GABRIEL GODARD
IL RESTERA À JAMAIS PRÉSENT À TRAVERS SON ŒUVRE
Né à Delouze, en Lorraine, et après une enfance passée pour partie en Tunisie, Gabriel Godard s’était mis à la peinture dans les années 1950 après avoir longuement hésité avec la poésie et le piano. À ses débuts, « c’était un peu cafouilleux, mais très vite mon écriture était née », se souvenait-il.
Sa première exposition ? En 1957, à Paris. La même année, les prix récompensant les artistes tombaient : Fénéon, Fontainebleau ou encore celui de la Jeune peinture... La carrière de Gabriel Godard était lancée dans l’Hexagone. Certaines de ses toiles sont allées au musée d’art moderne de Paris ou encore au Centre Pompidou. Mais c’est aux États-Unis, qu’il va le plus se faire connaître. À New York, la galerie Findlay va même jusqu’à demander à avoir l’exclusivité de ses peintures durant près de trente ans.
En France, l’artiste avait beaucoup fait parler de lui lorsqu’en 2020, il avait décidé de faire don de son œuvre monumentale – vingt toiles de plus de 3 x 9 mètres chacune – consacrée au massacre d’Oradour-sur-Glane. Cette dernière est désormais exposée au sein du Centre de la mémoire d’Oradour (CMO).
L’autodidacte « devenu peintre par vocation et passion » a exposé dans le monde entier. Ses toiles présentes au musée d’art moderne de Paris ou encore au Centre Pompidou sont aussi dans de nombreuses collections privées.
Installé à Vair-sur-Loire, il peint encore et l’abstrait a définitivement laissé la place à ses débuts figuratifs. « Cela s’est fait assez vite finalement et s’est précisé au fur et à mesure. Je me sens mieux dans l’abstraction où l’imaginaire a toute sa place. » Il se confiait sur sa passion pour la peinture : « C’est une chose dont j’ai besoin, que je ressens comme on ressent la qualité de la musique. »
Habité par le besoin de peindre, Gabriel Godard, peintre contemporain international, ramène à l’essentiel un parcours artistique exemplaire : « Cela s’impose et je ne saurai expliquer cette nécessité particulière. Je suis un flemmard, ce n’est pas moi qui fais cela mais quelque chose me dit : allez hop au boulot ! » « Je ne respire pas pour vivre, je peins pour vivre. C’est une nécessité absolue. C’est là où je trouve tout ce que j’ai à dire. »
Jeune enfant, il n’aurait pourtant pas parié sur la carrière qui l’attendait : « Comme tous les élèves, je faisais des dessins et à chaque fois je ratais la forme de ce que je voulais inscrire. » Très marqué par une mère passionnée d’art et par la rencontre avec le peintre orientaliste Alexandre Roubtzoff, qui se rapproche alors de sa famille recomposée à Tunis où il a vécu quelques années, Gabriel Godard, bercé dans les arts depuis toujours, aura hésité entre le piano, la poésie et la peinture.
C’est quelques années plus tard, à Paris, que le sort se dessine pour cette figure marquante de l’abstraction contemporaine. Engagé comme sapeur-pompier, il dort peu et passe son temps libre à peindre.« C’était un peu cafouilleux, mais très vite mon écriture est née. » Sa première exposition aura lieu en 1957 dans une galerie parisienne alors que Paris voyait s’affronter le clan de l’abstrait contre celui du figuratif.
La reconnaissance est immédiate et il se voit au fil des années récompensé par des prix prestigieux dont « le mythique prix Fénéon dans le jury duquel siègent Aragon et George Besson », rappelle Lydia Harambourg, historienne, critique d’art et écrivain qui a publié un livre sur l’artiste en 2019. Le succès ne le quittera plus le menant vers États-Unis avec la Galerie Findlay à New York. Elle lui demandera l’exclusivité pendant près de trente ans. Vivant alors à Angers ou Pornic, le peintre portera ses toiles à Paris tous les deux mois à destination de l’Amérique.
En 2022, Gabriel Godard ne saurait se passer de son art : « Quand je peins, personne ne me touche, personne ne me parle. La première journée est parfois pour rien. J’essaie de sortir ce qui n’est pas encore né. Cela dure jusqu’au soir. Le lendemain, j’ai trouvé, je commence et finalement je fais autre chose ! » Sa prochaine toile ? « Si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain. »
« Il devait peindre chaque jour, comme un besoin impérieux et vital », se remémorent Rémy Orhon, maire d’Ancenis-Saint-Géréon et Fanny Le Jallé, son adjointe à la culture. Il y a tout juste un an, la ville avait accueilli une rétrospective de l’œuvre de Gabriel Godard.
« À cette occasion, il nous avait reçus chez lui avec beaucoup d’enthousiasme et une grande sensibilité. Ici, sur les rives de la Loire, et outre-Atlantique, où il était également très connu, c’est pour tous un grand artiste qui s’éteint. »
Gabriel Godard s’en est allé lundi 4 décembre 2023 à l’âge de 90 ans, chez lui, sur les bords de la Loire. Un endroit qu’il aimait tant. Il disait se plaire au bord de ce fleuve où « le chant des oiseaux rappelle que nous sommes vivants ».
Lydia Harambourg, historienne, critique d’art et auteure de la monographie Gabriel Godard (éditions Livre d’art, 2019) a écrit ces quelques lignes sur le peintre disparu. « Gabriel Godard compte parmi les peintres représentatifs de l’école française du XXe siècle. Sa peinture est toujours d’actualité dans la permanence d’une création qui n’a jamais été une imitation pure et simple de la réalité. En dépassant la contradiction des qualitatifs abstraits et figuratifs on observe chez ce peintre l’évidence d’une réalité totale au sein d’une abstraction qui fait toujours référence à la nature. »
Oradour-sur-Glane exprime sa « reconnaissance » au peintre Gabriel Godard : « Nous souhaitons exprimer notre profonde émotion à l’annonce de la mort de Gabriel Godard et notre reconnaissance, réagit Babeth Robert, directrice de l’espace située à proximité du village martyr. Nous gardons en mémoire le moment où Gabriel Godard a découvert ses toiles exposées dans le Centre de la mémoire. « C’est là qu’elles doivent être, c’est évident », avait-il dit. »
« La présentation au Centre de la mémoire d’Oradour de cette tétralogie sur le massacre prenait tout son sens et toute sa puissance, comme les visiteurs du CMO ont pu le découvrir. C’était pour lui l’aboutissement d’une démarche entamée des années auparavant, pour exprimer en peinture, car Gabriel Godard « parlait en peinture », la très grande émotion qu’il avait ressentie enfant, en apprenant la nouvelle du massacre d’Oradour, émotion qui ne l’avait jamais quitté. »
R.I.P. Papa… (28 avril 1933 - 4 décembre 2023)
CHAPELLE DES URSULINES - ANCENIS - SAINT-GÉRÉON
L’exposition est présentée avec le soutien de la fondation GartLERIE Gabriel et l’espace culturel du Leclerc.
(…) Quand les amateurs peuvent croiser ses œuvres au Centre Pompidou ou au Musée d’art moderne de Paris, Gabriel Godard est également connu pour avoir offert une fresque de 36 mètres de long au centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane, le village martyr de Haute-Vienne, où 642 hommes, femmes et enfants ont été massacrés par la division SS Das Reich, le 10 juin 1944.
Pour transporter la soixantaine de tableaux jusqu’à la Chapelle des Ursulines, un menuisier a été appelé en renfort pour manipuler les œuvres les plus imposantes. Il faut dire que l’espace occupé par ses toiles est colossal. Certaines d’entre elles avaient notamment été sortis en préparation de leur voyage. Pourquoi sont-elles monumentales ? « Dès que j’avais envie de faire quelque chose, il fallait absolument que je fasse plus grand ! »
Après l’inauguration de la Chapelle des Ursulines rénovée en 2008 puis son exposition magistrale sur le massacre d’Oradour-sur-Glane, Gabriel Godard, peintre local installé sur les bords de Loire, revient investir l’espace de la chapelle pour une exposition-rétrospective intitulée « De Godard à Godard ».
« Gabriel Godard est un artiste dont la carrière internationale mérite d’être partagée localement au plus grand nombre", souligne Rémy Orhon, maire. "Pour la première fois, la ville lui a donc proposé de présenter son travail sur une période de plus de 60 ans ».
Le public pourra mesurer l’évolution de son œuvre qui est passée du figuratif pour glisser tout doucement vers l’abstrait. On y découvrira avec émotion un autoportrait de 1954, des natures mortes, des portraits – dont celui de son père adoptif en 1953 – des paysages de la Tunisie où il a passé une large partie de son enfance entourée d’artistes. Puis, ces œuvres réalisées à son retour en France et les couleurs des bords de Loire qui l’accompagneront jusqu’à aujourd’hui.
Conçue comme un parcours à la fois chronologique et artistique, des petits formats d’abord, jusqu’aux monumentales œuvres, « l’exposition est une invitation à entrer dans son univers singulier, reconnaissable d’un seul coup d’oeil » souligne Fanny Le Jallé, adjointe à la culture « la ville souhaite rendre hommage à un artiste heureux dont l’œuvre s’adresse à toutes et tous ».
Exposition du samedi 3 décembre au dimanche 8 janvier
Chapelle des Ursuline, Quartier Rohan, Avenue de la Davrays, Ouvert les mercredis, samedis et dimanches, de 14h à 18h Fermé les 24, 25, 31 décembre et le 1er janvier.
Entrée libre
Visites guidées pour les groupes.
Contact et réservation au 02 51 14 17 14
https://www.facebook.com/mairieAncenisSaintGereon/videos/861980585226310
« LE SUPPLICE », « L’ÉPOUVANTE » ET « LA MORT »
Cet ensemble compose un triptyque unitaire, de formes et de couleurs. Gabriel Godard revient au figuratif pour s’exprimer.
La dernière toile, intitulée « De l’humain… et de l’ignominie ordinaire » est plus haute, et passe de nouveau à l’abstraction comme pour revenir à une certaine réalité, « remonter en surface » et quitter Oradour.
Le point de départ de l’œuvre est la femme debout, épouvantée, présente dans le deuxième tableau. Toute la symétrie du triptyque part de cette femme.
« LE SUPPLICE »
La première toile du triptyque figuratif
De grandes plages de noir, de gris et de rouge composent cette première partie. des corps et des têtes, d’une grande expressivité, évoquent la douleur.
Le rythme est donné par ces formes qui ondulent comme les flammes d’un feu.
Derrière cet écran de fumée, on voit des personnages hurlant de douleur, s’agrippant les uns aux autres.
Le peintre va à l’essentiel.
Le supplice symbolise le massacre de 643 personnes par la Division Das Reich, le 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane.
« L’ÉPOUVANTE »
Le point de départ visuel est cette femme épouvantée, debout au centre de la composition pyramidale, entourée de cadavres et d’adultes désemparés et meurtris.
De leurs bouches grandes ouvertes s’échappent des cris de souffrance, de douleur et d’incompréhension. Leurs yeux ont disparu pour ne laisser que des orbites vides : pure expression de l’ignominie du drame et de la perte de toute humanité.
Les couleur employées sont majoritairement le noir et le gris dans ce deuxième tableau. Elles évoquent la noirceur des corps calcinés, les cendres, ainsi que le temps à jamais figé dans l’expression de l’Apocalypse.
« LA MORT »
La mort, dans toute son expressivité, est ici représentée par l’enchevêtrement de ces corps décharnés, entassés les uns sur les autres, déshumanisés puisque méconnaissables.
Des mains tendues semblent vouloir encore s’accrocher à la vie. des cris « muets » sortent de toutes les bouches des victimes.
La mort, gratuite et violente, les a emportés dans son cortège funèbre.
« DE L’HUMAIN… ET DE L’IGNOMINIE ORDINAIRE »
Une quatrième toile abstraite
Cette dernière toile se différencie des autres par sa grandeur et par sa composition abstraite que Gabriel Godard affectionne particulièrement depuis de longues années et encore aujourd’hui.
Trois couleurs (en symbiose avec la trilogie : le noir, le blanc, le rouge) créent des lignes structurelles, des emboitements, des plans obliques, des volumes. Les aplats de couleurs, les courbes favorisent un rythme, une frénésie, une agitation. Des formes émergent, disponibles à l’interprétation.
Le peintre s’est libéré de toute contrainte figurative.
Pendant trois ans il s’est consacré entièrement à la peinture du drame de manière figurative. cette dernière toile lui permet de revenir à une certaine réalité entre sa peinture et la vie. Il peut se consacrer de nouveau à la peinture abstraite.
« Cette toile symbolise ce qu’est la condition humaine depuis toute éternité et en tous lieux. Elle jette un pont dans l’ensemble de mon œuvre, entre le côté narratif de la trilogie et mon parcours habituel ». Gabriel Godard.
GABRIEL GODARD : sa vie, son œuvre
Gabriel Godard est un peintre né le 28 avril 1933 à Delouze-Rosières en Lorraine.
Dès son enfance et jusqu’à l’âge de huit ans, il vit en Tunisie avec sa famille.
Durant l’occupation nazie en France, il se réfugie dans la Sarthe puis rejoint la Lorraine à la fin de la guerre.
Il débute la peinture en autodidacte à 17 ans. Ses premières toiles sont figuratives. Elles reflètent la réalité de la vie sans idéalisme. Il apprend les principes constructifs, chromatiques et métriques de la peinture, de la poésie et de la musique.
En 1951, à 18 ans, il quitte la Lorraine pour l’Oise. Ses toiles exaltent alors les souvenirs de Tunis (portraits de Bédouins, marchés…).
À Paris, il peint beaucoup et tout le temps. Il rejoint le salon de la jeune peinture et côtoie deux clans artistiques qui s’opposent : l’abstraction et le figuratif. Dans les toiles de Gabriel Godard, la simplicité apparente cache l’expression de la finesse de sa première réflexion, il associe les rythmes et les formes aux couleurs.
En 1957, il expose pour la première fois à Paris des toiles réalistes : des barques, des paysages bretons, des nus, des natures mortes…
C’est au début des années soixante que s’opère un changement radical dans ses œuvres. Il débute un travail d’analyse qui oriente ses recherches vers la quête des formes essentielles. Il travaille alors l’équilibre, l’intuition, et les mathématiques. Son réalisme subit quelques distorsions. Il refuse dès lors d’adhérer à un courant pictural.
Ensuite, il bouleverse l’ordre du Cubisme : il mélange abstraction et figuratif. L’espace s’oronne par des lignes de force et des parallélismes qui créent le mouvement et la visibilité. Il soumet sa peinture à la réflexion dans sa recherche de l’absolu. Des rectangles, des quadrilatères créent un jeu tournant de plans et de couleurs chromatiques.
En 1965, il affirme son style : il n’y a plus de démarcation entre le figuratif et l’abstraction. Un espace imaginaire est annoncé…
Il reçoit de nombreuses distinctions et est élevé au grade de Chevalier des Arts et des Lettres.
À partie de 1986, il se détourne définitivement de la peinture figurative pour l’abstraction. Le sujet ne devient à ses yeux qu’un simple prétexte pour une composition plus ambitieuse.
Sa peinture abstraite se caractérise par un cadrage subtil entre la lumière et la forme, créant un rythme profond avec une palette contrastée et forte.
Il acquiert une stature internationale et expose régulièrement en France et aux États-Unis.
À partir de 2009, il commence la monumentale œuvre consacrée au massacre d’Oradour-sur-Glane. Elle est constituée de quatre toiles de très grand format (9 x 3,40m pour les trois premières, figuratives, et 9 x 3,70m pour la toile abstraite).
Il s’y consacre durant quatre années, peignant chaque nuit à la lumière électrique pour conserver toujours le même éclairage. Au péril de sa santé, il n’aura de cesse d’achever cette œuvre qu’il porte en lui depuis son enfance.
Il continue de peindre chaque jour et se consacre essentiellement à la peinture abstraite.
Plusieurs musées français se sont portés acquéreurs de ses œuvres, comme le Centre Pompidou et le Musée d’Art Moderne de Paris.
Pour Gabriel Godard, faire don de son œuvre sur le massacre du 10 juin 1944 au Centre de la mémoire d’Oradour est un acte très fort. Selon lui, c’est là qu’elle devait être.
Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane, village martyr.
https://www.dailyadvent.com/fr/news/fde668df512b194966d9c3421cfc08eb
https://www.legral.info/gabriel-godard-sexpose-au-cmo-chronique-du-vendredi-10-juin-2022/
Sa trilogie monumentale rejoint Oradour-sur-Glane
Ancenis-Saint-Géréon — L’artiste Gabriel Godard vient de faire don d’une œuvre monumentale au Centre de la mémoire d’Oradour-sur-Glane. Pour ne jamais oublier cette tragédie de juin 1944.
Photo Ouest France
L’histoire
En 1960, l'artiste peint une première fois Oradour-sur-Glane, un grand format qui s'envolera pour New York à la cathédrale Saint-Patrick. Quarante-quatre ans après l’horreur, pour se libérer de ses images intérieures, l'artiste reconnu internationalement réalise une œuvre monumentale : une trilogie figurative de 3,80 m de haut et 36 m de long. Une œuvre qui a nécessité trois années de travail pour peindre l’indicible et l’effroi. Une trilogie qui vient de trouver sa véritable place, il y a quelques semaines, au Centre de la mémoire d'Oradour-sur-Glane, qui accueille chaque année 300 000 visiteurs.
« De l’ignominie ordinaire »
Cette trilogie monumentale, exposée à Ancenis il y a quatre ans à la chapelle des Ursulines et découverte par quelque 5 000 visiteurs, décrit « de l’humain... et de l’ignominie ordinaire, le Supplice, l’Épouvante, la Mort. Cette fresque s’adresse à tous et particulièrement à la jeunesse qui, de toutes les évidences, devrait être un jour... La Sève, souligne Gabriel Godard. Depuis deux mois, elle est à Oradour. Cette œuvre évoque la tragédie. Lorsque les œuvres sont arrivées sur place, les gens sortaient pour voir les toiles. Tout un symbole. »
Un acte de résistance ? « C’est de la protestation, confie l’artiste peintre. J’avais envie de le dire. Ici, je m’exprime pour les autres, pour la jeunesse. Oradour, ce sont nos grands-parents. Cette toile sera une trace lorsque les témoins auront disparu. » Et de poursuivre en évoquant les actes de barbarie perpétués aujourd'hui : « L’Homme est capable du meilleur et du pire. On peut tomber dans le dégueulasse. On peut devenir fou. L’important, c’est la discussion. La philosophie doit l’emporter, c’est une chose nécessaire. Je veux dire, la connaissance est indispensable. Elle assainit le parcours. »
Dans un courrier reçu par Gabriel Godard, en provenance du centre de la Mémoire, le président Fabrice Escure résume cette œuvre figurative hors norme : « La grandeur des toiles est représentative de l’importance de l’évènement de notre histoire contemporaine. »
Repères
1933. Naissance à Delouze dans La Meuse.
1956. Expositions particulières chez David Findlay Galleries, à New York. Depuis cette date, Gabriel Godard n'a jamais cessé d’exposer dans ce lieu.
1977. Chevalier des Arts et lettres.
1991. Prix Eurodeal à Washington.
2012 à 2018. La Trilogie Oradour- sur-Glane a été exposée dans de nombreuses villes (Paris, Saint-Florent-le-Vieil, Saint-Sébastien-sur-Loire, Ancenis, entre autres).
2020. Une oeuvre monumentale rejoint le Centre de la mémoire à Oradour-sur-Glane.
https://www.placedeslibraires.fr/livre/9782355323256-gabriel-godard-lydia-harambourg/
https://www.lelivredart.com/project/gabriel-godard/
Saint Sébastien sur Loire
Oradour-sur-Glane
11/06/2014
Le vendredi 6 juin, j’ai inauguré une exposition consacrée à la tragédie d’Oradour-sur-Glane. Plus que la proximité de la date anniversaire, ce sont les toiles géantes qui rappellent l’effroi de ce massacre. L’expressionnisme utilisé par Gabriel Godard domine à dessein notre vision, choquée, pour que nous n’oubliions pas la folie des hommes. Voici le discours du vernissage.
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous recevoir à l’Hôtel de Ville de Saint Sébastien sur Loire, momentanément transformé pour présenter cette œuvre consacrée à la tragédie d’Oradour-sur-Glane.
Depuis plusieurs années nous constatons la pertinence de proposer à nos concitoyens des événements contribuant au travail de mémoire. Nous avons fait le choix d’occuper l’Hôtel de Ville avec des expositions historiques, pédagogiques et esthétiques permettant l’accès à des épisodes de notre histoire locale, nationale, ou internationale.
Nous laissons derrière nous une exposition émouvante sur la Guerre d’Indochine, et nous accueillons avec intérêt et curiosité la peinture monumentale de l’artiste Gabriel GODARD.
Gabriel GODARD,
Votre témoignage pictural ne laissera aucun visiteur indifférent. Dès les premiers pas dans l’hôtel de Ville, l’atmosphère est saisissante. Puis en observant les panneaux, la souffrance des personnages est insoutenable et suscite une vive répulsion. Les volumes amplifient sans doute cette sensation de malaise. Votre peinture est à la fois pudique et magistrale. Vous vous en expliquez.
Le 10 juin 1944, la paisible petite ville d’Oradour-sur-Glane dans le Limousin bascule dans l’horreur en quelques heures seulement. Près de 200 soldats allemands envahissent le bourg et rassemblent la population, prétendant à un simple contrôle d’identité. Les hommes sont répartis dans diverses granges tandis que les femmes et les enfants sont regroupés dans l’église. En quelques minutes, les hommes sont abattus puis brûlés, puis c’est au tour des femmes et des enfants de subir le même sort dans l’église. En une journée, Oradour-sur-Glane n’existe plus, et cet horrible massacre fait 642 victimes.
Gabriel GODARD, vous avez 11 ans, vous vivez dans votre Sarthe natale et vous entendez parler de ce drame. Vous en resterez marqué toute votre vie. Six ans plus tard, vous commencez à peindre. A 29 ans, vous trouvez un atelier à Angers qui vous permet de vous exprimer sur des grands formats. Là vous revenez sur ce sujet qui vous hante depuis l’enfance. Je vous cite : « J’ai été traumatisé, la scène des suppliciés, enfants, femmes ou vieillards, exécutés, brûlés vifs, ne peut que choquer les consciences, même 70 ans après ».
Vous réalisez alors une trilogie figurative sur le drame, composée de trois toiles de très grand format de 9 mètres de long sur 3,40 mètres de hauteur, intitulées : « Le Supplice, l’Epouvante et la Mort ». Une quatrième toile abstraite de 9 mètres de long sur 3,70 mètres de hauteur, intitulée : « De l’humain .... et de l’ignominie ordinaire » complétera par la suite cette trilogie.
Vous nous confiez que ce travail qui durera trois ans a été émotionnellement difficile et éprouvant.
Pour ces œuvres, vous vous limitez à trois couleurs : « Le rouge feu et sang, le gris cendres, le noir funeste ». Mais tous les éléments de la tragédie sont retranscrits avec, à la fois, une sobriété et une force bouleversante : des personnages mouvants, immenses, qui semblent hurler, les flammes, la souffrance, les cendres, les corps qui s’enchevêtrent, la mort. La dimension hors du commun des toiles contribue à renforcer l’émotion.
A l’image du célèbre « Guernica » de Picasso, vous nous livrez un témoignage poignant sur l’une des plus grandes tragédies de la guerre, 70 ans, presque jour pour jour après l’événement.
Mais l’ignominie est universelle. A travers votre œuvre, vous réveillez notre mémoire, notre conscience individuelle et collective, qu’il s’agisse du massacre des juifs dans les camps nazis organisés pour la déportation et l’extermination, ou de tous les actes de barbarie dans le monde qui privent les hommes de leurs droits, de leur liberté, de la vie.
Vous avez exposé au Salon d’automne à Paris, puis en fin d’année à l’abbatiale de Saint Florent le Vieil. Nous sommes particulièrement heureux que l’Hôtel de Ville de Saint Sébastien sur Loire puisse vous accueillir jusqu’au 5 juillet.
Je vous remercie de votre attention.
Les compositions de Gabriel Goddard cherchent à provoquer une réflexion tout en sollicitant l'imagination. Ses œuvres suscitent des sensations premières tout en stimulant l'hémisphère gauche du cerveau et on y retrouve un amalgame intéressant d'éléments. Dans un corpus en apparence complètement instinctif, on ne peut s'empêcher de remarquer la suggestion d'éléments architecturaux, figuratifs ou même paysagers : ses toiles sont véritablement abstraites, même si son style, à l'origine ne l'était pas.
Ayant commencé à peindre en 1950, Gabriel Goddard s'est d'abord intéressé à l'exploration figurative. Ce n'est qu'en1986 qu'il s'est tourné vers l'abstraction.Pour cet artiste, la composition domine, elle conditionne le succès de l'œuvre alors que le style et le sujet ne viennent qu'en second. Tous les autres éléments de ses tableaux demeurent accessoires. Ses compositions suggèrent souvent une réconciliation entre l'horizontale et la verticale. Rien n'est laissé au hasard, mais paradoxalement, rien n'est prémédité.
Originaire de France, nombre de ses toiles ont été acquises par la Ville de Paris et le Musée dArt Moderne de cette ville. Primé et exposé dès 1956 jusqu'en1991 tant aux États-Unis qu'en Europe, une rétrospective lui a été consacrée en 1980 en Europe. Ses toiles ont été achetées par des collectionneurs privés en Amérique du Nord, en Europe, en Asie et au Moyen-Orient.
Résumé
Monographie consacrée à Gabriel Godard, peintre français né en 1933, figure marquante de l'abstraction contemporaine.
- Plusieurs de ses toiles ont été acquises par l'Etat, dont le centre Georges Pompidou et le musée d'Art moderne de Paris.
- Très beau texte de Lydia Harambourg : biographique et analytique. On parcourt ainsi 60 ans de carrière.
- Plus de 200 œuvres reproduites.
- L'ouvrage tente de montrer la cohérence de la démarche artistique de Gabriel Godard : depuis ses premières toiles figuratives, jusqu'à ses œuvres abstraites les plus récentes, en passant par son cycle consacré au massacre d'Oradour-sur-Glane. 2019
► GABRIEL GODARD (peintre)
Dans le même temps, le peintre exposé au Musée Bernard Boesch est Gabriel Godard, artiste français né en 1933 à Delouze en Lorraine. Débutant la peinture à l’âge de 17 ans, Gabriel Godard emprunte peu à peu la voie de l’abstraction, décidé à retranscrire sur la toile son cheminement intérieur.
Cette ébullition artistique prend une tournure inédite lorsqu’en 1962 l’artiste peint une toile autour du massacre d’Oradour-sur-Glane. Cet épisode cruel et marquant de l’Histoire ne cessait de le hanter, aussi un jour se sent-il la volonté impérieuse de le peindre.
Mais ce sujet ne devait jamais l’abandonner puisque à la fin des années 2000, l’artiste se reprend à peindre la tragédie d’Oradour-sur-Glane. Durant quatre années, il réalise quatre monumentaux panneaux nommés respectivement « Le Supplice, l’Epouvante, la Mort » et enfin « De l’humain… et de l’ignominie ordinaire ». Les trois premiers sujets prennent une facture expressionniste où s’entremêlent des personnages tordus de douleur et encerclés par les flammes et la destruction. Le dernier sujet lui est un panneau tout aussi grand, près de 3m70 sur 9 mètres de long, et exprime les conditions de l’humanité. Cette grande série de tableaux, exposée au Salon d’Automne de 2012 et notamment à la Chapelle des Ursulines d’Ancenis en 2016, est inclassable mais toutefois empreinte d’une volonté farouche de retranscrire les souffrances de l’humanité.
Des couleurs qui ont la tonicité de l’air marin
Au seuil d’une carrière artistique, il n’y a pas que la chance ou le métier. Il y a souvent, pour les meilleurs, une révélation, un choc émotionnel qui paralyse un moment, puis produit ses effets bénéfiques en permettant à celui qui a commencé par les subir, de les intégrer à ses concepts personnels et à développer ainsi une voie qui devient un style. Gabriel Godard n’a pas échappé à ce destin. À 19 ans, ce Lorrain-Angevin mâtiné de Tunisien, découvre à Paris une série d’aquarelles de Frank Kupka. C’est le choc, la rencontre, qui laisse anéanti et subjugué tout à la fois. De toute évidence, G. Godard ne sait rien ou presque de ce peintre tchèque, de ce Bohémien qui mourra à Paris, âgé de 86 ans, quatre ans après que le jeune homme ait vu ses aquarelles. Époque où Kupka n’était pas encore reconnu comme l’un des pionniers de l’Art abstrait, au côté de Kandinsky, Mondrian et les Delaunay.
Nous n’avons pas vu les aquarelles de Kupka admirées en 1952 par G. Godard, mais il y a fort à parier qu’elles dataient de la période où le peintre tchèque avait repris contact avec des confrères appartenant à l’Abstraction géométrique. Les oeuvres de cette période, dépouillées, sobres, tendent vers une stylisation rigoureuse, et c’est certainement ce qui a séduit Gabriel Godard. Il suffit pour s’en convaincre de regarder ses premières toiles qui semblent découpées selon des plans de couleurs. On y découvre une interférence des formes elliptiques et de couleurs chaudes d’une part et, d’autre part des motifs verticaux se définissant par une géométrie rigoureuse et des couleurs froides. L’intérêt que porte Godard à la nature se traduit d’ailleurs dans ses tableaux, même s’il affirme qu’il ne fait ni croquis, ni esquisses, ni rien sur le motif.
Dans un livre vraiment bien conçu, où l’illustration vient en complément de l’explication commentée et vice-versa, Michel Maison résume sobrement l’éthique de Gabriel Godard en constatant :
« Qu’il s’agisse d’évocations ou de compositions abstraites, tous les sujets, toutes les constructions restent soumises à une volonté de style qui les enferme dans un contours précis, défini avec une rigueur qui exclut cependant rigidité et sécheresse. Imposée à la forme, l’harmonie règne aussi sur la matière qui doit sa finesse au jeu subtil des mélanges » (*)
Ajoutons, pour être complet, que Gabriel Godard n’est pas seulement peintre mais guitariste, pianiste et poète ; qu’il a reçu à 24 ans le Prix envié Fénéon et a pu exposer un an plus tard au très célèbre et regretté Salon des Peintres Témoins de leur Temps. Rien de tout cela ne lui a tourné la tête. Il continue d’exécuter des toiles où la couleur atteint un extrême raffinement, notamment dans les demi-teintes qu’il alterne avec des couleurs plus sonores qui apportent, en contre-point, un choc auquel on ne résiste pas. Pourtant, l’univers esthétique du peintre est loin d’être immuable, car Godard a une obsession constante : atteindre une forme d’expression qui ne soit ni gratuite, ni de facilité ; une forme qui corresponde à ses aspirations profondes et dans laquelle, déclare-t-il dans un sourire modeste, « il trouve son identification ».
Gabriel Godard habite un ancien prieuré entre Nantes et Angers, tout près du pays de Julien Gracq, c’est un lieu de méditation. Il saura y renouveler son inspiration sans verser, pour toujours, dans l’Art abstrait.
Bertrand Duplessis. 1992
(*) G. Godard, La Recherche de l’Essentiel, par Michel Maison, Éditions de la Tour, 1992.
Avec les inquiétudes et les bouleversements que la guerre fait naître dans tous les foyers, elle conduit la famille de Gabriel Godard à Pontivy. Quelques mois plus tard, elle s’installe dans la Sarthe, où le jeune garçon, qui a sept ans, découvre la vie de la campagne et ses humbles tâches, le lavoir, la cueillette des fruits, le ramassage du bois, qui plus tard fourniront les thèmes de base de nombreuses compositions.
Puis, en 1946, Gabriel retrouve son pays natal, Delouze, dont il n’a aucun souvenir, car il l’a quitté à l’âge de six mois. Le plateau vallonné où s’étagent les cultures de blé, de maïs et de colza, les rives boisées de l’ornait, une rivière discrète aux eaux sombres, proches de la maison où il a vu le jour, sont le cadre de longues promenades dont le souvenir donnera naissance aux alignements d’arbres qu’on retrouvera dans de nombreux tableaux. Mais il ne peut prévoir la place que prendra cet environnement dans l’œuvre qu’il réalisera un jour.
Il n’a, en effet, que seize ans. Et la peinture deviendra le véhicule privilégié de ses aspirations. Il s’y consacrera avec passion, sacrifiant tout à un art qui deviendra la seule préoccupation de sa vie, au détriment de ce qui, jusqu’ici avait été pour lui la source de joies profondes : la musique et la poésie.
En 1951, la famille quitte la Lorraine et s’installe dans l’Oise. C’est une année déterminante pour le garçon qui commence à peindre avec une force et une passion qui impressionnent.
Les souvenirs de son enfance lui fournissent les sujets : des femmes tunisiennes dont le regard filtre entre les bords de leur voile, des fellahs drapés dans leurs burnous, des marchés arabes ; et aussi, les paysages de sa vie de tous les jours : l’église de Cauvigny, le jardin de la maison, une cour de ferme voisine. Sobrement construites, ces premières toiles mêlent des bleus, des blancs, des gris et quelques ocres qui dans la timidité des choix laissent entrevoir une sureté de geste et un sens précoce des harmonies.
Avec l’esprit positif qui est un trait de son caractère, le jeune Gabriel perçoit que la peinture est une vocation dévorante et exclusive qui non seulement n’enrichit pas, mais qui impose surtout de grands sacrifices. Il lui faut donc trouver une activité qui lui laisse avec la liberté d’esprit, une certaine disponibilité de temps qu’il consacrera à son art.
Cette activité, il la trouvera au Régiment de Sapeurs Pompiers de Paris. Le service qu’il assure à la Caserne Champerret, où lui sont confiées des tâches administratives, lui permet d’organiser sa vie et de consacrer ses temps de repos à la peinture.
Dans son minuscule atelier, il peint avec une véritable frénésie. « Comme un fou » déclare-t-il lui-même. Ne dormant que cinq heures par nuit, il lui arrive de faire cinq ou six toiles en une journée. Ce qui l’inquiète, c’est de ne pas trouver une homogénéité, une continuité dans ce qu’il produit. Aussi, se fixe-t-il une ligne de conduite dont il s’efforcera de ne jamais s’écarter : rechercher l’essentiel.
Il reste ainsi sept années au Corps des Sapeurs Pompiers de Paris, durant lesquelles sans avoir recours à aucun conseil, il fait lui-même l’acquisition de son métier. Peu sensible aux influences, il retire néanmoins de ses visites dans les musées et les galeries, des observations qui vont guider sa réflexion. Les peintres qui retiennent surtout son attention sont Cézanne et Gauguin, car il a l’impression de retrouver chez eux quelque chose de son propre tempérament… Il peint alors nus et natures mortes par masses, privilégiant la matière et utilisant des teintes chaudes : bruns, terre d’ombre et d’ocre, de façon presque monochrome. En se référant à son seul jugement, il parvient cependant à maîtriser le trop plein d’idées picturales qui jaillit chaque fois qu’il saisit un pinceau.
Il attire l’attention de la Galerie Romanet dont l’objectif est de posséder la meilleure équipe de jeunes peintres. Elle lui propose un contrat. Mais pas plus que le Prix des Jeunes Espoirs qu’il reçoit l’année suivante dans le cadre de la célèbre Triennale de la Jansonne, elle ne le détourne de ses efforts vers une forme d’expression plus forte et plus purifiée.
Le « Paysage Breton », l’un des tableaux remarqués à l’exposition qu’il présente à la Galerie Carlier, illustre cette période qui de 1957 à 1959 constitue une transition entre les recherches et l’art progressivement épuré qui sera le sien à partir de 1960.
Lorsque Gabriel Godard commence à envoyer des toiles à la la Galerie Findlay, il vient de passer une dizaine d’années à Paris et, pour échapper aux turbulences de la vie parisienne, il s’installe à Angers, la découverte des larges panoramas de l’Anjou l’amène à aérer ses compositions et leur apporte transparence et lumière.
David Findlay, marchand new-yorkais, attentif et compétent qui aime la France et sa peinture, a découvert Gabriel Godard à la Galerie Carlier. Il a été séduit par cette vision neuve et puissante qui ne se réfère à aucune influence directe. Chez Carlier, il prend une dizaine de toiles qu’il présentera l’année suivante à New-York. Elles seront toutes vendues très rapidement.
Trois ans plus tard, en 1962, David Findlay dont la santé s’est altérée, confie la direction de la galerie à son fils cadet Peter. Une amitié profonde et confiante liera bientôt l’artiste au jeune directeur. Avec le japonais Kimura, le suédois Gustav Bolin et le français Pierre Lesieur, Peter a réuni au sein de la galerie quatre peintres de qualité dont les écritures sont différentes mais qui travaillent dans le même esprit d’originalité et constituent une sorte de famille pour laquelle n’existe pas de démarcation entre figuration et abstrait.
En 1962, Gabriel Godard entreprend de peindre une oeuvre inspirée par la tragédie d’Oradour-sur-Glane. L’expression de caractère allégorique, représente l’intérieur de l’église détruite en 1944 par les troupes allemandes. La dimension est impressionnante : 5,20 x 2,40. Peter Findlay est enthousiasmé par la puissante gravité du tableau. En raison de son caractère et de son format, il en fera don à l’évêque de New-York, Monseigneur Readon.
De la même façon, lorsque le peintre participe en 1963 au Salon d’Art Sacré organisé par Joseph Pichard, Peter Findlay est saisi par l’évocation du Christ aux mains de ses bourreaux qui représente la première station du Chemin de la Croix, et décide grader les étapes du Calvaire que l’artiste réalisera à raison d’une par an.
Onze stations de ce chemin de croix figurent ainsi dans la collection de la Findlay Galleries. Les trois dernières sont conservées par le peintre, l’ensemble constituant un précieux témoignage de l’évolution de son art.
Lorsque Peter Findlay quitte la galerie en laissant la direction à son frère aîné, David Findlay junior, les rapports se relâcheront puis s’interrompront en 1981. Toutefois, une très belle exposition du peintre sera présentée en 1988 par Lindsay, fille de David Findlay père, qui s’emploiera à assurer à cette manifestation un succès considérable. La peinture de Gabriel Godard est d’ailleurs toujours présente à Madison Avenue.
En 1966, il s’installe à Pornic. Dans un cadre exceptionnel où de l’automne au printemps, il vit une quasi solitude, son art va trouver un peu plus de dépouillement. La mer… L’océan… Le vent…
Après une période où la réalité n’apparaît plus du tout dans le tableau, ou seulement par de brèves notations qui échappent le plus souvent au regard, Gabriel Godard va retrouver à partir de 1969 l’utilisation de thèmes.
Laveuses, repasseuses, commerçantes des marchés, paysannes aux champs effectuant la cueillette des fruits ou le ramassage du bois, femmes de Tunisie, de Provence ou d’Anjou figurent sur la toile dans leurs comportement anonyme et humble, sans qu’aucun de leurs traits ne soient évoqués.
Au retour d’un voyage au Sénégal en 1976, viennent s’ajouter aux silhouettes des laveuses, paysannes ou marchandes, les hautes statures de femmes africaines. Ce réel toutefois, reste ramené à l’impression colorée qui joue avec de larges surfaces géométriques souvent de tonalité pâle.
À ces thèmes qui donnent naissance à des œuvres graves d’une grande beauté, auxquelles des rouges vigoureux confèrent parfois chaleur et contraste, viennent bientôt s’ajouter des intérieurs d’atelier.
Le champ s’élargit avec des fenêtres ouvertes sur un jardin, sur une plage ou sur des agglomérats de rochers. Des paysages marins sont aussi l’occasion de faire jaillir des ciels auxquels la lente inflexion des nuages et la densité des bleus donnent une puissance lyrique.
Des panoramas de neige complètent un peu plus tard cet univers raffiné et serein que grâce à la Galerie Vanuxem de Niort, un certain nombre d’amateurs de la région découvriront alors.
Connu aux États-Unis, Gabriel Godard n’a pas encore trouvé en effet dans l’Ouest de la France où il a choisi de se fixer, le renom qu’il a acquis à Paris et outre Atlantique.
La Loire s’étire argentée sous le soleil entre les longues grèves de sable que son cours par une lente érosion a effilées. Tout à l’entour, des prairies dont l’herbe épaisse est livrée aux troupeaux et des vignes dont les alignements réguliers frémissent sous le vent léger.
Le peintre est immédiatement séduit par l’ampleur du paysage, modelé jusqu’à l’horizon par les ondulations douces des coteaux. Ce panorama n’est pas très différent de celui que découvre sur l’autre rive, à Saint-Florent-le-Vieil, distant de quelques kilomètres, l’écrivain Julien Gracq. Homme de solitude lui aussi, il a consacré d’admirables pages à ce pays ligérien qui depuis la Renaissance n’a cessé d’inspirer poètes et artistes.
Un autre élément, la musique, s’introduit parfois dans le processus de création comme un temps de repos. Gabriel Godard trouve dans la guitare et le piano qu’il pratique depuis son enfance à la fois un dérivatif à son travail et un stimulant qui éveille sa sensibilité de peintre. Les deux instruments sont proches de lui, sa guitare près de son chevalet, à la portée de sa main. Il a le sentiment que musique et peinture sont de la même famille et se construisent d’identique manière.
Cette conception musicale d’un art essentiellement plastique explique probablement la facilité de communication qui s’établit entre les musiciens et Gabriel Godard. C’est ainsi qu’il a eu beaucoup de plaisir à rencontrer le violoniste Ivry Gitlis qui avait exprimé le désir de connaître sa peinture. Des soirées musicales ont lieu parmi ses toiles en Floride, ou bien chez lui avec Marc Soustrot au piano et son frère Bernard, trompettiste. Ou encore Bernard Le Pogam (cor) et Roger Bouillon en improvisation...
Avec ses rythmes et ses couleurs, Godard est un symphoniste. Tel un compositeur, il habite les silences et interroge sur ses mouvements. La toile se limite au cadre, Godard prolonge la résonance. Marc Soustrot
Ce lien profond qui l’attache à la musique depuis le plus jeune âge est l’une des facettes d’une riche personnalité qui ne se laisse pas aisément pénétrer. Silencieux mais chaleureux, sensible et cependant doué d’un bel équilibre intellectuel et physique, Gabriel Godard qui aime l’élégance des manières et de l’esprit, n’est lui-même pas très différent de sa peinture ; ce qui n’est pas le fait de tous les artistes.
Il en a aussi le visage. Le calme intérieur et la fermeté bienveillante de son regard expriment la sérénité qui contribue à donner à ses tableaux une force qui est hardiesse et simplicité grandiose. Depuis son installation au Bernardeau, treize années ont passé, apportant au peintre une maturité accrue et à son œuvre un large rayonnement. Sa personnalité a fondu dans son creuset les expériences et les découvertes rencontrées autour de lui. L’évolution s’est poursuivie, trouvant toujours l’équilibre entre raison et instinct.
Les thèmes apparaissent plus dépouillés, des paysages, des intérieurs, des fenêtres, quelques groupes de personnages ramenés à des silhouettes drapées de blanc, des forêts. L’arbre découpant verticalement la toile demeure l’un des sujets familiers du peintre qui, à partir de 1988, segmente parfois complètement la composition par une forme de totem ou par une mince bande de couleur dissonante, subtilement ramagée.
Qu’il s’agisse d’évocations ou de compositions abstraites, tous les sujets, toutes les constructions restent soumis en effet, à une volonté de style qui les enferme dans un contour précis, parfaitement défini avec une rigueur qui exclut cependant rigidité et sécheresse. Imposée à la forme, l’harmonie règne aussi sur la matière qui doit sa finesse au jeu subtil des mélanges. Quant à la couleur, elle atteint un point de raffinement extrême, notamment dans les demi-teintes où s’exprime magnifiquement la maîtrise de Gabriel Godard.
Les succès obtenus par ses expositions, tant à Milwaukee, Philadelphie, San-Francisco qu’à la David Findlay Galleries de New-York jusqu’en 1982, ont acquis à Gabriel Godard une renommée aux États- Unis qui n’a cessé de se développer. Trois ans plus tard, la Philips Galleries et son directeur Terry Johnson l’accueillent à Palm Beach. Ce retour aux États-Unis s’accompagne d’un triomphal succès. À Houston, autre ville où la peinture française est connue et appréciée, la Phillips Flynt Galleries que dirige Joë Nolan, confirme la réussite de Palm Beach. En 1987, de nouveau à Palm Beach et l’année suivante, il participe à Art-Expo de New-York.
Gabriel Godard a réalisé également un certain nombre d’expositions à Bruxelles, aux galeries Martin à Nancy, Moyon-Avenard à Nantes, Monique Billot à Annecy, Serge Garnier à Paris, G. Garnier à Amiens, Triade à Barbizon. Rétrospective à Saint-Nazaire et Saint-Jean-de-Monts. Michel Maison, 1992
C’est toujours plus ou moins vainement qu’on essaie de décrire la peinture qu’on aime. L’art d’écrire a des limites, la peinture en a moins, l’amitié et l’amour n’en ont pas. À voir peindre Godard depuis plusieurs années, à connaître intimement son activité et sa conscience d’artisan, ses enthousiasmes secrets, son inquiète insatisfaction, j’ai perdu l’espoir de cerner par les mots ses intentions créatives et leur accouchement. Sa vie, toute sa vie n’est plus qu’un prétexte à peindre. Nul amateurisme ne peut le consoler. les ustensiles dont il use, les paysages qu’il regarde, les visages qu’il rencontre et les gens qui l’entourent ne sont que des prétextes, des thèmes. Les aime-t-il ? Il les peint comme d’autres veulent étreindre. Et il ne voit que ce qu’il aime. le reste n’existe pas. Et comme tous ceux qui aiment, il invente. Au-delà de l’anecdote et des apparences Godard s’explique avec l’harmonie, l’architecture, l’insolite, la vérité cachée. Et si le tragique n’est pas absent de son ouvrage c’est sans doute que son art quotidien se nourrit de notre pain. Le pain, c’est encore ce mot-là qui me suggère le plus d’expressions possibles sur le travail de mon ami. Pétrir et pétrin, levain et fournée, gruau, croûte et braise, ce sont des mots encore lourds de vie, de force et de mystère. Il y a donc le pain, les dessins, les gouaches, les toiles de Godard qui ne cherchent pas « à tromper les oiseaux » mais plutôt à nous prouver qu’enfin « l’artiste est un homme en travail et que ce n’est pas au premier badaud venu de le vaincre en définitive ».
Jean Husson, 1992.
S’il naît en 1933 en Lorraine, à Delouze, une bourgade agricole du Barrois, c’est à Tunis qu’il passe son enfance. Ses premiers souvenirs qui seront aussi les sujets de ses premières toiles, seront ainsi des paysages méditerranéens brûlés par le soleil.
Son père disparu, sa mère se remarie à Tunis avec un personnage étonnant et séduisant qui deviendra son second père. Il est russe, s’est battu en 1917 dans l’armée Wrangel contre les Bolcheviks et a été grièvement blessé à la tête. Il a conservé l’accent et les manières de son pays. Sensible, généreux, courageux, aimant le chant et la musique, plein de fantaisie, mais susceptible, sujet à de brusques dépressions, il aura une influence importante, plus instinctive qu’exprimée sur l’enfant qui admire sa force extraordinaire et son audace.
Michel Maison, 1992
« Presque toujours - précise Gabriel Godard - une toile terminée qui me transporte, en appelle une autre. Car, on ne peut pas tout dire dans un tableau et l’aventure se prolonge en d’autres créations. Ceci explique le phénomène des périodes ».
Il est intéressant d’observer qu’à l’inverse de la plupart des artistes, Gabriel Godard ne se réfère à aucun croquis, n’utilise aucune esquisse. Jamais pratiquement il n’a peint sur le motif. On pourrait s’étonner de cette méthode de travail et penser qu’elle ne lui permet pas de s’imprégner des paysages dont il tirera une œuvre. En fait, il n’en est rien. Elle le contraint à assimiler visuellement mais de façon profonde, ce qui lui servira ultérieurement et dont peut-être, il ne retiendra que quelques impressions. Ainsi reste présente dans son œuvre, la nature, au contact de laquelle il aime vivre et réfléchir.
On peut constater que la volonté continue de création, l’imagination atteignant la rareté, le refus des facilités d’expression, autant que le souci de sincérité avec soi-même, ont assuré la permanente jeunesse de l’art de Gabriel Godard. Un art original que dans le silence et la méditation, il a su conduire à l’essentiel. peut-être en cela, anticipe-t-il le goût d’une époque qui en est encore à rechercher ses choix.
Michel MAISON, La recherche de l’essentiel, 1992
Depuis fort longtemps déjà certains thèmes favoris me préoccupent.
En ce qui concerne la mer et les laveuses, je constate que ce sont deux prétextes qui depuis que je les envisage, m’ont permis de construire mon œuvre en ayant constamment deux possibilités qui semblent correspondre à mon tempérament, à savoir d’une part le besoin de ma laisser à peindre comme on « écrit », par des arabesques libres (la mer) et d’autre part, le goût profond que j’ai pour l’ordre (les laveuses).
J’ai dû faire, il y a de cela pas mal d’années des toiles sur la mer, des toiles sur les laveuses, mais l’anecdote a laissé place à l’expression, si bien que depuis, ces deux thèmes opposés par leur nature même finissent par surtout déterminer à quel point dans ma nature deux forces rivalisent et se combattent, c’est d’ailleurs un mouvement cyclique qui se retrouve toujours dans ma peinture, des époques turbulentes et des époques construites et calmes.
La mer pour un apparent désordre, les laveuses pour découper les lignes et les couleurs au profit d’une composition scandée par les larges repos des linges.
Je pense, mais ceci n’a rien de définitif, je pense en ce moment que ma tendance essentielle est la construction et cela peut venir de très loin…
J’ai connu dans mon enfance, à une époque où n’existait pas la machine à laver, des femmes en blouses longues et qui, à longueur de jour brassaient, tordaient, battaient le linge, à la rivière. Dans le village de la Sarthe où je vivais, pendant la guerre, elles étaient bien souvent les personnages les plus constants du décor, n’est-ce pas de là que me vient la permanence de ce sujet dans ma peinture ? Peut-être, mais tout de même surtout de ce que je me sers de souvenirs visuels qui me semblent mieux adaptés à ma recherche et les linges deviennent « repos », les personnages que je découpe deviennent « mouvements ». Une vie de peintre a peut-être un caractère obsessionnel, et si la montagne Sainte-Victoire a été sans cesse peinte par Cézanne, les « Laveuses » sont un peu ma montagne Sainte-Victoire .
Considérant comme une sorte de besoin de me retrouver, me reconstruire à l’aide de ce sujet, je suppose que la mer, comme le ciel d’ailleurs me permet un certain enthousiasme gestuel et libérateur.
Gabriel Godard, 1980.
Le Courrier de Paimbœuf, Samedi 30 novembre 1974
L’ÉVOLUTION PICTURALE
L’Art n’existe qu’au niveau de l’imaginaire, c’est à dire qu’il doit être expression à partir de la réalité et non reproduction de cette réalité.
Une exposition en 1974 à New-York m’a permis cette brève analyse des toiles s’étalant de 1961 à 1974.
Les écritures sont différentes car la peinture est une démarche et l’on doit pouvoir y suivre le déroulement de la vie et la progression d’une idée.
Il y a toujours une cruelle différence entre ce qu’on fait et ce qu’on poursuit, mais de la naissance à la mort, un homme n’a d’autre rôle à jouer que de « se » vivre au mieux et tenter d’arriver à sa fin avec le sentiment de n’avoir triché ni avec lui-même, ni avec les autres, et c’est sans doute cette « différence » continuelle qui le pousse en avant toujours, vers je ne sais quelle vérité fondamentale dont il porte l’intuition comme un germe.
Je ne suis plus ni physiquement, ni intellectuellement le même qu’il y a treize ans, et ma peinture bien évidemment le reflète.
Elle s’est nourrie non seulement des décors dans lesquels j’ai successivement vécu, mais des pensées qu’ils ont suscités en moi et sans doute aussi de certaines de mes opinions sur le monde et sur notre époque ce qui est bien naturel.
Si mon écriture a changé, c’est qu’elle colle à ma vie et c’est la preuve que je n’ai jamais été poussé par l’idée de plaire pour vendre et par conséquent, de faire une peinture pour le « bifteck » ce que je laisse à d’autres que je n’estime pas.
Je ne crois pas à un art arrêté une fois pour toutes car le comportement d’un homme est sans cesse remis en question par la vie et la connaissance ; je ne crois pas non plus à un art « fabriqué » ou orienté car, pour moi, il est comme l’amour ou la Foi, imprévisible et impérieux.
Par delà les apparences, et même la science ne le contredit pas, il y a autre chose et cette « autre chose » dont l’homme a besoin, il peut en une certaine mesure la trouver dans l’art, cette façon d’aborder, le monde, de se situer par rapport à lui, à chaque moment pour peut-être, qui sait, se prolonger par delà la mort ?
De quoi demain est-il fait ? Vers quoi, notre vie nous mène-t-elle ? L’art cristallise cette brève traversée du monde des apparences, c’est là son rôle, cette vie qui est la mienne, je vous la communique, elle s’inscrit en étapes successives et je vais refaire le chemin, rapidement avec vous :
Lorsque j’ai commencé à envoyer mes toiles à la Galerie Findlay, en 61, je venais de vivre une bonne dizaine d’années à Paris, où j’occupais un petit studio dont la fenêtre ne découvrait, pour tout paysage, que la façade grise d’un immeuble, qui en face offrait à mes yeux, jour après jour, les rectangles tristes de ses fenêtres. Quand il m’arrivait de me promener, c’était toute la ville qui me dégringolait dessus et j’en arrivais à oublier le ciel, les nuages, les arbres de mon enfance.
Je pense que si ma peinture en ce temps-là, était composée de verticales, d’horizontales et de couleurs sombres, c’est qu’elle reste directement rattachée à cette période parisienne dont mon âme campagnarde ressentait tout l’étouffement.
Dès 1962, si les lignes droites subsistent encore, la découverte de l’Anjou, où je viens de me fixer, commence à les aérer en y apportant des transparences et des lumières, mais il faut attendre 63 et plus encore, 64, pour qu’enfin délivré de l’architecture rigide dont j’avais été imprégné à Paris, apparaissent les courbes des paysages angevins que j’appréciais de plus en plus et avec lesquels, je me sentais en harmonie.
En 65, les paysages et les personnages conjuguent leurs arabesques à tel point que la courbe vient à se libérer, à évoluer peu à peu pour son propre compte, à devenir une sorte d’écriture. Une certaine turbulence apparaît dans les mouvements comme si le dessin devenu plus gestuel voulait renier son appartenance au monde réel.
La période angevine va prendre fin lorsque 1966 se termine, car je trouve une maison à Pornic. La mer est à 100 mètres, je la vois constamment, et le paysage est à ma porte. Il y a les arbres et le vent et je me sens amené à peindre mille formes en mouvement, mille formes dont je ne connais pas encore l’architecture et que je prends tout en bloc tant je me sens le besoin de les faire miennes.
67 se déroule dans un enthousiasme tel que j’ai bien du mal à y voir une voie précise et ma peinture de cette période montre bien les problèmes suscités par ce nouvel environnement. Ce n’est guère qu’en 68 que les choses se décantent et que dans la turbulence commence à se faire jour une nouvelle construction, la lumière dure et blanche de Pornic s’installe peu à peu et commence à jouer son rôle : tout d’abord, elle éclaire les compositions puis devient elle-même élément et s’imbrique dans la construction des formes.
68 - 69 - 70. La découverte du marais Vendéen, proche de Pornic, ses immenses horizontales reliant de loin en loin un village à un autre. Un paysage qu’on ne comprend que lorsque descendu de voiture, on prend un chemin entre deux nappes d’eau douce ou salée selon l’endroit, ce paysage indissociable du ciel qui roule ses nuages énormes et dont le reflet se répercute à l’infini, provoque en ma peinture une architecture nouvelle entièrement vouée à la lumière.
71 -72 -73. La redécouverte des forêts, lors d’un voyage, dans le centre de la France est à l’origine du retour des verticales ; l’écorce des arbres sombres sur la neige et ses multiples possibilités de compositions me rapprochent, pour un temps, de la réalité des choses, mais irrésistiblement, comme dans mes « laveuses » où le linge joue un rôle important du « repos » l’arbre devient lui-même « reposé au profit des zones de turbulence qui s’agite derrière, c’est une nouvelle possibilité de construire l’espace et ce thème déclenche comme une réaction en chaîne une série de peintures qui collent à la même démarche : une certaine façon de concevoir l’espace et le monde des formes, et qui finalement, sans doute, me représente progressivement autant qu’elle peut vous faire partager ce que j’ai vu.
Le cheminement semble long et imprécis, mais ma conviction est profonde. La peinture doit de plus en plus se dépouiller des artifices premiers, ce n’est qu’ainsi qu’elle peut aboutir à la vérité d’une tendance. Faire de l’art un objet de consommation n’est pas mon but car ce serait une offense à cette vérité que je vous donne. Beaucoup d’entre vous l’ont admise et je les en remercie.
Gabriel GODARD, 1980
Propos tenus dans le dossier de presse de l’exposition RETROSPECTIVE « 25 ans de PEINTURE » de Gabriel GODARD, au Palais de l’EUROPE, LE TOUQUET
Illustration : Photo extraite du catalogue des « Grands et Jeunes d’Aujourd’hui 1966 »
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