PHOTOGRAPHIE

BILSEL BATTAL


Originaire de Turquie, né en 1936, il a fait ses études à la Faculté d'architecture de l'Université technique d'Istanbul (ITU) et a obtenu son diplôme en 1962.


Un appareil photo à soufflet lui a été offert lorsqu’il a eu 12 ans. Ce passe-temps a continué jusqu'à la fin de ses études et il a déménagé à Ankara pour son service militaire au Centre de photo-film de l'armée où il a appris les techniques de la photographie et de la production cinématographique, ce qui l’a rendu plus conscient du film et de la photographie en tant qu'art.


Peu de temps après son service militaire, il a déménagé en Suède en 1965. Tout en travaillant comme architecte, il a continué à pratiquer la photographie et étendu son intérêt pour le cinéma en étudiant à l'Institut du film de l'Université de Stockholm où il a eu la possibilité d'en apprendre davantage sur l'histoire, la sociologie et le Psychologie du cinéma. De plus, en tant que membre, il a souvent visité le Stockholms Cinemateket et vu un grand nombre de films, y compris tous les classiques de divers pays ainsi que les nouveaux films, qui étaient souvent présentés par leurs réalisateurs, acteurs et suivis de discussions. Il a voyagé dans de nombreux pays et pris une énorme quantité de photos, des diapositives, mais en voyant les couleurs s'estomper maintenant, il considère cela comme une erreur. Il photographie aujourd'hui principalement en noir et blanc sous forme analogique et essaie d'apprendre les techniques numériques qui, pense-t-il, peuvent prendre un certain temps pour les maîtriser pleinement. À l'exception de quelques images vendues au Cinemateket et d'une ou deux publiées dans des magazines turcs et suédois, il n’a pas gagné sa vie avec et c'est à cause de cela qu’il ne se considère pas comme un professionnel.

 

Les cinéastes de son catalogue représentent des pays du monde entier et sont engagés dans différentes parties du processus de réalisation du film. Certains d'entre eux étaient inconnus d'un large public au moment où ils ont été photographiés, mais la plupart d'entre eux sont des personnalités éminentes dans leur propre pays et beaucoup d'entre eux sont maintenant récompensés au niveau international. 

La force de ce folio est qu'il montre ces personnes dans leur quotidien, telles qu'elles sont et dans leur contexte professionnel sans qu'aucune manière ne leur soit imposée. Il considère ses photos principalement comme un document plus qu'une œuvre d'art, même si bon nombre d'entre elles méritent ce titre. Il lui a fallu environ 50 ans et de nombreuses heures pour assembler cette collection et il la présente à tous les cinéphiles qui ont peut-être vu les films mais qui ont peu de connaissances sur les personnes qui les ont créé. 



Le festival d'art PhotoSaintGermain fait son grand retour à Paris

Quels sont les rendez-vous incontournables du parcours PhotoSaintGermain 2021 ?

Écrit par Alix Leridon - Time Out - mercredi 3 novembre 2021


Après avoir fêté son dixième anniversaire en janvier dernier, le festival PhotoSaintGermain revient égayer et pimenter la rive gauche – et pour la première fois cette année, une partie de la rive droite – en proposant un parcours d’expos et expériences autour de la photographie. Pendant deux semaines, du 4 au 20 novembre, Saint-Germain-des-Prés devient ainsi le territoire privilégié de la création photographique mondiale. Au gré de vos pérégrinations dans le quartier, vous pourrez tomber nez à nez avec les portraits de légende de la photographe américaine Annie Leibovitz, découvrir la douce poésie des clichés de l’Italien Luigi Ghirri ou ceux, empreints de sensualité, de la jeune photographe chinoise Luo Yang, mais aussi vous glisser dans l’atmosphère interlope d’un mystérieux bar à saké... 

Comme toujours, le point de départ du parcours PhotoSaintGermain se trouve au bout du Pont des Arts, à la prestigieuse Académie des beaux-arts. C’est là que se tient l’exposition phare du festival, consacrée cette année à l’immense Annie Leibovitz, qui vient de remporter le prestigieux prix de photographie William-Klein remis par l’Académie. L’occasion de découvrir plus de 50 ans de travail photographique, depuis ses débuts dans la scène rock des années 1970. Portraitiste incontournable, elle a tiré le portrait des célébrités du monde entier, de la reine Elisabeth II à... Kim Kardashian (en pleine réalisation d’un selfie), et nombre de ses clichés sont devenus iconiques – comme cette photo Polaroïd de John Lennon enlaçant Yoko Ono, prise cinq heures seulement avant l’assassinat du musicien. 

Les différents centres et instituts culturels qui émaillent le quartier permettront quant à eux de s’offrir un petit tour d’Europe de la création photographique contemporaine, de l’Irlande à la République tchèque. Passage obligé à l’Institut culturel italien pour découvrir le travail tout en poésie de Luigi Ghirri pour l’entreprise de céramique Marazzi. D’une inventivité folle, flirtant tout en finesse avec le surréalisme, les clichés de Luigi Ghirri, avec leurs faux airs de collages, créent un pont inattendu entre l’image publicitaire et les caprices du rêve. La douceur de vivre à fleur d’émail. 

Mais le highlight de cette édition du festival se cache peut-être ailleurs... Niché dans un tout nouveau lieu dédié à la création et à la recherche artistique (l’énigmatique Shmorévaz, rue Perronet) le Sasori Bar est un projet inédit, une véritable expérience qui promet de s’émanciper des codes traditionnels de l’exposition photo et... de picoler. Bar à saké éphémère et confidentiel, inspiré du Kodoji Bar tokyoïte – haut lieu d’encanaillement des photographes de la capitale japonaise dans les années 1970 – le Sasori Bar déploie du 4 au 10 novembre une programmation à la croisée des arts et des médiums, entre performances, présentations de livres et DJ sets (réservation conseillée). Slurp ! 

À quelques encablures de la rue Perronet, la galerie l’A2Z propose quant à elle de découvrir le travail de la jeune artiste chinoise Luo Yang, qui s’interroge sur la féminité, le genre et le rapport au corps de la jeunesse de son pays. Ses images vibrantes et sensuelles, encensées par Ai Weiwei lui-même, témoignent avec chaleur et vitalité de l’évolution des représentations et des mœurs dans la société chinoise contemporaine. À découvrir également, les autoportraits étranges et drolatiques du duo de photographes français Elsa & Johanna, qui propose une expérience immersive au sein de la galerie La Forest Divonne pour son premier solo show. Bon voyage ! 


Chefs d'œuvre photographiques du MoMA. La collection Thomas Walther 

PAR ZOÉ KENNEDY
TIME OUT : VENDREDI 8 OCTOBRE 2021 

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Les plus belles photos du MoMA s’exposent avec classe au Jeu de Paume. Un voyage à NYC au prix d’un ticket de métro, ça vous chauffe ? 

Le Museum of Modern Art - ou MoMA pour les intimes -, ce n’est pas que le squat où les gosses de riches de Gossip Girl allaient pour les pauses dej ! C’est avant tout l’un des musées les plus conséquents des Etats-Unis, aussi bien en termes de nombre de visiteurs à l’année que de collections. Et quelle chance, les petits parisiens que nous sommes vont pouvoir profiter de 230 tirages issus de la collection exceptionnelle de Thomas Walther, acquise par le musée new yorkais dans le début des années 2000. 

Si vous vous attendez à voir un top 50 des plus grosses icônes de la photo, passez votre chemin. Collectionneur suisse proche d’André Kertész, au goût indéniable et passionné du 8e art, Thomas Walther a aussi bien su miser sur des petites pépites anonymes que sur des gros blazes de la discipline. Comprenant près de 400 clichés, son impressionnante collection s’exporte - en partie - pour la première fois outre-Atlantique pour se poser aux Tuileries, au sein de notre Jeu de Paume national. Se mêlent alors la portraitiste Berenice Abbott (exposée au Jeu de Paume il y a 10 ans), la surréaliste française Claude Cahun, le représentant de la Nouvelle Objectivité Karl Blossfeldt ou encore le soviétique Alexandre Rodtchenko. Bref, tout ce que l’avant garde de la première moitié du 20ème siècle a fait de mieux ! Des chefs-d'œuvre que l’on découvre au fil d’un parcours thématique et d’une scéno colorblock signée Pauline Phelouzat, non sans rappeler les œuvres d’un certain Mondrian, pote de pas mal des artistes exposés. 

Vous vous rappelez quand Alicia Keys chantait “In New Yoooooork, concrete jungle where dreams are made of” du haut de l’Empire State Building ? Et bien l’expo du Jeu de Paume nous confirme tout ça, en nous faisant rêver à son tour. Carton plein ! 


Madeleine de Sinéty

Photographe autodidacte, Madeleine de Sinéty (1934-2011) découvre par hasard en 1972 le village de Poilley, près de Fougères. Elle s’y installe et photographie des familles. Des images que le musée de Bretagne exposera prochainement.


Née en 1934, la photographe aura vécu à Poilley de 1972 à 1982. Elle y fera par la suite de nombreux voyages depuis les États-Unis, où elle avait établi sa résidence. Décédée en 2011, elle n’aura pas eu le temps d’ordonner elle-même cette archive. Seul le noir et blanc avait été partiellement dévoilé lors d’une exposition à la BNF et d’une autre au Museum of Art de Portland. 

« Nous avons assez peu d’informations sur son enfance. On sait qu’elle a eu une éducation classique, qu’elle séjournait dans un château Renaissance de Valmer chez son arrière-grand- mère et qu’elle regardait par la fenêtre les enfants de la ferme voisine sauter dans le foin, mais n’avait pas le droit de les rejoindre », raconte Laurence Prod’Homme, conservatrice du musée de Bretagne à Rennes. 

Lorsque Madeleine de Sinéty débarque à Poilley à une soixantaine de kilomètres au nord de Rennes, elle tombe sous le charme de ce bourg enroulé autour de son clocher en granit et planté au sommet d’une colline basse. Elle s’y installe, se lie d’amitié avec des habitants et les photographie inlassablement.

En octobre 2021, le musée de Bretagne va présenter des photos de Madeleine de Sinéty, notamment les seize tirages acquis en 1998, des dispositives, une quinzaine d’entretiens avec des habitants de Poilley, photographiés par Madeleine de Sinéty, mais aussi un film réalisé par Sandra Wis qui a eu accès aux carnets intimes de la photographe. Après Guingamp, Rennes, une exposition sera proposée au musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône.

Madeleine de Sinéty, un village, exposition du 22 octobre 2021 au 27 mars 2022, au Musée de Bretagne aux Champs Libres, à Rennes. 

https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/rennes-ma...r=-pt7hpMaSu2Mq_bFnVF00Q_5&vid=2260545&mediego_euid=2260545

https://gwinzegal.com/actualites/madeleine-de-sinety

https://www.en-attendant-nadeau.fr/2021/04/21/monde-hier-sinety/

https://www.blind-magazine.com/fr/stories/1111/Madeleine-De-Sinety-La-Bretagne-Au-Merveilleux


Les fonds Agnès Varda et Bettina Rheims en route pour Lille


Par Sophie Bernard

QDA - 16 juin 2021 


Quatre ans après l’annonce de sa création, l’Institut pour la Photographie, installé en plein cœur de Lille, franchit une étape supplémentaire dans le développement de ses activités en annonçant l’arrivée des fonds photographiques de Bettina Rheims, Jean-Louis Schoellkopf et Agnès Varda et de 25 000 ouvrages d’un collectionneur privé. 

Voulue par Xavier Bertrand, président de la région Hauts de France, cette institution d’un nouveau type élaborée en collaboration avec les Rencontres d’Arles n’en est qu’au stade de préfiguration mais est déjà très
active depuis 2018 : colloques, expositions, programme d’éducation à l’image photographique, trois éditions de bourses décernées annuellement. « Avec ces dépôts et donations, nous concrétisons notre mission patrimoniale, et remplissons le quatrième axe de nos activités après la diffusion, le soutien à la recherche et à la création et la transmission », explique Anne Lacoste, à la direction de l’Institut depuis 2017. La cinquième mission, c’est la mise en place d’une politique de valorisation du livre-objet « qui reste à affiner » mais, là aussi, c’est bien parti car aux trois fonds photographiques s’ajoute l’accueil progressif d’une collection de plus de 25 000 ouvrages. « Le collectionneur, qui préfère rester anonyme, l’a réunie sur une quarantaine d’années. Cet ensemble va faire de Lille l’une des dix références mondiales en matière d’édition photographique », note l’ancienne commissaire d’exposition en charge des expositions du musée de l’Élysée de Lausanne. Elle précise que l’accès à ces fonds sera accessible gratuitement via une base de données internet, la bibliothèque ou une salle de consultation. 


Des travaux à 12 millions d'euros 

Pour l’heure, les bâtiments de l’Institut sont toujours dans leur état brut. Reportés par la crise sanitaire, les travaux débuteront début 2022 pour un montant de 12 millions d’euros pris en charge par la Région. La livraison de la première phase (900 m2 d’exposition et environ 600 m2 de réserve) est prévue pour automne 2023. Les frais de fonctionnement sont estimés entre 3 et 7 millions pour une équipe qui devrait compter une vingtaine de personnes. « L’arrivée de ces fonds est le fruit d’un travail de prospection effectué par l’Institut auprès des photographes. Nous leur offrons un cadre souple et adapté à leurs besoins de manière à instaurer une vraie relation de confiance », explique Marin Karmitz, le président de l’Institut. Ainsi Bettina Rheims a fait don de l’ensemble de son fonds photographique, soit plus de 230 000 pièces (négatifs, planches-contacts, polaroids, tirages de référence et d’exposition, etc., ainsi que sa bibliothèque). De son côté, Jean- Louis Schoellkopf a fait un dépôt à 20 ans de l’ensemble de ses négatifs, ektachromes et planches-contacts, soit environ 30 000 images ainsi que ses archives papiers. Quant à Rosalie Varda, c’est l’ensemble des négatifs, planches-contacts et tirages contacts de sa mère qu’elle a mis en dépôt pour 12 ans. Pour gérer cette activité, l’Institut a créé un fonds de dotation en 2020 lui permettant d’accepter des donations et de délivrer un rescrit fiscal. En début d’année, l’historienne de la photographie Carole Sandrin a pris ses fonctions. Car le but est une gestion en interne avec la mise en place d’un atelier de conservation et restauration. « Ce sont des compétences qui n’existent pas dans la région. C’est important de s’inscrire en complémentarité des besoins et d’apporter une nouvelle expertise », explique Anne Lacoste. 


Rendre justice aux photographes oubliés 

Ces trois fonds sont représentatifs de la volonté de l’Institut de s’intéresser à toutes les formes et usages du médium : le portrait, la nature morte et la commande photographique pour Bettina Rheims, une approche diverse et inclassable pour Agnès Varda et le documentaire social pour Jean- Louis Schoellkopf. Si les deux premières sont connues, ce n’est pas le cas du troisième : « Cela prouve qu’il y a un vrai travail de valorisation à faire et cela fait partie de nos missions. Nous avons besoin de grands noms mais nous souhaitons aussi remettre sur le devant de la scène des photographes oubliés à tort », explique Anne Lacoste. Il est à noter que le travail de Jean-Louis Schoellkopf, portant sur l’urbanisme post-industriel, fait écho à l’histoire du territoire des Hauts de France. Mettre le territoire au cœur de ce projet, c’est justement là un des grands enjeux de l’Institut qui, dès l’origine a mis en place un « comité des experts territoriaux ». Après une carte blanche donnée à des structures locales dédiées au médium (Diaphane, le Centre régional de la Photographie, et Destin sensible) et avoir financé une base de données en ligne de leurs bibliothèques, d’autres projets sont en cours. Malgré les difficultés liées à la crise sanitaire, l’Institut poursuit donc les objectifs qu’il s’était fixé. « On avance ! L’idée est d’être le plus agile et plus réactif possible », conclut Marin Karmitz. 




JACQUES HENRI LARTIGUE


En 1963, Jacques Henri Lartigue expose pour la première fois à l’âge de 69 ans, à New York, quelques-uns des nombreux clichés qu’il a réalisés au cours de sa vie.



La photographie, Jacques Henri Lartigue l’a apprise au contact de son père dès 1900. Répondant à l’enthousiasme de son fils, Henri Lartigue lui offre son premier appareil photographique à l’âge de 8 ans en 1902.



Cependant, pour cet enfant si soucieux de retenir le temps qui passe, la photographie est insuffisante. Comment, en effet, tout dire et tout retenir dans une image prise en quelques secondes ?



Parallèlement, il entreprend donc la rédaction d’un journal qu’il poursuivra toute sa vie. Et, sans doute pour s’engager dans une activité reconnue, il commence à dessiner et à peindre.



Il est aussi le grand-père de Martin Lartigue qui joua le rôle de Petit Gibus dans le film « La Guerre des Boutons » (1962) d’Yves Robert.

Jusqu’à ses derniers jours, il poursuit son œuvre à travers la photographie, la peinture et l’écriture. Il s’éteint à Nice le 12 septembre 1986.


https://www.rivagedeboheme.fr/pages/arts/photographie/jacques-henri-lartigue.html


https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Henri_Lartigue


https://sites.google.com/site/grandsphotographesdu20eme/lartigue-jacques-henri


https://actualitte.com/article/98743/edition/jacques-henri-lartigue-100-photos-pour-la-liberte-de-la-presse


https://www.polkamagazine.com/photographe/jacques-henri-lartigue/




Les agences photo confrontées aux questions éthiques 

Par Sophie Bernard
QDA - 15 avril 2021  

Peut-on tout montrer ? Quelle est la responsabilité des agences photo dans la diffusion d'images de victimes ? Témoignages. 

L’affaire agite le monde de la photographie. Magnum Photos, la mythique agence fondée en 1947 par Robert CapaHenri Cartier-BressonGeorge RodgerDavid Seymour et William Vandivert, est sous le coup d’accusations concernant la diffusion et la commercialisation d’images d’enfants ayant subi des abus sexuels, un reportage datant de la fin des années 1980. En cause, le fait de ne pas avoir masqué les visages et l’usage d’un vocabulaire litigieux pour étiqueter les images dans les bases de données de l’agence. Ces accusations donnent d’autant plus à réfléchir qu’elles concernent cette agence, née de l’idée de défendre les droits des photographes afin qu’ils soient considérés comme des auteurs et les propriétaires de leurs images. Mais aussi qu’ils aient la liberté de travailler sur les sujets de leur choix et aient leur mot à dire sur les conditions de publication de leurs images. 

« Le poids des mots, le choc des photos », l’ancien slogan d’un célèbre hebdomadaire semble donc plus que jamais d’actualité et résonne étrangement dans l’époque actuelle. Après « l’ère du choc » et celle du « soupçon » vis-à-vis de la photographie décrite par Susan Sontag dans Devant la douleur des autres en 2002, sommes-nous en train de basculer dans une société précautionneuse à l’excès, voire moralisatrice, quand il s’agit de diffuser des images montrant des personnes en situation de fragilité ? 

Les enjeux de l'indexation 

Au début des années 2000, l’informatique a révolutionné la diffusion des images. Car au temps des négatifs et des tirages papiers, les photos étaient rangées dans des boîtes et l’indexation était limitée à un usage interne, celui des agences ou des photographes. Aujourd’hui, les recherches sont effectuées par les clients eux-mêmes (que ce soit dans la presse, l’édition ou encore la communication) via les bases de données. Les quantités sont colossales. Un exemple : 70 millions, c’est le nombre d’images rassemblées par PixPalace, plateforme française s’adressant aux professionnels regroupant des agences, collectifs et fonds photo, de Magnum à la BnF en passant par VUDivergence ImagesAbacaSipa PressGamma RaphoTendance Floue... Et ce n’est qu’un petit aperçu de la production mondiale. Si chacune de ces structures a ses propres règles d’indexation, pour tous ces organismes les images sont répertoriées via un ensemble d’informations et de mots- clés (tags en anglais). Plus ces derniers sont précis plus ils rendent visibles les clichés qui, ainsi, « remontent » lors des recherches, pour reprendre le terme employé par les professionnels, c’est-à-dire s’affichent au premier plan. L’objectif de l’indexation étant de maximiser les chances de trouver l’image et ainsi de stimuler les transactions commerciales. 

Mais les enjeux de l’indexation réunissent des intérêts contradictoires : d’un côté l’éthique et le droit à l’image (qui peut varier d’un pays à l’autre), de l’autre le commercial. Qui se charge d’écrire les mots clés ? Les agences de grandes tailles sont restées muettes face à nos questions. Chez Divergence Images, une structure réunissant plus de 140 photographes indépendants, « chacun est responsable de ses contenus et de son indexation », explique Patrick Gherdoussi, l’actuel président, lui-même photographe. Et Cyril Entzmann, un des membres du comité de direction réunissant une douzaine photographes, d’ajouter : « Un règlement intérieur stipule que les photos doivent respecter les règles de déontologie des journalistes. Il est également précisé qu’aucune image mise en ligne ne doit faire l’apologie du racisme, de la xénophobie ou de la pédophilie. » À cela s’ajoute une commission de veille qui parcourt régulièrement le contenu du site. « Et il y a quelques années, nous avons bénéficié d’un accompagnement de l’Association nationale des iconographes (ANI) pour mieux saisir les enjeux de l’indexation et gagner en efficacité », conclut Patrick Gherdoussi

Chez VU, agence d’auteurs fondée en 1986, l’indexation est entièrement réalisée en interne : « C’est l’avantage des petites structures comme la nôtre, cela a toujours fait partie de nos priorités d’y apporter un soin particulier », souligne Patricia Morvan, sa codirectrice, qui précise que l’affaire Magnum a incité l’équipe à redoubler de vigilance : « On a reparcouru notre fonds et les mots clés. » De son côté, si on lui demande ce qui fait la qualité des tags, Laetitia Guillemin, coprésidente de l'ANI et iconographe indépendante pour la presse et l’édition, explique que « concernant l’éditorial, ce sont les tags qui privilégient les mots génériques, en aucun cas des termes appartenant au registre de l’interprétation ou de l’émotion, et encore moins relevant du sensationnel ». Tout est donc une question de nuance et d’équilibre. Car, comme l’explique la directrice de VU, « si le vocabulaire est trop précis, cela peut conduire à une mauvaise utilisation des images ». 

Précautions 

C’est-à-dire ? À un détournement du sens originel pour faire dire aux images ce qu’elles ne représentent pas. Une mésaventure qui est arrivée à la reporter Laurence Geai, habituée des territoires où l’info est difficile à obtenir et qui se définit comme journaliste avant d’être photographe. Il y a quelques années, une image extraite d’un reportage réalisé à Mossoul (Irak) représentant des fumeurs de narguilé a été reprise sur le site d’un hebdomadaire pour illustrer un article sur la Seine-Saint-Denis. Depuis, la reporter interdit l’accès de son travail à ce magazine. Comment ? « Dans les métadonnées des fichiers, il est possible de mentionner des restrictions d’utilisation en spécifiant, par exemple, qu’il faut prendre contact avec l’agence ou le photographe selon les cas », explique Sylvaine Lecoeur, directrice commerciale de PixPalace. Une façon d’exercer un contrôle avant la publication. Chez VU, des précautions sont ainsi prises pour certains sujets – comme le travail documentaire sur les femmes en prison de Jane Evelyn Atwood réalisé dans plusieurs pays en Europe et aux USA de 1989 à 1999. « Impossible d’avoir accès aux images en haute définition directement », souligne Patricia Morvan

À l’heure où les sujets délicats, comme l’inceste et les violences faites aux femmes, se multiplient, le dialogue entre les producteurs et les utilisateurs d’images est donc la clé contre les dérives, les utilisations malveillantes ou le détournement de sens. « D’où l’importance des iconographes », notent en cœur les acteurs du secteur, agences comme photographes. Si la prudence s’impose, il ne faut pas non plus tomber dans un excès de précautions : « Dans le contexte actuel où la conception de la morale évolue, cela risque de mener à des choix moins percutants en incitant à privilégier des images d’illustration “standardisées” au détriment de regards d’auteurs plus originaux », prévient Patricia Morvan

Cela signifie-t-il que notre époque est moins tolérante ? « Cette question ne date pas d’aujourd’hui », remarque Jean-François Leroy, fondateur en 1989 de Visa pour l’image, festival dédié au photojournalisme. Il cite les séries de Mary Ellen Mark sur la prostitution à Bombay et de Yan Morvan sur la pédocriminalité en Thaïlande datant des années 1980, ainsi que les travaux plus récents de Stephanie Sinclair sur les mariages forcés des petites filles. « Montrer ces images, ce n’est pas faire l’apologie de ce qu’elles représentent. Dénoncer peut faire avancer les choses. La solution n’est donc pas d’arrêter de les montrer », conclut-il. Point de vue similaire en 1981 pour Hervé Guibert dans un article du Monde titré « Pas la honte, la réalité », publié à l’occasion de la sortie du livre de Mary Ellen Mark. Enfin, faisant référence à la photo de Aylan, le petit syrien échoué sur la plage (2018), Jean- François Leroy conclut : « Celui qui publie les images a aussi la responsabilité de les expliquer. » Au passage, il déplore le changement d’époque et le fait qu'« il ne faut plus choquer ». 


Une pratique en danger ? 

D’une génération à l’autre, cette question du contenu continue de hanter les photographes. Ceux que nous avons interrogés s’accordent pour dire que l’on peut tout photographier « mais pas forcément tout montrer. De plus, les choses peuvent évoluer dans le temps », explique le photojournaliste Guillaume Herbaut. Ainsi, il a choisi de ne plus diffuser certaines images des années 1990 issues d'un reportage sur un camp de vacances organisé par un membre fondateur du Front national où l’on pourrait reconnaître les enfants. Pourtant, à l’époque, il a eu l'autorisation des parents. « Je considère que les adultes qu’ils sont devenus n’assument pas forcément ce moment de leur existence. De manière générale, quand je photographie les gens, j’ai toujours à l’esprit qu’il faut les protéger. C’est la grande différence entre les professionnels et les amateurs qui, eux, sont souvent sans retenue... » 

Ne pas porter atteinte à ceux que l’on photographie en faisant en sorte qu’ils ne soient pas reconnaissables, c’est une bonne chose mais Guillaume Herbaut comme Laurence Geai soulignent que l’on a aussi, parfois, besoin d’un visage ou d’un regard pour véhiculer de l’émotion, et ainsi créer de l’empathie. « Dans certains cas, le droit à l’information doit primer sur le droit à l’image car un visage est aussi une information », conclut Laurence Geai. De son côté, Stéphane Duroy, photographe documentaire « à la fois déçu des limites du médium mais toujours fasciné par cette association d’un regard et d’une mécanique », conclut, pessimiste : « Si on met de côté les excès qu’il faut bien sûr condamner, la photo comme je la pratique est en danger de disparaître pour devenir une expression ennuyeuse et codifiée. Notre souci d’un droit à l’image strict et le respect d’un ordre moral intransigeant finiront par détruire la magie photographique. » 

LA VIE EN LIFE 

Par Rafael Pic
11 novembre 2020 - Quotidien de l’Art
 


De 1936 à 1972, à son âge d'or marqué par une parution hebdomadaire, Life fut peut- être le magazine le plus influent d'Amérique. Créé par Henry Luce – qui aurait mérité autant que Randolph Hearst d'être le modèle de Citizen Kane (il créa aussi Time, Fortune et Sports Illustrated) – il se faufilait dans chaque foyer américain pour servir des articles bien écrits et admirablement photographiés. Alfred Eisenstaedt, Robert Capa, Eugene Smith, Gjon Mili ou Andreas Feininger ont produit quelques-uns de ses plus beaux reportages. De rares femmes ont réussi à s'imposer dans cet univers d'hommes, dont Hansel Mieth (1909-1998), Martha Holmes (1923-2006) ou, plus encore, Margaret Bourke-White (1904-1971). C'est elle qui fit d'ailleurs la première couverture, le 23 novembre 1936, avec un reportage sur le barrage de Fort Peck, sur le cours supérieur du Missouri. Devenu irrégulier puis mensuel de 1978 à 2000, Life a vu son aura se faner mais le magazine, aujourd'hui propriété du groupe Meredith, possède toujours l'une des plus belles photothèques du XXe siècle avec quelque 10 millions de photos. Un florilège de 191 tirages modernes sur papier baryté est proposé chez Cornette de Saint Cyr, avec des estimations entre 500 et 5000 euros. Le produit de la vente doit aider à poursuivre la conservation et la numérisation du fonds. 


BRASSAÏ

Brassaï, photographe français d’origine hongroise, est à l’origine d’emblématiques photos de la vie parisienne des années 1920. Brassaï s’installe à Paris en 1924, où il travaille en tant que journaliste et rejoint le cercle des artistes et écrivains hongrois. La nuit, il se promène dans le quartier de Montparnasse et prend des photos de prostitués, balayeurs et autres personnages de la nuit, le tout regroupé dans son livre Paris de Nuit (1933). 

Bien que Brassaï soit célèbre pour photographier les aspects graveleux de la ville, il témoigne aussi de la haute société à travers ballets, opéras et intellectuels, parmi lesquels Pablo PicassoSalvador DalíAlberto Giacometti et Henri Matisse

Né Gyula Halász le 9 septembre 1899 à Brassó, Brassaï tire son pseudonyme de sa ville natale. Il étudie la sculpture et la peinture à l’Académie hongroise des beaux-arts et déménage en 1920 à Berlin. 


En 1924, les photos de Brassaï lui amènent une renommée internationale. Sa première exposition au MoMA de New York est organisée en 1948, mais il continue toute sa vie de subvenir à ses besoins grâce à la photographie commerciale. Il meurt le 8 juillet 1984 à Beaulieu-sur-Mer. 



CHARLES MARVILLE


Charles-François Bossu, dit Charles Marville, débute comme peintre-graveur. On trouve quelques-uns de ses dessins dans La Seine et ses bords et La Saône et ses bords, deux ouvrages de Charles Nodier (1836), et dans Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre (édition de 1838), dans lequel il compose des vignettes, des lettrines ornementées et des paysages. Il collabore en parallèle à des magazines illustrés, dont Le Musée des Familles et Le Magasin Pittoresque. En 1842, il participe à la publication du Jardin des Plantes de Pierre Boitard.


La création du calotype, nouveau procédé photographique qui à l'inverse du Daguerrotype, permet la reproduction en nombre des clichés originaux, le conduit à la photographie, domaine où il acquière rapidement une certaine notoriété. Il obtient en 1848 une première commande officielle de l'état ; la copie photographique d'un tableau de Lesueur. Il publie ses premières photographies d'architecture chez Blanquart-Évrard à partir de 1851. Il se rend cette même année en Algérie, réalisant à cette occasion une série de calotypes. En 1853, il est choisi pour photographier le décor du mariage de Napoléon III avec Eugénie qui eut lieu à Notre-Dame. Il photographie le baptême de leur fils en 1856; En 1853, il illustre également l'album Sur les bords du Rhin, puis les séries Architecture et sculpture de l'art religieux (1853-1854). Il se signale comme « photographe du musée impérial du Louvre ». Il est ami d'Ingres qui lui confie la reproduction de ses tableaux. Il collabore également aux grands chantiers de restauration de cette époque, menés par les architectes Viollet-le-DucPaul Abadie ou le sculpteur Aimé Millet. Il prend ainsi en photos la Sainte-ChapelleNotre-Dame de Paris ou d'autres cathédrales françaises.



En 1862, il est « Photographe de la Ville de Paris ». Il photographie alors le nouveau mobilier urbain et les nouveaux aménagements de la ville comme le bois de Boulogne. En 1865, il publie l'Album du Vieux-Paris, commande du service des Travaux historiques qui vient d'être créé. Il réalise pour cela 425 clichés. Cet album rassemble des vues des vieilles rues de Paris avant leur destruction lors des transformations de Paris sous le Second Empire et témoigne de l'insalubrité de la ville avant les travaux d'Haussmann. Pour une seconde commande de la ville de Paris consacrée aux nouvelles voies de la capitale et destinée à être montrée lors de l'exposition universelle de 1878, il photographie notamment le percement de l'avenue de l'Opéra à la fin des années 1870. Il est aussi chargé de prendre en photo les ruines de l'Hôtel de Ville, incendié sous la Commune, et les étapes de la reconstruction mais il meurt avant la fin des travaux.


Après sa mort, en 1879, son atelier, qui se situait au 75, rue Denfert-Rochereau, est racheté par le photographe Armand Guérinet.


Les plaques de verre de ses photographies sont conservées à la Bibliothèque historique de la ville de Paris et concernent les rues et monuments de Paris, commandés par la ville de Paris en 1865. Le musée Carnavalet conserve plus de 760 tirages de Charles Marville. (Wikipédia)





RICHARD AVEDON 

(1923 New York, USA. 2004 San Antonio, USA.)

L’œuvre de Richard Avedon se révèle être un portrait de l’Amérique de la seconde moitié du XXe siècle. Pour les magazines les plus célèbres comme Life, Harper’s Bazaar ou Vogue, l’artiste a transmis à la photographie de mode sa passion, son énergie et lui a donné une nouvelle vie. 

A New York, il a photographié la vie culturelle, installant sur fond blanc les célébrités du monde de la littérature, de l’art et du spectacle. Aux côtés des puissants, dans une tradition élitiste du portrait, il a photographié des américains anonymes, exclus et défavorisés. Les hommes sont mis à nus devant son objectif, dépossédés d’une réalité superficielle. 

Sur le fond neutre, dans une composition épurée, seule l’âme du sujet apparaît. Il imagine une série de célébrités faisant apparaitre l’individu en deux plans, rapproché et serré. 

Des poses sobres, presque dramatiques, comme celle de Francis Bacon que l’on découvre comme pris sur le vif. L’air interrogatif et frontal admet une autre facette de l’artiste, plus familière, moins charismatique. Des portraits épurés apportant une neutralité des gestes et une authenticité du regard. 

« La photographie ne reproduit pas le visible, elle rend visible. » « Les photos ont pour moi une réalité que les gens n’ont pas. C’est à travers les photos que je les connais. » Richard Avedon 





CATHERINE BEUDAERT

Dans une période de déferlement d’images, mêlant trop souvent à la profusion, le désordre des excès, Catherine Beudaert écrit sa ligne photographique d’un simple regard. Les sujets, choisis au gré des rencontres et des envies, y prennent toute leur teneur. Le style de Catherine Beudaert n’est pas immédiatement identifiable, couleur ou noir et blanc, douceur ou contraste, courte ou longue focale, le phrasé pictural est entièrement au service du sujet et de la lumière. Mais à parcourir ses images, le style devient évident, il teint dans la simplicité du regard : le cadre est fragile et laisse à voir bien au-delà de ses limites, les teintes sont bienveillantes, les instants captés ne semblent pas définitifs, ils nous aident à mieux voir, à voir différemment. 

« Je me suis mariée à 18 ans. Il m'a paru alors normal consacrer la plupart de mon énergie au bien-être de la famille que j'ai créé. Quand chacun est parti de son côté, mes propres aspirations sont remontées violemment. » 

Son premier reportage date de 2009 et son premier appareil reflex, un Nikon D90, a été acheté pour l’occasion. La photo, présente en filigranes depuis l’adolescence, avec des réminiscences de tirage argentique noir et blanc, prend d’un coup toute la place, comme si, retenu depuis tant d’années, ce désir de photographier ne pouvait que finir par s’imposer. 

« J’habite en Picardie et mon premier reportage a été sur Paris, la ville et ses turbulences, si éloignée de mon quotidien. J’ai photographié les espaces, la pierre, les ciels, mais ce sont surtout les gens qui m’ont intéressée, les gens dans leur solitude. »

On y rencontre les peintres des quais se Seine, les tagueurs de Belleville et les gens des beaux quartiers, mais ce sont surtout les marginaux qui l’ont intéressée, elle les photographie avec tendresse sans jamais verser dans le misérabilisme. 

« J’ai réalisé ce premier reportage avec avidité et gourmandise. Tout ce qui m’entourait était un appel à photographier. J’ai su à ce moment que ma nouvelle vie passerait par la photographie. »

Plusieurs projets s’enchaînent : « Exploration urbaine », « Entre ciel et pierres », les graffitis du XVIème siècle au manoir du Catel, ..., et un travail sur les graffeurs qui trouve son apogée avec la rencontre de Eyone qu’elle suit dans son périple, de tag des cheminées et façades, sur les toits de Montreuil. 

Elle montre ses photos autour d’elle, à l’artiste Yves Bady, rencontré grâce à des amis communs, à Jean-Patrick Capdevielle, qu’elle assiste dans l’animation de son site web, et ils aiment... Ils l’encouragent à continuer. C’est parti. 

« Je découvre tes atmosphères crépusculaires, tes fontaines fantômatiques et tes lions interrogés ; je trouve mon compte dans la désolation de tes friches industrielles; dans ton enfant de Matisse aux oiseaux; dans tes temples verre et acier aux temps modernes divinisés.Ce que nous voyons du coin de l'oeil, toi, tu le regardes et tu nous donnes la chance et le temps de le lire. Merci de ce cadeau. » Jean-Patrick Capdevielle 

« Catherine possède un oeil différent de la plupart des autres photographes. Elle a cette faculté rare de saisir au vol des instants aussi vifs qu'inattendus ». Yves Bady 

Elle réalise en 2010 son premier reportage à l’étranger, au Liban, en 2 fois une semaine. Elle ramène des photos différentes, sur un pays tellement photographié. Des images qui sont aussi nouvelles que simples, une vision sans apriori, sans modèle à respecter, sans nulle autre motivation que celle de voir et de témoigner. La proximité entre le luxe et la misère y est représentée, mais aussi les petites histoires de la vie quotidienne, la campagne, les vestiges historiques, le Liban dans sa diversité et son originalité. 

« J’étais enfant quand j’ai vu à la télévision les images de la « guerre des deux ans » au Liban. Je me souviens d’un choc émotionnel, mélange de honte et d’incompréhension, face à ses images de tueries entre factions chrétiennes et palestiniennes. 35 ans après, je voulais y aller, tenter de comprendre et témoigner. J’ai été étonnée que les murs en parlent encore.» 

Depuis 2010, la photographie occupe Catherine Beudaert à plein temps. Elle est actuellement sur plusieurs projets : « Vestiges » sur les friches industrielles et « French Heritage » variation sur le made in France. Et bien d’autres sont en préparation : au Vietnam, en Nouvelle Calédonie, en Equateur, ..., comme s’il y avait urgence à rattraper le temps perdu. (NÉGATIF+, 2012)





LAURENT BRICARD



Laurent Bricard est né à Valenciennes et vit dans la banlieue lilloise. Il a découvert la photographie à l’adolescence, avec son père, puis l’a oubliée. Des études, une vie professionnelle bien réglée, c’est il y a seulement 7 ans, certainement grâce au numérique qu’il la redécouvre et se lance dans une pratique quasiment quotidienne.


Équipé d’un 35 mm, toujours à portée de main, il pratique une photo instinctive, rapide et précise, comme un lien spontané entre lui et les autres. Jamais volée, sa photographie accompagne la relation. Les gens, il les aime, sans à priori, dans leur humanité. 


«J’ai commencé par photographier en couleur, surtout les paysages de ma région, le Nord Pas de Calais. Pendant la première année, Je me suis cherché. J’ai sur-saturé les couleurs, multiplié les effets, jusqu’à m’apercevoir que la couleur était de trop, qu’elle freinait la spontanéité de mes images. Je ne renie absolument pas ce travail qui a été plusieurs fois exposé, mais il est très éloigné de ce que je fais maintenant.» Ce style si particulier qui caractérise désormais ses images, il le doit beaucoup, et ne le cache pas, à sa découverte du travail d’Anders Petersen, photographe suédois qui, lui aussi, a choisi le noir et blanc et n’a d’intérêt que pour l’humain. 


«Il me fallait ce temps de ré-apprentissage du médium, que j’avais pratiqué du temps de la chambre noire, pour trouver mes marques et le mettre au service de qui je suis, de mes envies et de ma spontanéité. Ma photo est instinctive et exclusivement dirigée vers l’humain, à 100% ! 


Je ne passe plus des heures sur Photoshop. J’applique les scripts de grain et de contraste que j’ai longuement testés et qui désormais définissent mon écriture. Seul le moment de la prise de vue compte. C’est un déclic à l’instinct, c’est une rencontre, un sourire, un cri, un partage.» 


Ce style, il le met à l’épreuve, en 2014, lors d’un voyage au Cambodge, longue traversée solitaire de 1600 km, qui donnera naissance à un livre édité par Corridor Elephant. Il diffuse largement ses photos sur le net, principalement Facebook sous le titre «Photos by Lo», sur le webzine «Visons Libres » et l’éditeur numérique Corridor Elephant. Puis c’est la rencontre avec Jean-Patrick Capdevielle qui apprécie autant les images «très rock» que le personnage, spontané, direct et aimable. Il lui fait confiance. 


«C’est une belle rencontre qui m’a permis de confronter mon univers et mon écriture au monde professionnel. J’ai fait les photos qui ont accompagné la sortie de son dernier disque : intérieur de pochette, livre et expo. J’ai rencontré à cette occasion les autres photographes engagés dans cette aventure, Scarlet Page et Catherine Beudaert, et découvert que mes portraits «vifs et granuleux» avaient leur place aux côtés des leurs.»


Après Capdevielle, c’est Christophe Marquilly, membre fondateur des Stocks, puis Philippe Deyrieux, du groupe Montparnasse, ou encore le jeune groupe de rock 20’ TO LIVE qui lui confient les photos de leurs prochains albums. 


«Ça s’enchaîne dans le milieu musical, et certaines images seront certainement en couleur, mais ce n’est pas un choix, c’est d’abord une histoire de rencontres et de connivence. Toujours une aventure humaine.» 


Nils Sidsel (Négatif +) 2016


Robert Doisneau 


Photographe français (Gentilly 1912-Paris 1994). 


Formé à l’Ecole Estienne il obtient un diplôme de graveur lithographe et devient dessinateur de lettres à l’Atelier Ullman, spécialisé dans les publicités pharmaceutiques. En 1931, il est engagé par le sculpteur André Vigneau comme opérateur. Entre deux missions, il arpente les rues de Paris et de banlieue, faisant de ces lieux son studio. Tout au long de sa vie, Doisneau a été fasciné par la banlieue. Dans son studio, il côtoie les avant-gardes littéraires et artistiques et parfait ses connaissances techniques. Il y découvre la réalité du métier de photographe, qu’il exerce ensuite aux Usines Renault, après son service militaire, comme photographe industriel. Pendant 5 ans, il photographie les ateliers, les foules d’ouvriers, les chaînes de montage... Il est licencié en 1939 pour retards répétés. Photographe illustrateur indépendant jusqu’en 1946, il devient à cette date photographe d’agence.


La force de la photographie de Robert Doisneau réside principalement dans son humanisme. Comme tous les familiers de la rue, Doisneau a su fixer cette gravité rayonnante qui isole un être humain de la foule, ces moments de grâce qui rassemblent les passants. Ces instants capturés sans prétention ont probablement été influencés par l’environnement dans lequel Robert Doisneau a grandi. Son père ayant souffert de travailler toute sa vie dans la même boîte, il a refusé de suivre le même chemin. « La photographie ça semblait un peu canaille et ça me plaisait ». Et si ses clichés sont encore aujourd’hui admirés et appréciés, le travail de Robert Doisneau n’était pas celui attendu par le milieu professionnel de son époque. Pourtant, l’ami de Prévert et Cendrars est parvenu à vendre et propager sa photographie en s’adaptant à ses publics, sans pour autant renier sa nature profonde. Dès lors, il va s’imposer comme l’un des plus illustres représentants de l’école dite « humaniste » à laquelle appartiennent aussi Robert Capa et Henri Cartier-Bresson. Un courant déjà amorcé dans les années 1930 par BrassaïAndré Kertész et Willy Ronis, et dont l'influence triomphe après la Seconde Guerre mondiale. Le regard de Doisneau sur le monde traduit son empathie à l'égard des plus démunis. Ses photographies des quartiers populaires de Paris et de sa banlieue témoignent d'un mode de vie où triomphent les valeurs de solidarité, de générosité et de joie de vivre après les années d'occupation allemande. Un bonheur qui s'accompagne de luttes pour une amélioration des conditions de travail et d'existence. 


En 1939, il rencontre Charles Rado, fondateur de l’agence Rapho, qui lui propose un contrat de photographe-indépendant. La réalisation de sa première commande est interrompue par la déclaration de guerre. Mobilisé à l’est pendant le début de la guerre, il est réformé en février 1940 et rentre à Paris. En juin, à l’arrivée des nazis, il quitte la capitale et se réfugie dans une ferme dans le Poitou pendant quelques mois. C’est dans cette région qu’il réalisera 10 ans plus tard quelques unes de ses photos les plus célèbres. Pour survivre pendant cette période où les commandes sont rares, il fabrique des cartes postales en photographiant les monuments napoléoniens et les vend au musée de l’Armée. Il met également son talent de graveur au service de la Résistance en fabriquant de faux-papiers. En 1945, Robert Doisneau rencontre Blaise Cendrars à Aix-en-Provence grâce à Maximilien Vox qui l’envoie en commande pour l’Album du Figaro . L’écrivain est l’un des premiers à s’intéresser au travail du photographe sur la banlieue et à l’encourager dans cette voie. 


L’Agence Rapho est relancée en 1946 par Raymond GrossetDoisneau reprend alors sa place de photographe indépendant. Grâce à GrossetDoisneau signe un contrat avec Vogue pour réaliser des photos de mode mais il n’est pas à l’aise dans ce milieu, il ne sent pas à sa place. Il préfère photographier le monde de la nuit et de la cloche avec Robert Giraud, rencontré en 1947. Ensemble, ils tenaient une rubrique à 4 mains pour Paris-Presse L’intransigeant . C’est en sa compagnie qu’il réalise une grande partie de ses photos de bistrots des années 50, en traînant dans les quartiers des halles ou Mouffetard. Giraud connaît parfaitement le milieu, il présente à Doisneau nombre de personnages présents dans l’exposition tels que Richardot le tatoué, Pierrette d’Orient l’accordéoniste ou Anita, la jeune femme mélancolique. Robert Doisneau est un homme discret, attaché à son pays, parlant mal l’anglais et voyageant peu. Il vend ses photos à des magazines comme Le PointVogueLa Vie OuvrièreParis-MatchPoint de Vue ou Life.


Bien loin de son travail à l’Agence Rapho et de son passage à VogueRobert Doisneau a multiplié les reportages : aux Etats Unis en 1960, pour photographier Jerry Lewis sur un tournage à Hollywood et en profite pour faire des photos avec son ami Maurice Baquet à New York, au Canada en 1966 ou encore en en URSS en 1967, où Il réalise un reportage pour le journal de la CGT La vie ouvrière. S’il aime voyager, Doisneau est principalement inspiré par Paris et ses faubourgs. Il leur consacre des clichés en noir et blanc pleins de verve, d’humour et de tendresse, qui émaillent, entre autres, la Banlieue de Paris, sur un texte de Blaise Cendrars (1949), les Parisiens tels qu’ils sont (1954), Gosses de Paris (1956), le Paris de Robert Doisneau et Max-Pol Fouchet (1974), le Mal de Paris (1980), Mes Parisiens (1997). Et si son art est intimement lié à Paris, Robert Doisneau a confié pouvoir vivre « n’importe où si ce n’est pas trop loin de ceux qui rient des mêmes choses que moi » Il n’omet pas non plus la province (les Auvergnats, 1999). Cependant, l'œuvre ne saurait être réduite au seul reportage humaniste baignant dans un univers empreint de réalisme poétique. Homme d'images sillonnant les univers les plus différents, Doisneau est aussi un homme de verbe. Son exceptionnel style métaphorique où l'humour plante le décor, où l'ironie s'affûte dans des expressions flottant entre argot et poésie, est en symbiose avec l'esprit de ses photographies et concourt au succès de ses ouvrages. Publiée et exposée dans le monde entier, son œuvre incarne l'élégance de ceux qui savent partager. 


Dans les années 80, à la demande de la DATAR, il explore à nouveau la banlieue, son espace de prédilection, en réalisant une mission en couleur. Ma vie est télescopique, disait-il, une suite de rencontres heureuses ou malheureuses, une improvisation au jour le jour, En effet, au fil des années, Doisneau s’est lié à de nombreux artistes, écrivains, peintres, acteurs : de Jacques Prévert à Jacques Tati, de Saul Steinberg à Pablo Picasso, de Daniel Pennac au chanteur Renaud et Sabine Azéma, sa grande amie qui lui consacra un film pour ses 80 ans. Ces rencontres ont façonné l’histoire de sa vie.


Dans un entretien (1983) avec l’écrivain et cinéaste Sylvain RoumetteRobert Doisneau confie que sa distance fut dictée par sa timidité : « Je regrettais de ne pas pouvoir être plus proche des gens, mais je n’osais pas trop m’approcher » (dans ce passage, le photographe évoque sa peur de la foule). Cette distance ne l’empêchait pas d’être intimement lié à ces instants volés et créait en lui un sentiment de mélancolie tellement puissant qu’il évitait de les regarder : « Ça me fait la même impression que mon album de famille, j’ai vraiment le sentiment du temps qui a passé, avec cette vieillesse qui arrive comme par inadvertance, à mon insu, ce truc qui vous saisit brusquement, ça vous donne le vertige ». Pour Robert Doisneau, il est clair qu’on ne fait pas les photos pour soi mais pour les partager.


« Pêcheur d’images » comme il aime se définir (alors que Cartier-Bresson se veut « chasseur d’images »), Doisneau sait fixer dans l’instant les hommes dans leur quotidienne vérité, parfois réinventée. Sans nul souci esthétisant, il sait aussi susciter et faire partager l’émotion, comme celle que l’on éprouverait en feuilletant les pages d’un album de famille. Portraitiste du petit peuple des rues, mais également de nombreux artistes, il laisse une œuvre composée d’environ 450 000 négatifs. Robert Doisneau a remporté de nombreux prix comme le Prix Kodak en 1947, le Prix Niepce en 1956, le Grand Prix national de la photographie en 1983 ou encore le Prix Balzac en 1986. Mais au-delà de ces récompenses, il est surtout devenu le modèle de générations entières d’artistes et de spectateurs touchées par ses œuvres.


Une grande complicité le liait à Henri Cartier-Bresson ; aussi enfantins l’un que l’autre dans leurs rires, ils ne manquaient cependant pas de se consulter sérieusement dès que le métier l’exigeait. « Notre amitié se perd dans la nuit des temps, écrivait HCB en 1995, nous n’aurons plus son rire plein de compassion, ni les réparties percutantes de drôlerie et de profondeur. Jamais de redite, chaque fois la surprise. Mais sa bonté profonde, l’amour des êtres et d’une vie modeste, est pour toujours dans son œuvre ». Ils n’avaient pas la même conception de la photographie, l’imparfait de l’objectif de Doisneau se conjuguant mal avec l’imaginaire d’après nature d’un Cartier-Bresson, plutôt adepte de la rigueur, influencé par la peinture et le dessin et hostile au recadrage. La revue Le midi illustré , rapporte que lors des obsèques de Robert Doisneau , Cartier-Bresson a jeté dans la tombe de son copain une moitié de pomme, puis a croqué l’autre dans un geste de communion profane, posture qui en dit long sur la fraternité simple des deux hommes. 


De tous les sujets de société traités par Robert Doisneau, celui des tatoués est sans doute l’un des plus atypiques dans l’univers lumineux et poétique du photographe.


C’est Robert Giraud, poète, écrivain, journaliste et spécialiste bohème des bas-fonds de Paris, qui introduit Robert Doisneau, son ami, dès 1947 auprès de ses nouveaux modèles. Avec lui, Doisneau va découvrir un univers qui lui est étranger.

« Avec lui j’ai connu des marginaux. Un milieu de gens qui étaient tout à fait en rupture avec la loi. Bob jubilait en écoutant les prostituées, les souteneurs ; moi c’était un milieu qui me semblait assez bête. Les putains racontaient leurs histoires de fesses, ça n’était pas mon truc. Mais la pseudo distinction de Vogue ne l’était pas non plus, c’était un boulot qui avait fini par m’exaspérer. Tout compte fait, je soignais énergiquement avec l’ami Giraud ma dépression de photographe mondain ! ».


Giraud était fasciné par les tatouages, les récits qui les accompagnaient. En compagnie de Doisneau et de Jacques Delarue, inspecteur de police et ancien compagnon de cellule durant la guerre, il arpente les bistrots des quartiers des Halles, de Mouffetard et de Maubert à la recherche de tatoués, en vue de l’édition d’un livre, Les tatouages du milieu , paru en 1950. 


Dans la lignée de l’enquête de Lacassagne en 1881, le reportage photographique de Doisneau illustrant l’étude circonstanciée de Giraud et Delarue, constitue un témoignage éloquent sur le milieu interlope parisien de l’après-guerre. « Le chef d’œuvre était Richardo, oblitéré du crâne aux orteils, une toile de Jouy sur pied ». Surnommé le “Gobelins vivant” par Albert Londres qui le rencontra au bagne de Biribi en 1924, Edmond Faucher [1884-1963], dit Richardo, exhibait son corps pour gagner sa vie. Giraud et Doisneau le rencontrent au bistrot des Cloches de Notre-Dame où il s’avère difficile à photographier. Le photographe préférera faire les prises de vue chez lui, sous les yeux stupéfaits de sa famille. Richardo finit ses jours en prison après avoir poignardé un importun. Robert Doisneau rapporte que sur sa carte d’identité, à la rubrique « signes particuliers » était inscrit « néant »… 


C’est toujours en ironisant sur lui-même, que Doisneau abordait son travail, qui n’était pour lui que l’antidote à l’angoisse de ne pas être. Jongleur, funambule, illusionniste pour encore plus de réalisme, tel est le paradoxe trompeur de celui qui voulait « réussir ses tours comme le font les artistes du trottoir », avec la lucidité pudique d’un artiste malgré lui. Doisneau est allé partout et a exploré la vie quotidienne de la France de son époque. S’il répondait avec plaisir aux commandes pour photographier les vedettes comme Charles AznavourGeorges Brassens ou encore Juliette GrécoRobert Doisneau n’a jamais perdu son âme d’humaniste, touché par des enfants qui jouent dans la rue. Vers la fin de sa carrière, Doisneau réalise les portraits de célébrités telles qu’Alberto GiacomettiJean Cocteau et Pablo Picasso. Il est fait Chevalier de la Légion d’honneur en 1984. 


En 1994, quelques mois après sa disparition, le festival des Rencontres de la photographie d'Arles, lui rend hommage. 

« Suggérer, c'est créer. Décrire, c'est détruire. » Robert Doisneau 




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