DISTINCTIONS

Avec l’esprit positif qui est un trait de son caractère, le jeune Gabriel perçoit que la peinture est une vocation dévorante et exclusive qui non seulement n’enrichit pas, mais qui impose surtout à ses jeunes pratiquants de grands sacrifices. Il lui faut donc trouver une activité qui lui laisse avec la liberté d’esprit, une certaine disponibilité de temps qu’il consacrera à son  art. Il devra aussi avoir l’assurance de rester dans la capitale où musées et galeries lui permettront de satisfaire son appétit de connaissances artistiques.


Cette activité, il la trouvera curieusement au Régiment de Sapeurs Pompiers de Paris où il s’engage pour une durée de trois années. Naturellement robuste, peu rebuté par l’effort physique, sportif d’esprit et de tempérament, il effectue sans rechigner l’année d’instruction, généralement considérée comme une période de formation éprouvante. Il participe ainsi à quelques opérations périlleuses avant d’être affecté à l’état-major. Le service qu’il assure par la suite à la Caserne Champerret où lui sont confiées des tâches administratives, lui permet d’organiser sa vie et de consacrer ses temps de repos à la peinture.


Dans le minuscule atelier aménagé dans l’appartement de ses parents venus le rejoindre à Paris, il peint avec une véritable frénésie. « Comme un fou » déclare-t-il lui-même. Ne dormant que cinq heures par nuit, il lui arrive de faire cinq ou six toiles en une journée. Ce qui l’inquiète, c’est de ne pas trouver une homogénéité, une continuité dans ce qu’il produit. Aussi, se fixe-t-il une ligne de conduite dont il s’efforcera de ne jamais s’écarter : rechercher l’essentiel.


En se référant à son seul jugement, il parvient à maîtriser le trop plein d’idées picturales qui jaillit chaque fois qu’il saisit un pinceau. Et, c’est en 1957 sa première exposition à la Galerie Guénégaud. Il y manifeste un esprit d’analyse qui s’appuie sur un dessin solide. Les formes s’emboîtent les unes dans les autres selon des rythmes cubistes. La couleur cernée par le trait apparaît souvent en facettes.


La même année 1957 lui réserve d’autres satisfactions. Coup sur coup lui sont attribués le Prix de Fontainebleau, le Prix de la jeune Peinture de Cannes et le Prix Fénéon, l’une des distinctions les plus prestigieuses pour un jeune artiste puisque l’on compte parmi les membres de son jury des personnalités telles que Georges Besson, qui plus tard fera don de sa collection à l’État, et Louis Aragon.

Kischka en parlera, d’ailleurs, comme d’un Goncourt de la Peinture.

C’est à la caserne Champerret, entre deux appels téléphoniques d’incendie, qu’il apprend la nouvelle. Et, comme la secrétaire de la Fondation Fénéon le félicite en lui disant que c’est une consécration de carrière, il n’ose pas lui indiquer son âge. Il a vingt-quatre ans.


Cette réussite attire l’attention de la Galerie Romanet dont l’objectif est de posséder la meilleure équipe de jeunes peintres. Elle lui propose un contrat. Mais pas plus que le Prix des Jeunes Espoirs qu’il reçoit l’année suivante dans le cadre de la célèbre Triennale de la Jansonne, elle ne le détourne de ses efforts vers une forme d’expression plus forte et plus purifiée.


1958 lui apporte un autre couronnement. Il est admis à l’Exposition des Peintres Témoins de leur Temps qui réunit au Palais Galliéra les plus grands talents autour du thème « Les Parisiennes » et que préside cette année Kischka. Il est le cadet des exposants de ce prestigieux salon où avant lui, un seul peintre a été admis à vingt-cinq ans : Bernard Buffet. On l’y verra auprès de Foujita, l’aîné, dédicaçant le catalogue de cette manifestation, à laquelle il participe encore en 1959, 1960 et 1961.


Le « Paysage Breton », l’un des tableaux remarqués à l’exposition qu’il présente à la Galerie Carlier, illustre cette période qui de 1957 à 1959 constitue une transition entre les recherches et l’art progressivement épuré qui sera le sien à partir de 1960.


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