L'OCÉAN

La facture de l’art de Gabriel Godard, nous le voyons, ne cesse d’évoluer. Durant cette période éclairée par la lumière de l’Anjou, paysages et personnages viennent à conjuguer leurs formes à tel point que la courbe tend à se libérer, à évoluer peu à peu pour son propre compte, à devenir une sorte d’écriture. Le peintre explique lui-même cette insensible transformation : « Une certaine turbulence apparaît dans les mouvements comme si le dessin devenu plus gestuel voulait renier son appartenance au monde réel ».


Puis à nouveau, il éprouve le besoin de pénétrer un autre univers, resurgi de ses souvenirs d’enfance : la mer. En 1966, il découvre à Pornic, sur la côte Atlantique, au sud de la Loire, une étonnante propriété. Cette espèce de folie construite au XIXe siècle, flanquée de tourelles d’angle et de créneaux, s’élève face à la mer au milieu des sapins, des chênes verts et des rochers de la Noëveillard.


L’océan, avec ses mouvements de houle, ses bouillonnements, ses grèves, ses galets, va entrer dans ses toiles. Il y a aussi le vent et le murmure continu des vagues qui apportent une dimension sonore à cette nouvelle vie, éléments intraduisibles dans l’expression picturale mais qui amplifient l’importance des formes en mouvement que pour la première fois il va représenter ; des formes « dont il ne connaît pas encore l’architecture, mais qu’il prend toutes en bloc, tant il sent le besoin de les faire siennes ».


C’est dans ce cadre exceptionnel et romantique, où de l’automne au printemps il vit une quasi solitude, que son art va trouver un peu plus de dépouillement. À la lumière douce, colorée des nuances du bocage angevin, succède dans ses toiles - presque toujours de grand format - une lumière dure et blanche qui semble communiquer aux couleurs qu’elle éclaire, une tonicité d’air marin. Progressivement, elle va devenir elle-même élément et s’imbriquer dans la construction des formes.


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