LE PRIEURÉ
À partir de 1978, la vie de Gabriel Godard prend une direction nouvelle. Il s’éloigne de Pornic. Une nouvelle fois, il trouve le dépaysement et le calme dont il a besoin pour lui comme pour son œuvre dans la vallée de la Loire qui toujours lui est apparue comme un espace préservé de l’agitation.
À quelques kilomètres d’Ancenis, entre Nantes et Angers, un ancien prieuré délabré et triste, élève ses murs lézardés à l’ombre d’une tour dévorée par le lierre, dont on ne sait si la ruine est l’effet des siècles ou de l’illusion voulue par un châtelain voisin, épris de romantisme. Au pied de la tour, à cent mètres du Prieuré du Bernardeau, le fleuve royal, la Loire s’étire argentée sous le soleil entre les longues grèves de sable que son cours par une lente érosion a effilées. Tout à l’entour, des pairies dont l’herbe épaisse est livrée aux troupeaux et des vignes dont les alignements réguliers frémissent sous le vent léger.
Le peintre est immédiatement séduit par l’ampleur du paysage, modelé jusqu’à l’horizon par les ondulations douces des coteaux. Ce panorama n’est pas très différent de celui que découvre sur l’autre rive, à Saint-Florent-le-Vieil, distant de quelques kilomètres, l’écrivain Julien Gracq. Homme de solitude lui aussi, il a consacré d’admirables pages à ce pays ligérien qui depuis la Renaissance n’a cessé d’inspirer poètes et artistes.
La maison manque de confort. Elle fera l’objet de réfections et d’aménagements. Ainsi, Gabriel Godard se fixe-t-il au Bernardeau qu’il transformera au fil des années pour en faire une demeure élégante et accueillante, dont les façades blanchies mettent bientôt en valeur la verdure et les floraisons d’un jardin s’étageant sur deux niveaux.
Au vieux logis sombre il donne un aspect méditerranéen. Ouvrant de hautes portes-fenêtres reposant les cloisons et les murs, il fait pénétrer la lumière dans toutes les pièces qu’il a voulues vastes et uniformément blanches. Les toiles nombreuses apportent la couleur, les couleurs - conviendrait-il de dire - qui sont celles de Gabriel Godard et dont l’éclat est souligné par l’ébène sombre de statuettes africaines qu’il réunit en collection.
Plus que tout autre, ce cadre de silence et de sérénité est favorable au travail et à la création. Le peintre aime l’atmosphère vibrante des premières heures du jour. Levé tôt, souvent avec le soleil, il s’isole dans son atelier, immense pièce aux murs et au sol blancs, ouverte au premier étage à la lumière du nord par de larges baies. « Lorsque je sens, dit-il, que j’ai quelque chose à dire, sur une toile… je n’en connais pas la forme mais je sais, curieusement, que cela ne pourra s’inscrire que sur une surface donnée ».
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