à Caravaggio en 1589 jusqu'au partage de l'héritage familial en 1592, puis il part pour Rome pour y faire carrière comme beaucoup d'artistes alors. 


Les premières années dans la grande cité sont chaotiques et mal connues. Il vit d'abord dans le dénuement, hébergé par un ami de la famille, puis chez Mgr Pandolfo Pucci, pour qui il peint des images de dévotion puis ses trois premiers tableaux destinés à la vente.


Caravage entame des relations plus ou moins solides avec divers peintres locaux, d'abord à l'atelier du peintre sicilien Lorenzo CarliCaravage s'installe ensuite près de la piazza del Popolo et rencontre le peintre Prospero Orsi, l'architecte Onorio Longhi et le peintre sicilien Mario Minniti qui deviendront des amis et qui l'accompagneront dans sa réussite. Il fait également la connaissance de Fillide Melandroni, qui deviendra une célèbre courtisane à Rome et lui servira de modèle à maintes reprises. 


En juin 1593, il entre dans l'atelier d'Antiveduto Grammatica, près de l'église San Giacomo in Augusta où il continue à peindre des copies pour les amateurs peu fortunés (trois par jour). Élève auprès du Cavalier d’Arpin, peintre et décorateur maniériste, il exécute des natures mortes. Admirateur de RaphaëlCaravage se met en quête d’un retour radical au réalisme. Dès ses débuts, reconnu comme un « artiste révolutionnaire » il attache autant d’importance à des sujets profanes que religieux, qu’il traite d’une manière similaire : avec crudité, mais aussi une grande théâtralité. Sa vie turbulente, dissolue, souvent empreinte de scandales dus à son caractère violent lui font fréquenter les tavernes et les bas-fonds des rues la nuit. Beaucoup de ses œuvres s'inspirent d'ailleurs de ces gens du peuple qu'il côtoie. Les personnages qu'il peint dans ses scènes religieuses, mythologiques ou profanes, sont traitées sur le plan pictural avec le même réalisme. 

À la suite d'une maladie il est hospitalisé à l’hôpital de la Consolation, ce qui met fin à sa collaboration avec Cesari (Cavalier d’Arpin). Durant cette période il est probablement employé comme sculpteur de natures mortes et comme décorateur d’œuvres plus complexes mais il n'existe aucun témoignage fiable. Pendant cette période le peintre Federigo Zuccaro, protégé du cardinal Frédéric Borromée, transforme la confrérie des peintres en une académie en 1593. Ceci a pour but d'élever le niveau social des peintres en invoquant la valeur intellectuelle de leur travail. Caravage apparaît sur une liste des premiers participants.


Pour survivre, Caravage contacte des marchands afin de vendre ses tableaux. Il fait ainsi la connaissance de Constantino Spata dans sa boutique près de l'église Saint- Louis-des-Français. Celui-ci le met en relation avec son ami Prospero Orsi qui participe avec Caravage aux premières rencontres de l'académie de Saint-Luc à Rome et devient son ami. Il l'aide à trouver un logement indépendant et lui fait rencontrer ses connaissances bien placées.

Grâce aux commissions et aux conseils de l'influent prélat, Caravage change donc son style, abandonnant les toiles de petits formats et les portraits individuels et commence une période de réalisations d’œuvres complexes avec des groupes de plusieurs personnages profondément impliqués dans une action, souvent à mi- corps mais aussi, parfois, en pied. En quelques années, sa réputation grandit de manière phénoménale. Caravage devient un modèle pour une génération entière de peintres qui vont s'inspirer de son style et de ses thèmes. 


Le style novateur de Caravage attire l'attention par sa manière de traiter les thèmes religieux et par extension ceux de la peinture d'histoire en s'aidant de modèles vivants. Dans cette rupture, toute relative, avec les idéaux classiques de la Renaissance, et avec des références érudites prodiguées sans restriction par le cardinal Del Monte et son cercle, il humanise ainsi le divin et le rapproche du commun des croyants. Le Caravage travaillait dans l'obscurité et s'éclairait de multiples chandelles qu'il disposait du même côté créant ainsi un « clair-obscur ». Cette technique de l'émergence qui visait une narration lui permettait d'associer une action et des personnages mis en scène. Il ne réalisait aucun dessin préparatoire. C'est directement sur la toile qu'il déposait ses couleurs rompant ainsi avec la dichotomie dessin et couleur. Il peint principalement des tableaux de chevalet de petit format pour des demandes privées. Ses plus grandes toiles étaient plutôt destinées aux églises.


C'est ces jeux d'ombres et de lumières, ces paysages ou ces décors à peine visibles ou à peine esquissés par cet artiste novateur qui influenceront après sa mort beaucoup de grands peintres, en Italie d'abord puis dans toute l'Europe. Beaucoup ne retiendront que la technique du clair-obscur aux dépens de la modernité de son art : le choix de ses cadrages, ses mises en scènes dramatiques, le réalisme et la simplicité des ses formes... On parlera du Caravagisme.

Entre 1601 et 1606, il exécute la Mort de la Vierge pour l’autel d’une chapelle de l’église Sainte-Marie du Trastevere (Rome), dont le réalisme, suscite un scandale – le tableau sera d’ailleurs remplacé. Pour autant, le peintre artiste devient célèbre. Soutenu par de prestigieux mécènes comme le cardinal Francesco Maria Del Monte ou le marquis Vincenzo Giustiniani, il reçoit d’importantes commandes – sa Mise au tombeau exécutée pour l’église Santa Maria della Vallicella remporte un succès phénoménal –, tandis que collectionneurs privés et pinacothèques s’arrachent ses œuvres à la vérité troublante, conçues pour toucher directement au cœur le spectateur, dans l’esprit de la réforme du Concile de Trente.


Si Caravage est peintre d’église, il n’en mène pas moins une vie de débauche dans les bas-fonds de Rome. Imprévisible, sanguin, il joue aussi bien du pinceau que des poings et de l’épée, ce qui lui vaudra d’être emprisonné à plusieurs reprises. Pendant ses années romaines ce peintre qui se sait artiste d'exception voit son caractère évoluer, dans un milieu où le port de l'épée est signe d'ancienne noblesse et alors qu'il fait partie de cette noble maisonnée du cardinal Del Monte, le succès lui monte à la tête. Les années qu'il passe à Rome sous la protection du cardinal ne sont toutefois pas exemptes de difficultés. Comme un grand nombre de ses contemporains, les affaires d'honneur se réglant souvent au début du XVIIe siècle par un duel. Mais le plus grave se produit le 28 mai 1606. C'est au cours des fêtes de rue, la veille de l'anniversaire de l'élection du pape Paul V. Ces fêtes sont l'occasion de nombreuses bagarres dans la ville. Dans l'une d'entre elles quatre hommes armés s'affrontent, Caravage a pour partenaire Onorio Longhi, il tue en duel Ranuccio Tomassoni, le « chef de la milice » qui, en vérité, semait la terreur dans son quartier. Cet acte lui vaut une condamnation à mort, et il est obligé de fuir Rome. Il se rend d'abord à Naples, une terre espagnole, où la famille Colonna l'héberge, dans la région du mont Albain. Il continue de peindre des tableaux qui lui rapportent de belles sommes d'argent. Sa fuite vaut au Caravage une condamnation à mort par contumace. Lors de son retour dans cette ville, il est agressé devant une auberge et échappe de peu à la mort. 


En juillet 1607, il quitte Naples, où il avait séjourné quelques mois, et s'installe à Malte, souhaitant être adoubé au sein de l'ordre des Chevaliers de Malte. Il était courant d'être nommé chevalier après d'importantes commandes pour le pape. En juillet 1608, il est fait Chevalier de grâce de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Mais sa consécration ne dure pas : dans la nuit du 19 août 1608, il s'était mêlé à un groupe qui avait tenté de pénétrer de force dans la maison de l'organiste de la cathédrale. Jeté en prison, il s'en échappe par une corde et quitte Malte. Il est en conséquence radié de l'ordre.  Il s'emploie, avec l'appui de ses protecteurs et en peignant ces tableaux toujours inspirés par ses commanditaires profondément religieux et d'une sincère humanité, à obtenir la grâce du pape et pouvoir rentrer à Rome


En 1610, il apprend que le pape est enfin disposé à lui accorder sa grâce. Voulant brusquer le destin et muni d'un sauf-conduit du cardinal Gonzaga, il s'embarque alors pour se rapprocher de Rome, sur une felouque qui fait la liaison avec Porto Ercolefrazione de Monte Argentario, une enclave espagnole, emportant avec lui trois tableaux dont la Méduse, un tableau qu'il tenait à restaurer. Mais, lors de l'escale à Palo, descendu à terre, il est arrêté par erreur ou malveillance et jeté en prison pendant deux jours. Relâché, il ne trouva plus son bateau, qui ne l'a pas attendu, avec ses tableaux à bord. Désespéré, il rejoint à pied Porto Ercole à cent kilomètres. La légende dit que, dépité, perdu et fiévreux, il marcha sur la plage en plein soleil où il finit par mourir quelques jours plus tard, le 18 juillet 1610, à l'âge de 38 ans. Il n'aura pas su que le pape Paul V, cédant à ses amis et protecteurs, avait finalement apposé son sceau sur l'acte de grâce. La légende dit qu'il finit « aussi misérable qu'il avait vécu » et que personne ne songea à demander sa dépouille, ni ne lui fit élever un catafalque, comme cela se pratiquait pour les artistes. 


MATISSE


Unanimement considéré comme l'un des plus grands artistes du XXe siècle, Henri Matisse échappe à toute classification. Il est, comme Braque et Derain, l'un des promoteurs du fauvisme, mais, à partir de cette révolte de la couleur, son art est une réflexion sur la ligne, sur l'équilibre, sur la synthèse des formes. En 1953, à l'occasion du Salon d'automne où il est exposé, le peintre accorde une interview audio dans laquelle il évoque sa conception du travail de peintre. A l'époque, un an avant sa mort, il dévoile ce qui, à ses yeux, est la qualité essentielle d'un artiste qui veut durer : "Le travail assidu, sans lequel rien n'est possible, même pour un homme très doué ". 


Henri Matisse : Peintre, dessinateur et sculpteur français, né le 31 décembre 1869 au Cateau-Cambrésis et mort le 3 novembre 1954 à Nice. 


Il passe son enfance à Bohain-en-Vermandois avant de commencer sa vie professionnelle comme clerc de Maître du Conseil à Saint-Quentin. À vingt ans, à la suite d'une crise d'appendicite, il est contraint de rester alité pendant de longues semaines. Pour occuper ses journées, sa mère, aquarelliste amateur, lui a offert une boîte de peinture et, guidé par la lecture d'un traité de Frédéric Goupil, le jeune homme s'amuse à copier des chromos. Comme Matisse le raconte lui même dans ses Mémoires : “À partir du moment où j’avais cette boîte de couleurs dans les mains, j’ai senti que c’était là qu’était ma vie.” 


Son premier tableau Nature morte avec des livres (musée Matisse, Nice), est daté de juin 1890. Matisse a trouvé sa vocation et, délaissant le droit, s'inscrit à l'académie Julian pour préparer l'examen d'entrée à l'École nationale supérieure des beaux-arts. Dispensé de celui- ci, grâce à l'intervention de Gustave Moreau, dans l'atelier duquel il travaille à partir de 1892, il gardera toujours une profonde reconnaissance à ce maître, dont l'enseignement éveille les talents sans les contraindre. 


Ces années d'études montrent de sages recherches : copies au Louvre (FragonardDelacroixChardin surtout), paysages exécutés en plein air en compagnie de Marquet et tableaux d'atelier acceptés au Salon de la Société nationale des beaux-arts, où l'État achète en 1896 la Liseuse pour le château de Rambouillet (aujourd'hui musée d'Art moderne, Troyes). Mais, à partir de cette date, la révélation de l'impressionnisme (rencontre à Belle-Île d'un artiste ami de Claude Monet), John Russell [1858-1931] ; découverte du legs Caillebotte au musée du Luxembourg en 1897) et l'émerveillement de la lumière méridionale (séjour en Corse, puis à Toulouse, d'où est originaire sa jeune épouse, Noémie Parayre) orientent l'art de Matisse vers de nouveaux intérêts. Celui-ci quitte les Beaux-Arts après que le très académique Fernand Cormon eut remplacé Moreau et fréquente l'académie Carrière, où il se lie avec Derain, qui lui présentera Vlaminck

Avant d'être vraiment lui-même, il a cependant encore une étape à franchir. Depuis 1901, il expose au Salon des indépendants, présidé par Paul Signac, dont il a médité le texte paru en 1899 dans la Revue blanche et consacré au néo-impressionnisme. Retrouvant cet artiste, accompagné d'Henri Edmond Cross (1856-1910), à Saint-Tropez en 1904, il expérimente le pointillisme. L'œuvre majeure de cette période, Luxe, calme et volupté (collection privée), est exposée au Salon des indépendants de 1905, où se tiennent des rétrospectives Seurat et Van Gogh. La révélation du génie transcendant un système chez l'un et niant toute contrainte chez l'autre est complétée au cours de l'été par celle des Gauguin de Tahiti appartenant à Daniel de Monfreid (1856-1929), auquel Matisse et Derain rendent visite pendant leurs vacances à Collioure. 


Assimilant toutes ces influences, le peintre s'éloigne du divisionnisme : la touche s'élargit, les tons s'intensifient, la ligne s'assouplit. Cependant, les outrances élémentaires du fauvisme n'ont qu'un temps pour Matisse ; ses épousailles avec la couleur s'accompagnent bientôt d'une volonté essentielle d'organisation des tons dans l'espace. « Je cherche des forces, un équilibre de forces », note-t-il à propos de la Desserte rouge (1908, musée de l'Ermitage Saint-Pétersbourg), où se trouvent réunis tous les sortilèges de l'arabesque, qui sera l'une des clefs de son art. 


Les voyages (Allemagne, Italie, Maroc, Russie, États-Unis, etc.) apportent à Matisse un enrichissement visuel toujours renouvelé. À partir de 1917, Matisse passe l'hiver à Nice, se préoccupant quelque temps de recherches plus abstraites sur l'espace et la musicalité : la Leçon de piano (1916 ou 1917, musée d'Art moderne, de New York) semble ainsi éterniser le tempo d'un « moderato cantabile ». Après la guerre, son style montre une détente, un retour aux délices ornementales auxquels ses conversations avec Renoir en 1918 ne sont pas étrangères. La Légion d'honneur en 1925, le prix Carnegie en 1927 consacrent le succès du peintre. Celui-ci revient à plus de rigueur par l'intermédiaire des découpages coloriés, qui lui servent à la préparation des grands panneaux de la Danse (1931-1933) commandés par le Dr Barnes. Un incessant souci de l'interpénétration sans modelé des figures dans l'espace, du jeu sans épaisseur des couleurs et du contour aboutit aux différentes versions de la Robe rayée et de la Blouse roumaine

Malgré la guerre, la vieillesse, la maladie, le sens de l'invention plastique demeure intact chez Matisse, s'inspire des courbes d'un fauteuil rocaille, renoue dans les grands Intérieurs de 1946-1948 avec les paroxysmes colorés du fauvisme, cherche la symbiose de tous les arts dans l'ensemble décoratif de la chapelle du Rosaire des Dominicaines à Vence (1951). C'est toutefois à travers les grandes gouaches découpées follement évocatrices de la danse ou du repos, de la femme, de l'arbre ou de la fleur que Matisse atteint à la fin de sa vie « encore plus d'abstraction, encore plus d'unité ». 


Tout au long de sa carrière, les mêmes thèmes s'imposent : fenêtres ouvertes, femmes indolentes, univers de paresse totalement antithétique de son créateur et, avant tout, prétexte à la prospection du champ artistique. « Le travail guérit de tout » disait Matisse. L'œuvre du peintre, d'une apparente simplicité, « ce fruit de lumière éclatante » aimé d'Apollinaire, naît d'un labeur acharné, qui toujours cherche à témoigner de l'indicible sensation dont l'un de ses derniers tableaux porte le titre : le Silence habité des maisons. 


Certains peintres transforment le soleil en un point jaune ; 

d’autres transforment un point jaune en soleil..


Citation de Pablo Picasso (1881 – 1973)



PABLO PICASSO


Peintre, sculpteur, dessinateur et céramiste espagnol d’une longévité créatrice exceptionnelle, Pablo Picasso (1881-1973) arrive à Paris dès 1901 et s’engage dans sa célèbre période bleue (1901- 1904). La période bleue de Picasso est une phase de dépression pour l’artiste. Il ne peint durant ce temps qu’avec une palette de couleurs froides, exploitant des thèmes tristes comme la misère humaine et la pauvreté. Lors de l’année 1906, alors que Picasso est en pleine période rose (1904-1906), Il rencontre dans la capitale parmi tant d’autres : Max JacobGuillaume ApollinaireHenri Matisse ou encore Braque avec lequel il invente le Cubisme.

Picasso connaît une période où il peint des toiles aux teintes chaudes, roses et orangées, des personnages et des thèmes heureux et ludiques. Cette période, nommée la période rose, est également caractérisée par les saltimbanques et acrobates, thème récurrent de Picasso à l’époque. 


A Partir de 1910, il séjourne régulièrement en Provence avec Derain et Braque, retournant toutefois sur la capitale notamment pendant la Première Guerre Mondiale. 


Bien que les deux hommes ne se connaissent pas, Picasso et Toulouse Lautrec peignent le même Paris des années 1900 et partagent une passion pour l'effervescence des lieux animés de la capitale, pour les portraits caricaturaux ou encore pour le monde du cirque. 


En 1925, il participe à la première exposition surréaliste à la galerie Pierre à Paris. Il n’adhère pas pour autant au mouvement. En 1936, il s’engage aux côtés des républicains espagnols contre Franco


Pendant la seconde guerre mondiale, il retourne travailler à Paris en dépit de sa qualification d’ « artiste dégénéré » par le régime nazi. C’est seulement après la Libération qu’il adhère au parti communiste et retourne vivre dans le sud de la France. 


Il entretien des relations avec bon nombre d'artistes, dont Jean Cocteau avec lequel il échange un nombre considérable de lettres. A partir de 1958, il fait du Château de Vauvenargues l'une de ses résidences privées. Il s’éteint le 8 avril 1973 près de Mougins. 

"Moi je remue trop, je déplace trop. Tu me vois ici et pourtant j'ai déjà changé, je suis déjà ailleurs. Je ne suis jamais en place et c'est pourquoi je n'ai pas de style." C'est ainsi que se définissait Pablo Picasso, qui refusait les étiquettes. Il est considéré comme l’un des pères fondateurs du cubisme, un mouvement artistique consistant à représenter un objet ou une personne sous plusieurs point de vue en même temps.


Au fil de sa carrière qui aura duré plus de huit décennies, jusqu’à sa mort à l’âge de 91 ans, Picasso a produit près de 50 000 oeuvres, chacune étant liée intrinsèquement à sa vie personnelle. 1 885 tableaux, 2 880 céramiques, 7 089 dessins, 342 tapisseries, 150 carnets de croquis et 30 000 estampes comprenant des gravures et des lithographies. Une liste tout simplement monumentale. 



Biographie d'Edward Hopper

Graveur et peintre américain (Nyack, 1882 - New-York, 1967).

Né dans une famille de commerçants, il suit une formation dans une grande académie, la Correspondence School of Illustrating de New York, puis à la New York School of Art. Après avoir voyagé en Europe et découvert les impressionnistes, il s'installe à New York en 1908 et travaille comme dessinateur publicitaire puis comme illustrateur.

Ses œuvres captent l'essence de la ville américaine contemporaine et de l'American way of life : train aérien, restaurant, ou encore station sont fréquemment marqués par l'abandon, l'ennui, ou le vide.


Hopper montre la solitude et l’aliénation de la société de consommation. Dans Automat, il évoque l’invention des distributeurs automatiques des boissons ; dans Gas, le culte de la voiture et son corollaire, l’exploitation du pétrole. Dans ce monde qui se déshumanise, les personnages semblent en proie à la mélancolie. Mais ce sentiment de mal-être et de tristesse profonde associée de façon systématique à Hopper est plus complexe qu’il n’y paraît. Pour Didier Ottinger, il s’agit même d’une forme de résistance à la frénésie capitaliste: « Ses personnages ne sont pas des victimes, mais des sujets ayant l’intuition de ce que le monde a perdu. » L’ennui, la solitude, la passivité et l’attitude méditative se posent comme remparts au consumérisme et à la société du spectacle. New York Movie, avec sa belle ouvreuse indifférente au film projeté, incarne au mieux cette dimension métaphysique capable de surgir du quotidien.


Edward Hopper déclarait en 1964, en préambule pour une interview sur NBC : « Je sais bien que des peintres contemporains vont manifester le plus grand mépris pour cette citation. Mais je la lirai quand même. Goethe a dit : « La fin première et dernière de toute activité littéraire, c'est la reproduction du monde qui m'entoure via le monde qui est en moi ; toute chose devant être saisie, reprise et recrée, assimilée et reconstruite sous une forme personnelle et originale ». Pour moi, c'est le principe fondateur de la peinture. Et, je sais qu'il existe mille opinions différentes sur la peinture et que beaucoup objecteront que c'est dépassé et désuet. Mais, pour moi, c'est une vérité première. »


https://www.fondationbeyeler.ch/fr/expositions/edward-hopper


New York Movie, 1939


Artiste maudit, consumé par la drogue et l’alcool, Amedeo Modigliani a mené une vie mouvementée, entre son Italie natale et son activité parisienne. Accès de fureur et santé précaire influencent sa production artistique et sa relation avec les femmes. 


Amedeo Clemente Modigliani, né le 12 juillet 1884 à Livourne (Italie) et mort le 24 janvier 1920 à Paris (France), est un peintre figuratif et sculpteur italien de l'École de Paris. 


Se considérant initialement comme sculpteur, ce n'est qu'à partir de 1914 qu'il se consacre exclusivement au dessin et à la peinture de portraits et de nus. 

Modigliani est charismatique et, lorsqu’il est sobre, il déclame Lautréamont ou Dante et se montre particulièrement attentionné. Il séduit ainsi de nombreuses femmes. Sous l’emprise de la drogue et de l’alcool, il se révèle en revanche morose et violent, se livrant à des accès de fureur et à des rixes humiliantes. Beatrice Hastings et Jeanne Hébuterne en feront notamment les frais.



On accuse souvent l’alcool des sautes d’humeur et des violences dont se révèle capable Modigliani. Mais à son arrivée à Paris, l’artiste boit encore peu et connaît pourtant ses premières fureurs. Son ami le sculpteur Chaim Lipchitz ira même jusqu’à dire qu’il aurait pu vendre bien plus de toiles s’il avait su contenir un minimum son caractère agressif. 


Ses œuvres, aux formes étirées et aux visages sans regard ressemblant à des masques, demeurent emblématiques de l'art moderne de cette époque. 


Modigliani peint de nombreux portraits de femmes, notamment de Beatrice Hastings et de Jeanne Hébuterne, mais les visages s’avèrent peu ressemblants. C’est que partout, Modigliani plaque sur les figures de femme un masque semblable, aux formes allongées et lisses. Une obsession s’inspirant de l’art primitif aussi bien que du cubisme, qui lui est propre et qui n’en finit pas de fasciner... 


Amadeo Modigliani  meurt prématurément de méningite tuberculeuse et alcoolique. La petite Giovanna se retrouve orpheline. C’est la sœur de Modigliani, célibataire et sans enfant, qui la recueille à Florence. En 1958, elle est à l’origine d’une des biographies les plus importantes sur Amadeo Modigliani


Il incarne dès lors l'artiste maudit qui s'est abîmé dans l'alcool, la drogue et les liaisons orageuses pour noyer son mal-être et son infortune. S'ils ne sont pas sans fondement, ces clichés, renforcés par le suicide de sa compagne Jeanne Hébuterne au lendemain de sa mort, se substituent longtemps à une réalité biographique difficile à établir ainsi qu'à une étude objective de l'œuvre. Giovanna Modigliani, fille du couple, est dans les années 1950 l'une des premières à montrer que la création de son père n'a pas été marquée par sa vie tragique et a même évolué à rebours, vers une forme de sérénité. 

(Bibliographie) Ossip Zadkine, Le maillet et le ciseau. Souvenirs de ma vie, Paris, Albin Michel, 1968




ALEXANDRE ROUBTZOFF 


Alexandre Roubtzoff est lauréat de six grands prix à l'Académie des beaux-arts de Saint-Petersbourg. Proche de la cour impériale, il obtient le Grand Prix de l'Académie de Saint-Petersbourg avec une peinture d'intérieur aujourd'hui au musée de l'Ermitage. 


Jeune boursier de l’École Nationale des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg, Roubtzoff découvre l’Orient en 1913, par l’Andalousie et Tanger. En 1914, il arrive à Tunis peu de jours après Macke et Klee, et il s’y installe durablement obtenant la nationalité française en 1924. Il ne reviendra pas en Russie. Fréquentant l’Institut de Carthage, il réalise des portraits mondains qui lui ouvrent les portes de la haute société coloniale. 

En 1920, avec une exposition montrant plus de cent vingt toiles, le Salon tunisien par Alexandre Fichet le consacre comme « le peintre de la lumière ». Ses paysages et jardins postimpressionnistes, à la touche élégante et sagement colorée, sont assez proches de ceux de son ami le baron d’Erlanger et séduisent autant que les grands portraits de bédouines d’abord choisies parmi les modèles du photographe Rudolf Lehnert. Des préoccupations documentaires sur les costumes, parures et tatouages -ses dessins illustrent les publications d’Ernest Gobert- inspirent d’abord des scènes classiques de la vie quotidienne (Préparation du couscous, Femmes au Khôl, 1915). 

Alexandre Roubtzoff s‘attachera plus tard davantage aux regards et à la sensibilité de ses modèles (Alia, 1937) : « Ce sont eux, les bédouins montagnards, frustes et ignorants qui sont beaux, nobles et raffinés, tandis que nous autres, les représentants de la civilisation la plus avancée, nous sommes laids, mesquins, inélégants ». 


Extraits Wikipédia. 






FRANK KUPKA 


Né à Opocno dans une famille modeste de Bohême en 1871, Frank Kupka fait de médiocres études avant de travailler dès l'âge de 13 ans chez un sellier bourrelier. Il a alors déjà un goût marqué pour le dessin et pour la peinture ce qui lui permet dès 17 ans de s'inscrire dans les cours du peintre suédois Alois Strudnicka (1842-1927) envers lequel il conservera sa reconnaissance pour lui avoir permis d'entrer à l'Académie de Prague en 1889. Celui-ci lui enseigne surtout le dessin, l'art de l'ornementation et des arts décoratifs, car il est un spécialiste de la couleur et du graphisme. 


Kupka perfectionne sa connaissance et sa pratique de la peinture jusqu'en 1892 où il sort diplômé de l'Académie de Prague.

Il décide alors de voyager et d'aller à Vienne, qui jouit alors d'une grande renommée artistique, tant en matière de musique avec Mahler et Schoenberg, d'architecture avec Otto Wagner, qu'en peinture avec Gustav Klimt ou qu'en littérature et en sciences humaines avec Karl Krauss et un certain Sigmund Freud. Il s'y inscrit à des cours de peinture, tout en complétant son éducation en autodidacte, par des lectures d'ouvrages de philosophie, et d'occultisme . Cette période l'amène à dessiner et à peindre des portraits, ou des scènes plus ou moins allégoriques qui lui attirent une certaine réputation et quelques rares commandes. Il décide néanmoins, de poursuivre ses voyages : il va en Scandinavie, puis vient en France où il arrive en 1896. Il s'installe à Paris dans le quartier de Montmartre où l'un de ses compatriotes Alfons Mucha réside déjà, lequel parvient à vivre en réalisant des affiches pour les pièces Sarah Bernhardt



Kupka décide de tenter de gagner lui aussi sa vie en étant illustrateur, mais tout en continuant de peindre.

C'est ainsi qu'il réalise des affiches pour des cabarets comme Le Chat Noir ou L'Ane Rouge, et qu'il travaille pour Aristide Bruant tout en réalisant des œuvres d'après nature pour des proches. C'est à cette époque, qu'il peint ainsi "Nu allongé" en 1898, le portrait de son amie Gabrielle, dans un genre élégant, frais et familier, mais qu'il réalise aussi des toiles telles que "Danse Macabre" ou "L'Argent" en 1899 dans un genre fantastique emprunt d'humour noir et de satire sociale. 

Il demeure aussi toujours intéressé par le mysticisme et l'imagerie occulte que l'on trouve dans "les Nénuphars" en 1900, et qui représente un foetus en suspension attaché à un lotus au milieu de nénuphars.

"La Vague" et "Visage de dormeuse" qu'il exécute en 1902, et "Femme devant un Miroir" en 1903, expriment aussi chez Kupka des tendances à la fois symbolistes et sensualistes. 


Ayant aussi connu la misère, Kupka ne peut rester indifférent aux évènements sociaux ravivés par l'affaire Dreyfus et à l'effervescence politique qui se propage. Il prend position pour les idées anarchistes comme le feront à son époque Stenlein, ou Valloton et collabore à diverses publications dont "L'Assiette au beurre", et "L'illustration" pour lesquelles il réalise des dessins satiriques jusqu'en 1907. Il compose aussi de nombreuses gravures et dessins pendant cette période, ainsi que des illustrations pour des livres. 

En 1906, il s'installe dans une petite maison à Puteaux et vit avec Eugénie Straub. Il décide de suivre des cours de sciences naturelles à la Sorbonne, convaincu que cela peut l'aider à perfectionner son art. Il s'intéresse aussi aux déformations des formes des objets immergés dans l'eau. Il peint cette même année "L'Eau - la Baigneuse" qui constitue un moment important dans son évolution vers le morcellement des formes. 


Le tableau "La Gamme Jaune" qu'il peint en 1908 est une autre étape dans cette évolution dans le sens où elle est une recherche sur la couleur dans le prolongement des recherches du physicien Chevreul qui influencèrent beaucoup la peinture de l'époque . "La Petite Fille au Ballon " qu'il peint en 1908 représente une jeune fille nue tenant une balle à la main. Elle est importante dans l’œuvre de Kupka, car elle est le point de départ d'un ensemble de recherches, qui au travers d'autres toiles telles que "La Môme à Gallien" en 1909, "Le Tango" en 1910, le conduit vers une stylisation des formes et de la couleur et progressivement vers l'abstraction. Car parallèlement à cette évolution, il continue son travail d'illustrateur sur le thème de "Prométhée", où l'on voit les perspectives disparaître en faveur des profils des personnages, et de scènes planes, comme on les trouve dans les peintures primitives égyptiennes. 

En 1909, il peint "Le Premier pas", titre ambigu pour une œuvre totalement abstraite qui transcrit aussi le vif intérêt de Kupka pour les sciences de l'astronomie .

Apparaissent chez Kupka les premières structures verticales et géométriques, sans perspectives, que l'on trouve un peu plus tard chez Delaunay, chez Léger mais aussi chez les futuristes italiens . "Plans par couleurs" ou "Les Touches de Piano" ou encore "Mme Kupka parmi les verticales " en 1910 auxquelles succédera "Ordonnance sur verticales" fin 1911 constituent des œuvres essentielles dans le parcours du peintre. 


Concernant cette époque il écrit dans "La Création dans les arts Plastiques": "Coupées à angles droits ou par des diagonales, les verticales donnent une impression d'ascension ou de descente, renforcée encore là où les surfaces délimitées sont de couleur ou de valeur différente. Solennelle, la verticale est l'échine de la vie dans l'espace, l'axe de toute construction...L'horizontale placée dans le haut d'une toile n'est pas à confondre avec celle qu'on trace au milieu ou en bas. C'est chaque fois une autre manière de dire le silence. L'horizontale éveille en nous une idée d'immobilité, de choses couchées, posées, lentes, une idée de repos, d'horizon, de chemin qui s'étend. celui qui veut dans une construction y mettre le holà, fera tomber une borne verticale " 


"La Primitive" en 1911, constitue une étape supplémentaire qui lui est inspirée par les effets des rayons du soleil au travers un vitrail. Les structures deviennent circulaires, que l'on retrouve dans ses "Disques de Newton" en 1912 et "Amorpha, fugue en deux Couleurs", qui composée de formes géométriques non décoratives et sans sujet provoque le scandale. Il reçoit les encouragements de Georges Ribemont-Dessaignes, mais aussi du sculpteur Raymond Duchamp Villon et de Marcel Duchamp. Kupka refuse d'être rattaché au mouvement pictural qui apparaît sous le vocable de "cubisme" donné par Jacques Villon aux peintures de DuchampArchipenkoLa FresnayeGrisLégerDelaunayPicabia, tandis que Guillaume Appollinaire de son côté baptise d'"orphisme" les peintures en compositions circulaires, libérées des modèles du réel, ce qu'il refuse tout autant. Kupka veut défendre sa position de précurseur dans la peinture de l'époque et se tient à distance de ces différents mouvement. Il lui en vaudra peut-être sa réputation d'être un homme taciturne. 


Kupka a la particularité avec Georges Braque de ne pas dater ses toiles. Parfois quelques années plus tard, il reprend certaines de ses toiles pourtant achevées, qu'il retouche et quelquefois, qu'il "postdate" ou "antidate" même si elles sont anciennes, car il préfère la classification de son œuvre par thème, plutôt que de façon chronologique. 

La guerre de 1914 créée une rupture dans sa production : Kupka s'engage aux côtés des soldats français. A son retour, il décide de reprendre son œuvre de peintre, mais décide aussi de réunir ses écrits théoriques sur l'art qu'il rédige depuis 1910 et qu'il veut publier sous le titre " La Création dans les Arts Plastiques". Cet ouvrage ne paraîtra qu'en 1923 en tchèque, car il ne trouvera aucun éditeur pour le lui publier en français, langue dans laquelle il ne paraîtra que 65 ans plus tard. 


Livre majeur pour la compréhension de la peinture abstraite au côté du livre de Kandinsky "Du spirituel dans l'art" (1911), Kupka écrit alors " Nous distinguons deux grandes catégories d'oeuvres plastiques. Il y a d'une part, celles qui témoignent du parti pris de saisir simplement l'impression reçue des formes de la nature dans son émergence, telle qu'elle s'annonce à la conscience. Mais il y en a d'autres où le peintre ou le sculpteur nous donne à déchiffrer une pensée spéculative qui se traduit par une combinaison d'éléments plastiques ou chromatiques". 


Il se rapproche en cela des thèses d'un autre théoricien de l'art qui est Auguste Herbin, lequel dans son livre intitulé " La peinture non-figurative non objective", écrit : " La lisibilité de la peinture non figurative, ou, si l'on veut, le potentiel discursif, expressif, est lié à la technique et aux moyens mis en œuvre.Tout dépend des traits, des lignes, des relations, des étendues, et des valeurs lumineuses entre elles, de l'accord des proportions et des volumes. Ce sont là les agents de l'expression, dotés chacun de son identité spécifique, au même titre que les éléments de n'importe quel complexe articulé- détails inséparables de l'ensemble, comme le sont les timbres, les tierces, les quintes en musique ou encore les phonèmes, les syllabes, les mots et les phrases de l'expression verbale" 


Fort de cette réflexion théorique sur l'abstraction, il poursuit ses recherches en gardant une méfiance à l’égard du mouvement dadaïste et du surréalisme naissant.

Il reprend de nombreuses toiles anciennes parmi lesquelles " Printemps Cosmique " commencée en 1911 et achevée en 1920, ou "Le Bleu" commencée en 1913 et achevée en 1923, ou "Architecture Philosophique " commencée en 1913 et achevée en 1924, mais c'est avec "La Colorée" en 1919, qu'il amorce de nouvelles recherches avec un symbolisme qui le ramène vers une peinture presque figurative : cette toile très colorée représente le mouvement d'un corps féminin saisi simultanément dans de multiples positions. On retrouve cette même recherche dans des toiles telles que "Rencontre" en 1919, "Charpente bleue" en 1920 ou "La Contredanse" en 1921-1922. 



Sonia DelaunayMarcel Duchamp ou le futuriste Gino Severini s'intéresseront aussi à la suite de Kupka à l'expression picturale du mouvement par la figuration de successions de formes rapprochées et nuancées de couleurs.

Kupka reste toujours attaché à l'astronomie, et à ses découvertes qu'il traduit dans des toiles telles que "Lignes Animées" en 1921 ou "Espaces Animés" en 1922 pleines de formes tourbillonnaires et visionnaires. 


En 1921, il parvient pour la première fois à organiser une exposition personnelle qui a un certain retentissement auprès de la critique et de la presse. Mais cela ne change pas le cours de la vie modeste qu'il mène et l'ardeur qu'il met à continuer ses recherches et à perfectionner ses théories. En 1925, sa toile " Machinisme", puis la série " L'Acier Boît " entre 1927 et 1928 et "Bock Syncopé" entre 1928 et 1930 reprennent le thème du mouvement lié cette fois-ci au machinisme : des rouages, des bielles, des pièces mécaniques circulaires traduisent la puissance de machines imaginaires et écrasantes. 


A partir de 1935, Kupka qui s'intéresse aussi à la musique en ayant été marqué par "Pacific 231" d'Arthur Honegger, mais aussi plein d'interêt pour une nouvelle musique qui est le jazz tente de conjuguer le machinisme et l'expression de la musique : il peint la série "Jazz Hot" en 1935, puis en 1936 "Musique". 

En 1936, Kupka est représenté à la grande exposition "Cubisme et Art Abstrait" du Musée d'Art Moderne de New York avec 3 toiles, dont "Disques de Newton". Avec son ami Mucha, en juin 1936 pour la première fois, il est présent dans une exposition officielle au Musée du Jeu de Paume à Paris. En 1938, il peint "Elévation", qui représente un ensemble de bandes verticales colorées séparées par des lignes noires et encadrées de marges jaunes. C'est un certain retour aux compositions verticales des années 1910.

La guerre 39-45 et la maladie contraignent Kupka à arrêter son activité, et à se réfugier à Beaugency.


Après guerre, son œuvre trouve une certaine reconnaissance officielle. Il est invité à Prague pour son 75ème anniversaire et le gouvernement tchèque lui achète une vingtaine de toiles importantes. De retour à Paris, il reprend ses travaux : "Plans Mobiles" en 1950 , "Autre Construction " en 1953 ou "Deux Bleus" en 1956, concrétisent les toiles les plus marquantes de ses dernières recherches, tandis que le Musée d'Art Moderne à New York lui achète plusieurs de ses toiles et reconnaît ainsi en lui un peintre majeur et aussi important que Kandinsky ou Mondrian


Il meurt en juin 1957 dans la banlieue parisienne dans sa maison de Puteaux où il vivait depuis 50 ans. L'année suivante, Le Musée National d'Art Moderne de Paris entreprend de réaliser une grande exposition rétrospective concrétisant ainsi la reconnaissance de son génie et de sa passion créatrice. 

Le Monde des Arts 


Paul Gauguin


Peintre français, M. Paul. Gauguin est né de parents, sinon très riches, du moins qui connurent l'aisance et la douceur de vivre. Son père collaborait au National, d'Armand Marrast, avec Thiers et Degouve- Denuncques. Il mourut en mer, en 1852, au cours d'un voyage au Pérou, qui fut, je crois bien, un exil. Il a laissé le souvenir d'une âme forte et d'une intelligence haute. Sa mère, née au Pérou, était la fille de Flora Tristan, de cette belle, ardente, énergique Flora Tristan, auteur de beaucoup de livres de socialisme et d'art, et qui prit une part si active dans le mouvement des phalanstériens. Je sais d'elle un livre : Promenades dans Londres, où se trouvent d'admirables, de généreux élans de pitié. Paul Gauguin eut donc, dès le berceau, l'exemple de ces deux forces morales où se forment et se trempent les esprits supérieurs : la lutte et le rêve. Très douce et choyée fut son enfance. Elle se développa, heureuse, dans cette atmosphère familiale, tout imprégnée encore de l'influence spirituelle de l'homme extraordinaire que fut Fourier. 



À l'âge de seize ans, il s'engage comme matelot pour cesser des études qui coûtaient trop à sa mère ; car la fortune avait disparu avec le père mort. Il voyage. Il traverse des mers inconnues, va sous des soleils nouveaux, entrevoit des races primitives et de prodigieuses flores. Et il ne pense pas. Il ne pense à rien, du moins, il le croit, il ne pense à rien qu'à son dur métier auquel il consacre toute son activité de jeune homme bien portant et fortement musclé. Pourtant, dans le silence des nuits de quart, inconsciemment, il prend le goût du rêve et de l'infini, et, quelque fois, aux heures de repos, il dessine, mais sans but aucun et comme pour " tuer le temps ". Sensations courtes, d'ailleurs, et qui n'ont que de faibles répercussions dans son être cérébral ; brèves échappées sur les lumineux, sur les mystérieux horizons du monde intérieur, tout de suite refermés. Il n'a point encore reçu choc ; il n'a point encore senti naître la passion de l'art qui va s'emparer de lui et l'étreindre tout entier, âme et chair, jusqu'à la souffrance, jusqu'à la torture. Il n'a, point conscience des impressions énormes, puissantes, variées qui, par un phénomène de perception insensible et latente, entrent, s'accumulent, pénètrent, à son insu, dans son cerveau, si profondément que, plus tard, rentré dans la vie normale, lui viendra l'obsédante nostalgie de ces soleils, de ces races, de ces flores, de cet océan Pacifique, où il s'étonnera de retrouver comme le berceau de sa race à lui, et qui semble l'avoir bercé, dans les autrefois, de chansons maternelles déjà entendues. 


Le voilà revenu à Paris, son temps de service fini. Il a des charges ; il faut qu'il vive et fasse vivre les siens. Paul Gauguin entre dans les affaires. Pour l'observateur superficiel, ce ne sera pas une des moindres bizarreries de cette existence imprévue, que le passage à la Bourse de ce suprême artiste, comme teneur de carnet chez un coulissier. Loin d'étouffer en lui le rêve qui commence, la Bourse le développe, lui donne une forme et une direction. C'est que, chez les natures hautaines, et pour qui sait la regarder, la Bourse est puissamment évocatrice du mystère humain. Un grand et tragique symbole gît en elle. Au- dessus de cette mêlée furieuse, de ce fracas de passions hurlantes, de ces gestes tordus, de ces effarantes ombres, on dirait que plane et survit l'effroi d'un culte maudit. Je ne serais pas étonné que M. Gauguin, par un naturel contraste, par un esprit de révolte nécessaire, ait gagné là le douloureux amour de Jésus, amour qui, plus tard, lui inspirera ses plus belles conceptions. En attendant, se lève en lui un être nouveau. La révélation en est presque soudaine. Toutes les circonstances de sa naissance, de ses voyages, de ses souvenirs, de sa vie actuelle, amalgamées et fondues l'une, dans l'autre, déterminent une explosion de ses facultés artistes, d'autant plus forte qu'elle a été plus retardée et lente à se produire. La passion l'envahit, s'accroît, le dévore. Tout le temps que lui laissent libre ses travaux professionnels, il l'emploie à peindre. Il peint avec rage. L'art devient sa préoccupation unique. Il s'attarde au Louvre, consulte les maîtres contemporains. Son instinct le mène aux artistes métaphysiques, aux grands dompteurs de la ligne, aux grands synthétistes de la forme. Il se passionne pour Puvis de Chavannes, Degas, les Japonais, connus à cette époque de quelques privilégiés seulement. Chose curieuse et qui s'explique par un emballement de jeunesse, et, mieux, par l'inexpérience d'un métier qui le rend mal habile à l'expression rêvée, en dépit de ses admirations intellectuelles, de ses prédilections esthétiques, ses premiers essais sont naturalistes. Il s'efforce de s'affranchir de cette tare, car il sent vivement que le naturalisme est la suppression de l'art, comme il est la négation de la poésie, que la source de toute émotion, de toute beauté, de toute vie, n'est pas à la surface des êtres et des choses, et qu'elle réside dans les profondeurs où n'atteint plus le crochet des nocturnes chiffonniers. 


Mais comment faire ? Comment se recueillir ? Il est, à chaque minute, arrêté dans ses élans. La Bourse est là qui le réclame. On ne peut suivre, en même temps, un rêve et le cours de la rente, s'émerveiller à d'idéales visions, pour retomber aussitôt, de toute la hauteur d'un ciel, dans l'enfer des liquidations de quinzaine et des reports. M. Gauguin n'hésite plus. Il abandonne la Bourse, qui lui faisait facile la vie matérielle, et il se consacre tout entier à la peinture, malgré la menace des lendemains pénibles et les incertitudes probables des lendemains. Années de luttes sans merci, d'efforts terribles, de désespérances et d'ivresses, tour à tour. De cette période difficile où l'artiste se cherche, date une série de paysages qui furent exposés, je crois, rue Laffitte, chez les Impressionnistes. Déjà s'affirme, malgré des réminiscences inévitables, un talent de peintre supérieur, talent vigoureux, volontaire, presque farouche, et charmant avec cela, et sensitif, parce qu'il est très compréhensif de la lumière et de l'idéal qu'elle donne aux objets. Déjà ses toiles, trop pleines de détails encore, montrent, dans leur ordonnance, un goût décoratif tout particulier, goût que Paul Gauguin a, depuis, poussé jusqu'à la perfection dans ses tableaux récents, ses poteries d'un style si étrange, et ses bois-sculptés d'un art si frissonnant. 



En dépit de son apparente robustesse morale, Paul Gauguin est une nature inquiète, tourmentée d'infini. Jamais satisfait de ce qu'il a réalisé, il va, cherchant, toujours, un au-delà. Il sent qu'il n'a pas donné de lui ce qu'il en peut donner. Des choses confuses s'agitent en son âme ; des aspirations vagues et puissantes tendent son esprit vers des voies plus abstraites, des formes d'expression plus hermétiques. Et sa pensée se reporte aux pays de lumière et de mystère qu'il a jadis traversés. Il lui semble qu'il y a là, endormis, inviolés, des éléments d'art nouveaux et conformes à son rêve. Puis, c'est la solitude, dont il a tant besoin ; c'est la paix, et c'est le silence, où il s'écoutera mieux, où il se sentira vivre davantage. Il part pour la Martinique. Il y reste deux ans, ramené par la maladie : une fièvre jaune dont il a failli mourir et dont il est des mois et des mois à guérir. Mais il rapporte une suite d'éblouissantes et sévères toiles où il a conquis, enfin, toute sa personnalité, et qui marquent un progrès énorme, un acheminement rapide vers l'art espéré. Les formes ne s'y montrent plus seulement dans leur extérieure apparence ; elles révèlent l'état d'esprit de celui qui les a comprises et exprimées ainsi. Il y a, dans ces sous-bois aux végétations, aux flores monstrueuses, aux figures hiératiques, aux formidables coulées de soleil, un mystère presque religieux, une abondance sacrée d'Eden. Et le dessin s'est assoupli, amplifié ; il ne dit plus que les choses essentielles, la pensée. Le rêve le conduit dans la majesté des contours, à la synthèse spirituelle, à l'expression éloquente et profonde. Désormais, Paul Gauguin est maître de lui. Sa main est devenue l'esclave, l'instrument docile et fidèle de son cerveau. Il va pouvoir réaliser l'œuvre tant cherchée. 



Œuvre étrangement cérébrale, passionnante, inégale encore, mais jusque dans ses inégalités poignante et superbe œuvre douloureuse, car pour la comprendre, pour en ressentir le choc, il faut avoir soi-même connu la douleur et l'ironie de la douleur, qui est le seuil du mystère. Parfois elle s'élève jusqu'à la hauteur d'un mystique acte de foi ; parfois elle s'effare et grimace dans les ténèbres affolantes du doute. Et toujours émane d'elle l'amer et violent arôme des poisons de la chair. Il y a dans cette œuvre un mélange inquiétant et savoureux de splendeur barbare, de liturgie catholique, de rêverie hindoue, d'imagerie gothique, de symbolisme obscur, et subtil ; il y a des réalités âpres et des vols éperdus de poésie, par où Paul Gauguin crée un art absolument personnel et tout nouveau ; art de peintre et de poète, d'apôtre et de démon, et qui angoisse. 


Dans la campagne toute jaune, d'un jaune agonisant, en haut du coteau breton qu'une fin d'automne tristement jaunit, en plein ciel, un calvaire s'élève, un calvaire de bois mal équarri, pourri, disjoint, qui étend dans l'air ses bras gauchis. Le Christ, telle une divinité papoue, sommairement taillé dans un tronc d'arbre par un artiste local, le Christ piteux et barbare est peinturluré de jaune. Au pied du calvaire des paysannes se sont agenouillées. Indifférentes, le corps affaissé pesamment sur la terre, elles sont venues là parce que c'est la coutume de venir là, un jour de Pardon. Mais leurs yeux et leurs lèvres sont vides de prières. Elles n'ont pas une pensée, pas un regard pour l'image de Celui qui mourut de les aimer. Déjà enjambant des haies, et fuyant sous les pommiers rouges, d'autres paysannes se hâtent vers leur bauge, heureuses d'avoir fini leurs dévotions. Et la mélancolie de ce Christ de bois est indicible. Sa tête a d'affreuses tristesses ; sa chair maigre a comme des regrets de 1a torture ancienne, et il semble se dire, en voyant à ses pieds cette humanité misérable et qui ne comprend pas : " Et pourtant, si mon martyre avait été inutile ? " 


Telle est l'œuvre qui commence la série des toiles symboliques de Paul Gauguin. Je ne puis malheureusement pas m'étendre davantage sur cet art qui me plairait tant à étudier dans ses différentes expressions : la sculpture, la céramique, la peinture. Mais j'espère que cette brève description suffira à révéler l'état d'esprit si spécial de cet artiste, aux hautes visées, aux nobles vouloirs. 


Il semble que Paul Gauguin, parvenu à cette hauteur de pensée, à cette largeur de style, devrait acquérir une sérénité, une tranquillité d'esprit, du repos. Mais non. Le rêve ne se repose jamais dans cet ardent cerveau ; il grandit et s'exalte à mesure qu'il se formule davantage. Et voilà que la nostalgie lui revient de ces pays où s'égrenèrent ses premiers songes. Il voudrait revivre, solitaire, quelques années, parmi les choses qu'il a laissées de lui, là-bas. Ici, peu de tortures lui furent épargnées, et les grands chagrins l'ont accablé. Il a perdu un ami tendrement aimé, tendrement admiré, ce pauvre Vincent Van Gogh, un des plus magnifiques tempéraments de peintre, une des plus belles âmes d'artiste en qui se confia notre espoir. Et puis la vie a des exigences implacables. Le même besoin de silence, de recueillement, de solitude absolue, qui l'avait poussé à la Martinique, le pousse, cette fois, plus loin encore, à Tahiti où la nature s'adapte mieux à son rêve, où il espère que l'Océan Pacifique aura pour lui des caresses plus tendres, un vieil et sûr amour d'ancêtre retrouvé. Où qu’il aille, Paul Gauguin peut être assuré que notre piété l’accompagnera. Octave Mirbeau.



« Décrié à ses débuts, et encore assez tard dans sa vie, Cézanne est aujourd’hui une figure capitale de l’histoire de l’art. Sa participation au mouvement impressionniste compte moins que la place qu’il occupe entre le XIXe et le XXe siècle, entre d’une part le romantisme de Delacroix et le réalisme de Courbet, qui le marquèrent si fortement à ses débuts, et, de l’autre, les mouvements de la peinture contemporaine depuis le cubisme qui, à des degrés divers, se réclamèrent tous plus ou moins de lui. Il n’est pas sûr que le bruit fait maintenant autour de son œuvre aurait vraiment réjouis le Cézanne des dernières années, qui redoutait par- dessus tout qu’on le récupérât, qu’on lui mît « le grappin dessus ». La peinture fut pour lui avant tout un travail d’ouvrier, un travail solitaire, sauf à de rares moments, presque pénible, pratiqué sans interruption. De même le dessin, dont on oublie trop souvent qu’il s’agit d’un élément essentiel de son processus créatif. Il plaçait très haut les fins de l’art, voulant produire des tableaux « qui soient un enseignement ». Aussi ces derniers sont-ils de plus en plus réfléchis au fur et à mesure qu’il vieillit, mûris dans l’introspection d’un artiste qui, cependant, se donnait comme premier maître la nature : « On n’est ni trop scrupuleux, ni trop sincère, ni trop soumis à la nature ; mais on est plus ou moins maître de son modèle, et surtout de ses moyens d’expression », écrivait-il en 1904. Cette tension entre la réalité objective et sa transposition esthétique est au cœur de sa démarche. Ainsi s’explique pourquoi Cézanne a pu être un modèle pour les générations qui l’ont suivi, alors même qu’elles employaient des chemins divers et contradictoires entre eux. La peinture de Paul Cézanne, comme la poésie de Mallarmé, est, en ce sens, métaphysique. » 


Extrait de Critiques sur Cézanne 


Cézanne l'incompris 

Par par Annick Colonna-Césari 

publié le 01/06/2006 L’EXPRESS 

Mort il y a cent ans, le peintre aixois figure aujourd'hui parmi les artistes les plus appréciés. Pourtant, de son vivant, il était loin de faire l'unanimité 


Longtemps ignoré, moqué, rejeté, Cézanne est le prototype de l'artiste maudit. La reconnaissance est venue sur le tard, à l'âge de 56 ans, alors qu'il ne l'attendait plus: lorsque, en 1895, sur les conseils de Pissarro et de Renoir, ses amis, un jeune marchand ambitieux, Ambroise Vollard, lui consacre sa première rétrospective à Paris. Cézanne avait encore onze années à vivre. 


Pour le rencontrer, Vollard s'était rendu à Fontainebleau, où, d'après la rumeur, le peintre séjournait. Fausse piste: il en était reparti. Le marchand finit par localiser une famille Cézanne, à Paris, rue des Lions-Saint-Paul. A défaut d'y trouver Paul, le père, Vollard tombe sur Paul, le fils. Ce dernier jouera les intermédiaires. C'est grâce à lui qu'aura lieu la fameuse exposition. Car Cézanne père, qui se trouve à Aix-en-Provence, n'entend pas se déplacer. Il se contente d'expédier par le train une centaine de toiles roulées. Vollard ne fera sa connaissance que l'année suivante. 


Cette rétrospective, que Cézanne n'honorera pas de sa présence, marque pourtant un tournant essentiel dans sa carrière. Même si elle suscite les railleries habituelles de quelques détracteurs, qui brocardent ces «visions cauchemardesques» et autres «atrocités à l'huile», elle enregistre un vrai succès, particulièrement auprès des critiques et des peintres. Pour la première fois, on peut se rendre compte de la singularité de la trajectoire esthétique de Cézanne, qui, d'abord proche de l'impressionnisme, ouvre ensuite la voie de la modernité. Du cubisme au fauvisme et à l'abstraction, les grands courants du XXe siècle se réclameront du peintre aixois. «C'est notre père à tous», déclarera Picasso


Grâce à cette manifestation, la réputation de Cézanne ne cessera de s'affirmer. Les artistes qui le connaissent déjà, comme Monet et Degas, achètent alors des toiles. Poussant la porte de la boutique (on ne dit pas encore galerie), de riches collectionneurs, bien conseillés, se laissent eux aussi tenter. «Les prix sont encore abordables mais peuvent monter jusqu'à 700 francs, écrit Bernard Fauconnier. Vingt ans plus tard, elles vaudront trois cents fois plus cher.» 


C'est à partir de ce moment que s'élabore la légende. Cézanne ne s'est pourtant pas coupé l'oreille comme Van Gogh, il n'est pas non plus parti sous les tropiques comme Gauguin. Après les soubresauts de la jeunesse, son existence, entièrement consacrée à la création, apparaît même étonnamment ennuyeuse. Il n'empêche. Le peintre va devenir un héros, un martyr victime de l'incompréhension de ses contemporains. 


Sa quasi-absence de Paris depuis une vingtaine d'années facilite les divagations. Depuis 1877, date de la troisième exposition impressionniste, qu'il avait quittée encore plus meurtri que d'habitude, le peintre ne s'est en effet plus guère montré dans la capitale, lui préférant le refuge de la Provence, où il partage son temps entre la propriété familiale du Jas de Bouffan, l'Estaque et Gardanne. A son propos circulent toutes sortes de rumeurs. Il vit là-bas, dit-on, comme un ermite et les enfants jettent des cailloux sur son passage. Cet artiste secret et sauvage apparaît en tout cas comme un mystère. A tel point que ceux qui ne l'ont jamais côtoyé s'interrogent. Le jeune peintre et critique Maurice Denis, récent admirateur, se demande s'il est mort ou s'il a même existé. D'autres pensent que son nom n'est que le pseudonyme d'un artiste qui n'ose afficher sa modernité... Sa mort marquera le point d'orgue de la légende. Le 15 octobre 1906, Cézanne travaille sur la route du Tholonet, face à la montagne Sainte- Victoire, quand un orage éclate. Un blanchisseur qui passait par là le découvre inanimé sur le bord de la route et le ramène dans son atelier. Il décédera dans la nuit du 22 au 23. Mourir le pinceau à la main face à cette icône qu'est devenue la Sainte-Victoire ! Pouvait-on souhaiter destin plus fabuleux ? Une chose est sûre. Depuis sa Provence natale, Cézanne ne se laisse pas étourdir par le succès. Au contraire. Lui qui l'a si longtemps espéré, il se met à regretter le tapage fait autour de son nom. Car l'œuvre doit primer sur l'homme. A-t-il oublié l'énergie qu'il dut déployer pour persuader Louis-Auguste, son banquier de père, qui le voyait juriste ou avocat, de le laisser quitter Aix, le berceau familial, afin de monter à Paris pour y faire des études d'art ? A-t-il oublié les difficultés matérielles qu'il dut affronter pour subsister avec la maigre pension allouée par son père, et les heures de labeur, et les refus réguliers aux Salons, et le dénigrement de la presse, ses révoltes, enfin, contre la bêtise bourgeoise ? Sans doute pas, mais il a tourné la page. 



Viscéralement attaché à ses racines. Ce qu'il aime, c'est mener une vie calme et laborieuse, travailler sans relâche sur le motif ou dans son atelier, pour réaliser portraits, paysages ou natures mortes. L'aisance financière que lui procure l'héritage paternel en 1886 ne changera pas son attitude. Car rien n'est mieux que la solitude de la Provence pour peindre, peindre et peindre encore. Aucun autre artiste ne s'est montré aussi viscéralement attaché à ses racines. «Quand on est né là-bas, écrit-il un jour, c'est foutu, rien ne vous dit plus.» Il adore cette région pour les souvenirs dont elle est le dépositaire, ceux de son enfance et de son adolescence, qui lui rappellent les nuits blanches passées dans les grottes, en compagnie de son ami Zola, les promenades dans la garrigue, les baignades dans l'Arc, mais également pour son austère beauté, qui correspond si bien à son tempérament. Avec les années, si Cézanne continue de vivre à l'écart de la bourgeoisie aixoise, préférant s'entourer d'un petit groupe d'amis, ferronniers, artisans et même poètes, il engage aussi de nouveaux dialogues. Car, malgré sa réputation de misanthrope et bien qu'il se méfie des importuns, il reçoit les marchands qui viennent le voir avec l'espoir de rompre les relations exclusives qu'il entretient avec Vollard. Et il prend plaisir à s'entretenir avec certains artistes et critiques qui, depuis la rétrospective Vollard, désirent le rencontrer, comme Maurice DenisEmile Bernard ou Charles Camoin


Sa position se verra renforcée par d'autres expositions, d'abord chez Vollard, qui lui en consacrera dorénavant régulièrement. Ses toiles seront également montrées à l'Exposition universelle, au Salon d'automne et au Salon des indépendants de Paris et elles commencent à être présentées à l'étranger, notamment à Londres et à Berlin. La cote des tableaux continue parallèlement de grimper. En 1899, l'un d'eux est adjugé 2 300 francs, un autre atteint même 6 750 francs. 


Des toiles accrochées au-dessus d'une porte. Ironie de la situation: seule la ville natale du peintre ne suit pas ce mouvement de reconnaissance. Même lorsque parviennent les échos du succès de la rétrospective Vollard, la bourgade bourgeoise ne parvient pas à se défaire de ses préjugés. A l'occasion de son exposition inaugurale, la Société des amis des arts se pose la question de savoir s'il faut ou non exposer Cézanne. On décide finalement de le faire. Après tout, c'est un enfant du pays. Le peintre, ravi, propose deux toiles, qui sont jugées tellement affligeantes qu'on essaie de les faire oublier, en les accrochant au-dessus d'une porte. Cette appréciation est partagée par Henri Pontier, qui fut conservateur du musée Granet, à Aix, de 1892 à 1925. En 1904, il déclara que, lui vivant, aucune toile de Cézanne n'entrerait. Il tint parole. L'artiste sera jusqu'à la fin de ses jours poursuivi par cette fatalité. Sur le registre des décès, il figure non pas comme «peintre» mais comme «rentier»... 


L'hostilité aixoise n'a pas empêché Cézanne de poursuivre sa trajectoire. Au cours du XXe siècle, les plus grands musées du monde ont acquis des toiles du maître, de Washington à New York, de Berlin à Paris. Et le marché n'a cessé de le sanctifier, au point qu'il figure dans le club fermé des artistes les plus chers au monde. Chaque vente de tableau se chiffre en millions de dollars, surtout s'il s'agit d'un paysage ou d'une nature morte réalisés dans les années 1890, devenus icônes de la modernité. Le record absolu, toujours inégalé, date de 1999. Sotheby's avait alors adjugé à New York une nature morte, Rideau, cruchon et compotier, 60 millions de dollars. Cézanne voulait que «l'homme reste obscur». Il doit se retourner dans sa tombe. 


« Chez Cézanne, nous ne sommes pas du tout dans une logique de la modernité, nous sommes dans une étrange modernité. Parce qu'en même temps il est clair, selon le mot de Picasso, que « Cézanne est notre père à tous » mais pourtant autant Cézanne c'est la solidité, autant toute la tendance quand même de la modernité [...] est une tendance à la liquidation. Les avant-gardes n'ont pas cessé de s’entre- chasser, alors qu'au contraire il y a chez Cézanne cette sorte de volonté de durabilité, cette volonté de « sempiternité ». » 



2013 | « Une vie, une œuvre » propose le portrait de Paul Cézanne, à travers les témoignages de proches et de spécialistes du peintre. 

On l'a baptisé le « Maître d'Aix ». Dans ce paysage saturé de lumière, le peintre a respiré la « virginité du monde ». Parmi les pins, les rochers, au bord de l'Arc, parfois accompagné de son ami Zola, il a connu cette ivresse des choses sans borne de la nature, dont il ne cessera par la suite de reconstruire les « sensations colorantes ». Souvent dépeint comme un solitaire, misanthrope et insatisfait, Cézanne avait en réalité fait vœu de peinture, pleinement conscient de la haute mission qu’il s’était assignée : « Je vous dois la vérité en peinture et je vous la dirai ». 

Refusée par les Salons, la peinture de Cézanne mit du temps avant d’être regardée pour ce qu’elle était : une lutte pour « tenir son motif », pour restituer le choc de la manifestation du visible, comme cette colossale vague de pierre toujours recommencée, sa Montagne Sainte Victoire. 

Si les poètes et les écrivains, comme Rilke ou D.H.Lawrence, ont éprouvé les premiers l’absolue nouveauté de l'oeuvre de Cézanne, si à leur suite des philosophes comme Merleau Ponty en ont tiré de pénétrantes leçons de choses, Cézanne, lui, savait qu’il resterait « le primitif » de la voie qu’il avait découverte. 

Un Cézanne toujours à l’état naissant.

Par Christine Lecerf


http://www.museegranet-aixenprovence.fr



Paul Cézanne : biographie du peintre de la "Montagne Sainte Victoire" 

La Rédaction, le 18/06/19 16:15 

Peintre français, Paul Cézanne est un peintre novateur. Ayant un temps fait partie du mouvement impressionniste, son œuvre a lancé le cubisme. Il est considéré comme le père de l'art moderne. 


Biographie courte de Paul Cézanne - Le peintre français Paul Cézanne naît le 19 janvier 1839 à Aix-en-Provence, dans une famille très aisée. Au collège, il fait la rencontre d'Émile Zola, avec qui il se lie d'amitié. Le jeune Paul commence à prendre des cours de dessin au lycée. Diplômé d'un baccalauréat ès lettres, il poursuit ensuite des  études de droit, à la demande de son père. Mais il abandonne bien vite une carrière juridique qui ne le passionne pas. Il part alors étudier en 1860 la peinture à Paris, grâce à la pension que lui versent ses parents. Refusé aux Beaux Arts, il rentre à Aix, puis retente sa chance sur la capitale dès 1862. Il étudie alors à l'Académie Suisse, où il rencontre d'autres peintres comme Claude Monet, et Auguste Renoir. Cézanne passe beaucoup de temps au Louvre où il copie avec un grand intérêt les œuvres de Delacroix, Courbet, Rubens ou encore Velázquez. C'est désormais certain : Paul Cézanne veut et va devenir peintre


Les premiers tableaux de Paul Cézanne, une œuvre incomprise 


Ayant trouvé sa vocation, Paul Cézanne peint alors ses premières toiles dans lesquelles transparaissent une inspiration romantique et un goût pour les allégories (Le meurtre, 1868). Il s’essaie également au réalisme, au travers de natures mortes. Il propose à plusieurs reprises ses tableaux au Salon de Paris, mais se voit opposer des refus. Après avoir vécu entre Paris et Aix-en-Provence, Cézanne s’installe en 1872 dans la maison du docteur Gachet, à Auvers-sur-Oise. Aidé de son ami Camille Pissarro, il y développe sa technique et compose ses premières peintures impressionnistes (la Maison du pendu, 1873). Il s’attache alors à saisir la fugacité de scènes rurales, par petites touches de couleur, et travaille en extérieur. À la demande de Pissarro, il participe à la première exposition impressionniste, organisée par Nadar, en 1874. Il y présente trois toiles (Une moderne OlympiaLa Maison du pendu et Étude, paysage d'Auvers) qui scandalisent les visiteurs. Peiné par cette incompréhension du public, Cézanne choisit de rompre avec le milieu impressionniste parisien et repart pour sa Provence natale. 


La Montagne Sainte-Victoire inspire à Paul Cézanne de nombreux tableaux 


Paul Cézanne se coupe de son camarade Pissarro et met un terme à son amitié avec Zola après la parution en 1886 de son roman l’Oeuvre. Bien que s’étant marié en 1886 avec Hortense Fiquet, avec qui il a eu unfils en1872, il vit essentiellement en solitaire, l’héritage laissé par son père le mettant à l’abri du besoin. L’artiste se consacre alors à son art et peint entre 1880 et 1890 plusieurs centaines de tableaux, dont plus de 80 représentations de la Montagne Sainte-Victoire, parmi lesquelles le tableau Château Noir (1904). Il s’éloigne de la technique impressionniste par sa recherche de synthèse des formes. Il essaie d’en capter l’essence et laisse apparaître leur trame géométrique. De plus, il sculpte sa matière picturale en posant sur sa toile des touches de peinture dont le relief et la direction sont puissamment évocateurs du volume du sujet représenté. 


Les Joueurs de cartes et l'exposition consacrée à Cézanne lui valent la reconnaissance 


Suite à ses échecs antérieurs, Paul Cézanne expose peu. Cependant, en 1895, le marchand d'art Ambroise Vollard organise une exposition qui lui est consacrée, rassemblant 150 de ses œuvres, dont la toile Les Joueurs de cartes. Cézanne, bien que peu populaire auprès du public, voit cette rétrospective rencontrer un grand succès parmi les acteurs du milieu : artistes et critiques. Dès lors, de nombreux salons exposent les tableaux du peintre et sa réputation ne cesse de s'accroître. Cézanne devient alors une source d'inspiration pour les jeunes artistes, dont plusieurs se rendent à Aix-en- Provence pour le voir travailler. Cézanne décède à 67 ans le 22 octobre 1906 à son domicile, des suites d'une pneumonie, après avoir enfin accédé à la reconnaissance publique. 


Quand Cézanne rêvait d'Italie 

Par Letizia Dannery, 

publié le 29/02/2020  L’EXPRESS 


EXPO. TintoretGrecoGiordano... Pour la première fois, les œuvres du peintre aixois sont mises en regard avec celles des grands maîtres transalpins qu'il adule. 


Comment Paul Cézanne (1839-1906) s'est-il entiché de la peinture italienne, jusqu'à s'en inspirer sur la toile, alors même.... qu'il n'a jamais franchi les Alpes ? Pas globe-trotteur pour un sou, c'est au Louvre, mais aussi au musée Granet d'Aix-en-Provence, qu’il scrute les tableaux de Jacopo Bassano, Tintoret, Greco, Luca Giodarno ou Salvatore Rosa, poids lourds du chevalet de l’autre côté de la frontière aux XVIe et XVIIe siècles.


Après sa disparition, le Provençal imprégné de culture latine deviendra à son tour l'inspirateur quand, dans l'Italie fasciste des années 1920, les jeunes maîtres du Novecento s'approprieront son travail. De Venise à Rome, en passant par Naples, le musée Marmottan-Monet, à Paris, explore ces correspondances inédites, dans une exposition aussi fluide que pédagogique, orchestrée par Marianne Matthieu et Alain Tapié. 


Le fait-divers rejoint la scène religieuse 


A ses débuts, Cézanne dévore, comme nombre de ses contemporains, les feuilletons des gazettes populaires qui font, actualité macabre oblige, la part belle à la violence. Orgies et crimes peuplent l'imaginaire du peintre, qui est aussi un lecteur de Zola, son inséparable comparse au lycée d'Aix, dont il est resté très proche. Ses toiles de l'époque, comme La Femme étranglée et Le Meurtre, se rapprochent de l'univers naturaliste de l'auteur de Thérèse Raquin -publié en 1867. 

Avec les ingrédients du romantisme noir, l'artiste peint un Meurtre ténébriste aux corps lourds, dans une dynamique tragique, qui privilégie la sensation pure. Comme Tintoret, trois siècles plus tôt, figurait l'instant pathétique de la mort emportant le regard de Jésus tout juste descendu de la croix. Cézanne reprend à son compte le jeu des obliques du Vénitien dans cette Déploration du Christ, où les diagonales formées par le corps du fils de Dieu et son bras droit tenu par Marie-Madeleine évoquent la posture de l'assassiné du Meurtre. C'est ainsi, qu'à trois cents ans d'intervalle, le fait divers criminel rejoint la scène religieuse de la terribilita -ainsi qu'on nommait la puissance et l'expressivité dans la création transalpine. 


L'hommage à Greco: grâce longiligne et intériorité 


Cézanne dialogue avec un autre maître du passé: le Greco. Né en Crète -alors rattachée à la République de Venise-, ce célèbre disciple du Titien a longuement fourbi ses armes sur la péninsule italienne, avant de rejoindre l'Espagne qui l'érige au rang de superstar. Il influence fortement Cézanne, qui lui offre un clin d'oeil explicite via sa revisite de La Femme à l'hermine, dont il a vu une reproduction dans la revue du Magasin pittoresque. Au musée Marmottan, ce n'est pas ce tableau de Greco qui est mis en regard avec l'hommage cézannien, mais un Portrait de jeune fille similaire -issu d'une collection privée et non daté. On y voit la grâce longiligne du visage et la force intériorisée du regard transcrites par le Crétois transposées sur la toile du Provençal. 


Des baigneuses fusionnées avec la nature 


Dans le panthéon pictural de Cézanne, le français Nicolas Poussin est en bonne place sur le podium. Figure majeure du classicisme au XVIIe siècle, ce dernier a mené l'essentiel de son parcours artistique à Rome, où il a rendu l'âme en 1665. Deux siècles plus tard, Cézanne compose une Pastorale sur laquelle se côtoient femmes nus et hommes habillés, dans le sillage du scandaleux Déjeuner sur l'herbe de Manet, peint sept ans plus tôt. Mais, ce qui en jette ici, ce sont les liens évidents qui unissent la Pastorale et les figures de Poussin


Il n'y a qu'à regarder le Paysage avec Bacchus et Cérès, peint au mitan des années 1620, pour constater que l'Aixois agence ses baigneuses à la manière du Romain: un groupe à gauche en hauteur, un autre au premier plan, à l'horizontal. Et, en prime, la fusion, puissante, entre la nature originelle - mer, rochers, arbres- et les personnages. Là encore, Cézanne n'imite pas, il observe, puis modernise, pour créer une oeuvre qui lui est propre: "Je veux que la fréquentation d'un maître me rende à moi- même; toutes les fois que je sors de chez Poussin, je sais mieux qui je suis."

Si Cézanne, en son temps, craque pour l'Italie, la Botte le lui rendra bien. Dans les premières décennies du XXe siècle, sa peinture trouve un écho chez les artistes du Novecento, mouvement à l'encontre des avant-gardes et du futurisme, qui recherche l'harmonie dans la composition. BoccioniMorandiPirandello ou encore Sironi en sont les protagonistes phares. Ils coupent les ponts avec les tableaux religieux ou mythologiques des anciens pour adopter le dépouillement des thèmes chers au Provençal: paysages, figures, natures mortes.

Nous voilà saisis face au portrait que Marco Sironi réalise de son frère Ettore, qui adopte une posture proche de celle de L'Homme assis de Cézanne. Ici, l'Italien exprime la mélancolie, rehaussée d'une "certaine idée de l'absence" chez son pendant français. Des similitudes, donc, mais autant de différences, dans ce parcours d'une soixantaine d'oeuvres (dont l'iconique Montagne Sainte-Victoire), prêtées par plus de 40 fonds internationaux, grâce auquel on regarde d'un oeil nouveau le génie d'Aix- en-Provence. 


Cézanne et les maîtres. Rêve d'Italie au musée Marmottan- Monet, Paris (XVIe), jusqu'au 5 juillet. 



EGON SCHIELE


Schiele naît en 1890. Jeune garçon, il était fasciné par les trains et passait de nombreuses heures à les dessiner. Il était tellement absorbé par ses dessins que son père, frustré que son fils ne veuille pas poursuivre la même carrière que lui, finit par détruire ses carnets de croquis. Dès 1905, année de la mort de son père, il exécute ses premières peintures, notamment des autoportraits. La mort de son père ternit sa jeunesse et lui donne une vision du monde sombre et torturée. 


En 1906, Schiele posa sa candidature à l'École des Arts et Métiers de Vienne, mais au cours de sa première année, ses professeurs décidèrent qu'il était mieux adapté à la peinture générale auprès du professeur Christian Griepenkerl, peintre académique conservateur. Il abandonna au bout de 3 ans, frustré par le style de son tuteur. Lui et d'autres étudiants insatisfaits fondèrent le Groupe de l'Art Nouveause faisant ainsi remarquer par Arthur Roessler, critique d'art du Journal ouvrier, qui devient durant les années suivantes son principal protecteur, et organisèrent de nombreuses expositions ensemble au fil des ans. Il prend vite ses distances avec sa ligne ornementale et choque la bonne société de cette fin d’Empire austro-hongrois avec ses corps nus, souvent très jeunes, désarticulés, proche du déséquilibre, ses poses érotiques audacieuses.


Gustav Klimt avait à cœur de parrainer de jeunes artistes, et Schiele piqua son intérêt après leur rencontre en 1907. Comme SchieleKlimt fut également attaqué au cours de sa carrière à cause de la présence d'éléments pornographiques dans son art. Les deux partagèrent une estime mutuelle tout au long de leurs vies, furent amis, et selon une rumeur, partagèrent l'amour de la même femme.



Quand Schiele avait 21 ans, il rencontra Wally alors âgée de 17 ans. Elle avait déjà travaillé comme modèle pour Klimt. Ensemble, ils déménagèrent dans une petite ville appelée Krumau, d'où venait la mère de Schiele, mais furent rapidement chassés par des résidents qui désapprouvaient leur style de vie bohème. Il n’empêche, poussé par sa fureur de vivre et de créer, Schiele l’indomptable écrit que « celui qui n’est pas assoiffé d’art est proche de la dégénérescence », et multiplie ses nus à l’expressionnisme âpre. Les formes sont cernées de noir, les traits sont nerveux, anguleux, le ton rose pâle du papier lui sert de couleur pour le grain de la peau, juste rehaussé de quelques touches de rouge et de vert. 



En 1912, Schiele et Wally déménagèrent dans la région de Neulengback, où Schiele fut arrêté pour avoir séduit et enlevé une jeune fille. Après avoir passé 21 jours en détention, il fut condamné à trois jours de prison supplémentaires, et le juge théâtralisa la chose en brûlant l'un de ses dessins devant lui. Tout au long de son emprisonnement, Wally lui resta loyale et lui livra de la nourriture et du matériel de peinture derrière les barreaux. 


De l'autre côté de la rue de l'atelier de Schiele, à Vienne, vivaient les sœurs Edith et Adéle HarmsSchiele décida qu'épouser Edith serait une bonne idée, ils se marièrent en 1915. La Première Guerre mondiale battait déjà son plein lorsque Schiele épousa Edith, et trois jours seulement après leur mariage, il reçut l'ordre de s'enrôler pour le service actif. Il fut affecté à Prague, où Edith le rejoignit. Son service militaire ne l'empêcha pas d'exposer ses œuvres. Il fut chargé de garder et escorter des prisonniers russes, qu'il commença à utiliser comme modèles pour sa peinture. Son commandant lui donna même un débarras désaffecté à utiliser comme studio. 



Schiele aimait beaucoup les femmes : il déclara une fois que 180 femmes passèrent par son studio en seulement 8 mois. Quand il se maria pour la première fois, il s'attacha à n'utiliser qu'Edith comme modèle, son style changeant pour devenir plus naturaliste, reflétant peut-être la tendresse et l'intimité qu'il partageait avec elle. Après son mariage en 1915, la peinture de Schiele semble s’adoucir, les formes s’arrondir (Nu debout, avec un tissu, 1917). Le 6 février 1918, Klimt décède et Schiele exécute son portrait sur son lit de mort. 



Durant l'automne 1918, l'Europe fut balayée par une épidémie de grippe espagnole, qui coûta la vie à plus de 20 millions de personnes, dont Schiele et sa femme. Edith, enceinte de six mois à l'époque, mourut en premier et Schiele trois jours plus tard, le 31 octobre. Il avait alors 28 ans. Météore de l’art, comme Basquiat soixante-dix plus tard, Egon Schiele a explosé en plein vol après avoir réalisé en dix ans quelque trois cents peintures et 3000 œuvres sur papier. Bien qu'il ne fut actif que sur une courte période, son travail jeta les bases du mouvement expressionniste viennois et inspira d'autres mouvements futurs, tels que l'expressionnisme abstrait. 


http://www.lemondedesarts.com/DossierSchiele.htm


https://www.lagoradesarts.fr/Egon-Schiele-Un-artiste-a-vif.html

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